Le
sort surréaliste des enfants
nés d’une erreur de GPA ou de PMA/Source
Aleteia
Tomsickova Tatyana |
Shutterstock
Blanche Streb - publié
le 20/06/22
De bien tristes histoires que celles de ces enfants abandonnés à la suite d’une erreur dans le processus de GPA ou de PMA. Docteur en pharmacie, Blanche Streb observe que ces situations montrent aussi que le lien génétique ne peut être balayé comme ne comptant pour rien.
Voici des faits qui donnent à penser. Un couple d’américains —
ne parvenant pas à avoir d’enfant — en commandite un par l’intermédiaire d’une
gestation pour autrui, tolérée dans certains États des États-Unis. L’homme et
la femme fournissent les gamètes qui servent à la conception par
fécondation in vitro de l’embryon, implanté dans l’utérus d’une autre
femme, une « mère porteuse ». Mais à la naissance, voilà qu’un grain
se glisse dans les rouages de cette « aventure humaine », comme la
qualifient onctueusement les promoteurs de cette pratique. Lorsqu’ils
découvrent le visage du petit bébé, ils trouvent qu’il dénote, qu’il a un petit
air asiatique alors qu’eux-mêmes sont blonds aux yeux bleus. Dans le doute, ils
réalisent un test génétique. Verdict : la femme est bien « mère
génétique » mais l’homme n’est pas le père. Enquête. Effectivement,
quelqu’un a fait une erreur dans la clinique et a utilisé un échantillon de
sperme d’un autre homme.
Un
troc saisissant
Dans la tourmente de cette « mésaventure humaine »,
le couple partage son émoi sur les réseaux sociaux, et jusqu’à leur
choix : abandonner le bébé ! Ils ont organisé et financé sa venue au
monde, elle est mère génétique, ils formaient en couple se présentant comme
désespéré car n’ayant pas d’enfant. Et malgré cela, ils annoncent remettre le
bébé à l’adoption…
Ces
faits-divers sinistres — comme savent en engendrer les désirs tout puissants,
servis par la technique et poussés par son compère, le marché — se multiplient.
Un mot me vient ici à l’esprit : « surréaliste ».
Intéressant de penser aux deux sens de cet adjectif :
« impensable » ou « relatif au surréalisme », ce courant
littéraire et artistique du début du XXe siècle visant à libérer la création de
toute contrainte et de toute logique, et pouvant utiliser l’absurde et
l’irrationnel… Ces faits-divers sinistres — comme savent en engendrer les
désirs tout puissants, servis par la technique et poussés par son compère, le
marché — se multiplient. Il y a quelques mois, un autre couple californien avait aussi réalisé,
plusieurs mois après la naissance de leur fille, que la banque de gamètes avait
commis une erreur. Un échange d’embryons s’était produit avant l’implantation.
Deux filles étaient nées, dans deux familles inversées. L’un des couples avait
fini par entreprendre des tests ADN car le père trouvait que leur fille ne leur
ressemblait pas du tout. Les deux familles se sont rencontrées, et après
quelques temps, ont décidé d’échanger leurs enfants, âgés d’un an. Un
« troc » pour le moins saisissant…
Si
l’enfant est un dû
Il est un paradoxe à relever. Dans ces deux affaires,
l’importance majeure accordée au lien génétique conduit deux couples à échanger
leurs enfants et l’autre couple à abandonner l’enfant, car le patrimoine
génétique qui les unit ne s’avère être qu’à demi. Je relève aussi toute la
fragilité du concept de « mère d’intention », souvent mis en avant
dans les cas de gestation pour autrui. La femme qui n’a pas attendu, porté et
mis au monde l’enfant se révèle capable de l’abandonner, alors même qu’elle
désire plus que tout un enfant. Même s’il y a, entre elle et lui, ce fameux
lien génétique. Mais ce bébé n’est pas celui de son conjoint et il ne
correspond pas à leur projet initial, à la conception mentale qu’ils s’en sont
fait pendant que la conception artificielle se bricolait. On voit bien à quoi aboutit
la logique même de la gestation par autrui. Elle s’organise autour d’un
« projet », une succession d’étapes de production avec différents
maillons et des cases à cocher. Ici, l’enfant est vu comme un dû, certes
attendu, mais pas comme réponse à une attente « pour lui-même ». Il
dévie du projet ? Alors, il n’est pas accueilli. L’intention d’avoir un enfant
peut muter en intention de ne pas avoir cet enfant.
"
La fabrication de la vie à tout prix ne cesse de montrer ses limites. Quant au
prix à payer, passé sous silence, il le sera toujours par l’enfant ".
Ces situations montrent aussi que, même si la filiation ne
peut se résumer à la biologie (pensons aux adoptions), le lien génétique ne
peut être balayé comme ne comptant pour rien, ou n’étant qu’une simple idée. Et
cela est vrai dans les deux sens, pour les enfants aussi. Il y a cinquante ans,
le don de sperme a été autorisé. Les enfants ainsi nés sont adultes
aujourd’hui. Beaucoup témoignent de leurs questionnements existentiels, de leur
quête insatiable pour découvrir de qui ils sont nés : quel est son visage, son
âge, son métier ? Pourquoi avoir donné ? Ai-je des demi-frères et sœurs ? Ils
ont même créé des associations. On a pensé, à leur place, que naître d’un don
anonyme était sans conséquence. On avait tort. Cette réalité a même conduit le
Parlement à changer la loi bioéthique en 2021 pour supprimer l’anonymat du don.
Mais la loi n’a pas remis en question le fondement du problème, juste une
partie de ses conséquences. Finalement, la fabrication de la vie à tout prix ne
cesse de montrer ses limites. Quant au prix à payer, passé sous silence, il le
sera toujours par l’enfant.