XXXVI
Rencontre internationale pour la Paix
Sant'Egidio
Vers
une Pâques commune ?
Par le Métropolite Joseph
Évêque Orthodoxe
métropolitain, Patriarcat de Roumanie
Pour l’Église orthodoxe, la question du calendrier en général
et celui de la célébration de la date de Pâques à une date commune revêtent une
importance particulière, car au niveau panorthodoxe, il existe différentes
approches relatives au calendrier et une décision à cet égard pourrait avoir
des implications majeures dans la manifestation de l’unité de l’Église.
La IIe Conférence Panorthodoxe Pré-synodale (Chambésy 1982)
est parvenue à un accord sur certains points importants à ce sujet, déclarant
que la question du calendrier dans son ensemble est « au-delà de l’exactitude
scientifique, une question de conscience ecclésiale de l’Orthodoxie une et
indivise, dont l’unité ne doit d’aucune manière être troublée ». Il a également
été déclaré que « toute révision – en vue d’une plus grande précision dans la
détermination de la date de Pâques, que nous célébrons en commun depuis des
siècles – doit être reportée au moment opportun où Dieu le voudra, sans
troubler l’unité de l’Église. Le problème du rapport au calendrier et des
opinions qui s’y réfèrent, ainsi que des situations difficiles qui se sont
créées, ne doivent aucunement conduire à des divisions, des divergences ou des
schismes ».
Bien que cette Conférence ait souligné la nécessité d’informer
le plus systématiquement possible les fidèles de chaque Église orthodoxe
locale, afin que l’orthodoxie puisse avancer « avec une largeur d’esprit et de
cœur, sur le chemin de la réalisation commune – dans l’acribie (exactitude) et
en même temps dans la fidélité à l’esprit et à la lettre de la décision du Ier
Concile œcuménique – vers une célébration commune de la plus grande fête
chrétienne », jusqu’à présent on ne peut pas parler de l’existence d’un
consensus pour avancer vers ce but.
Même si dans de nombreuses Églises orthodoxes autocéphales il
y a une prise de conscience de la nécessité d’identifier une solution pour la
célébration commune de la Pâque, pour tous les chrétiens, il est évident qu’il
faut faire preuve de beaucoup d’équilibre et de patience, afin de ne pas
risquer d’adopter une solution au niveau interchrétien – fût-elle accompagnée
d’arguments scientifiques irrévocables – qui provoquerait des divisions et des
schismes plus profonds encore que ceux que nous connaissons actuellement.
Les témoignages canoniques relatifs à cette question (le
premier canon d’Antioche et le septième canon apostolique) soulignent
l’importance de préserver l’unité concernant la célébration pascale,
conformément aux canons établis lors du premier Concile Œcuménique. En même
temps, les canons 34 et 51 du Concile de Cartage montrent que l’établissement
de la date de Pâques est un problème qui concerne toute l’Église et que pour
cette raison la date de Pâques doit être établie dans un cadre synodal.
Malheureusement, le retrait de la question du calendrier de l’ordre du jour du
Saint et Grand Synode de l’Église orthodoxe a prouvé le fait que, pour le
moment, il n’est pas possible de parvenir sur ce point à un consensus
raisonnable.
À l’heure actuelle, les Églises orthodoxes assument le
principe établi lors de la Conférence Panorthodoxe de Moscou de 1948 où une
solution de compromis a été adoptée en vue de maintenir l’unité. Il fut alors
décidé que toutes les Églises orthodoxes célébreraient la Pâque à la même date,
le dimanche, mais pas en même temps que la Pâque juive, conformément à la
manière alexandrine du calcul de la date de Pâques qui répond dans une large
mesure aux exigences de l’Église.
Il est encourageant de constater que certaines Églises
autocéphales ont avancé vers une compréhension plus profonde de cette question
et aient participé à plusieurs réunions qui abordèrent la question de la
célébration commune de Pâques : l’une s’est tenue en 1997 à Alppo sous l’égide
du Conseil Œcuménique des Églises et du Conseil des Églises du Moyen-Orient et
eut une importance majeure. À cette occasion, la situation est parvenue à la
reconnaissance des différences entre les calendriers julien et grégorien par
rapport aux dates astronomiques, et il a été jugé nécessaire de maintenir la
norme de Nicée selon laquelle la sainte Pâque devait se tenir le premier
dimanche après la pleine lune après l’équinoxe de printemps. Il a également été
proposé de calculer les données astronomiques, l’équinoxe de printemps et la
pleine lune, sur une base scientifique, en prenant comme point de référence le
méridien de Jérusalem (lieu de la crucifixion du Seigneur Jésus Christ). À
cette occasion, une deuxième recommandation a été faite, exhortant les Églises
à se pencher sur la question du calendrier pendant une certaine période, afin
de prendre une décision au moment opportun, compte tenu des principes proposés.
Il est évident qu’en ce moment dans l’Église orthodoxe, il n’y
a pas de consensus relatif à la modification de la manière d’établir la date de
Pâques, de sorte que nous pouvons espérer l’établissement de certains principes
qui conduiront à une célébration commune avec tous les chrétiens en modifiant
la manière de calculer le jour de la fête de Pâques.
Compte tenu du principe biblique : « Le sabbat a été fait pour
l’homme, et non l’homme pour le sabbat » (Marc 2, 27), il serait souhaitable
qu’au niveau des Églises chrétiennes soit évalué dans quelles conditions une
célébration commune de Pâques pourrait être atteinte, sans mettre en péril
l’unité existante au sein des différentes confessions.
Si nous convenons que pour les chrétiens, le calendrier est un
moyen par lequel nous disposons d’un cadre pour organiser la vie de l’Église,
la pastorale et la mission, et qu’il n’est pas une fin en soi, de notre point
de vue, le temps que d’éventuels changements puissent être assumés au niveau
panorthodoxe, nous pensons qu’une proposition qui pourrait conduire à la
réalisation rapide d’un tel objectif serait que pendant une période que nous
souhaitons la plus courte possible, toutes les confessions chrétiennes
utilisent pour instaurer la célébration de Pâques, la manière alexandrine du
calcul pascale , utilisée par l’Église orthodoxe, ménageant ainsi l’unité de
l’Orthodoxie pour l’instant insuffisamment préparée pour accepter une réforme
dans le domaine de l’établissement de la date de Pâques. Arrivant ainsi à une
célébration commune de la Résurrection du Seigneur, nous sommes convaincus que
nos prières feront que les cœurs tourbillonnants pourront également assumer ou
intégrer, quand Dieu le voudra, une réforme adéquate de l’établissement de la
date de Pâques, afin que la Décision du premier Concile Œcuménique soit mise en
valeur ou en application par le respect des résultats scientifiques qui
établissent les données astronomiques permettant de déterminer la date de
Pâques.