jeudi 29 décembre 2022

 

Kiev : Le berceau de la Sainte Russie

 





La première organisation ecclésiastique de la principauté de Kiev :

Peu après le baptême de Vladimir, sa principauté est dotée d’une organisation ecclésiastique et le statut hiérarchique des premières décennies de l’Église russe a été diversement interprété. Probablement peu après 987, l’empereur Basile II confie la direction de la métropole nouvellement fondée au métropolite grec de Sébaste. Le nouveau métropolite de Kiev a sous ses ordres quatre ou cinq évêchés suffragants : Belgorod, près de Kiev, Novgorod, Tchernigov, Polostk et peut être Perieslav-Rousski, ce qui témoigne d’une importante expansion du christianisme au sein de la population slave à l’époque de la conversion de Vladimir. Rappelons que la Russie avait connu une première vague de christianisation sous le patriarche de Constantinople Photius, vers le milieu du IXe siècle, à laquelle fait allusion l’ordonnance juridique attribuée à Vladimir. A propos du choix et de la création des premiers sièges épiscopaux, notons que les cathédrales des grandes villes de Kiev, Novgorod et Polostk se réclament du patronage de Sainte Sophie, c’est a dire Sagesse Divine, comme à Constantinople. Dans la petite ville de Belgorod, on construit une église des Saints Apôtres , patronage qui est celui également d’une célèbre église à Constantinople . Vladimir fait fortifier la ville de Belgorod , attestée dans les chroniques russes à partir de 980, et il séjourne volontiers dans cette ville avec sa cour. De plus, sa situation sur le fleuve Irpen vaut à la ville une grande importance stratégique pour le défense de Kiev contre les attaques des Petchenègues. Ces similitudes avec Constantinople montrent que Vladimir , comme le Roi Boris en Bulgarie , s’efforce à copier , la magnificence ecclésiastiques de la ville impériale. Ces signes extérieurs fournissent aussi une nouvelle preuve de la dépendance de la métropolie russe à l’égard du patriarcat de Constantinople, même si on l’a souvent mise en doute, d’autant plus que les anciennes chroniques russes font état, pour la première fois, d’un métropolite de Kiev en 1039.


Le Métropolite Hilarion , premier prince de l’Eglise Russe :

Les successeur du métropolite Théophylacte, titulaire du siège de Kiev, seront eux aussi d’origine grecque, jusqu’à ce que le grand prince Iaroslav le Sage intronise Hilarion, premier métropolite d’origine russe, contre la volonté du patriarche Michel 1er Cérulaire, en 1051. Le texte de la Chronique de Nestor, dans sa concision ne laisse rien transparaitre des motivations qui ont conduit à faire ce pas : « En l’an 1051 Iaroslav institue Hilarion, un Russe, métropolite de Sainte Sophie, après réunion des évêques« . Le métropolite en Russie était institué par ses évêques. Sous Iaroslav, fils de Vladimir et neveu de Sviatoslav, il y eu des conflits et désaccords avec les Grecs. Aussi Iaroslav tint-il conseil avec ses évêques russes qui se réclamaient de la sainte législation et des canons des Apôtres : « Que deux ou trois évêques en instituent un autre par imposition des mains » (1er canon des Saints Apôtres). « Et conformément à cette sainte législation et au canon des divins Apôtres, les évêques russes se réunirent et instituèrent Hilarion, un Russe, métropolite de Kiev et tout le pays russe ; ce faisant, ils ne se coupaient pas du patriarche orthodoxe ni du respect de la loi grecque, pas plus qu’ils n’agissaient orgueilleusement, après avoir été institués par le patriarche, mais ils évitaient les dissensions et les mauvaises actions« , selon les chroniques de Nikon au XVIe siècle. Hilarion était un prêtre attaché à l’église des Saints-Apôtres à Berestovo, une résidence princière proche de Kiev ; il se retirait volontiers dans une grotte au bord du Dniepr, la où Antoine, le moine Russe du Mont Athos, fondera plus tard le monastère des Grottes ou laure de Kiev.

Saint Hilarion de Kiev

Le monastère des Grottes de Kiev centre spirituel de l’ancienne Russie :

A la différence de la plupart des fondations monastiques russes ultérieures, le monastère des Grottes de Kiev ne doit pas son existence à l’initiative d’un prince qui à titre de fondateur, pouvait ensuite mesurer le pouvoir spirituel du monastère à des fins politiques ou dynastiques ; il doit son existence à l’ermite Antoine qui s’y établit peu après 1051 ; et par la suite il bénéficia de la charité des boyards et des marchands. Antoine était originaire de la ville de Lioubetch, près de Tchernigov, résidence princière sur l’abrupte rive gauche du Dniepr. Nous ne savons presque rien de la vie d’Antoine le fondateur ; sa biographie, rédigé en 1080, est perdue depuis le XVIe siècle. Nous ignorons où Antoine a puisé son expérience monastique. A sa mort, en 1072/1073, le monastère des Grottes, fondé « dans les larmes , le jeune et la prière« , est devenu important le centre spirituel de l’ancienne Rus. Depuis 1070 environ, les moines y suivent la règle monastique de Théodore le Studite. Dès sa fondation le monastère des Grottes jouit d’une indépendance inhabituelle à l’égard des métropolites de Kiev, bien que canoniquement il ne soit pas un monastère stauropégial, le starets de la laure des Grottes prend rang d’archimandrite. Les biographies de célèbre ascètes du monastère des Grottes sont consignée dans le Paterikon de Kiev, un recueil d’œuvres littéraires de différend auteurs et de différentes époques, de différents genres littéraires, aussi relatives, au monastère et à ses moines.


Laure des Grottes de Kiev

La métropolite de Kiev entre politique de puissance et politique ecclésiastique :

Bien qu’en 1043, au cours d’une campagne qui leur a fait franchir les frontière du Danube et attaquer la capitale Constantinople, sur le chemin vers la mer, les Russes aient subi une défaite, cette époque est sous le signe de l’éveil d’une conscience propre de la principauté de Kiev face à Byzance. Il n’est donc pas étonnant que Iaroslav ait ainsi saisi la première occasion venue pour affirmer également son autonomie sur le plan ecclésiastiques. Il ne convient pas non plus de se rapprocher du schisme de 1054 entre Rome et Constantinople qui, canoniquement n’a jamais eu lieu. D’une part l’Église romaine, n’a pas purement et simplement condamné l’Église de Constantinople ; d’autre part, l’intronisation d’Hilarion, même si elle est conforme au droit canonique, n’a pas représenté une rupture sérieuse entre le métropolite russe et son Église mère. Le métropolite russe de Kiev dépendait dès le début, depuis l’époque de Vladimir, du patriarcat de Constantinople, et pas seulement depuis 1039, comme on l’a souvent prétendu à tort. Les recherches historiques les plus récentes ne voient-elles pas aussi en Iaroslav le Sage, le grand promoteur de la culture russe, le meurtrier de ses frères Boris et Gleb pour motifs de politique de puissance ; par la suite il encouragera leur culte, sans doute la encore pour des raisons politiques de puissance et de politique ecclésiastique. Les alliances scellés par des mariages témoignent également d’une froide visée politique. Vers 1044 séjournent à Kiev des plénipotentiaires Français qui réussissent à négocier le mariage entre le roi Henri1er et Anne la fille de Iaroslav. Peu avant 1053, à l’époque donc ou n’étaient pas apaisées les tensions ecclésiastiques entre Kiev et Constantinople, Vsévolod, le fils de Iaroslav, épouse Maria, fille de l’empereur byzantin Constantin IX Monomaque. Après la mort de Iaroslav en 1054, on revient à l’ancien mode d’intronisation du métropolite, à la suite de quoi Hilarion offre sans doute sa démission. Dès 1055, il est fait mention, comme métropolite de Kiev, du Grec Ephraïm, qui occupait auparavant un poste important à la cour de Byzance. A cet époque, sous le grand prince Iziaslav Iaroslavitch, le monastère des Grottes de Kiev connait un premier apogée sous l’abbé Théodose. En l’espace de soixante-dix ans, Rostov et Vladimir (Volhynie) sont érigés en évêchés.


Le Mariage entre Henri 1er et Anne de Kiev pour l’alliance Franco-Russe

Les métropolites et les princes :

Les relations entre les métropolites de Kiev et les princes régnants n’ont pas toujours été parfaitement sereines. Le métropolite Nicéphore adresses deux admonitions écrites, rédigée en grec, au prince Vladimir Monomaque sur la maitrise des sens du jeune, tandis que le Métropolite Michel 1er, lui aussi d’origine grecque, se trouve mêlé aux querelles entre l’ainé des princes de Kiev et ses frères. Ses tentatives de conciliation le conduisent un temps en prison. En 1145 Michel se rend en visite canonique à Constantinople et renonce, en raison des difficultés rencontrées à Kiev, à ses fonctions de métropolite. Après une brève vacance du siège, on confie pour la seconde fois la direction de l’Église de Kiev à un clerc d’origine russe, en la personne de Klim Smoliatitch. Le texte du chroniqueur rappelle l’intronisation d’Hilarion un siècle auparavant : « En l’an 1147 Iziaslav institua le moine Klim, un Russe, métropolite autonome avec six évêques« . Une tentative avec la tradition de la nomination du métropolite russe a été tenté par le patriarche de Constantinople. Les titulaires du siège métropolitain de Kiev avait dans ses rangs des Russes et des Grecques ce qui va créé des tensions à l’avenir avec les princes Russes et les patriarches pour les prétentions canoniques pour installer leur propre métropolite.

Le désastre de 1240 :

La IVe croisade, avec la prise de Constantinople en 1204 et l’installation d’un « empire latin« , conduisent l’empereur et le patriarche byzantins en exil à Nicée. Voila qui n’est évidemment pas sans conséquence pour la métropolie russe qui va au devant de temps difficiles avec les invasions tatares. Nous ne savons pas avec certitude si Joseph, le métropolite de Kiev d’origine Grecque, qui avait été envoyée de Nicée par le patriarche germain III, trouva la mort comme victime de la conquête et du sac de Kiev par les Tatars ou s’il a trouvé le salut dans la fuite. La même année débutait une vacance de siège de quatre à Nicée : l’Église mère ne pouvait donc guère s’occuper de sa fille en ces temps difficiles. Sera ensuite une longue période d’asservissement politique et d’oppression spirituelle de la Russie : « En cette même année 1240, les Tatars prirent Kiev ; ils démolirent l’église Sainte Sophie, tous les monastères, les icônes et les vénérables croix, et pillèrent tous les trésors de l’Église ; ils firent passer par l’épée petits et grands. Ce malheur est survenu avant la fête de la Nativité du Christ, le jour de la Saint Nicolas« .



Le Renouveau de Kiev :

Kiev fut dévastée et perdit finalement son importance en tant que capitale de la Rus’. Après cela, le métropolite Maxim en 1299 (ou 1300) a déménagé sa résidence à Vladimir-on-Klyazma, et en 1325 le métropolite Pierre a déménagé à Moscou, ce qui a considérablement renforcé la principauté de Moscou. Installés à Moscou et soutenant la politique des princes de Moscou, les métropolitains ont continué à porter l’ancien titre de « Métropolitain de Kyiv et de toutes les Rus' ». À Kiev et dans les terres russes occidentales, les métropolitains qui vivaient à Moscou apparaissaient très rarement, car c’était souvent dangereux; Ainsi, le métropolite Alexy, qui visita Kiev en 1358, fut arrêté sur ordre du grand-duc Olgerd , son trésor fut pillé, et le métropolite lui-même réussit de justesse à s’échapper . Depuis que Kiev n’était plus perçue par les métropolitains comme le centre de l’orthodoxie russe, ils ont exporté diverses valeurs d’église d’ici à Moscou chaque fois que possible. Ainsi, ils se sont même plaints du métropolite Photius qu’il « transfère maintenant tous les ornements et navires de l’église à Moscou, et crée tout Kiev vide avec de lourdes taches . En 1596, l’épiscopat de la Métropole de Kiev (Russie occidentale) accepta l’union avec l’Église de Rome , conservant le service de la tradition liturgique byzantine dans l’ Église slave . Vient ensuite la hiérarchie de la Métropole gréco-catholique de Kiev ( Église russe uniate ) avec le maintien du titre de métropolite de Kiev, de Galice et de toute la Russie et l’existence non hiérarchique de l’ eglise orthodoxe dans les terres de Russie occidentale (dans les territoires non contrôlés par le tsarisme russe) jusqu’à la restauration de la métropole orthodoxe de Kyiv en 1620, lorsque les métropolites orthodoxes de Kyiv recommencèrent à porter le titre de métropolite de Kyiv et de toutes les Rus’.

Les dirigeants de la Russie tsariste ont non seulement aimé Kyiv, mais ont pris soin de sa splendeur, comme il sied aux pouvoirs orthodoxes en place, n’ont pas oublié une minute le rôle exceptionnel de la «mère des villes russes» dans le destin du monde orthodoxe.

L‘apogée de la vie spirituelle de Kyiv est survenue à une époque où elle était placée sous le patronage du royaume moscovite, puis de l’empire russe. Le déclin et la dégénérescence de la spiritualité sont liés, tout d’abord, à la période soviétique dans l’histoire de la capitale de l’Ukraine. Cependant, peu importe à quel point les autorités athées ont essayé d’éradiquer tout ce qui était lié au christianisme, il s’est avéré être plus fort que les athées. Désormais patron de Kyiv, l’archange Michel protège à nouveau cette ville antique de toutes sortes de malheurs. L’image de l’archange Michel sur les armoiries de Kyiv rappelle l’époque où Kyiv est devenue une partie de l’État russe.

Kiev était aimée dans la maison impériale russe. Presque tous les souverains, grands-ducs et grandes-duchesses se sont rendus à Kiev, et beaucoup d’entre eux plus d’une fois. Certains souverains y voyaient même non seulement la « Jérusalem de la terre russe« , mais aussi la capitale potentielle de l’État, rêvant de la déplacer des rives de la froide Neva vers les rives du chaud Dniepr. Cette idée n’a cependant pas été couronnée de succès – en raison de son coût élevé.

Il existe également une version sur la motivation eschatologique de cette phrase. Les chercheurs prêtent attention au fait que la «mère des villes» dans les textes russes anciens s’appelait Jérusalem, à propos de laquelle l’expression «mère des villes russes» peut être interprétée comme «nouvelle Jérusalem». Ainsi, on suppose que la phrase attribuée par les moines au prince Oleg proclame Kiev non seulement la capitale de la Russie, mais le centre de tout le monde sauvé par Dieu.



« Ensemble avec l’église Chrétienne, la mères des villes,

 Kiev sauvée par Dieu .  »

 Louange au prince Konstantin de Mourom

Source : Citations Orthodoxes