jeudi 22 novembre 2018



L’ECCLESIOLOGIE ORTHODOXE

INTRODUCTION


On ne saurait en aucun cas définir l’Eglise Orthodoxe en lui appliquant le qualificatif d’"orientale". Du seul point de vue historique, l’Eglise de Dieu a toujours été universelle, c’est-à-dire, susceptible de s’adapter à toutes les cultures. Comme la grande Ville du passé antique et médiéval, Constantinople, l’Orthodoxie a été et demeure la porte qui mène de l’Orient à l’Occident, de l’Occident à l’Orient, du Septentrion au Midi, et du Midi au Septentrion.

Elle a conservé toutes les valeurs culturelles qu’elle trouvait utiles, que ce fût dans le monde romain, l’hellénisme, le judaïsme, chez les Perses, les Slaves ou les Africains. L’Orthodoxie est la religion de saint Patrick et de saint Alban, de saint Anschaire et saint Wenceslas, de saint Hilaire de Poitiers et saint Paulin de Nôle, de saint Basile le Grand et saint Athanase d’Alexandrie, de saint Isaac et de saint Ephrem, de saint Cyprien et de saint Moïse l’Ethiopien, de saint Nil Sorsky et de saint Pierre l’Aleu.

L’Orthodoxie est la Foi universelle, la Foi du ciel et de la terre. Ceux qui lui sont étrangers ne peuvent pas la comprendre véritablement, quoi qu’ils puissent trouver d’attirant en elle. Car, comme le dit saint Hilaire de Poitiers, « la propriété caractéristique de l’Eglise est qu’elle ne devient compréhensible que lorsqu’on l’adopte » (Sur la Trinité, 8,4). On ne saurait l’étudier comme aucune autre institution historique, quelle qu’elle soit, ni comme aucune autre version du christianisme. Elle dépasse de beaucoup ce qui est observable du point de vue de la vie ou de la pensée, car, comme Son Seigneur, elle demeure dans deux royaumes –le céleste et le terrestre.

Il n’est donc pas vain de consacrer un volume entier de cet ouvrage à la doctrine de l’Eglise (l’ecclésiologie), surtout en cette ère d’œcuménisme, où la conception traditionnelle de l’Eglise perd du terrain au profit d’une idée "syncrétiste " ou relativiste du christianisme. Le commandement donné par le Christ en vue d’une Eglise universelle, se trouve subtilement subverti et remplacé par l’espoir d’une religion mondiale, incluant non seulement toutes les hérésies, mais encore toutes les perceptions du temps et de l’éternité que l’homme ait jamais connues. Cette nouvelle synthèse religieuse, ce processus d’assimilation et, donc, de nivellement, déploie ses efforts pour éliminer jusqu’à la plus petite notion de l’Orthodoxie comprise comme la religion voulue par Dieu pour le salut du genre humain. Du point de vue contemporain, toutes les religions humaines acquièrent une validité du moment qu’elles se trouvent incluses dans la nouvelle vision de Dieu et de l’Histoire. Cette crise ecclésiologique moderne nous incite à réaffirmer l’enseignement inaltérable que la Sainte Eglise Orthodoxe professe sur Elle-même. Certes, le mystère de l’Eglise échappe à toute conceptualisation systématique ; mais nous pouvons néanmoins offrir au lecteur l’enseignement des Ecritures et des Pères de l’Eglise sur ce sujet. De la sorte, le Peuple de Dieu sera à même de voir clairement la différence qui sépare l’Eglise révélée par le Sauveur de la "Tour de Babel" artificiellement édifiée par l’homme d’après la chute. Peut-être aussi ces chapitres aiderons-t-ils ceux qui se trouvent hors de l’enceinte divino-humaine de l’Eglise à découvrir la lumière salvatrice de l’Orthodoxie.

CHAPITRE 1

« Il y a un seul corps et un seul Esprit, comme aussi vous avez été appelés à une seule espérance par votre vocation : il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême… » Ephésiens 7, 4.
L’Eglise Orthodoxe n’est pas une "branche", un "aspect", une "secte", une "dénomination", un "culte" ; elle n’est pas une "religion nationale", ni une "Eglise" parmi d’autres, ni même "l’Eglise la plus véritable ". Elle est l’Eglise du Dieu vivant, l’Eglise Une et unique établie par le Seigneur Jésus pour le salut du genre humain. Elle est le Peuple du Nouveau Testament (Nouvelle Alliance), le « nouvel Israël », « race élue, sacerdoce royal, nation sainte, peuple acquis par Dieu » (1 Pierre 2, 9). Elle est l’accomplissement de ce dont Noé et l’Arche étaient la figure, le « Fils » de Dieu, la Fiancée du Christ, l’Epouse de Yahvé, la « nouvelle Eve », « la Femme enveloppée du soleil, ayant la lune sous ses pieds, et sur sa tête une couronne de douze étoiles » (Ap. 12,1), selon les mots de saint André de Césarée [1]. Elle est la « cité céleste » (Phi. 3,20), « la nouvelle Jérusalem » (Heb. 12, 22-23 ; Gal. 4,26), « le Royaume de Dieu » (Ap. 1,6), « le tabernacle de Dieu avec les hommes » (Ap. 21,3), « le Corps du Christ » (1 Cor. 12), « la Cité de Dieu » et « le siècle à venir » (saint Jean Chrysostome).

L’Eglise Orthodoxe est l’Eglise contre laquelle « les portes de l’Enfer ne prévaudront pas » (Mt. 16,18), « la maison de Dieu, l’Eglise du Dieu vivant, la colonne et l’appui de la vérité » (Tm. 3,15), « édifiée sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus Christ Lui-même étant la pierre angulaire », « temple saint,…demeure du Saint Esprit » (Eph. 2,20-22). Elle appartient de fait à un autre âge, et ses enfants sont « les fils de l’Adam céleste, une race d’enfants engendrés dans le Saint Esprit », comme le dit saint Macaire le Grand, « frères lumineux du Christ, tout comme leur Père, l’Adam céleste et lumineux. Etant de cette cité, de cette parenté, de cette puissance, ils ne sont pas de ce monde présent… » [2]

L’Eglise dite "Eglise Orthodoxe d’Orient" est en vérité l’Eglise Universelle (Catholique), hors de laquelle il n’est point de grâce salvatrice. Il est hors de doute qu’elle a toujours eu cette conscience d’elle-même, quelle que soit l’attitude actuelle de beaucoup de ceux qui se prétendent ses fils et ses filles. Il y a un seul Seigneur, et, en conséquence, une seul foi et un seul baptême par lesquels toute créature rationnelle existant sur cette terre peut entrer dans l’Eglise Une. Les Ecritures et les Pères démontrent unanimement qu’il ne peut y avoir qu’une seule Eglise de Dieu, une seule Eglise au ciel et sur la terre, toujours identique à elle-même, toujours accessible, toujours infaillible. Elle ne se laisse pas diviser en deux parties, d’un côté la vie, de l’autre la pensée ; elle n’enseigne jamais de fausseté, parce qu’elle est divine, ombre de l’éternité dans le temps, temps épousant l’infini.
Les prémisses du présent ouvrage sont les suivantes : l’Eglise Une existe, elle n’est autre que la Sainte Eglise Orthodoxe.
Avant d’aborder le "grand Mystère de l’Eglise ", nous ferons quelques remarques générales préliminaires.

1. L’Incarnation

La Tradition Apostolique décrit communément l’Incarnation du Seigneur, Dieu devenant homme, dans les simples termes d’ « économie » ou « gouvernement ». Comme nous l’avons vu, l’économie divine est le Plan de Dieu pour le salut de Son Univers. Saint Paul fait référence à « l’économie (du Père) pour la plénitude des temps, afin de réunir toutes choses en Lui (le Christ), celles qui sont dans les cieux et celles qui sont sur la terre » (Eph. 1, 10). L’Apôtre comprend ainsi sa tâche : « mettre en lumière l’économie du mystère caché de tout temps en Dieu qui a créé toutes choses, afin que par l’Eglise la sagesse infiniment variée de Dieu se fasse à présent connaître » (Eph. 3,9). Dans la génération suivante, saint Ignace d’Antioche, disciple de saint Jean le Théologien, s’adresse à l’Eglise d’Ephèse, en ces termes : « Notre Seigneur Jésus Christ a été, selon l’économie de Dieu, le fruit du sein de Marie, de la descendance de David » (Lettre aux Ephésiens, 18). Le même évêque fait précéder ses remarques sur le sacerdoce et l’Eucharistie de la promesse d’une autre lettre aux Ephésiens relative à « l’économie par laquelle on devient l’homme nouveau, Jésus Christ, qui est de la famille de David selon la Passion et Résurrection » (Lettre aux Ephésiens, 20).

En d’autres termes, le mystère du Plan divin était caché de toute éternité, avant la création du monde visible, préexistant comme « cité du Dieu vivant », « Jérusalem céleste », et révélée uniquement par l’économie du Seigneur. Le Christ est Celui qui, seul, unit ce qui est au ciel et ce qui est sur terre, et c’est pourquoi Il est « le seul médiateur entre Dieu et les hommes » (1 Tim. 2,5). Il a revêtu « chair de l’Eglise », écrit saint Jean Chrysostome, et a ainsi créé un nouvel être ; « rien n’est égal à l’Eglise » (Homélie, Avant son exil, 2).

L’unité de toutes choses en Christ implique le relèvement de la création déchue, sa libération du démon et sa réintégration auprès de son Père. En retour, le Père « a tout mis sous Ses pieds, et Il L’a donné pour chef suprême à l’Eglise, qui est Son corps, la plénitude de Celui qui remplit tout en tous » (Eph. 1, 22-23). L’Eglise, donc, embrasse toutes les choses créées, visibles et invisibles, les hommes mais aussi les anges. Ainsi, saint Grégoire le Grand (le Dialogue) disait : « La sainte Eglise a deux vies : l’une dans le temps et l’autre dans l’éternité » [3].

La destinée de l’Eglise est de réaliser l’unité parfaite de ces deux « vies », comme des deux dimensions en Christ ; de devenir déifiée comme le Christ après Sa Résurrection. L’Eglise, Son Corps, est le commencement de ce processus ; elle mûrit, devenant la plénitude de Celui qui remplit tout. Présentement, dit saint Ambroise, l’Eglise demeure composée des sans péchés qui sont aux cieux et des pécheurs qui sont sur terre, « et pourtant ils sont une seul Eglise » [4]. Cette unité explique tous ses pouvoirs et ses privilèges.

Quoique de façon imparfaite, l’Eglise est dès maintenant le Corps du Christ. Il est Sa Tête, « sans que nul espace ne les sépare » pour parler comme saint Jean Chrysostome [5]. Leur union est si intime, dit ailleurs le même saint, que saint Paul emploie souvent « le terme d’Eglise pour désigner le Christ… Et il nomme le Christ à la place de l’Eglise, indiquant par là qu’Elle est Son Corps » [6] En d’autres termes, le Christ et l’Eglise forment « une seule Personne » -un seul être nouveau (Gal.3,28)- comme l’époux et l’épouse. Quand son union avec le Christ sera parachevée, elle sera « sans tache, ni ride, ni rien de tel », « sainte et irrépréhensible » (Eph. 5,27).
En ce jour, le Huitième Jour, elle deviendra la pure et incorruptible offrande faite au Père par le Fils qui « s’est livré Lui-même » (Eph. 5,25) pour elle, et elle sera digne de la communion du Saint Esprit et de la participation à la Nature divine. Ayant atteint « l’état d’homme fait, à la mesure de la stature parfaite du Christ » (Eph. 4,13) –étant donc devenue le cosmos transfiguré- l’Eglise alors sera la Cité éternelle de Dieu, Son Royaume à jamais.

2. La Définition de Chalcédoine.
L’ecclésiologie et la christologie sont intimement liées ; elles s’impliquent nécessairement l’une l’autre. Dès les premiers temps de l’Orthodoxie, personne n’a jamais douté que la doctrine de l’Eglise et celle du Christ ne fussent étayées l’une par l’autre. Initialement, toutefois, aucune analyse n’avait isolé ce principe –ni, en conséquence, énoncé la relation entre l’humain et le divin en Christ, et, par là, défini l’Eglise, ses Mystères, le lien de l’âme et du corps, du temps et de l’éternité. Et cela, tout simplement parce qu’aucune hérésie n’avait encore rendu cette tâche nécessaire. Mais enfin, durant le IVème siècle, le Nestorianisme, et, au siècle suivant, le Monophysisme, amenèrent l’Eglise à formuler une définition dogmatique de la relation entre la Divinité et l’Humanité du Seigneur Incarné, et, par voie de conséquence, à préciser la nature de l’Eglise, de ses Mystères et des autres sujets connexes.

Le Concile de Chalcédoine (451), comprenant que la christologie est toujours la clef, le critère et le fil conducteur dans le tissu des dogmes, formula sa célèbre définition christologique des deux nature en Christ (Actes, V) :
-« Ainsi donc, marchant à la suite des saints Pères, nous enseignons, d’une voix unanime, que l’on doit confesser un seul et même Fils, notre Seigneur Jésus Christ, à la fois parfait dans la Divinité et parfait dans l’Humanité, vraiment Dieu et vraiment Homme, le même composé d’une âme raisonnable et d’un corps, consubstantiel au Père selon Sa Divinité, et en même temps à nous selon Son humanité ; semblable à nous en toutes choses, à l’exception du péché ; engendré du Père avant les siècle selon Sa Divinité, et dans le temps né de Marie la Vierge, la Théotokos (Mère de Dieu) selon Son Humanité, pour nous et pour notre salut » ; UN SEUL ET MEME JESUS CHRIST, FILS, SEIGNEUR, UNIQUE ENGENDRE, EN DEUX NATURES, SANS CONFUSION, SANS CHANGEMENT, SANS DIVISION, SANS SEPARATION, SANS QUE L’UNION OTE LA DIFFERENCE DES NATURES (c’est R.P. Azkoul qui souligne), les propriétés de chacune subsistant et concourant à former une seule personne ou hypostase : en sorte qu’il n’est pas divisé ou séparé en deux personnes, mais que c’est un seul et même Fils Unique, Dieu le Verbe, le Seigneur Jésus Christ ; comme les Prophètes de jadis l’ont dit de Lui, comme Notre Seigneur Jésus Christ l’a Lui-même enseigné, et comme la foi des Pères nous l’a transmis.

Appliqué à l’Eglise, cette formule affirme sa nature divino-humaine : elle est véritablement humaine parce que le Christ est Dieu, et véritablement humaine parce que le Christ fut homme « né d’une femme, né sous la loi » (Gal. 4,4). Mieux, l’Eglise est fondamentalement divine, dans l’exacte mesure où il n’y a en Christ qu’une seule Hypostase, l’Hypostase divine.

Elle est « une seule et même Eglise en deux natures »… son aspect invisible, noétique et céleste comprend la Trinité, la Mère de Dieu déifiée, les anges et les saints ; tandis que son aspect visible, rationnel et terrestre inclut tous les membres de la Sainte Eglise Orthodoxe. Ces deux aspects, ces deux dimensions sont unis « sans confusion, sans division, sans séparation, sans que l’union ôte la différence des natures, les propriétés de chacune subsistant et concourant à former » une seule Eglise.

L’Eglise est ainsi le point où le Ciel et la terre se rencontrent ; et nulle part leur conjonction n’est plus parfaite que dans la Divine Liturgie. C’est alors que Dieu et ceux qui L’entourent célèbrent avec Ses enfants qui sont sur terre la réalisation du grand mystère de Son économie. C’est alors que, pour un bref espace de temps, le futur devient présent, le Royaume de Dieu advient sur la terre. Naturellement, tous les Mystères, dans la mesure où ils sont ordonnés à l’Eucharistie comme à leur fin suprême, sont divino-humains. Les rites visibles de l’Eglise ne sont pas seulement pleins de beauté et riches de toute une pédagogie, ils reproduisent le monde divin qu’ils présupposent comme leur type indispensable.

Mais l’Eglise et ses Mystères ne sont pas les seules réalités analogues au Christ ; l’homme et la Nature, créés par le Christ en vue de l’Eglise, sont aussi de telles analogies, comme l’écrit, au 1er siècle, le Pasteur d’Hermas (1, 1,6). Certes, en l’homme, tout est créé, le corps et l’âme semblablement ; mais ce sont là deux aspects d’une seule créature ; de la même façon, l’univers matériel qui entoure l’homme reste lié au royaume spirituel ou noétique dont il dépend : le matériel et le spirituel se tiennent liés comme les deux natures du Christ. Comme le dit saint Maxime le Confesseur : « Le cosmos tout entier est une figure et une image de la Sainte Eglise de Dieu, composé (comme elle) d’essences visibles et invisibles et comportant comme elle unité et diversité » [7]

Enfin, la correspondance entre le visible et l’invisible, « entre ce qui est phénomène et ce qui ne l’est pas » selon les mots de saint Maxime le Confesseur, n’est pas, répétons-le, un simple parallélisme. Platon avait tort de penser que le temps imite l’éternité mais n’a pas de lien avec elle. Ils sont, comme le dit saint Denys dans sa Lettre IX, « entrelacés ». Certes, leur union n’est pas encore parfaite, et ne le sera qu’après le Jugement et la transfiguration ultime de tout l’ordre créé, lorsque, comme le disait un jour saint Jean de Kronstadt, « l’éternité absorbera le temps comme une éponge ». Néanmoins, le Christ a de manière visible, et pour toujours, comblé le fossé entre le temps et l’éternité.


3. La foi infaillible.

La foi de l’Eglise Orthodoxe, qu’elle apparaisse sous forme de dogme dans les saintes définitions, de rite dans les Mystères, de représentation imagée dans les icônes, de chant dans l’hymnologie céleste, qu’elle se manifeste dans la loi et les coutumes de l’Eglise, qui en sont la sage expression, ou dans les Ecritures inspirées de Dieu et infaillibles qui la portent gravée en elles, cette foi, au ciel et sur la terre, est infaillible.

L’Eglise visible, l’Eglise historique, ne peut faillir, non seulement parce que le Saint Esprit ne permettra pas que Son Temple soit souillé ; mais encore, parce qu’elle est inséparable du Ciel. En outre, quelle que soit la gloire du Royaume céleste auquel elle est jointe, l’Eglise historique et sacerdotale est le Corps du Christ. Elle est aussi « la voie, la vérité et la vie » (Jn 14,6), « la même hier, aujourd’hui et éternellement » (Heb. 13,8) et ne peut doc « se laisser entraîner par des doctrines diverses et étrangères » (Heb. 13,9).

Le Seigneur Lui-même a fait don à Son Eglise des dogmes que toute créature doit confesser. Avant Son Ascension vers le Père, Il a commandé à Ses Apôtres : « Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. Amen » (Matt. 28, 19-20). Tout ce qu’Il a enseigné aux Apôtres, l’Eglise enseigne aux fidèles de l’observer. Ceux qui ignorent volontairement ou ne demeurent pas dans « la doctrine du Christ, n’ont pas Dieu », alors que ceux qui la reçoivent et sont fidèles « en toutes choses », possèdent le Père, le Fils et le Saint Esprit (2 Jn 9), au Nom duquel nous devons être baptisés.

L’Eglise n’est pas un caméléon, inconstant et versatile, qui changerait pour s’adapter à son environnement. Elle n’enseigne pas une chose à telle génération, et une autre à telle autre, mais persévère toujours « dans l’enseignement et la communion fraternelle des Apôtres » (Actes 2,42). «Elle reste attachée à la vraie parole» telle qu’elle a été enseignée, «afin d’être capable d’exhorter selon la saine doctrine et de réfuter les contradicteurs» (Tit. 1,9). Elle «applique la doctrine du Christ en toute chose» (Tit. 2,10). Nulle part dans sa vie elle ne permet «quoi que ce soit de contraire à la saine doctrine» (Eph. 4,14). Elle n’a de cesse d’exhorter ses enfants à ne pas adhérer à des opinions «contraires à l’enseignement que vous avez reçu» (Rom. 16,17).

Ainsi, nous disons que l’Eglise ne peut faillir –malgré les errances éventuelles de ceux qui lui appartiennent- parce qu’elle est « la colonne et le fondement de la vérité ». C’est par la volonté de Dieu qu’Elle est ce qu’Elle est. Il n’est pas d’autre voie qui mène au salut, ni d’autre doctrine que celle que Dieu lui a commandé d’enseigner. S’il y avait plus d’une Eglise, il y aurait aussi plusieurs vérités salvatrices, plusieurs Seigneurs, plusieurs baptêmes. L’idée d’une division de l’Eglise est tout aussi impossible, car, en ce cas, le Christ Lui-même serait divisé. Nous le répétons : s’il y avait plus d’une Eglise ou si l’Eglise Une était fragmentée, il s’en suivrait, ou bien que l’Eglise céleste connaîtrait elle aussi la division –absurdité manifeste- ou bien que l’Eglise, dans sa dimension terrestre, se trouverait radicalement séparée d’avec l’Eglise du Ciel. De fait, certains hétérodoxes pensent effectivement que les dénominations terrestres sont sans rapport aucun avec la véritable Eglise invisible ; mais cet expédient déforme totalement la réalité ; ou, dans le langage de la christologie traditionnelle, il introduit une division nestorienne entre la Divinité et l’humanité du Christ. Dans cette perspective, qu’a donc "assumé " le Christ ? Comment sommes-nous déifiés ? Et que peut bien valoir alors l’Incarnation ?

En outre, s’il était possible d’admettre l’existence de nombreuses Eglises, alors c’est ou Dieu ou l’homme qui serait responsable de multiplicité. Or, ce qui fait qu’il existe diverses Eglises, ce sont les divergences doctrinales ; nous devrions donc croire aussi que Dieu ou l’homme est cause –non sans l’aide prêtée par le démon- de doctrines qui se combattent. Si c’est Dieu, Il est alors "l’auteur de la confusion " –ce qui est le comble de l’ineptie- et le responsable de l’absence d’unité qui règne dans l’Eglise (Heb. 6,18). Si l’homme, d’autre part, est capable de diviser l’Eglise que Dieu a voulu Une, alors, Dieu est sans force, impuissant à préserver l’unité qu’Il a donnée à l’Eglise et à garantir sa vérité de la contradiction. Ou encore Il est, sinon impuissant, du moins indifférent aux paroles du Christ : « Qu’ils soient un comme nous sommes un » (Jn 17,22) ; ce qui veut dire : qu’ils aient non pas simplement une unité d’organisation, mais une unité surnaturelle de l’être et de l’esprit. Enfin, toujours dans cette hypothèse, Dieu aurait permis que la Vérité révélée fût souillée et profanée par "la ruse des hommes, par leurs artifices trompeurs" : Dieu serait donc injuste et sans pitié.

Abordons ce problème sous un autre angle. Admettons que l’unité de l’Eglise terrestre repose sur l’unité d’une doctrine de base –par exemple, l’idée que le Christ est Dieu- et non dans l’unité organique, canonique et dogmatique de l’Eglise. Supposons également que cette vérité salvatrice se trouve disséminée dans la multitude des diverses Eglises et groupes chrétiens. Qu’arrive-t-il alors ?

Premièrement, ni les Ecritures, ni les Pères ne reconnaissent l’existence de multiples Eglises : l’Eglise est une, parce que, comme le dit saint Cyprien de Carthage, « Dieu est un, et le Christ est un… et la foi est une, et un seul peuple est assemblé dans l’unité substantielle d’un corps maintenu par la concorde ».
  En second lieu, la Foi infaillible répandue parmi les nombreuses Eglises peut rendre compte de la vérité qu’elles possèdent, mais non de leurs erreurs. En outre, si l’erreur se mêle ainsi à la vérité, l’Eglise céleste ne saurait échapper à la contagion de l’erreur, en vertu de l’unité qui lie le Ciel et la terre créés par le Christ.
  
Troisième point : si la constitution de l’Eglise imite celle de la Trinité (voir plus haut), c’est-à-dire l’unité de personnes égales, alors les multiples Eglises doivent être égales, mais elles sont inégales du fait de la multiplicité des erreurs qui les corrompent. De surcroît, elles sont loin de s’accorder sur le contenu de la Révélation du Christ, et sur les additions ou soustractions éventuelles que les hommes y ont apportées ; et les diverses confessions n’enseignent pas identiquement le dépôt qu’elles prétendent avoir en commun avec les autres. Elles ne s’entendent même pas sur la façon de comprendre la nature du Seigneur et sa mission !

Y a-t-il un "contenu doctrinal minimum" qui serait indispensable au salut et peut-on tracer une ligne de démarcation entre ce qui est "essentiel" et ce qui ne l’est pas ? Qu’en est-il de la papauté ? Des Mystères ? De la Mère de Dieu ? Des icônes ? Du sacerdoce ? Sont-ils essentiels, ou inessentiels ? Comment le saurons-nous ? Quand même les Eglises s’accorderaient –ce qui n’est pas le cas- à reconnaître l’existence d’une vérité salvatrice de base, qui en déterminerait le contenu ? Et, à supposer qu’on découvre une manière unique et universelle de le concevoir, comment être certain que Dieu l’agrée ? En cherchant dans la Bible ? Mais dans quelle traduction et quelle interprétation ?

La vérité qui ressort de ces apories, c’est que, sans l’existence d’une Eglise infaillible, dotée d’une Foi infaillible, nous ne pourrions jamais découvrir la vérité qui sauve, celle que Jésus a commandé à ses Apôtres d’enseigner à toutes les nations. Si nous ne pouvons connaître ce qu’il nous faut croire, autant dire qu’il n’y a pour nous aucune vérité révélée et salvatrice, aucun salut d’aucune sorte.

Mais cette Eglise et cette foi existent. Elle est pour toujours en communion avec les cieux, le Saint Esprit demeure en elle, et sa Foi est pure, absolue et accessible à tous, en tout temps et en tout lieu. Hors d’elle, il n’est que doute et incrédulité. Voici comment saint Cyprien s’en explique :
« L’épouse du Christ ne saurait être adultère ; elle est pure et incorruptible. Elle ne connaît qu’une demeure et garde avec chasteté et modestie la sainteté d’une seule couche. Elle nous conserve pour le seigneur. Elle destine au Royaume les fils qu’elle a porté. Quiconque se sépare de l’Eglise s’unit à une prostituée et se trouve privé des promesses de l’Eglise ; celui qui abandonne l’Eglise du Christ ne peut non plus prétendre aux récompenses du Christ. Il est un étranger, un profane, un ennemi. Qui n’a pas l’Eglise pour Mère ne peut plus avoir Dieu pour Père. Si la mort n’a pu être évitée hors de l’Arche de Noé, il n’est possible d’y échapper en dehors de l’Eglise ! »

Les paroles de saint Cyprien sont énergiques, parce qu’il avait la certitude que l’Eglise dont il était membre, l’Eglise Catholique, avait été établie et fondée par Dieu sur une Foi infaillible et salvatrice.

Quoi que l’Eglise enseigne, rien n’y est faux ou inessentiel. Tour ce qu’elle donne à ses enfants est nécessaire à leur salut. Elle ne peut nous égarer, car Dieu la protège. Comme le dit saint Jean Damascène
« Il est désastreux de penser que l’Eglise ne connaisse pas Dieu tel qu’Il est en réalité ; qu’elle a sombré dans l’idolâtrie ; car, si elle s’écartait de la perfection ne fût-ce que d’un iota, elle souillerait d’une tache sa foi immaculée, et cette seule ride détruirait la beauté du tout. Rien n’est petit, qui conduit au grand ; et ce n’est pas un léger crime que d’abandonner le moindre des détails de la tradition ancienne de l’Eglise, car cette tradition a été défendue par tous ceux qui furent appelés avant nous, dont nous devons admirer la conduite et imiter la foi ».

Il est clair que saint Jean Damascène songe ici à l’Eglise historique ou visible, mais non au sens où elle serait séparée du Ciel. L’Eglise n’est pas une créature du temps ; elle est plus que cela. Elle est, comme le disait saint Jean Chrysostome avant lui, la manifestation d’une vie divino-humaine.

« L’Eglise n’a pas de pieds… ne parlez pas de murailles… les murs s’effritent avec le temps, mais l’Eglise ne vieillit jamais. Les murailles croulent sous les coups des barbares, mais contre l’Eglise les démons ne peuvent prévaloir… Voyez les ennemis de l’Eglise, qui l’ont assaillie. Ils se sont évanouis, alors que l’Eglise plane au-dessus des cieux. Telle est la puissance de l’Eglise : attaquée, elle l’emporte ; éprouvée, elle triomphe ; maltraitée, elle prospère ; blessée, elle guérit ; ballotée par les ondes, elle flotte sur les eaux ; elle lutte et n’est jamais soumise ; elle combat et n’est jamais vaincue… Ne reste pas à l’écart de l’Eglise, car rien n’est plus fort qu’elle. L’Eglise est votre espérance, votre salut, votre refuge. Elle est plus haute que les cieux, plus vaste que la terre. Elle ignore la faiblesse, elle ne connait que la vigueur. C’est pourquoi l’Ecriture, pour indiquer sa solidité et sa stabilité, l’appelle «montagne» ; pour monter sa pureté, elle la nomme «vierge» ; elle la dit «reine» à cause de sa majesté et «fille» dans sa relation à Dieu… Oui, elle possède beaucoup de noms, tout comme le Maître de l’Eglise en possède un grand nombre… »

Les parole de saint Jean Chrysostome sont, bien au-delà de la poésie, la vérité même. L’Eglise «nous donne la victoire», la victoire sur les démons, la souffrance, sur toute adversité, parce qu’elle partage la vie de Son Maître.

L’Eglise ignore l’erreur (infaillibilité) comme la chute (indéfectibilité) et la séparation d’avec le Christ, car elle est «une seule chair» avec Lui. Pourtant, humaine aussi bien que divine, elle peut parfois donner l’impression d’être dans l’erreur ou dans l’infidélité. Hommes et événements peuvent, pour un temps, ternir son éclat. Il arrive parfois que « l’Eglise, à l’instar de la lune, semble perdre de sa lumière, écrit saint Ambroise, mais elle ne perd jamais sa lumière ». Dans le même esprit, le philosophe russe Khomiakov affirme que, malgré les péchés de ses membres, l’Eglise ne peut être privée de l’esprit de vérité. « Il ne peut pas y avoir eu un temps où elle ait admis l’erreur en son sein… ».

Khomiakov ne faisait que rappeler la Lettre Encyclique des Patriarches d’Orient (1848), qui énonce, aux chapitres 12 et 20 :

« Gardons fermement la confession que nous avons reçue intacte d’aussi grands hommes, fuyant toute innovation comme une suggestion du malin. Celui qui accepte l’innovation accuse d’insuffisance la Foi Orthodoxe qui a été prêchée. Mais cette Foi a été marquée du sceau de la perfection, et n’est plus susceptible ni de diminution, ni d’augmentation, ni d’altération d’aucune sorte ; et quiconque ose exécuter, ou suggérer, ou concevoir un pareil acte a d’ores et déjà renié la Foi du Christ et s’est déjà soumis volontairement à l’anathème éternel comme blasphémateur du Saint Esprit… »

Et les Patriarches d’ajouter plus loin dans l’Encyclique :

 « Quand nous disons que les enseignements de l’Eglise sont infaillibles, nous n’affirmons rien d’autre que ceci : qu’ils sont inchangés, identiques à ceux qui furent donnés au commencement : ce sont les enseignements de Dieu ».

La foi infaillible de l’Eglise est inaltérable. Le malin n’a pas le pouvoir de lui ravir sa «chasteté». Sa doctrine et sa piété sont parfaites, qu’elles soient vues comme la gloire et la fierté de l’Eglise céleste, ou dans la pratique de l’Eglise terrestre. A l’encontre de l’ecclésiologie protestant, qui aime à affirmer que "l’Eglise doit sans cesse être réformée" (ecclesia est semper reformanda), nous confessons que l’Eglise n’est pas susceptible de réformation (ecclesia irreformabilis est). « Jamais l’Eglise n’est défigurée, dit Khomiakov, jamais elle n’a besoin de réformation ».

S’il se trouve des "exceptions" apparente à cette règle, elles sont dues à l’imperfection des membres terrestres de l’Eglise, les quels doivent continuellement lutter pour être «saints» (Matt. 5,48) et «sanctifiés dans la vérité» (Jean 17,17), en s’abstenant «des convoitises charnelles qui font la guerre à l’âme» (1 Pierre 2,11), et se montrant toujours ardents à «affermir leur vocation et leur élection» (2 Pierre 1,10), dans l’amour même (agapê) dont la Trinité s’aime elle-même (Jean 17,26). Ainsi, les membres terrestres de l’Eglise sont constamment en croissance ou en «réformation» spirituelle jusqu’à la perfection.

[1] Commentaire sur l’Apocalypse, PG 106, 320 B.
[2] Homélies Spirituelles, XVI, 8.
[3] Commentaire d’Ezéchiel, II, 10, PL 76, 1060.
[4] Sur les Mystères, 18, 35 et 39.
[5] Homélie sur l’Epitre aux Ephésiens, 3.
[6] Homélie sur la Première Epître aux Corinthiens, 30,1.
[7] Mystagogie, 2.






lundi 19 novembre 2018


CONFESSION DE FOI
de
SAINT GREGOIRE PALAMAS

Je crois en Un seul Dieu qui est avant toute chose, au-dessus de toute chose, présent en toute chose et transcendant le tout, confessé et adoré dans le Père, le Fils et le Saint Esprit : Monade dans la Trinité et Trinité dans la monade, unie sans confusion et distinguée sans séparation : La Même est Monade et Trinité toute-puissante. Le Père est sans principe ou origine, non seulement parce qu’il est hors du temps, mais aussi comme absolument sans cause ; lui seul est cause, racine et source de la Divinité considérée dans le Fils et le Saint Esprit ; lui seul est cause primordiale des choses créées ; il n’est pas seul Créateur, mais il est seul Père du Fils Unique et seul Projeteur de l’Unique Esprit Saint ; il est éternellement et éternellement Père, et éternellement Unique Père et Projeteur ; plus grand que le Fils et l’Esprit, en tant que cause seulement ; pour toute autre chose, identique à eux et co-honoré.

De ce Père, le Fils est unique, sans commencement en tant qu’il est hors du temps, mais non en tant qu’il a le Père pour principe, racine et source : du Père seul, avant tous les siècles, incorporellement, sans flux, sans passion, Il est sorti par engendrement, mais sans se séparer de Lui, comme Dieu issu de Dieu ; il n’est pas autre chose comme Dieu, autre chose comme Fils ; il est éternellement, et éternellement Fils et Fils Unique ; éternellement face à Dieu sans confusion, il n’est pas cause ni principe de la Divinité contemplée dans la Trinité, puisqu’il existe à partir du Père comme de sa cause et de son principe ; mais il est cause et principe de toutes les choses créées, car par lui tout a été fait. Lui qui existe en forme de Dieu, n’a pas regardé comme une usurpation le fait d’être égal à Dieu ; mais quand la plénitude des temps fut venue, il s’est anéanti lui-même, en prenant forme de la Toujours Vierge Marie, et par la bienveillance du Père et la coopération du Saint Esprit, il a été porté et enfanté selon la loi de la nature, Dieu et Homme à la fois ; et se faisant véritablement homme, il est devenu semblable à nous en tout sauf le péché, tout en demeurant ce qu’il était, Dieu véritable, ayant uni sans confusion ni mutation les deux natures, les deux volontés et les deux énergies, et demeurant Fils Unique en une seule hypostase même après l’Incarnation ; il a accompli toutes les œuvres divines comme Dieu, et touts les actes humains comme Homme, et il s’est soumis aux passions humaines irréprochables : comme Dieu, il est et demeure impassible et immortel, mais de sa propre volonté, comme Homme, il souffre selon la chair. Il a été crucifié, est mort et a été enseveli, et le troisième jour il est ressuscité.

Apparu aux disciples après la Résurrection, il leur promit la force d’En-Haut et leur ordonna d’enseigner toutes les nations, de les baptiser au Nom du Père, du Fils et du Saint Esprit et de leur apprendre à garder tout ce qu’il leur avait commandé ; puis il a été enlevé au ciel et s’est assis à la droite du Père, faisant participer à notre pâte (la nature humaine) le même honneur et le même trône, la même divinité. Avec cette pâte (humaine) il reviendra en gloire juger les vivants et les morts et rendre à chacun selon ses œuvres.

Monté auprès du Père, il envoya sur ses Saints Disciples et Apôtres l’Esprit Saint, qui procède du Père : Il est, avec le Père et le Fils, sans principe en tant qu’il a, lui aussi, le Père pour racine, source et cause, non comme engendré, mais comme procédant.
Du Père, lui aussi, avant tous les siècles, sans flux, sans passion, Il est sorti, non par engendrement, mais par procession, inséparable du Père et du Fils, puisqu’il sort du Père et repose sur le Fils ; il est uni à eux sans confusion et distingué d’avec eux sans séparation. Il est lui aussi Dieu issu de Dieu, non autre chose comme Dieu, autre chose comme Paraclet ; Esprit auto-hypostatique (qui est une personne en soi), procédant du Père et envoyé, c’est-à-dire rendu manifeste, par le Fils ; il est, lui aussi, la cause de toutes les choses créées, car en lui tout a été parachevé. Il possède, avec le Père et le Fils, même honneur, hormis l’innascibilité et la naissance.

Il a été envoyé par le Fils à Ses disciples, c’est-à-dire, a été manifesté. Comment, en effet, pourrait-il être envoyé autrement par Celui dont Il est inséparable ? Comment pourrait venir autrement à moi Celui qui est partout présent ? C’est pourquoi Il est envoyé non seulement par le Fils, mais encore par le Père, et par l’entremise du Fils. Et c’est aussi de Lui-même qu’il vient en se manifestant. Car l’envoi, c’est-à-dire la manifestation de l’Esprit est une œuvre commune.

Il ne se manifeste pas selon l’essence, car « personne n’a jamais vu ni raconté la nature de Dieu » ; mais bien dans la grâce, la force et l’énergie, laquelle est commune au Père, au Fils et à l’Esprit. En effet, ce que chacun d’eux possède en propre, c’est son hypostase et tous ses attributs particuliers ; en revanche, ils ont en commun, non seulement l’essence suressentielle, laquelle est absolument sans nom, non révélée et imparticipable, parce qu’elle transcende toute dénomination, toute révélation et toute participation ; mais également la Grâce, la Force, l’Energie, la Splendeur, le Règne, l’Incorruptibilité, et, en un mot, toutes choses selon lesquelles Dieu se communique et s’unit par la grâce aux saints anges et aux hommes.

Ni la distinction, ni la diversité des hypostases, ni la séparation et la variété des forces et des énergies ne Lui font perdre sa Simplicité, de sorte que nous confessons un seul Dieu tout-puissant dans une seule divinité. En effet, il est absolument impossible que des hypostases parfaites puissent donner lieu à une composition ; et il est tout aussi impossible de dire que le simple fait de pouvoir fait de celui qui a ce ou ces pouvoirs, une chose composée.

Nous adorons aussi d’une adoration relative la Sainte Icône du Fils de Dieu décrit dans son humanité qu’il a prise à cause de nous, et nous reportons par relation notre adoration au prototype ; nous adorons semblablement le précieux bois de la Croix et tous les symboles de Ses souffrances, voyant en eux les trophées divins remportés contre l’ennemi commun de notre race ; de même pour la figure salutaire de la précieuse Croix, les lieux et les temples divins, les objets sacrés et les paroles données par Dieu, qui habite toutes ces choses.

Nous vénérons pareillement les icônes de tous les saints, à cause de l’amour que nous leur portons et à cause du Dieu qu’ils ont servi et aimé véritablement. Dans la vénération nous portons nos pensées sur les figures des icônes.
Nous adorons aussi les reliques des saints, car la grâce sanctifiante ne se retire pas de leurs ossements très saints ; de la même façon, en effet, la Divinité du Seigneur ne s’est point séparée de Son Corps durant la mort de trois jours.
Nous ne connaissons rien de mauvais par essence, ni d’autre principe du mal que l’écart commis par les êtres raisonnables (verbifiés) lorsqu’ils utilisent mal l’autorité sur eux-mêmes que Dieu leur a donnée.

Nous vénérons toutes les traditions, écrites et non écrites, de l’Eglise, et par-dessus tout, la très mystérieuse et toute sainte Communion, la Synaxe, la Cérémonie Sacrificielle d’où dérivent la perfection et la sacralité de tous les autres mystères, et dans laquelle, en mémoire de Celui qui s’est anéanti lui-même sans amoindrissement, et a pris chair et a souffert pour nous, selon le commandement prononcé par Sa voix divine, et l’acte accompli de Ses mains, sont consacrés et déifiés les dons très divins, le Pain et la Coupe. Dans ce sacrement se réalise le principe de Vie, le Corps et le Sang du Seigneur, et il est donné, à ceux qui s’en approchent avec pureté, d’y participer et d’y communier, d’une manière ineffable.

Tous ceux qui ne confessent ni ne croient comme l’Esprit Saint a prédit par les Prophètes, comme le Seigneur, apparu pour nous dans la chair, a décrété, comme les Apôtres, ses envoyés, ont prêché, comme nos Pères et leurs successeurs nous ont enseigné, mais qui ont pris l’initiative d’une hérésie individuelle ou ont suivi les misérables inventeurs de tels systèmes, nous les rejetons et les vouons à l’anathème.


Nous acceptons et recevons avec ferveur les saints Conciles Œcuméniques : celui des Trois-cent-dix-huit Pères théophores de Nicée, réuni contre le théomaque Arius, qui, dans son impiété (sa fausse doctrine), ravalait le Fils de Dieu au rang de la créature et scindait en créé et incréé la Divinité qui est adorée dans le Père, le Fils et l’Esprit ; le suivant, celui des Cent-cinquante Pères saints de Constantinople, contre Macedonius de Constantinople, qui, dans son impiété, ravalait l’Esprit Saint au rang de créature et, exactement comme Arius, scindait aussi en créé et incréé la Divinité une ; le suivant, des Deux-cents Pères d’Ephèse, contre Nestorius, Patriarche de Constantinople, qui rejetait, en Christ, l’union hypostatique de la Divinité et de l’Humanité, et refusait catégoriquement d’appeler Mère de Dieu la Vierge qui a véritablement enfanté Dieu ; le quatrième, celui des Six-cents Pères de Chalcédoine, contre Eutychès et Dioscore, qui dogmatisaient à tort une seule nature en Christ ; le suivant, celui des Cent-soixante-cinq Pères de Constantinople, tenu à la fois contre Théodore et Diodore, qui partageaient les opinions de Nestorius et s’efforçaient de les raffermir dans leurs écrits, et contre Origène, Didyme et un certain Evagre, auteurs anciens, qui avaient tenté d’introduire en fraude dans l’Eglise de Dieu des chimères de leur invention ; le suivant, assemblé dans la même ville, de cent-soixante-dix Pères, contre Serge, Pyrrhus et Paul, de Constantinople, qui rejetaient, en Christ, les deux énergies et les deux volontés, qui correspondent aux deux natures ; enfin le second Concile de Nicée, avec ses trois-cent-soixante-sept Pères, réuni contre les Iconomaques.

Nous reconnaissons également tous les saints Conciles réunis par la grâce de Dieu en divers temps et lieux pour affermir la piété juste et la vie évangélique, au nombre desquels nous comptons les conciles assemblés dans cette grande Ville, dans le temple fameux de la Sainte Sagesse de Dieu (Sainte –Sophie), contre Barlaam le Calabrais, et celui qui, à sa suite, adopta ses idées et mit tout son zèle et sa ruse à les défendre, j’ai nommé Acyndinos. Ceux-là dogmatisent que la grâce commune du Père, du Fils et de l’Esprit, ainsi que la lumière du siècle à venir, dans laquelle les justes brilleront comme le soleil, et que le Christ a montrée d’avance en brillant sur la Montagne, et enfin, généralement parlant, que toute force et toute énergie de la Divinité aux trois hypostases, dans la mesure où elle diffère, si peu que ce soit, de la nature divine, est une chose créée ; de sorte qu’ils scindent, eux aussi, de façon impie, la Divinité une en créé et incréé.

Les esprits pieux confessent que cette lumière très divine est incréée, et que toutes les forces et les énergies en question sont bien divines et incréées, aucun des attributs naturels de Dieu n’ayant commencé dans le temps. Les barlaamistes, eux, considèrent les orthodoxes comme des dithéistes et des polythéistes, nom que nous donnent aussi les Juifs, les Ariens et les Sabelliens. Mais nous, rejetant les uns et les autres, comme athées et polythéistes, nous les déclarons tout à fait exclus du plérôme des pieux fidèles, ainsi que l’a fait, par la voix du Tome synodal de la Sainte Montagne, la Sainte Eglise catholique et apostolique du Christ ; et nous gardons notre foi en une Divinité une, tri-hypostatique et toute-puissante, qui ne perd aucunement son Unité et sa Simplicité par le fait des Forces ou des Hypostases.

En outre, nous attendons la résurrection des morts et la vie éternelle dans le siècle à venir. Amen.