Un peu de sagesse et de réflexion.
Paroles sur la prière de l'Archim. Aimilianos de Simonopetra
(enregistrement et transcription en 1990). La Prière - "un droit humain de
chercher et de trouver Dieu", vivre Dieu "et une
découverte du mode selon lequel elle vient" dites pour la télévision allemande
au monastère d'Ormylia en 1990
SOURCE : https://corortodox.blogspot.com . Site : Journal d'un chrétien ordinaire
— Qu'est-ce que la prière?
La prière est une expérience réelle de la présence de Dieu.
Elle est aussi l’assurance de la communion avec Dieu, à Qui l'homme parle et
qui découvre ce qui est au plus profond de son cœur. Et il perçoit la présence
de Dieu et, en même temps, son propre travail, sans que cette communion divine
ne crée de confusion entre les deux personnes. Chacun de ces êtres, l'humain et
le divin, reste dans ses limites, mais c'est l'homme qui monte vers Dieu,
tandis que Dieu se penche sur l'homme. L'homme se donne à Dieu par la prière et
Dieu se donne à l'homme. Et de cela résulte de cette chose merveilleuse,
d'avoir un Dieu et un homme en même temps.
— Pourquoi les moines prient-ils ?
Les moines prient, bien sûr, parce que c’est [d’abord] un
travail naturel qui jaillit du cœur de tous les peuples et de toute la nature
humaine. Il n'y a pas d'homme qui ne ressente pas ce besoin de prière, et ce
besoin est aussi un privilège, un droit humain de chercher et de trouver Dieu.
Par conséquent, comme nous le comprenons, tous les gens prient, pas seulement
les moines. Les gens ont pour exemple la communauté monastique et les moines
ont pour exemple le monde des anges. Et, par conséquent, les moines
constituent, comme on dit, la communauté angélique.
La vie monastique a été découverte à des hommes saints, qui
avaient un haut degré de prière. C'est pourquoi ces moines qui prient - au fond
c'est clair - ne cherchent pas à satisfaire certains besoins. Il n'y a rien de
spécifique qui les amène à se donner à Dieu ou à être en relation avec Lui. Ils
ne sont poussés par aucun intérêt personnel. Ils ne pensent jamais de cette
façon. Au contraire! Les saints prient en tant qu'êtres qui comprennent
parfaitement qu'ils s’élèvent, non pas physiquement, mais réellement, jusqu’à
Dieu. Par conséquent, tous les moines prient. Leur but est très élevé, c'est la
communion-même et la participation-même de Dieu dans leur vie. Par voie de
conséquence, il s’agit de la déification, comme on dit habituellement.
C'est pourquoi les moines prient jour et nuit, car c'est là
leur œuvre. Et, en fait, ils parviennent à se rapprocher de la communion avec
Dieu. Lorsque nous parlons de «communion», cela signifie que nous découvrons
notre relation et notre identité avec l'Église. Et l'Église monte vers Dieu,
comme descendit autrefois du Ciel le Christ, par Sa venue. Toute l’Église -
tout le monde, pas seulement les moines – réussit par la prière, comme nous le
comprenons maintenant, à ne se nourrir et à vivre avec cette seule communion,
par cette action, par cette prière, qui maintient l’homme dans la Divinité et
dans laquelle Dieu est incorporé par l'homme.
— Pour quelles choses et pour quelles personnes les moines
prient-ils?
Eh bien, si les moines ne prient pas pour eux-mêmes et pour
leurs intérêts, pour leurs besoins – qu'ils essaient continuellement de réduire
au minimum, pour ne pas avoir de problèmes eux-mêmes , il est naturel pour les
moines de prier pour le monde entier, pour l’Église entière – puissance et
œuvre existentielle qui perdurera jusqu’aux siècles des siècles. Et dans cette
Église, il y a des pécheurs, il y a aussi des saints et des justes, et aussi
des anges – c’est ce qui signifie « de tous et de chacun ». Tout ce
que Dieu a créé; « tous et chacun » qu'Il porte en son
sein. Et tout cela, qui est l'œuvre du Seigneur, est également repris par les
moines en participant à l'économie de Dieu. Et ils embrassent tous et chacun,
comme je l'ai dit, les incluant, dans leur propre prière. En d'autres termes,
c'est leur œuvre.
— Qu’est-ce que la prière de Jésus?
Maintenant, nous entrons plus dans l'espace intérieur. La
prière de Jésus est l’essence de toutes les prières existantes dans notre
Église, c’est la prière la plus concise, la plus authentique et la plus
efficace que l’homme puisse faire. Et, surtout si nous comprenons bien cela,
cette prière est la plus directe, la plus appropriée et la plus accessible, et
pas seulement pour les moines. Et c’est aussi une grande importance, parce que
les laïcs et les moines prient également avec la même prière, parce que c'est
cela qui nous rend immédiatement capables d’acquérir Dieu, comme des yeux qui
se remplissent de lumière. En d'autres termes, comme il n'y a pas deux systèmes
de vie spirituelle, les moines, qui ont pour exemple le ciel, et le monde qui,
comme je l'ai dit, a pour exemple la communauté monastique, prient également
avec cette prière.
La prière est donc un bien unique et exclusif de l'Église. La
prière est une conséquence qui émerge des profondeurs de l'existence monastique
et, bien entendu, de l'homme qui désire et attend Dieu. C'est une expérience
des Pères de l'Église et un fruit acquis par les personnes qui maintiennent une
vie purifiée et évangélique. La prière est donc une mémoire vivante et une
invocation du Nom de Dieu.
C'est court et c'est la répétition de ces mots: "Seigneur
Jésus Christ, aie pitié de moi!" À travers cette invocation et cette
répétition, que nous arrive-t-il? Nous obtenons un dynamisme spirituel qui ne
vient pas de nous, mais de Dieu Lui-même. Le nom du Seigneur, que nous répétons,
n’est pas quelque chose de fortuit, mais il est complet, il comprend la
divinité, il embrasse le Christ Lui-même, qui vient immédiatement en communion
avec nos cœurs. Ainsi, la répétition que nous faisons des mots de la prière a
une signification, non pas parce que cette invocation à elle seule peut
procurer quelque chose, mais parce que cette invocation nous aide à nous forger
une habitude, et que l’invocation du Christ devienne permanente en nous-mêmes,
de sorte que ce qui nous entoure et ce qui est dans notre cœur sont remplis de
Dieu. Cette répétition n’est donc pas une formule magique qui peut porter ses
fruits par elle-même. La répétition n'est qu'un renforcement, une fixation et
un ensemencement du Nom du Christ et donc du Christ Lui-même dans notre vie
quotidienne. Ce n'est pas un travail mécanique, ce n'est pas une opinion
subjective de l'homme, ce n'est pas une action qui crée une image humaine
illusoire, ce n'est pas un exercice psychosomatique au sujet duquel
l'on pourrait penser qu’il nous ferait accéder à une connaissance gnostique ou
syncrétique, ou que cela aurait des résultats spirituels, ou que par cette
formule, l'homme pourrait tendre vers l’infini ou vers un dieu sans visage. La
répétition crée en l'homme le pouvoir d'invoquer Dieu sans cesse, et par
conséquent, la participation de l'homme lui procure un état de bonheur et de
joie spirituelle et d'autres charismes. Et puis, quand l'homme atteint ce stade
primaire, il comprend qu’elle sert de médiation entre sa personne et le Dieu Personnel,
le Saint-Esprit! Et à partir de ce moment-là elle élève l'homme à Dieu.
— Pourquoi les moines prient-ils avec la prière de Jésus
toujours et partout?-
Eh bien, c’est, je dirais, la seule prière qui, de toute
évidence, crée les conditions préalables pour que nous puissions tous les jours
et, de manière palpable et en même-temps, facilement, trouver et se réjouir de
Dieu. Celui qui est invisible par cette prière est vu dans notre vie. Ainsi, à
travers cette prière, les moines acquièrent partout et toujours le sentiment
indéfectible de la présence de Dieu et un dialogue intérieur si profond qu'il
atteint les profondeurs de la "mer" Divine. C'est pourquoi, de cette
sorte de prière, que les moines ont découvert dans l'expérience de l'Église
depuis le commencement, ils peuvent ainsi remplir la journée et créer de nuit
un flambeau qui diffuse une lumière céleste dans l'univers tout-entier, qui est
compris dans Son poing par Dieu Lui-même. Ainsi, par cette rencontre de l'homme
avec Dieu, les moines parviennent à se sanctifier non seulement eux-mêmes, mais
aussi leur espace et le monde entier.
— Quel est le but de la prière de Jésus?
Le but de la prière n'est ni sa méthode, ni les mots, ni le
lieu, ni l’Hésychia, ni rien de ce que cette prière implique. On peut dire que
le but de la prière est ce qui est mis en œuvre dans l'homme par Dieu; que
c’est ce que Dieu fait en nous Dieu. Ce qui s’y fait est une expérience
vivante. Mais ce n'est pas seulement l’expérience vivante de Dieu! C'est aussi
la découverte de la façon dont Il vient, de la manière dont la venue de Dieu
est réalisée - le Dieu personnel dans la personnalité de l'homme. Et bien sûr
qu’Il vient dans la lumière! Et puis, l’homme ressent et comprend
encore, à la fin de son ascension, l’union qu’il réalise. Et, avec cette union,
vient la purification, le progrès spirituel, la croissance de l’enfançon qui
est né dans l'homme. Et, de plus, l'Esprit offre à l'homme un état divin
permanent à partir duquel il avance vers l'illumination, vers un éclat, vers un
épanouissement à différents niveaux que Dieu accorde et ouvre à l'homme.
Le but de la prière, pourrait-on dire en un mot, est un
parfait mystère! Mystère du Dieu invisible, maintenant ressenti et de la
personne vue, que Dieu acquiert. Ce mystère nous a été révélé par les Pères de
l'Église. Nous savons aussi toujours, par expérience, comment le recevoir, non
par le biais de compréhensions et de méditations, mais de la manière par
laquelle Dieu pénètre dans l’être humain et le transforme entièrement. Et ainsi
progressivement il devient une personne qui peut goûter, comprendre et
embrasser ce mystère.
Maintenant que nous parlons du but de la prière, nous devons
noter quelque chose. Il y a aussi quelques étapes plus hautes auxquelles accède
l'homme quand il continue la prière de Jésus. Mais, ces étapes, nous les
omettrons pour le moment, car nous ne pouvons pas parler de quelque chose dont
seule la personne [concernée] a la connaissance, et qui seule peut la dévoiler
à une autre personne. C'est donc une ascension échelonnée. C'est une communion
toujours ascendante et complète, immuable, c'est-à-dire que ni l'un ni l'autre
ne change. Il y a une vision spirituelle et une communion invisible. Cette
personne vit cette grandeur, elle vit le divin dans un bonheur et une joie
inexprimables. Et sur ce chemin, elle court sans obstacle et sans pouvoir le
dire aux autres. Elle-même l'a embrassé, elle l'a porté. Et, par conséquent,
cette promotion de l'homme, qui monte jusqu'aux plus hautes étapes de la prière
qui se déroule au fond du cœur, ces étapes que nous ne pouvons pas interpréter,
cher M. Verner, devant un écran de télévision. C'est quelque chose que la
raison ne permet pas. À partir de là, permettons à Dieu de rechercher les
personnes qui souhaitent, qui luttent et qui parviennent, avec l’aide de Dieu,
à accéder à ces hauteurs.
— La prière de Jésus change-t-elle la vie de l'homme?
Si elle change la vie de l’homme? Pour quelle raison les
moines font -ils cette prière? D'après ce que j'ai dit jusqu'à présent, du fait
des questions provocatrices que vous nous avez posées, on arrive naturellement
à la conclusion que la prière change la vie de l'homme. Cela change l'homme et
lui rend la première beauté dont Dieu l’a doté au Ciel. Et, bien sûr, il
l'élève encore plus haut et lui donne beaucoup plus de compréhension, de
ressenti et de spiritualité, et le rend de plus en plus porteur de grâce à
mesure que le temps passe. Et, non seulement cela le ramène à la beauté
paradisiaque qu'il avait autrefois, mais cela le ramène également à la pleine
liberté dans laquelle Jésus-Christ nous a affranchis. Ainsi, Dieu modèle-t-Il
de telles personnes! Et cela se fait de notre temps, avec toutes les catégories
de personnes, laïcs et moines. Et cela rend les gens capables, en empruntant cette
voie de prière qu’ils accomplissent, de glorifier Dieu et – c’est important –
de pouvoir ouvrir la voie de l’Éternité à leurs semblables.
— Merci beaucoup Geronda !
Et je me réjouis de ce dialogue que nous avons mené
aujourd'hui!
Traduction du grec en roumain : Elena Dinu,
Transcription, correction et édition: orthodoxe roumain en
France
Traduction en français par Maxime Martinez revue
par P. Mihaï