ON PEUT DIRE NON !
Le
martyre –
Le grand Olivier Clément dit quelque part qu’un martyr est
quelqu’un qui dit Non ; quelqu’un qui désobéit par motif de conscience. Le
Oui est l’acte d’obéissance suprême. Le Non exprime l’obéissance à une instance
supérieure. Le Non relativise le pouvoir d’autrui sur moi. Il sauve autrui du
despotisme. L’expérience biblique a souvent comporté celle du refus d’obéir à
des formes narcissiques du pouvoir : « Ils dévorent mon peuple… »
(Ps 52, 5). Les trois jeunes gens que l’Église commémore dans sa liturgie
dirent Non à Nabuchodonosor : « ô roi, nous ne servirons pas tes
dieux ! » (Daniel 3, 18). Les sept frères Maccabées également :
« Non ! » (Macc. 7, 8). Dans les offices quotidiens, nous
faisons mémoire de tous ceux qui dirent Non au pouvoir par liberté de
conscience. Le Christ, par sa liberté de parole et de comportement disait Non à
l’oppression politique et religieuse.
Ce qui
déshumanise
La conscience baptisée dit Non à ce qui déshumanise l’homme.
Or, chaque fois que l’on force quelqu’un, on commence à le déshumaniser. La
menace de mort ou de torture est souvent efficace pour contraindre la liberté.
Mais, souvent elle se heurte à un Non : non je ne le ferai pas ; non,
je ne mangerai pas de cela ; non, je ne tuerai pas ; non, je ne
haïrai pas ; non, je ne cautionnerai pas telle ou telle puissance. Non, je
ne ferai pas à autrui ce que je ne voudrais pas que l’on me fasse. Mais le vrai
Non est pur de tout intérêt propre. Il est sans mélange. Souvent, on dit Non
parce qu’on a dit Oui. Le Non, forme que prend le vrai Oui, est sans haine et
sans vengeance. Il comporte l’amour de l’ennemi, celui à qui l’on dit Non. Le
supplicié intercède pour le bourreau. Antigone dit Non par amour, non seulement
pour son frère, mais pour l’humanité à qui elle épargne de se déshumaniser dans
la tyrannie totale. « Dites Non, si c’est Non ! », dit Dieu
(Matt 5, 37) ; et saint Jacques : « que votre Non soit
Non » (Jacques 5, 12). C’est un Non en forme de Croix.
Les conséquences
du Non
Nous ne nous connaissons pas. Nous ne savons pas si nous
sommes capables d’un Oui et d’un Non si purs. Nous ne savons pas jusqu’où nous
aurions la force intérieure d’agir selon notre conscience. Nous ne savons pas
tout des temps qui viennent : ils seront peut-être pires que le présent.
Peut-être le Seigneur nous donne-t-Il de nous entraîner maintenant pour une
épreuve plus grande. Chaque jour, nous nous exerçons à vivre selon sa volonté,
à vivre libres. Mais saurons-nous préférer cette volonté à tout ?
Saurons-nous aimer notre propre liberté autant qu’elle est chère à Dieu qui l’a
créée à l’image de la sienne ? Peut-être que, pour avoir dit Non, tout
nous sera retiré, pour nous apprendre à dire Non ! Peut-être qu’alors il
ne nous restera précisément que la liberté, notre propre essence. Comme le
Christ en Croix, comme la foule des saints, nous serons réduits à nous-même,
définis par rien d’autre que notre personne libre dans l’éternité de la
communion des personnes.
Source: Sagesse Orthodoxe