L’OFFRANDE
DE NOTRE CŒUR
LETTRE
PASTORALE POUR LA NATIVITÉ DU SEIGNEUR 2021
À TOUT LE
CLERGÉ, À LA COMMUNAUTÉ MONASTIQUE ET À TOUS LES FIDÈLES DE L’ARCHEVÊCHÉ
D’EUROPE OCCIDENTALE
Dieu est Amour :
celui qui demeure dans l’amour
demeure en Dieu
et Dieu demeure en lui
1 Jn 4, 16
Très-Révérends
et Révérends Pères,
Très-Révérendes
Sœurs, Frères et sœurs bien-aimés,
Lorsqu’arrive chaque année la fête de la Nativité du Seigneur,
tout notre être est orienté vers Celui qui vient dans la crèche de Bethléem
nous découvrir encore et encore l’amour infini du Père Céleste, du Dieu
glorifié dans la Trinité au nom duquel et par l’amour duquel Il vient dans le
monde pour nous sauver. La Nativité du Christ, soulignait un père contemporain,
est pour Lui non point le début de la vie mais le début de la mort. Il assume
tout ce qui relève de notre nature et le premier jour de sa vie sur terre est
aussi le premier jour de son ascension sur la Croix. C’est le fruit, le chemin
et l’empreinte de son amour pour nous. Durant le carême de la Nativité, nous
mettons tout en œuvre pour nous préparer à la fête, nous jeûnons, prions, nous
renonçons au vieil homme – l’homme pécheur – par la confession, afin de
recevoir le Christ en nous; et ces œuvres sont agréables à Dieu. En effet,
lorsque nous parvenons à renoncer à ce que nous sommes, nous recevons ce que
nous ne sommes pas: Dieu en nous. «Quel temps, écrit Saint Isaac, pourrait être
aussi saint, et aussi adapté par sa sainteté à la réception des dons divins,
que le temps de la prière, où l’homme parle avec Dieu ? À ce moment, quand nous
adressons à Dieu nos demandes et nos supplications et lui parlons, l’homme
rassemble nécessairement tous les mouvements et toutes les pensées de son âme
et s’entretient avec Dieu seul, et son cœur est abondamment rempli de Dieu»1 .
Nous Le recevons et nous faisons recevoir par Lui, sachant que nous ne pouvons
rien Lui apporter de ce que nous avons sans savoir qui Il est. C’est en vain
que les Mages Lui auraient apporté la myrrhe, l’or et l’encens s’ils n’avaient
su qui Il était, ou les Lui avaient apportés comme à un Dieu imaginé ou une
idole imaginaire. Quelle valeur ces dons auraient-ils eue? Or ils Lui
apportèrent les présents en confessant qu’Il est le Roi et le Sauveur du monde.
Ainsi, quoi que nous apportions ou présentions à Dieu, faisons-le en Le
confessant comme le vrai Dieu, le Sauveur né dans la grotte de Bethléem pour
nous, afin que notre offrande ne soit pas vaine. La première des vocations du
chrétien est de connaître le Christ, de savoir qui Il est et ce qu’Il veut de
moi. «L’amour divin donne plus de joie que la vie, et la connaissance de Dieu –
qui fait naître cet amour – donne plus de douceur que le miel», écrit encore
Saint Isaac. La connaissance de Dieu engendre l’amour, seul attribut du chrétien.
Le chrétien est celui qui aime. Être chrétien veut dire être amoureux de Dieu.
Cela n’est pas une idéologie. La vie chrétienne ne consiste pas à se cacher
derrière une idéologie que l’on servirait ou tenterait de propager à travers le
monde, une idéologie au nom de laquelle on soumettrait les autres, les
humilierait, les assujettirait, les tuerait, mais être chrétien c’est être dans
une relation d’amour avec Dieu, une relation amoureuse avec Celui qui devient
notre raison de vivre, mais aussi avec notre prochain. Tu aimeras le Seigneur,
ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée, et de toute
ta force... et ton prochain comme toi-même, dit le Seigneur (Mc 12, 30-31).
«Bienheureux celui qui a obtenu un désir de Dieu semblable à celui d’un amant
passionné pour celle qu’il aime», écrit Saint Jean Climaque2 . Pourquoi cet
amour? Parce que Dieu Lui-même a choisi de vivre avec nous dans une 1. Saint
Isaac le Syrien, Discours 19, 15. 2. Saint Jean Climaque, L’Échelle, 30, 11.
relation d’amour: Il se donne entièrement à nous et Il nous demande de nous
donner entièrement à Lui.
Fidèles bien-aimés,
Ce monde où nous vivons nous fait souvent dévier vers d’autres
confessions, vers d’autres lumières, vers des lumières illusoires, lumières de
l’ignorance, au lieu de nous guider vers l’étoile de vérité, l’étoile de la
Lumière véritable qui s’est levée à Bethléem il y a plus de deux mille ans.
Dieu m’a créé libre, et je prends conscience de ma liberté. Comme cette liberté
nous est chère! Nous aimons l’affirmer, la vivre, et nous supportons mal la
domination des autres. Or Dieu affirme Lui aussi cette liberté: c’est Lui-même
qui nous a créés libres et nous a donné la possibilité de vivre dans cette
relation libre avec Lui. Quelqu’un peut-il nous forcer à l’aimer? C’est ce que
l’on voit dans les relations d’amour déformées où l’un exige d’être aimé de
celui qu’il aime. Dieu ne fait pas cela. Il nous aime gratuitement et Il nous
donne la liberté de Le choisir ou de ne pas L’accueillir. Il nous donne la possibilité
de Le connaître, mais Il ne nous y force pas. Si quelqu’un entend mes paroles
et ne les garde point, ce n’est pas moi qui le juge; car je
suis venu non pour juger le monde, mais pour sauver le
monde ( Jn 12, 47). Qu’est-ce que le salut? Lorsqu’on se met en situation de
sauver quelqu’un, que l’on veut à tout prix qu’il vive, c’est qu’on l’aime.
Pourtant, si l’on se jette à l’eau pour sauver quelqu’un qui ne veut pas
l’être, il nous prend par les mains et l’on meurt avec lui. Ainsi, le salut est
aussi une relation: il ne suffit pas d’aimer quelqu’un pour le sauver, mais
encore faut-il qu’il accepte notre main tendue. De la même manière, Dieu nous
sauve par amour en respectant notre liberté, en respectant notre choix d’entrer
ou non en relation avec Lui. Il nous a sauvés gratuitement. Le salut est donc
le fruit de l’amour, mais c’est aussi en cet amour que l’on trouve le salut:
«Le Paradis est l’amour de Dieu, écrit saint Isaac, amour qui porte en lui les
délices de tout ce qui peut rendre l’homme bienheureux»3 .
Fidèles
bien-aimés,
Le Fils de Dieu s’est incarné dans l’histoire, c’est un
événement historique, et c’est même à partir de sa naissance dans le monde que
l’on compte les années, et non depuis la création du monde. Le Christ s’est
incarné dans l’histoire et n’est donc pas un Dieu étranger, lointain, 3. Saint
Isaac le Syrien, Discours 72. mais proche de nous. Ainsi, notre vocation de
chrétien, notre défi dans ce monde est bien de découvrir, de trouver, de
retrouver dans notre vie cette relation d’amour avec Dieu, et de L’aimer de
tout notre cœur, de tout notre être, de toutes nos forces, car «un ardent amour
pour Dieu est une consolation suffisante pour celui qui croit, même s’il va
perdre la vie»4 . N’ayons pas peur, mais demandons à Dieu de nous aider et de
nous rendre semblables à Celui qui s’est fait semblable à nous par sa naissance
de la Vierge Marie, Lui confiant toute notre vie. Osons Lui présenter en
offrande tout notre être, tout ce que nous sommes, y compris notre péché:
déposons-le sans cesse devant Lui, car «comme esclave, Il descend vers ceux qui
sont co-esclaves et prend un visage étranger, me portant tout entier en
Lui-même avec tout ce que je suis, afin de fondre en Lui-même ce qui est
mauvais, comme la cire fond au feu ou l’humidité de la terre au soleil, et que
moi, je prenne part à ce qu’Il est…5 Les temps que traverse aujourd’hui
l’humanité, et depuis deux ans déjà, ne sont pas faciles. Apportons à Dieu
l’offrande de notre prière et de notre amour pour tous ceux qui souffrent physiquement
ou spirituellement. Soyons, nous les chrétiens, un lien fort entre la terre et
le Ciel, un lien de prière, de solidarité, de courage, vivant au quotidien
l’amour de Dieu au milieu de nos frères, afin qu’ils puissent, eux aussi,
connaître Jésus Christ à travers notre témoignage, Lui qui naît à Bethléem pour
le salut du monde.
Que la sainte fête de
la Nativité vous comble de joie et vous revête de lumière, pour la santé de
l’âme et du corps, tant en cette nouvelle année qu’en toutes celles que le Seigneur
vous donnera de vivre.
Que Dieu vous bénisse!
† Joseph, Archevêque
d’Europe Occidentale et Métropolite d’Europe Occidentale et Méridionale
Paris, Nativité du Seigneur 2021
4. Saint Isaac le Syrien, Discours 34, 10. 5. Saint Grégoire
de Nazianze, PG 36, Or. 30, 6, Col. 109.