LA
NATIVITÉ DU CHRIST –
JOIE
DISSIPANT LA SOUFFRANCE
LETTRE
PASTORALE POUR LA NATIVITÉ DU SEIGNEUR 2020
AU CLERGÉ
TOUT ENTIER, À LA COMMUNAUTÉ MONASTIQUE
ET AU PEUPLE CONFESSEUR DE LA VRAIE FOI
DE NOTRE ARCHEVÊCHÉ TOUT ENTIER
Le Christ vient au monde,
glorifiez-Le !
Le Christ descend des
Cieux, allez à Sa rencontre
Canon de la Nativité
Très-Révérends et Révérends Pères,
Très-Révérendes Sœurs,
Frères et sœurs bien-aimés,
C’est dans une profonde dévotion et tout empreints d’allégresse
que nous célébrons, année après année, l’événement de la Naissance dans la
chair du Fils de Dieu, notre Seigneur Jésus Christ, de la Vierge Marie. Or
cette année, les épreuves que nous avons à subir ne font défaut ni dans le
monde ni dans la vie de chacun d’entre nous. Cependant, ayons l’audace
d’accueillir la joie, car le Christ vient endosser toutes nos faiblesses et nos
souffrances. C’est la Fête de la joie au Ciel et sur la terre, pour les anges
et pour les hommes et pour toute créature.
Le saint évangéliste Luc nous décrit ainsi les circonstances
et le lieu où naquit le Seigneur :
Et elle enfanta son fils premier-né, l’emmaillota et le coucha
dans une crèche, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans l’hôtellerie.
Il y avait dans cette contrée des bergers qui vivaient aux champs et, durant
les veilles de la nuit, gardaient leurs troupeaux. Et voici, un Ange du
Seigneur leur apparut, et la gloire du Seigneur les entoura de sa clarté ; et
ils furent saisis d’une grande frayeur. Mais l’Ange leur dit :
N’ayez pas peur ; car, voici, je vous annonce une grande joie,
qui sera celle de tout le peuple : Aujourd’hui vous est né un Sauveur, qui est
le Christ, le Seigneur, dans la ville de David. Et ceci vous servira de signe :
Vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une crèche. (Lc 2, 7-12)
En effet, tout ce qui se meut au Ciel et sur la terre
participe à Sa Nativité, comme nous le révèle l’Évangile et comme nous le
confessons dans notre Tradition hymnographique et populaire : « Les Anges dans
le ciel tous ensemble dansent et jubilent en ce jour, tandis qu’exulte
l’entière création à cause du Sauveur qui est né à Bethléem… »1
1. Apostiches de la Nativité.. « Le Ciel et la terre / dans le
chant résonnent / les anges, les hommes / tous ensemble entonnent / le Christ
vient au monde / le Seigneur descend / les anges claironnent / les mages
L’adorent »2
2. Chant de Noël traditionnel de Roumanie..
Toutes les Puissances célestes, anges et hommes, riches et
pauvres, Ciel et terre, mais également bestiaux et êtres sans raison, tous se
retrouvent assemblés autour de la crèche accueillant l’Enfant céleste, Le
regardant et se laissant voir par ce nouveau regard naissant, celui du
Dieu-Homme. Le Fils de Dieu et Fils de l’Homme, né et couché dans la mangeoire,
nous permet, à travers Son regard, d’observer autrement le monde et la vie, car
c’est bien le regard divino-humain de l’Amour-même qui observe à présent
l’homme et le monde, nous appelant nous aussi à y poser, avec Lui, un autre
regard. Le Christ est l’Amour incarné, couché dans la mangeoire de bestiaux
dépourvus de parole, d’où Il révèle une autre compréhension de notre vie,
désormais appréhendée sur le plan céleste. Rien ne peut plus alors obstruer
l’éruption d’amour divin s’épanchant, du Ciel sur la terre, sur l’entière
humanité et sur le monde. L’Enfant Céleste, dans une humilité parfaite et un
mystérieux anonymat, brise le pouvoir du mal sur l’homme et le monde et ouvre
le Ciel à la terre et la terre au Ciel. Rien de peut entraver le jaillissement
de l’amour de Dieu sur nous, les hommes, hormis nous-mêmes, par notre liberté.
Le miracle tant attendu et annoncé s’est accompli, le temps si
espéré est arrivé, toute l’attention du monde se dirige vers la crèche de
Bethléem. C’est là que s’arrêta le temps de la mort, de la séparation du monde
d’avec Dieu, c’est là que s’inaugura le temps lié pour l’éternité par l’amour
de Dieu, descendu pour ne remonter au Ciel qu’avec nous – avec l’homme. Il nous
apporte le regard, la vision, la compréhension divine de notre vie terrestre et
si vulnérable – comme nous l’avons tous constaté au cours de l’année écoulée
d’une extrémité à l’autre de notre planète. Le regard de mystère que Dieu
Lui-même
porte sur le monde et sur l’homme se révèle dans la grotte
devenue Ciel, regard imprégné de l’amour salvifique s’arrêtant dans la grotte
de Son Fils, qui se découvrira comme étant l’Amour incarné, auquel Il rendit
témoignage au Jourdain, sous la main de Jean le Baptiste : Celui-ci est Mon
Fils bien-aimé, en qui J’ai mis toute Ma bienveillance (Mt 3, 17). Dans la
grotte, sous le regard aimant du Père Céleste et de toute l’étendue du Ciel,
nous comprenons que l’Enfant fait de la Vierge Marie la nouvelle Ève, la Mère
du Fils de Dieu et Mère de la Vie. La crèche, Il la fait Ciel ; les armées
angéliques, choeurs célébrant la gloire terrestre de Celui qui nous vient du
Ciel. Dans la grotte, l’Enfant Jésus fait des bergers des visionnaires et
guides pour ceux qui scrutaient les mystères de la parole de Dieu, ayant le privilège
de voir incarné le Messie avant même que ne le vissent ceux qui L’attendaient
pour Le désigner au peuple. Dans Sa crèche, le saint Enfant fait de l’étoile
venue d’Orient la voie lumineuse pour le peuple idolâtre menant vers le Dieu
unique Incarné et vers le salut par Lui advenu. En suivant l’Étoile, les doctes
Mages interprètes de l’invisible, qui comprirent et virent à partir du
mouvement d’astres inanimés Sa naissance et vinrent se prosterner devant Lui et
Lui présenter des dons, devinrent apôtres du Roi éternel, pour avoir annoncé
au monde entier, à commencer par Hérode, que le Roi du monde est né. Les Mages,
amants de la connaissance, s’étant rendus à la Grotte de l’Amour divin Incarné,
en repartirent connaisseurs de l’Amour.
En naissant dans la grotte de Bethléem, le Seigneur, se
faisant une place dans ce temps éphémère, Lui l’Éternel, nous fait une place à
nous aussi dans l’éternité. D’astres inanimés, Il fait des témoins de Sa
Nativité, des guides menant à Lui de doctes savants. L’homme, Il en fait un
frère ; les ténèbres intérieures, Il les fait lumière et joie spirituelle ; le
mauvais, bon ; le désespoir de l’humanité séparée de Dieu, espoir illimité ;
l’amertume d’Adam et Ève éloignés de Sa Face par le péché, joie sans borne de
l’union à Dieu dans Son amour ; la peur de l’homme pécheur, espoir et
confiance, répandant Sa douceur sans limite dans les âmes qui Le cherchent dans
le repentir ; la souffrance, Il la fait espérance en la joie ; la peur de la
mort, espérance en la Résurrection ; empereurs et rois de ce monde éphémère,
Il les fait confesseurs du Royaume céleste sans couchant ; la méconnaissance de
Dieu, lumière pour les âmes en quête de vérité ; la haine, Il la fait amour ;
l’amour de la science, science de l’Amour.
Frères et sœurs bien-aimés,
La festivité de la Nativité du Fils de Dieu se déroule d’une
manière que personne n’aurait imaginée un an auparavant. L’humanité entière,
victime de cette pandémie, traverse un funeste revers. Après avoir passé la
solennité pas
cale confinés chez nous, nous étions d’une certaine manière
entraînés, bien que nous ne puissions d’aucune manière nous habituer à l’état
d’isolement qui nous éloigne de l’Église et de la Divine Liturgie – coeur de
notre foi. L’incertitude s’est emparée de la société tout entière. Il y a près
d’un an, nous fûmes consternés de l’agressivité avec laquelle l’épidémie fit
souffrir tant de familles endeuillées d’êtres chers, et causa tant de
souffrance physique et spirituelle chez ceux qu’elle atteignit. Les
spécialistes s’évertuent à trouver des remèdes susceptibles d’enrayer le cours
de l’épidémie. Prions, chacun d’entre nous, autant que faire se peut, que le
Seigneur né dans la crèche de Bethléem reçoive dans Son amour incommensurable
notre repentir et pardonne toutes nos maladresses et nos faiblesses. Prions-Le
d’illuminer ceux qui cherchent un remède, prions-Le pour ceux qui prennent soin
des malades, mais également pour tous ceux qui souffrent, que nous connaissons
ou que nous ne connaissons pas.
En ces temps éprouvés, nous réalisons à quel point nous sommes
liés les uns aux autres, mais aussi à l’humanité entière, à quel point la
souffrance des uns se propage sur les autres. C’est pourquoi nous ne pouvons
qu’être solidaires les uns envers les autres. Certains d’entre vous êtes
éloignés de vos proches à cause de l’épidémie, et n’avez pu les revoir depuis
une longue période. La prière est seule en mesure de rapprocher les âmes
éloignées, parcourant les distances en un instant et nous rapprochant, par
l’amour de Dieu, les uns des autres.
N’hésitons pas à venir en aide en tout ce que nous pouvons à
ceux qui en ont besoin, quels qu’ils soient. Fidèles, nous prions pour les
chrétiens orthodoxes et pour tous les chrétiens, mais aussi pour tout le genre
humain, pour lequel aujourd’hui le Christ, Fils et Verbe de Dieu, naît dans la
grotte de Bethléem.
Que le Seigneur nous aide à nous retrouver sains dans nos
églises et communautés, jouissant de toutes les grâces dont Il nous a comblés,
et donnant à notre tour en toute bienveillance à notre prochain l’amour que le
Christ a mis en notre coeur et dans notre vie, par Sa Nativité.
† Joseph,
Archevêque d’Europe Occidentale
et Métropolite d’Europe Occidentale et Méridionale
Paris, Nativité du Seigneur 2020