Lettre pastorale du Saint-Synode de l’Église
Orthodoxe Roumaine,
Dimanche de l’Orthodoxie de l’an de grâce du
Seigneur 2021
À LA SAINTE COMMUNAUTE
MONASTIQUE, AU REVEREND CLERGE ET AUX FIDELES BIEN-AIMES
DU PATRIARCAT DE ROUMANIE
Grâce, miséricorde et paix de la part de Dieu Père, Fils et Saint-Esprit,
et de la nôtre, bénédiction paternelle !
Très-Révérends et Révérends Pères, serviteurs de l’autel, Fidèles Frères et Sœurs bien-aimés,
Nous rendons gloire au Dieu adoré dans la Trinité, qui, malgré toutes les épreuves et tentations que
l’humanité tout entière a traversées et traverse, nous a rendus dignes encore cette
année de marcher sur le chemin de la repentance : en commençant « le chemin des vertus (…) fortifions-nous avec le bon
combat du jeûne »[1]
pour « être dignes de voir la Passion toute vénérable du Christ notre Dieu
– et, dans la joie spirituelle, la
sainte Pâque »[2].
Ce dimanche, dit de « l’Orthodoxie », première étape
du voyage spirituel du Carême, a été institué par le saint
Patriarche Méthode de
Constantinople, à la suite du Concile
local de Constantinople (11 mars 843), qui a officiellement consacré la
proclamation finale de la vénération des saintes icônes[3].
Cette proclamation dogmatique est le résultat d’une longue crise, répartie
sur le huitième et
neuvième siècles. Cette crise s’est
manifestée dans la lutte
contre les icônes et leurs adorateurs, et a été appelée, pour cette raison, la crise iconoclaste ou iconoclasme.
Les troubles engendrés par la crise iconoclaste se sont manifestés au cours
de deux périodes, marquées par de nombreuses persécutions des empereurs
byzantins contre les icônes, mais aussi par une forte résistance manifestée par de brillants
théologiens et des saints, défenseurs et adorateurs des saintes icônes. Ces
derniers, éclairés par l’Esprit-Saint,
ont révélé à tous la valeur théologique, liturgique et catéchétique de l’icône
dans la vie de l’Église et du chrétien qui cultive la communion avec Dieu et
ses saints.
Dans la première période de la lutte contre les icônes (730 – 787), on
remarque parmi les défenseurs de l’Orthodoxie
le saint patriarche Germain Ier de Constantinople (715 – 730) et saint Jean Damascène (675 – 749).
Le premier a donné le premier témoignage de l’Orthodoxie contre l’iconoclasme,
affirmant que la tradition de la représentation iconique de Jésus-Christ est la
conséquence de Sa théophanie visible, c’est-à-dire de l’Incarnation,
de Sa vie dans la chair, de Sa Passion et de Sa mort salvatrice[4].
À son tour, saint Jean Damascène a réussi
à résumer admirablement l’enseignement orthodoxe sur les icônes, à travers ses
trois traités sur les icônes. En ce sens, il dit : « Dans les temps
anciens, Dieu, n’ayant ni corps ni forme, ne pouvait être représenté en aucune
manière. Mais aujourd’hui, depuis que Dieu est apparu dans la chair et a vécu parmi
les hommes, je peux représenter ce qui est visible en Dieu. Je vénère, non pas la matière mais le Créateur de la matière,
qui est devenu matière pour l’amour de moi, qui a assumé la vie dans la chair
et qui a accompli mon salut à travers la matière »[5].
La première période iconoclaste se termine avec le VIIème Concile œcuménique de Nicée, en 787,
convoqué par la sainte impératrice Irina, dans lequel est faite la distinction claire et sans équivoque de la vénération ou la vénération
relative de l’icône et du culte (l’adoration)
qui n’est dû qu’à Dieu.
La seconde période iconoclaste
a été déclenchée sous le règne sécularisant de l’empereur iconoclaste
Léon V l’Arménien (813 – 820) et durera jusqu’en 843. Mais Dieu a mis à part
encore des gens merveilleux et saints, comme saint Théodore le Studite (759 – 826) et saint Nicéphore le Confesseur, Patriarche
de Constantinople (806 – 828). Saint Théodore le Studite justifie la pratique
de peindre l’icône du Seigneur Jésus-Christ sur la base de l’Incarnation du
Fils éternel de Dieu. Ainsi, l’icône du Christ n’est pas seulement l’image de
l’homme Jésus de Nazareth, mais l’image de la seule hypostase du Fils et du
Logos de Dieu, qui s’est fait homme, pour le salut des hommes.
Cette seconde période de la crise
iconoclaste prend fin sous le règne de la sainte impératrice Théodora[6] et
du saint patriarche Méthode de Constantinople, qui ont rétabli la vénération
des saintes icônes au Concile local de Constantinople en 843. Les décisions du
septième Concile œcuménique de Nicée sont maintenant réaffirmées en l’an 787 et
l’iconoclasme est condamné définitivement avec toutes les hérésies apparues
jusque-là. Du fait que les séances du Concile de 843 se sont terminées le
samedi précédant le premier dimanche de Carême (le 11 mars), le document
officiel, intitulé le Synodique de
l’Orthodoxie, a été lu solennellement le lendemain, le premier dimanche de
Carême. Depuis lors, il a été décidé que chaque année, à partir de l’an 843, le
premier dimanche du saint et grand Carême, nommé Dimanche de l’Orthodoxie, le Triomphe ou la Victoire de l’Orthodoxie, sera célébré dans tout le monde
orthodoxe.
Fils et filles bien-aimés dans le Seigneur,
La vénération des saintes icônes,
telle qu’elle a été établie par les saints Pères dans les saints Conciles, est
un acte de témoignage de la vérité de l’Incarnation du Fils éternel de Dieu, un
acte de communion avec Dieu et Ses saints, et un appel également à une vie sainte
et à des actes d’amour miséricordieux et caritatif en tout lieu et à tout
moment.
Pour le témoignage de la foi
orthodoxe, nous dévons purifier nos esprits, nous occuper de notre guérison
spirituelle et accomplir des actes bons et justes, nous renouveler et nous
éclairer par les vertus, en nous rappelant les paroles de l’apôtre saint
Jacques: « la foi sans les œuvres est morte en réalité» (Jacques 2, 17).
De cette façon, nous avançons à la ressemblance de l’image du Dieu saint, vers
la déification par grâce, dont saint Grégoire de Nysse dit : « Chacun d’entre nous est le peintre de sa
propre vie: l’âme est la toile, les vertus sont les couleurs et le Christ est
le modèle que nous devons peindre »[7].
Par la fête de ce jour, Dimanche de l’Orthodoxie ou Dimanche du Triomphe de la Juste Foi,
nous sommes également appelés à être victorieux, avec l’aide de la grâce de
Dieu, sur les passions de l’avidité, de l’orgueil, qui nous poursuivent
toujours, en mettant à leur place les vertus d’humilité et d’amour
miséricordieux pour les personnes qui nous entourent, afin de redécouvrir en
elles l’image de l’humble Christ.
Chers Frères et Sœurs en Dieu,
L’année 2021, proclamée par le
Saint-Synode de notre Église comme Année consacrée
à la pastorale des fidèles établis en dehors des frontières de la Roumanie et
Année commémorative de ceux qui se sont endormis
dans le Seigneur et de Réflexion sur
la valeur liturgique et culturelle des cimetières, offre l’opportunité de
manifester plus intensément combien nous aimons et combien nous manquent les
frères roumains hors des frontières du pays, ainsi que l’opportunité de se soucier
de ceux qui sont passés de cette vie à la vie future.
Dans ce contexte, nous vous rappelons qu’en 2021 cela fera 150 ans depuis
la Première Fête des Roumains de partout,
un événement missionnaire et culturel initié par le poète Mihai Eminescu, qui a
eu lieu en 1871 au Monastère de Putna, et qui a bénéficié de la participation
de certaines personnalités comme l’écrivain Ioan Slavici ou l’historien Alexandru
D. Xenopol. Le 150ème
anniversaire de cet événement sera marqué cette année à l’église du monastère de Putna construite par saint
Étienne le Grand, le 15 août, fête de la Dormition
de la Très Sainte Mère-de-Dieu, afin d’affirmer et de renforcer l’unité des
Roumains qui habitent dans le pays ou à l’étranger, et pour renforcer les liens
fraternels, la communion d’amour et le travail commun pour le bien commun du
peuple roumain.
Dans le même temps, afin de cultiver la gratitude et l’amour pour ceux qui
se sont endormis dans le Seigneur, il est du devoir moral de chaque chrétien
orthodoxe de mentionner dans la prière particulière, à la sainte Liturgie et au cours d’autres
saints offices, ceux qui sont invisiblement parmi nous,
d’honorer leur mémoire et de nous rappeler leurs bonnes actions, et de prendre soin et d’embellir
leurs tombes, ainsi que les monuments des héros roumains.
Egalement, selon la tradition établie par notre Église, le Dimanche
de l’Orthodoxie est lancée la collecte
pour le Fonds central missionnaire, qui aide particulièrement les communautés
paroissiales en difficulté du pays et à l’étranger et qui soutient les
activités philanthropiques et éducatives à travers lesquelles l’identité
culturelle des chrétiens orthodoxes roumains est préservée.
La générosité, la générosité ouverte à ceux qui ont besoin, est une image
lumineuse de la vie chrétienne, d’une personne, d’une communauté et de toute
une nation. Tout au long de l’histoire, le chrétien orthodoxe roumain a appris que c’est seulement en donnant que tu recevras, ce qui l’a conduit
à donner du peu qu’il possède à ceux qui ont besoin, afin que lui aussi puisse
être aidé dans les moments difficiles.
Nous avons la conviction et l’espoir que cette année aussi vous répondrez
avec générosité chrétienne à
l’appel à l’aide de ceux qui ont besoin, contribuant à la poursuite du travail
missionnaire et social-philanthropique de l’Église, au profit des fidèles
orthodoxes roumains du monde entier.
En vous souhaitant un Carême béni,
avec beaucoup de progrès et de bienfaits spirituels, nous vous
embrassons : « Que la grâce de notre Seigneur Jésus Christ, l’amour
de Dieu et la communion du saint Esprit soient avec vous tous ! » (2
Corinthiens 13, 13).
Le président du Saint-Synode de l’Église Orthodoxe
Roumaine,
† DANIEL
Archevêque de Bucarest,
Métropolite de Munténie et de Dobroudgea,
Lieutenant du trône de Césarée de Cappadoce et
Patriarche de l’Église Orthodoxe Roumaine
avec tout le Saint-Synode de l’Église Orthodoxe Roumaine :
† Théophane, Archevêque de Iassy
et Métropolite de la Moldavie et de la Bucovine |
† Laurent, Archevêque de
Sibiu et Métropolite de la Transylvanie |
† André, Archevêque du
Vad, de Feleac et de Cluj et Métropolite de Cluj, Maramures et Salaj |
† Irénée, Archevêque de
Craiova et Métropolite de l’Olténie |
† Jean, Archevêque de
Timisoara et Métropolite du Banat |
† Pierre, Archevêque de
Kichinev, Métropolite de la Bessarabie et Exarque des Près |
† Joseph, Archevêque
Orthodoxe Roumain de l’Europe Occidentale et Métropolite Orthodoxe Roumain de
l’Europe Occidentale et Méridionale |
† Séraphin, Archevêque
Orthodoxe Roumain de l’Allemagne, de l’Autriche, du Luxembourg et Métropolite
Orthodoxe Roumain de l’Allemagne, de l’Europe Centrale et du Nord |
† Nicolas, Archevêque
Orthodoxe Roumain des États-Unis d’Amérique et Métropolite Orthodoxe Roumain
des deux Amériques |
† Niphon, Métropolite
honorifique, Archevêque de Targoviste et Exarque Patriarcal |
† Théodose, Archevêque de
Tomis |
† Calinique, Archevêque de
Suceava et de Radauti |
† Irénée, Archevêque
d’Alba Iulia |
† Barsanuphe, Archevêque de
Ramnic |
† Joaquim, Archevêque de
Roman et de Bacau |
† Calinique, Archevêque de
l’Arges et du Muscel |
† Cyprien, Archevêque de
Buzau et de Vrancea |
† Cassien, Archevêque du
Bas Danube |
† Timothée, Archevêque
d’Arad |
† Ignace, Évêque de Husi |
† Lucien, Évêque de
Caransebes |
† Sophrone, Évêque
Orthodoxe Roumain d’Oradea |
† Justin, Évêque
orthodoxe Roumain du Maramures et du Satmar |
† Nicodème, Évêque de
Severin et de Strehaia |
† Antoine, Évêque de
Balti |
† Benjamin, Évêque de
Bessarabie de Sud |
† Vincent, Évêque de
Slobozia et de Calarasi |
† André, Évêque de
Covasna et de Harghita |
† Galaction, Évêque
d’Alexandria et de Teleorman |
† Ambroise, Évêque de
Giurgiu |
† Sébastien, Évêque de
Slatina et de Romanati |
† Bessarion, Évêque de
Tulcea |
† Pétrone, Évêque de
Salaj |
† Gurie, Évêque de Deva
et de Hunedoara |
† Daniel, Évêque de
Dacia Felix (Serbie) |
† Silouane, Évêque Orthodoxe
Roumain de la Hongrie |
† Silouane, Évêque Orthodoxe
Roumain de l’Italie |
† Timothée, Évêque
Orthodoxe Roumain de l’Espagne et du Portugal |
† Macaire, Évêque Orthodoxe
Roumain de l’Europe du Nord |
† Michel, Évêque
Orthodoxe Roumain de l’Australie et de la Nouvelle Zélande |
† Jean Cassien, Évêque Orthodoxe
Roumain du Canada |
† Barlaam de
Ploiesti, Évêque-vicaire
Patriarcal |
† Jérôme du
Sinaï, Évêque-vicaire
Patriarcal |
† Timothée de
Prahova, Évêque-vicaire
de l’Archevêché de Bucarest |
† Nicéphore de
Botosani, Évêque-vicaire
de l’Archevêché de Iassy |
† Hilarion du
Fagaras, Évêque-vicaire
de l’Archevêché de Sibiu |
† Benoît de
Somes, Évêque-vicaire
de l’Archevêché du Vad, Feleac et de Cluj |
† Païssios de
Lugoj, Évêque-vicaire
de l’Archevêché de Timisoara |
† Marc de Neamt, Évêque-vicaire
de l’Archevêché Orthodoxe Roumain de l’Europe Occidentale |
† Sophian de
Brasov, Évêque-vicaire
de l’Archevêché Orthodoxe Roumain de l’Allemagne, de l’Autriche et du
Luxembourg |
† Damascène de
Dorna, Évêque-vicaire
de l’Archevêché de Suceava et de Radauti |
† Émilien de
Cris, Évêque-vicaire
de l’Archevêché d’Arad |
† Timothée de
Satmar, Hiérarque-vicaire
de l’Évêché Orthodoxe Roumain du Maramures et du Satmar |
† Nestor
d’Hunedoara, Hiérarque-vicaire
de l’Évêché de Deva et de Hunedoara |
† Athanase de
Bogdania, Hiérarque-vicaire
de l’Évêché Orthodoxe Roumain d’Italie |
† Théophile
d’Iberia, Hiérarque-vicaire
de l’Évêché Orthodoxe Roumain de l’Espagne et du Portugal |
[1] Triode,
imprimé avec l’approbation du Saint-Synode
et avec la bénédiction de Sa Béatitude Daniel, Patriarche de l’Église orthodoxe roumaine, Éditions de
l’Institut Missionnaire Biblique et Orthodoxe, Bucarest, 2010, p. 110.
[2] Triode…, p. 111
[3] Chaque année, le 11 mars nous faisons mémoire du saint hiérarque Sophrone, Patriarche de Jérusalem, grand défenseur de
l’Orthodoxie contre l’hérésie monothélite.
[4] Jean Meyendorff, Initiation à la
théologie byzantine, Éd. du Cerf, Paris, 1975, p. 63.
[5] Saint Jean Damascène, Cele trei tratate împotriva iconoclaştilor,
trad. pr. Dumitru Fecioru, Edition de l’Institut Biblique et de Mission Orthodoxe,
Bucarest, 2016, pp. 65-66.
[6] Dans l’île de Kerkyra (Corfou),
dans la cathédrale métropolitaine de l’estuaire de l’île, devant le
Saint-Autel, on peut vénérer les reliques incorruptibles, comme celles du saint Hiérarque Spyridon, de
la sainte impératrice Théodora, défenderesse de la sainte Orthodoxie. L’île de
Kerkyra est un lieu de pèlerinage bien connu en raison de la présence des reliques du saint
Hiérarque Spyridon de Trimithonte, le Thaumaturge, grand défenseur du dogme de
la sainte Trinité au Premier Concile œcuménique de Nicée (325), par le fameux
argument de la brique cassée par les prières de saint Spyridon, en trois éléments
constitutifs – le feu, la terre et l’eau.
[7] Saint Grégoire de Nysse, Despre desăvârşire, către monahul Olimpiu, (Sur la perfection), dans saint Grégoire de Nysse, Scrieri II, dans coll. « Părinţi
şi Scriitori Bisericeşti », no. 30 (série ancienne), Editions de
l’Institut Biblique et de Mission de l’Église Orthodoxe Roumaine, Bucarest, 1982, pp. 467-468.