LETTRE
PASTORALE POUR LA PÂQUE 2022
LA
RÉSURRECTION DU CHRIST – NOTRE ESPÉRANCE INFLÉTRISSABLE
À TOUT LE
CLERGÉ, À LA COMMUNAUTÉ MONASTIQUE ET
À TOUS
LES FIDÈLES DE L’ARCHEVÊCHÉ D’EUROPE OCCIDENTALE
Béni soit Dieu, le Père de
notre Seigneur Jésus Christ, qui,
selon sa grande
miséricorde, nous a régénérés, pour une espérance vivante,
par la résurrection de
Jésus Christ d’entre les morts, pour un héritage qui ne se peut ni corrompre,
ni souiller, ni flétrir.
1 Pierre 1, 3-4
Très-Révérends et Révérends Pères, Frères et sœurs bien-aimés
dans le Seigneur,
Le Christ est ressuscité!
L’amour inflétrissable et éternel de Dieu se révèle et se
répand sur nous, dans nos cœurs et dans nos vies, une fois encore, en cette
«fête des fêtes» que nous vivons aujourd’hui avec une grande intensité – la
Résurrection du Christ, le Fils de Dieu.
L’amour de Jésus Christ pour l’homme, abondamment manifesté
dans toutes ses souffrances et jusqu’à la Croix, a changé à jamais le cours de
nos vies et l’a réorienté de la mort implacable à la résurrection, terrassant,
par la Croix, la mort qui semblait pour toujours régner sur les vies de ceux
qu’Il avait créés à Son image et à Sa ressemblance. La vie a triomphé! Rien ni
personne ne peut désormais plus nous séparer de l’amour de Dieu, ni trouble, ni
détresse, ni persécution, ni aliénation, ni haine, ni faim, ni besoin corporel
d’aucune sorte, ni danger, ni glaive, ni guerre – comme nous en assure le saint
Apôtre Paul. Tous ont trouvé leur guérison en Celui qui a ôté tous ces fardeaux
de nos épaules, tant spirituels que corporels, courbés que nous étions sous
leur poids, possédés par la peur de la mort dont nous ne saurions nous
accommoder. De notre grande pauvreté, le Christ a reçu la mort en héritage afin
de nous rendre héritiers de ses trésors, de sa Vie. C’est-à-dire que depuis
notre mort, Il s’est frayé par sa mort un chemin jusqu’à nous, pour nous
assurer qu’il n’est rien de plus précieux à ses yeux, et qu’Il n’aime rien de
plus – pas même Lui-même – que l’homme qu’Il a créé à Son image. Et Il nous a
enrichis de sa Vie inestimable! Tel est le don que nous apporte la
Résurrection: le Christ ressuscité qui nous habite. «De notre lot il a reçu la
mort, pour, de son lot, nous donner la vie».
Le Christ n’habite pas en nous pour nous arracher aux réalités
de la vie terrestre, qu’Il nous a Lui-même données, mais pour nous remplir de
celles du Ciel, de l’amour du Père céleste; ne point voir les réalités célestes
avec des yeux terrestres et corruptibles, mais voir celles de la vie terrestre
avec les yeux célestes de l’amour de Dieu pour nous; ne point sentir les
réalités du Ciel de nos sens gouvernés par toutes les passions et la peur de la
mort, mais sentir la beauté de la vie terrestre éclairée par la Résurrection,
comme un don de Dieu, des sens incorruptibles que le Christ ressuscité nous
donne en héritage; comprenons et goûtons dès cette vie son amour divin pour les
hommes, manifesté par le don de son Corps et de son Sang par lesquels Il nous
transmet, pour étancher notre soif, le pouvoir de rechercher et de désirer de
toutes nos forces son Royaume éternel. En Lui, par son sacrifice, nous avons
été réconciliés avec Dieu le Père, que son Fils nous révèle comme aimant
l’homme par dessus tout, comme un donateur de vie éternelle pour tous ceux qui
aiment le Fils et mettent toute leur confiance en son amour. Car Dieu a tant
aimé le monde qu’Il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en Lui ne
périsse, mais ait la vie éternelle. Il n’a pas gardé pour Lui la Résurrection
et le don de la vie éternelle, mais par son entremise Il nous les a transmis.
«En abolissant l’empire de la mort par la Résurrection, Il n’a pas cherché sa
propre résurrection, car Il est le Verbe et Dieu, mais nous a donné à nous
cette bénédiction, par Lui et en Lui».
Fidèles bien-aimés,
Ouvrons les portes de notre cœur pour y recevoir le Christ
ressuscité. Comment, sinon par le repentir, pouvons-nous ouvrir ces portes de
notre âme pour qu’Il y entre et y fasse une lumière salvatrice, c’est-à-dire la
lumière qui révèle le péché et l’abolit dès lors que nous le reconnaissons et
le rejetons? Se repentir – en reconnaissant ses erreurs et en se retournant,
comme le fils prodigue, vers Celui qui nous attend à bras ouverts, non d’une
manière quelconque, mais sur la Croix – signifie réorienter vers Lui le regard
de notre âme et L’appeler à l’aide, Lui le Sauveur. Ne doutons pas de son
amour, car Il n’est pas venu nous juger, mais nous sauver. Il a reçu la Croix
et la Crucifixion pour nous montrer la puissance de son amour pour nous, comme
Il l’a enseigné en tant de circonstances à ses Disciples et au peuple qui Le
suivait, mais en même temps pour nous montrer que l’amour du pouvoir ne vient pas
de Lui, ne vient pas de Dieu. La puissance de son amour n’est pas la même chose
que l’amour de la puissance. Il se lève du tombeau et de la mort qui ne purent
Le tenir en otage, au nom du Père Céleste, pour nous assurer de son amour et du
soin qu’a la Très-Sainte Trinité du salut des hommes, dont le Fils de Dieu
incarné nous atteste à nouveau en disant que «Dieu n’a pas envoyé son Fils dans
le monde pour juger le monde, mais afin que le monde soit sauvé par Lui».
Il est venu nous relever de toute maladie et impuissance, de
tout état spirituel ou corporel où nous serions enlisés, aussi grave soit-il.
Rien n’est impossible à son amour pour nous. Le Christ-Seigneur n’a qu’une
seule impossibilité: Il ne peut nous contraindre à L’aimer ni à Le recevoir. Il
ne peut pénétrer dans les ténèbres de notre âme si nous ne daignons les Lui
ouvrir pour y entrer. Voici, je me tiens à la porte et je frappe, dit le
Seigneur; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui,
et je souperai avec lui, et lui avec moi .
Cette année 2022, frères et sœurs bien-aimés, a été consacrée
par le Saint-Synode de notre Église à la prière. Trois grands saints y sont
spécialement associés, pour avoir vécu et prêché la prière comme condition
immédiate à notre état d’union avec Dieu et à la vision de la Lumière incréée
de Dieu qui jaillit de sa propre nature, et que les Saints Apôtres virent de
leurs yeux corporels sur le Mont Thabor. Lorsque le Christ-Seigneur se
transfigura, Il leur révéla, ainsi qu’à nous, sa Gloire divine dans sa Personne
divino-humaine, l’union sans confusion en Lui de la nature humaine avec la
nature divine, le rayonnement de la Lumière divine dans la nature humaine qu’Il
a prise sur Lui pour notre salut. Nous pouvons voir là ce que nous devenons par
le fait que le Ressuscité vive en nous, Lui qui submerge de sa Lumière notre
nature déchue. À la suite de ces trois saints, Syméon le Nouveau Théologien
(trépassé il y a tout juste un millénaire, en mars 1022), saint Grégoire
Palamas et saint Paissy de Neamţ – également appelés saints hésychastes –
intensifions notre prière personnelle. Jour après jour, introduisons dans notre
pensée, autant que nous le pouvons, la prière que ces saints et tous les autres
saints prononcèrent – de même que les moines et tous les fidèles qui la
pratiquent: Seigneur, Jésus Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur!
Jour et nuit, en chemin ou dans notre logis, où que nous
soyons, crions au Seigneur ressuscité, au Seigneur bon et miséricordieux, Lui
qui est Pardon et Amour, d’avoir pitié de nous-même, du prochain et du monde
entier, en ces temps si tourmentés. Après la pandémie qui mit l’humanité à dure
épreuve, une guerre impitoyable frappe à nos portes sans merci. Un peuple
chrétien se dresse contre un autre peuple chrétien. D’innombrables vies sont
sacrifiées, tant parmi les innocents que parmi ceux qui combattent. Plus que
jamais le monde a besoin de notre prière à tous. Il a besoin de notre
solidarité avec ceux qui fuient les conflits armés. Par la prière, l’aide
matérielle, par beaucoup de bienveillance et d’amour, nous pouvons aider à
rapprocher le monde dans lequel nous vivons de Celui qui nous apporte le don le
plus élevé qui puisse être: la mise à mort de la mort et la victoire de la
Lumière divine sur la mort qui nous retenait captifs. Alors, vivons et soyons
des fils de la Lumière, et resplendissons autour de nous de bonté, d’amour et
de foi, au nom du Ressuscité – notre espérance inflétrissable. Demandons sans
cesse dans nos prières que le Christ nous donne le pouvoir d’aimer, afin que
jamais nous ne fassions passer devant le pouvoir de l’amour, l’amour du
pouvoir.
Je prie le Seigneur ressuscité d’entre les morts de vous
protéger, de vous bénir, de vous préserver de tout mal et de vous accorder de
passer cette sainte Fête dans la paix et l’unité, pleins de gratitude pour Sa
bonté, et gardant toujours une pensée de bienfaisance pour les éprouvés et les
nécessiteux.
Le Christ est ressuscité! En vérité Il est ressuscité!
† Joseph,
Archevêque d’Europe
Occidentale
et Métropolite d’Europe
Occidentale et Méridionale
Paris, Pâque 2022.