samedi 4 mars 2023

 

Le Synodikon de

l’orthodoxie

Traduite par Jean Gouillard

Paru dans « Travaux et Mémoires - 2 »

Editions E. de Boccard, Paris 1967

 

Action de grâces anniversaire, due à Dieu le jour où nous avons

recouvré l'Église de Dieu, avec la proclamation des dogmes de la religion et la déroute des impiétés de la malice.


Dociles à la parole du prophète, soumis aux invites de l'Apôtre et instruits par le récit évangélique, nous fêtons le jour de la dédicace. Isaïe, en effet, dit aux « îles de se renouveler au regard de Dieu », faisant allusion aux Églises issues de la gentilité. Entendons par églises, non simplement les édifices sacrés et leur splendeur, mais tout le corps des pieux fidèles y assemblés et les hymnes et doxologies par lesquelles ils servent la divinité.


L'Apôtre, dans une invite pareille, nous exhorte à « mener une vie nouvelle » et « commande à toute créature nouvelle dans le Christ » de se renouveler. La parole du Seigneur enfin, découvrant une réalité prophétique, nous dit : «On célébra la fête de la Dédicace à Jérusalem, c'était l'hiver », soit l'hiver spirituel dans lequel le peuple juif soulevait contre notre commun Sauveur les tempêtes et les remous de sa haine sanguinaire, soit celui qui afflige nos sens par le refroidissement de l'air. Nous avons eu en effet, nous avons eu nous aussi notre hiver — et quel hiver celui qui répand la rigueur du plus grand des maux.

Mais voici qu'a fleuri pour nous le printemps propice des faveurs divines, qui nous trouve tous rassemblés pour offrir à Dieu la prière de reconnaissance en retour de l'heureuse moisson, et nous pouvons bien dire avec le psalmiste : « L'été et le printemps, c'est toi qui les a faits, souviens-toi d'elle. »

En vérité, les ennemis qui avaient outragé le Seigneur et déshonoré le saint culte qui lui est rendu dans les saintes images, les ennemis exaltés et enorgueillis par leurs impiétés, le Dieu des merveilles les a brisés et il a précipité à terre l'insolence des apostats. Il n'a pas fermé l'oreille à la voix de ceux qui criaient vers lui : « Souviens-toi, Seigneur, de l'outrage infligé à tes serviteurs, de l'outrage que je porte en mon sein, de toutes les nations, de celui que t'ont fait tes ennemis, Seigneur, de celui qu'ils ont fait au substitut"' de ton Oint. » Par substitut de l'Oint, entendons ceux qui ont été rachetés par sa mort et ont cru en lui, par la parole de la prédication et la figuration en images au moyen desquelles le grand oeuvre de l'Économie est connu de ceux qui ont été rachetés, par sa croix et par sa passion et ses miracles d'avant et après la croix, d'où l'imitation de ses souffrances se transmet aux apôtres, d'eux aux martyrs, et par ceux-ci arrive aux confesseurs et aux ascètes.

De cet outrage infligé par les ennemis du Seigneur, infligé au substitut de son Oint, Notre Seigneur s'est souvenu, ému dans ses entrailles, fléchi par les supplications maternelles, celles aussi des apôtres et de tous les saints qui ont été outragés avec lui et ont été méprisés de pair avec les images — de sorte qu'ayant partagé ses souffrances dans la chair, ils communient aussi, naturellement, avec lui dans les outrages portés contre les images — aujourd'hui enfin il a mis en oeuvre ce qu'il avait résolu, et il a accompli une seconde fois ce qu'il avait fait une première.. La première fois, au terme de longues années de mépris et de déshonneur, marqués aux saintes images, il a ramené la piété à elle-même. A présent, et c'est la deuxième fois, après une persécution de près de trente années, il a ménagé à notre indignité le soulagement de nos épreuves, la délivrance de nos persécuteurs, la proclamation de la piété, la liberté du culte des images et la fête qui nous apporte tous les bienfaits du salut. Dans les images, en effet, nous contemplons les souffrances endurées pour nous par le Seigneur, la croix, le tombeau, la mise à mort et la spoliation d'Hadès, les combats des martyrs et leurs couronnes, le salut lui-même que l'arbitre et rémunérateur souverain et notre premier triomphateur « a accompli au milieu de la terre ». Telle est la solennité que nous célébrons en ce jour ; nous y répandons notre joie et notre exultation communes en prières et supplications, et nous nous écrions en psaumes et en hymnes : « Quel Dieu est grand comme notre Dieu ? Tu es notre Dieu, le seul qui fait des merveilles. » Ceux qui ravalaient ta gloire, tu les as tournés en dérision ; les insolents qui attentaient à ton image, tu les as révélés poltrons et fuyards.

Voilà pour l'action de grâces envers Dieu et le triomphe du Seigneur sur ses adversaires. Pour les combats et les exploits contre les iconomaques, un autre exposé, un récit plus développé les racontera. En guises de repos après la traversée du désert, entrés en possession de la Jérusalem spirituelles, comme une réplique de l'histoire mosaïque ou plutôt à l'injonction de Dieu, ainsi que sur une stèle construite de grosses pierres et préparée pour recevoir l'écriture, nous avons tenu pour devoir de justice et de reconnaissances de graver dans le cœur de nos frères, et les bénédictions dues aux observateurs de la loi et les malédictions auxquelles se soumettent eux-mêmes les transgresseurs. C'est pourquoi nous disons : Ceux qui confessent l'avènement en chair de Dieu le Verbe en parole, de bouche, de cœur et d'esprit, par l'écriture comme par les images, éternelle leur mémoire.

Ceux qui savent la distinction en essences de la seule et même hypostase du Christ, lui attribuent les propriétés de créé et incréé, visible et invisible, passible et impassible, limité et, illimité, et appliquant à l'essence divine celle de créé et les autres semblables, confessent de la nature humaine, entre autres, la limitation, à la fois par la parole et par les images, éternelle leur mémoire.

Ceux qui croient et proclament ou prêchent les idées par l'écriture, les faits par les figures, et que l'un et l'autre : et la prédication au moyen du discours et la confirmation de la vérité au moyen des images, concourent à une même utilité, éternelle leur mémoire.

Ceux qui sanctifient leurs lèvres par la parole, puis leurs auditeurs par cette même parole, qui savent et proclament que les vénérables images sanctifient pareillement le regard de ceux qui les contemplent et élèvent l'esprit à la connaissance de Dieu, de pair avec les temples divins, les vases sacrés et tous les autres saints objets, éternelle leur mémoire.

Ceux qui savent que la verge et les tables, l'arche et le chandelier, la table et l'encensoir décrivaient par avance et préfiguraient la toute sainte vierge Maries", mère de Dieu, que ces objets la préfiguraient, mais qu'elle n'a pas été ces objets, qu'elle est née femme et qu'elle est demeurée vierge après l'enfantement divin, et, pour cette raison, préfèrent représenter la femme elle-même dans ses images plutôt que de l'esquisser dans ses figures, éternelle leur mémoire.

Ceux qui connaissent et admettent les visions des prophètes telles que la Divinité elle-même leur a donné formes et contours, et croient ce que le chœur des prophètes a raconté pour l'avoir vu, et tiennent fermement la tradition, écrite et non écrite, transmise aux Pères par la voie des apôtres, et, pour cette raison, représentent en images les Saintes réalités et les honorent, éternelle leur mémoire. Ceux qui pénètrent le langage de Moïse : Tenez-vous sur vos gardes, parce que le jour où le Seigneur a parlé, à l'Horeb, sur la montagne, vous avez entendu le son des paroles, mais vous n'avez pas vu de forme », et savent répondre comme il convient : Si nous avons vu quelque chose, nous l'avons vraiment vu, ainsi que le fils du tonnerre nous l'a enseigné : Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu, ce que nous avons contemplé de nos yeux et que nos mains ont touché du Verbe de vie, c'est ce dont nous vous rendons témoignage », et aussi les autres disciples du Verbe : « Nous avons mangé et bu avec lui », non seulement avant la passion, mais aussi après la passion et la résurrection :

Ceux donc qui ont reçu de Dieu la force de distinguer l'interdit contenu par la Loi et l'enseignement apporté par la Grâce, d'une part ce qui, dans la Loi, est invisible, d'autre part ce qui, dans la Grâce, est visible et palpable, et, pour cette raison, représentent en images les réalités vues et touchées et les vénèrent, éternelle leur mémoire.

Ainsi que les prophètes ont vu, que les apôtres ont enseigné, que l'Église a reçu la tradition, que les docteurs ont défini, que l'univers a unanimement consenti, que la Grâce a resplendi, que la vérité a éclaté, que le mensonge a été expulsé, que la sagesse a parlé avec assurance, que le Christ a triomphé, ainsi nous pensons, ainsi nous parlons, ainsi nous prêchons, honorant le Christ, notre vrai Dieu et ses saints, en paroles, en écrits, en pensées, par des sacrifices, par des sanctuaires, par des images, adorant et révérant l'un comme Dieu et Seigneur, honorant les autres par égard au Seigneur commun et comme ses bons serviteurs et leur rendant le culte relatif. Telle est la foi des apôtres, telle la foi des Pères, telle la foi des orthodoxes, telle la foi qui a affermi l'univers.