Le Synodikon de
l’orthodoxie
Traduite par Jean Gouillard
Paru dans « Travaux et Mémoires - 2 »
Editions E. de Boccard, Paris 1967
Action
de grâces anniversaire, due à Dieu le jour où nous avons
recouvré
l'Église de Dieu, avec la proclamation des dogmes de la religion et la déroute
des impiétés de la malice.
Dociles à la parole du prophète, soumis aux invites de l'Apôtre et instruits par le récit évangélique, nous fêtons le jour de la dédicace. Isaïe, en effet, dit aux « îles de se renouveler au regard de Dieu », faisant allusion aux Églises issues de la gentilité. Entendons par églises, non simplement les édifices sacrés et leur splendeur, mais tout le corps des pieux fidèles y assemblés et les hymnes et doxologies par lesquelles ils servent la divinité.
L'Apôtre,
dans une invite pareille, nous exhorte à « mener une vie nouvelle » et «
commande à toute créature nouvelle dans le Christ » de se renouveler. La parole
du Seigneur enfin, découvrant une réalité prophétique, nous dit : «On célébra
la fête de la Dédicace à Jérusalem, c'était l'hiver », soit l'hiver spirituel
dans lequel le peuple juif soulevait contre notre commun Sauveur les tempêtes
et les remous de sa haine sanguinaire, soit celui qui afflige nos sens par le
refroidissement de l'air. Nous avons eu en effet, nous avons eu nous aussi notre
hiver — et quel hiver celui qui répand la rigueur du plus grand des maux.
Mais
voici qu'a fleuri pour nous le printemps propice des faveurs divines, qui nous
trouve tous rassemblés pour offrir à Dieu la prière de reconnaissance en retour
de l'heureuse moisson, et nous pouvons bien dire avec le psalmiste : « L'été et
le printemps, c'est toi qui les a faits, souviens-toi d'elle. »
En vérité, les ennemis qui avaient outragé le Seigneur et déshonoré le saint culte qui lui est rendu dans les saintes images, les ennemis exaltés et enorgueillis par leurs impiétés, le Dieu des merveilles les a brisés et il a précipité à terre l'insolence des apostats. Il n'a pas fermé l'oreille à la voix de ceux qui criaient vers lui : « Souviens-toi, Seigneur, de l'outrage infligé à tes serviteurs, de l'outrage que je porte en mon sein, de toutes les nations, de celui que t'ont fait tes ennemis, Seigneur, de celui qu'ils ont fait au substitut"' de ton Oint. » Par substitut de l'Oint, entendons ceux qui ont été rachetés par sa mort et ont cru en lui, par la parole de la prédication et la figuration en images au moyen desquelles le grand oeuvre de l'Économie est connu de ceux qui ont été rachetés, par sa croix et par sa passion et ses miracles d'avant et après la croix, d'où l'imitation de ses souffrances se transmet aux apôtres, d'eux aux martyrs, et par ceux-ci arrive aux confesseurs et aux ascètes.
De
cet outrage infligé par les ennemis du Seigneur, infligé au substitut de son
Oint, Notre Seigneur s'est souvenu, ému dans ses entrailles, fléchi par les supplications
maternelles, celles aussi des apôtres et de tous les saints qui ont été
outragés avec lui et ont été méprisés de pair avec les images — de sorte
qu'ayant partagé ses souffrances dans la chair, ils communient aussi, naturellement,
avec lui dans les outrages portés contre les images — aujourd'hui enfin il a
mis en oeuvre ce qu'il avait résolu, et il a accompli une seconde fois ce qu'il
avait fait une première.. La
première fois, au terme de longues années de mépris et de déshonneur, marqués
aux saintes images, il a ramené la piété à elle-même. A présent, et c'est la
deuxième fois, après une persécution de près de trente années, il a ménagé à
notre indignité le soulagement de nos épreuves, la délivrance de nos
persécuteurs, la proclamation de la piété, la liberté du culte des images et la
fête qui nous apporte tous les bienfaits du salut. Dans les images, en effet,
nous contemplons les souffrances endurées pour nous par le Seigneur, la croix,
le tombeau, la mise à mort et la spoliation d'Hadès, les combats des martyrs et
leurs couronnes, le salut lui-même que l'arbitre et rémunérateur souverain et notre
premier triomphateur « a accompli au milieu de la terre ». Telle est la solennité
que nous célébrons en ce jour ; nous y répandons notre joie et notre exultation
communes en prières et supplications, et nous nous écrions en psaumes et en
hymnes : « Quel Dieu est grand comme notre Dieu ? Tu es notre Dieu, le seul qui
fait des merveilles. » Ceux qui ravalaient ta gloire, tu les as tournés en
dérision ; les insolents qui attentaient à ton image, tu les as révélés
poltrons et fuyards.
Voilà
pour l'action de grâces envers Dieu et le triomphe du Seigneur sur ses adversaires.
Pour les combats et les exploits contre les iconomaques, un autre exposé, un
récit plus développé les racontera. En guises de repos après la traversée du désert,
entrés en possession de la Jérusalem spirituelles, comme une réplique de l'histoire
mosaïque ou plutôt à l'injonction de Dieu, ainsi que sur une stèle construite
de grosses pierres et préparée pour recevoir l'écriture, nous avons tenu pour
devoir de justice et de reconnaissances de graver dans le cœur de nos frères,
et les bénédictions dues aux observateurs de la loi et les malédictions
auxquelles se soumettent eux-mêmes les transgresseurs. C'est pourquoi nous
disons : Ceux qui confessent l'avènement en chair de Dieu le Verbe en parole,
de bouche, de cœur et d'esprit, par l'écriture comme par les images, éternelle
leur mémoire.
Ceux
qui savent la distinction en essences de la seule et même hypostase du Christ, lui
attribuent les propriétés de créé et incréé, visible et invisible, passible et
impassible, limité et, illimité, et appliquant à l'essence divine celle de créé
et les autres semblables, confessent de la nature humaine, entre autres, la
limitation, à la fois par la parole et par les images, éternelle leur mémoire.
Ceux
qui croient et proclament ou prêchent les idées par l'écriture, les faits par les
figures, et que l'un et l'autre : et la prédication au moyen du discours et la confirmation
de la vérité au moyen des images, concourent à une même utilité, éternelle leur
mémoire.
Ceux
qui sanctifient leurs lèvres par la parole, puis leurs auditeurs par cette même
parole, qui savent et proclament que les vénérables images sanctifient
pareillement le regard de ceux qui les contemplent et élèvent l'esprit à la
connaissance de Dieu, de pair avec les temples divins, les vases sacrés et tous
les autres saints objets, éternelle leur mémoire.
Ceux
qui savent que la verge et les tables, l'arche et le chandelier, la table et l'encensoir
décrivaient par avance et préfiguraient la toute sainte vierge Maries", mère
de Dieu, que ces objets la préfiguraient, mais qu'elle n'a pas été ces objets, qu'elle
est née femme et qu'elle est demeurée vierge après l'enfantement divin, et, pour
cette raison, préfèrent représenter la femme elle-même dans ses images plutôt
que de l'esquisser dans ses figures, éternelle leur mémoire.
Ceux
qui connaissent et admettent les visions des prophètes telles que la Divinité
elle-même leur a donné formes et contours, et croient ce que le chœur des
prophètes a raconté pour l'avoir vu, et tiennent fermement la tradition, écrite
et non écrite, transmise aux Pères par la voie des apôtres, et, pour cette raison,
représentent en images les Saintes réalités et les honorent, éternelle leur
mémoire. Ceux qui pénètrent le langage de Moïse : Tenez-vous sur vos gardes, parce
que le jour où le Seigneur a parlé, à l'Horeb, sur la montagne, vous avez
entendu le son des paroles, mais vous n'avez pas vu de forme », et savent
répondre comme il convient : Si nous avons vu quelque chose, nous l'avons
vraiment vu, ainsi que le fils du tonnerre nous l'a enseigné : Ce qui était dès
le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu, ce que nous
avons contemplé de nos yeux et que nos mains ont touché du Verbe de vie, c'est
ce dont nous vous rendons témoignage », et aussi les autres disciples du Verbe
: « Nous avons mangé et bu avec lui », non seulement avant la passion, mais
aussi après la passion et la résurrection :
Ceux
donc qui ont reçu de Dieu la force de distinguer l'interdit contenu par la Loi
et l'enseignement apporté par la Grâce, d'une part ce qui, dans la Loi, est
invisible, d'autre part ce qui, dans la Grâce, est visible et palpable, et, pour
cette raison, représentent en images les réalités vues et touchées et les vénèrent,
éternelle leur mémoire.
Ainsi que les prophètes ont vu, que les apôtres ont enseigné, que l'Église a reçu la tradition, que les docteurs ont défini, que l'univers a unanimement consenti, que la Grâce a resplendi, que la vérité a éclaté, que le mensonge a été expulsé, que la sagesse a parlé avec assurance, que le Christ a triomphé, ainsi nous pensons, ainsi nous parlons, ainsi nous prêchons, honorant le Christ, notre vrai Dieu et ses saints, en paroles, en écrits, en pensées, par des sacrifices, par des sanctuaires, par des images, adorant et révérant l'un comme Dieu et Seigneur, honorant les autres par égard au Seigneur commun et comme ses bons serviteurs et leur rendant le culte relatif. Telle est la foi des apôtres, telle la foi des Pères, telle la foi des orthodoxes, telle la foi qui a affermi l'univers.