lundi 17 avril 2023

 

† LE MÉTROPOLITE JOSEPH

 

LETTRE PASTORALE

POUR LA PÂQUE

2023

 

PARDONNÉS ET RESSUSCITÉS
EN CHRIST

 

À TOUT LE CLERGÉ,
À LA COMMUNAUTÉ MONASTIQUE

ET À TOUS LES FIDÈLES
DE L’ARCHEVÊCHÉ D’EUROPE OCCIDENTALE

Nr. 9 001/2023

Comme tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront en Christ. (I Co 15, 22)  

 

Très-Révérends et Révérends Pères,

Très-Révérendes Sœurs,

Frères et sœurs bien-aimés dans le Seigneur ressuscité,

 

Fête des fêtes, la Résurrection de notre Seigneur Jésus Christ est le cœur de notre vie chrétienne. En montant sur la Croix, le Christ met sa vie sur la balance de la mort pour nous relever de notre propre mort. Héritée par nous tous du fait du péché de nos premiers parents Adam et Ève, la mort a gagné l’humanité entière qui dès lors s’est retrouvée sous son emprise, et sous celle du malin qui l’a sournoisement attirée dans ses filets. Les premiers hommes, ayant fait le choix de désobéir à Dieu, s’exposèrent eux-mêmes et leur descendance à être séparés de Dieu et de sa volonté. En plus de la mort physique qu’ils allaient encourir, les hommes furent dès lors également soumis à la mort spirituelle. Du péché découle l’éloignement de Dieu, la rupture avec sa volonté, à l’image du premier Adam. Et de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu ne mangeras pas, car le jour où tu en mangeras, tu mourras (Gn 2, 17), dit Dieu à Adam. La faiblesse, la honte et la peur de se retourner vers Dieu et vers sa volonté (cf. Gn 3, 10), après que le péché fut commis, firent grandir le mur qui séparait désormais l’homme de son Créateur. Lorsqu’Il chassa Adam et Ève du Paradis, après qu’ils eurent péché, Dieu promit d’écraser le tentateur de l’homme par la semence même de celle qui avait été tentée, la première Ève (cf. Gn 3, 15). Le Nouvel Adam, Jésus Christ, le Fils de Dieu et Fils de l’Homme par la nouvelle Ève, la Vierge Marie, détruit, sur la Croix, le mur entre l’homme et Dieu érigé par le péché, réconciliant ainsi en Lui-même, par le pardon, l’homme avec le Père céleste. Car il est notre paix, lui qui des deux n’en a fait qu’un, et qui a renversé le mur de séparation, [...] afin de créer en lui-même avec les deux un seul homme nouveau, en établissant la paix, et de les réconcilier, l’un et l’autre en un seul corps, avec Dieu par la croix, en détruisant par elle l’inimitié [...] car par lui nous avons les uns et les autres accès auprès du Père, dans un même Esprit (Éphésiens 2, 14-18).

Dans l’Ancien Testament, en la soumission d’Isaac à son père Abraham (cf. Gn 22), le Père céleste montre Celui dont Isaac était l’image, à savoir son Fils Unique-Engendré. « ...Isaac était l’image de Celui qui fut cloué [sur la Croix] – nous dit saint Grégoire Palamas – parce qu’il obéit à son père, comme le Christ, jusqu’à la mort ; et le bélier donné en échange préfigurait l’Agneau de Dieu offert en sacrifice pour nous ; et le buisson auquel le bélier était attaché contenait le mystère de l’image de la Croix ; c’est pourquoi ce buisson fut appelé Sabek, c’est-à-dire le buisson du pardon, tout comme la Croix est le bois du salut »[1].

 

Frères et sœurs bien-aimés,

Revenir à Dieu par le repentir, dès lors que nous reconnaissons nos péchés, nous procure le pardon qui vient d’En-haut. Or le pardon que le Père céleste, devant notre repentir, nous octroie dans son amour est la première manifestation de notre résurrection, apportée en offrande par le nouvel Adam, Jésus Christ, son Fils Unique. Le péché nous conduit à la mort spirituelle, mort qui ne trouve sa guérison que par notre repentir et le pardon que Dieu nous alloue. Le Fils de Dieu nous ressuscite intérieurement par le pardon que, crucifié, Il implore pour nous du Père céleste : Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ! (Lc 23, 34), et qu’après la Résurrection Il donne à ses Apôtres afin qu’à leur tour ils puissent pardonner et remettre les péchés de ceux qui viennent à Lui. Recevez l’Esprit Saint – dit le Christ à ses Disciples, entrant au milieu d’eux par les portes closes – ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés, et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus (Jn 20, 22-23).

C’est une succession de guérisons et résurrections des meurtrissures et de la mort intérieures que le Christ opère en nos vies à travers le sacrement de la confession, dans le mystère duquel son pardon est opérant et fructueux. Il est également à l’œuvre à travers les bienfaits déversés sur nous depuis la Source vivifiante de son flanc. Découvrant son côté à Thomas, le Seigneur nous révèle le sens de son sacrifice sur la Croix : la manifestation et le déploiement de l’amour du Père céleste pour l’homme, amour qui nous procure pour victuailles le Fruit des fruits : le breuvage de la Résurrection qui jaillit du côté transpercé pour l’éternité, dont nous sommes assouvis. De cette source que fait jaillir pour nous le Christ Seigneur, sa Vie s’écoule vers nous pour l’éternité, dans l’Église, où Il se fait notre nourriture et breuvage, Il se fait pour nous pardon, résurrection et vie éternelle. La nature humaine, assumée par le Christ, devient alors pascale, car par elle, l’homme tout entier, l’Adam total, passe de la mort à la vie, de l’ignorance à la connaissance, du péché à la sainteté.

Le Christ, notre paix, établit son Royaume au pied de sa Croix. De son flanc transpercé, en témoignage de sa mort sur la Croix, sortiront de l’eau et du sang, comme pour préfigurer l’entrée et le séjour dans le Royaume (le Baptême et l’Eucharistie), portes par où l’on entre et demeure à l’intérieur, guidé par l’Esprit Saint. L’eau représente le Baptême, le sang l’Eucharistie, nourriture du peuple nouveau entré dans l’arche de son Royaume incorruptible – son Église. Le Christ Lui-même se donne, dans l’Eucharistie, en nourriture et breuvage impérissables. « Et si les rois de la terre cherchent des compagnons prêts à aller à la mort pour eux, voici, le Seigneur s’est donné Lui-même à la mort pour nous... »[2] Ce nouveau Royaume qu’Il place sous nos yeux a pour toute lumière sa Résurrection même d’entre les morts. Il restera à jamais son Soleil, que personne ni rien ne saurait obscurcir, hormis les choix que nous, les hommes, faisons pour L’éloigner de nos vies. Dans son Royaume, Royaume de la Résurrection et de la Vie, Il est le Soleil de justice qui embrase et revigore par son amour, jusqu’à la fin des temps, toute personne qui vient ou revient vers Lui.

 

Bien-aimés,

La croix de la vieillesse nous est bien pesante, à nous qui sommes des êtres avides de communion, lourdeur qui est accrue par la solitude que nous endurons lorsque nous sommes oubliés de tous, y compris de nos propres enfants. L’Église fait ressortir, cette année plus que jamais, un état de fait où beaucoup d’entre nous se reconnaîtront : l’oubli de nos parents, de nos aînés. Nombre d’entre nous, demeurant à distance, encourons le risque de tomber dans l’oubli de nos aînés et de ne leur point accorder l’attention qui leur est due ; et ce fait engendre une profonde douleur intérieure, venant alourdir les multiples infirmités physiques auxquelles ils sont confrontés et avec lesquelles ils doivent apprendre à vivre. Seul leur départ de ce monde nous fait réaliser comme ils nous manquent et nous font déplorer l’erreur de les avoir délaissés. Parfois, nous ne savons pas même que faire pour leur venir en aide. Ils prétendent, dans leur humble délicatesse, n’avoir besoin de rien, qu’il n’est pas à propos de nous faire du souci pour eux, que Dieu les a comblés de tout le nécessaire. Or aussi plausible que cela paraisse, notre attention et notre gratitude à leur égard sont à l’évidence, sinon négligeables, du moins parcimonieuses. Le Seigneur nous exhorte à la reconnaissance envers ceux qui par la grâce de Dieu nous mirent au monde et eurent soin de nous élever, plaçant cela comme une composante inhérente à cette nature humaine qu’Il modela. C’est ainsi que l’un des dix Commandements que Dieu a donnés est relatif à la gratitude que l’homme se doit d’avoir envers ses géniteurs : Honore ton père et ta mère, afin que tes jours se prolongent dans le pays que le Seigneur ton Dieu te donne (Exode 20, 12).

Conjointement à cela, l’Église arbore particulièrement cette année ceux qui, hymnographes ou chantres de l’Église, eurent et continuent d’avoir soin de la vérité de la foi dont la beauté est transposée en des hymnes liturgiques, donnant splendeur et unicité à la vraie foi que nous confessons. Il nous revient de les suivre avec persévérance, sinon dans les compositions, du moins dans le maintien et la perpétuation de la Tradition authentique. Voilà qui représente pour nous une exhortation à nous souvenir de la beauté de la Maison de Dieu et à lui accorder davantage de valeur, elle qui est empreinte de la splendeur du témoignage de foi formulé en des hymnes séraphiques à la gloire de Celui qui nous a laissé son Église en héritage. En ces jours solennels, il nous est donné de goûter et de savourer la magnificence de l’expression des vérités de la foi à travers les hymnes liturgiques de la Passion et de la Résurrection du Christ, uniques en leur genre, cœur de l’expression liturgique de notre foi orthodoxe.

 

Frères et sœurs dans le Seigneur,

N’ignorant point que nombre de nos frères chrétiens endurent guerres, famines et épidémies, il nous revient, à nous que le Seigneur a comblés d’innombrables grâces, non seulement d’intercéder auprès de Dieu en leur faveur, mais également de leur venir en aide. Point n’est besoin de courir par monts et par vaux pour trouver l’indigent qui, âme et corps, a besoin de nos soins. Il suffit pour cela de bien ouvrir les yeux autour de nous pour nous ruer au secours de notre frère, nous qui sommes fils du Ressuscité et héritiers du commandement d’aimer notre prochain. Souvenons-nous que « telle est la sagesse de Dieu et sa puissance : vaincre par la faiblesse, s’élever par l’humilité, être fortuné et s’enrichir par la pauvreté »[3], nous efforçant de Le suivre en toute chose.

En ce saint Jour pascal, il nous est confié que la mort n’a plus de pouvoir sur nous, qu’elle est vaincue à jamais ; et de même que le Christ-Seigneur est ressuscité, Il nous a également inondés de sa Résurrection par notre baptême, au cours duquel nous L’avons revêtu ; Il s’est fait en effet Lui-même notre Tunique nouvelle, notre Vie, notre Trésor de grand prix.

Que la Résurrection de notre Seigneur vous submerge de lumière et d’allégresse.

 

Le Christ est ressuscité !

 

Votre serviteur et intercesseur auprès du Ressuscité,

 

                                                                                       

† Joseph,

Archevêque d’Europe Occidentale

et Métropolite d’Europe Occidentale et Méridionale

Pâque 2023




[1] Saint Grégoire Palamas in Sf. Grigorie Palama, Omilii I, Éd. Anastasia 2004, p.150.

[2] Ibid., p. 157.

[3] Ibid., p.163.

14 Avril 2023