LE CHEMIN VERS L’ÉTERNITÉ
LETTRE
PASTORALE POUR LA RÉSURRECTION
DU
SEIGNEUR 2021
À TOUT LE CLERGÉ, AUX MOINES ET AU PEUPLE ORTHODOXE
DE TOUT L’ARCHEVÊCHÉ
Que nul ne craigne la
mort,
car la mort du Seigneur
nous en a délivrés.
(St Jean Chrysostome)
Le Christ est ressuscité !
La fête éclatante de lumière de la Résurrection du Seigneur donne
le sens véritable à notre vie chrétienne. Nous y puisons le désir profond de
vivre éternellement avec Dieu. Néanmoins la Résurrection, en laquelle nous
mettons tous notre espérance, passe par la Croix de Son Fils, dans laquelle
l’amour divin et inconditionné pour l’humanité s’est déversé sur le monde
entier. Dieu le Père nous confie que chacune de nos croix trouve son réconfort
dans la Croix de Son Fils. Chaque blessure de l’âme trouve sa guérison dans les
blessures causées par les clous transperçant Ses mains, Ses pieds et Son côté
sur la Croix. Chaque tumulte de l’âme déposé au pied de la Croix, Il le prend
sur Lui et ne nous laisse pas seuls, car la Croix est amour jusqu’à la mort,
pour nous, cet amour qui comprend tout, assume tout, porte tout et nous unit en
un seul corps, détruisant par la croix l’inimitié [...], ayant accès auprès du
Père dans un même Esprit (Eph 2, 16-18).
Pour chaque péché déposé au pied de sa Croix, le Christ a crié
vers notre Père Céleste : Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils
font (Lc 23, 34), tandis qu’au larron se tenant à Sa droite qui reconnaissait
ses péchés et Le priait de ne pas l’oublier, Il dit, pardonnant : ...aujourd’hui
tu seras avec Moi dans le Paradis (Lc 23, 43).
Chacune de nos faiblesses, confiée au Christ sur la Croix, le
Père Céleste la reçoit et en fait un pas vers le Royaume. Tout ce qui est nôtre
trouve réconfort et consolation dans Son amour crucifié. Non point dans le sens
qu’Il les ferait disparaître, mais qu’Il les assume, les change en
bénédictions, comme Il en fit de Sa propre Croix, chargé, accablé par nos
péchés, nos injustices, nos infirmités et nos blessures, dont Il nous délivre
par Sa Mort et Sa Résurrection. Celui qui nous apparaît à l’heure de notre mort
et nous apporte le pardon des péchés n’est pas un homme ordinaire, c’est Dieu
Lui-même, devant qui les portes de notre enfer intérieur et de l’enfer de celui
qui tente impitoyablement et sans relâche de nous engloutir se brisent.
Mais il est une faiblesse lourde à porter : la peur, qui nous
accompagne sous diverses formes tout au long de notre vie. Or la plus
imposante, d’où presque toutes les peurs prennent racine, est la peur de la
mort. De même que les disciples étaient effrayés par les vagues de la mer
orageuse, nous aussi avons peur des vagues de tempêtes de toutes sortes,
intérieures comme extérieures, qui cernent impitoyablement le navire de nos
vies. Lorsque les Apôtres étaient avec Jésus dans le bateau sur la mer agitée
par de grosses vagues, ils furent saisis par la peur de la mort. Bien qu’Il fût
avec eux, la peur fut plus grande que la foi. S’étant levé, Il menaça le vent
et les flots, qui s’apaisèrent, et le calme revint (Lc 8, 24).
Jésus calme la mer et fait taire les vagues, leur suscitant la
confiance – puis à nous tous à leur suite – dans le fait que Lui seul peut
apporter la paix et la délivrance de la peur de la mort qui asservit les cœurs
tourbillonnants, à la recherche d’un port. Le Christ-Seigneur a également vécu
la peur de la mort de Pierre, Son disciple, et celle de tous les apôtres et
disciples, peur qui les conduisit à renoncer à Lui, leur Maître et Ami. Pierre
Lui avait même déclaré avec conviction qu’il donnerait sa vie pour Lui, or dès
que la peur de la mort le subjugua, il y renonça.
Fidèles
bien-aimés,
La peur de la mort que le Christ a vécue, sur la Croix, criant
devant le Père Céleste : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi M’as-Tu abandonné ? (Mt
27, 46), n’était pas seulement Sa propre peur, mais c’est la peur de toute
l’humanité, de tous les temps et de tous les lieux, d’Adam à nos jours, jusqu’à
celui qui meurt seul et sans appui ni assistance, parmi les étrangers et les
hommes indifférents, qu’Il a prise sur Lui. On nous annonce, en pleine
pandémie, le nombre de personnes qui meurent chaque jour. N’oublions pas que
chacun de ceux qui partent, souvent sans s’y attendre, sans s’y être préparé,
sans voir ses proches, n’est ni un nombre, ni un cas. Chacun d’entre eux est une âme,
portant un nom, pour laquelle le Fils de Dieu Lui-même a été crucifié et est
passé par la mort, afin qu’elle passe de la mort à la vie.
Jésus a vécu notre peur de la mort, de cette mort manifeste
dès le premier moment de notre venue au monde, dès le premier pas franchi sur
le chemin qui y mène – comme seule certitude, mais néanmoins étrangère à ce que
Dieu a préparé pour l’homme créé à Son image et à Sa ressemblance. Il s’est
fait homme pour vivre avec nous notre peur de la mort et pour nous libérer de
son joug par la Croix et par Sa mort, se livrant Lui-même au tombeau duquel Il
se relèvera triomphalement et victorieux, le troisième jour. Saint Paul nous
confie le fait que le Sauveur prend part à tout ce que nous vivons pour ôter à
nos âmes le fardeau de cette peur. Ainsi donc, puisque les enfants participent
au sang et à la chair, Il y a également participé Lui-même, afin que, par la
mort, Il anéantît celui qui a la puissance de la mort, c’est-à-dire le diable,
et qu’Il délivrât tous ceux qui, par crainte de la mort, étaient toute leur vie
retenus dans la servitude (He 2, 14-15).
Et Saint Jean Chrysostome nous dit, au jour de la Résurrection
: « ...que nul ne craigne la mort, car celle du Sauveur nous en a délivrés : Il
l’a fait disparaître après l’avoir subie. Il a dépouillé l’Enfer, Celui qui aux
enfers est descendu. Il l’a rempli d’amertume pour avoir goûté de sa chair. »
Craignons néanmoins le péché, car il est cause de la mort, et non de la mort
corporelle, mais spirituelle.
Par la Croix, la Mort et la Résurrection du Christ, nous
savons désormais que toute angoisse intérieure, toute inquiétude, toute
faiblesse, tout ce qui génère dans nos vies la peur de la mort, dans le Christ
crucifié et ressuscité, trouve sa lumière. Le Sauveur a tout pris sur Lui, nous
exhortant à prendre garde à grandir dans la foi en Sa parole, car Il est notre
Ami, qui nous accompagne tout au long de la vie jusqu’au passage de ce monde,
si nous faisons ce qu’Il nous demande. Aimez-vous les uns les autres comme Je
vous ai aimés... Vous êtes mes amis, nous dit-Il, si vous faites ce que Je vous
commande. (Jn 15, 12 et 14) « Ne craignons pas la mort, mais le péché. Ce n’est
point la mort qui a donné naissance au péché, mais le péché qui a engendré en
nous la mort, et la mort est l’acquittement du péché », nous dit saint Jean
Chrysostome(1)
(1). Predici la Sărbători împărăteşti, V, p. 507.. Seul
le péché peut nous séparer du Christ ressuscité. Mais même ce péché, que nous
avons tous, déposons-le sans crainte à Ses pieds, car Il en a lavé notre âme
sur la Croix, afin que nous n’ayons plus peur.
Frères et sœurs bien-aimés,
Cette année est dédiée, au sein du Patriarcat de Roumanie, à
tous ceux qui mènent leur vie de chrétiens orthodoxes dans le monde entier,
mais aussi à ceux qui sont passés de ce monde vers le Seigneur. Portons-nous
les uns les autres dans la prière et gardons intacte l’unité de notre foi.
C’est encore une année qui nous impose de nombreuses restrictions dues à la
pandémie qui se poursuit déjà depuis un an, restrictions qui affectent
directement nos communautés, aussi ne pouvons-nous pas nous réunir en grand
nombre dans les églises. Mais nous pouvons rester en contact avec les prêtres
et les communautés par de nombreux moyens. N’oublions pas ceux qui se sont endormis
dans le Seigneur, de nos familles, souvenons-nous d’eux dans la prière et
prenons soin de leur tombe, si elles se trouvent dans les pays où nous vivons.
Notre prière pour eux atteste que nous les avons aimés et que nous les aimons.
Nous vivons, en ces temps de pandémie, partout en Europe et
dans le monde entier, avec beaucoup de peurs, d’inquiétudes et de trouble : ne
pas tomber malade, ne pas perdre ses proches, ne pas pouvoir s’adonner à la
liberté, ne pas perdre d’un jour à l’autre notre travail, créer un monde
meilleur pour nos enfants, ne pas détruire cette planète et tout ce que Dieu y
a mis à notre charge. Déposons tous nos soucis et préoccupations dans la prière
devant le Dieu bon et miséricordieux, l’Ami-de-homme, étant à notre tour bons
et miséricordieux, partageant autour de nous la bonté et l’amour que Dieu a mis
en nous en abondance, sans oublier tous ceux qui s’efforcent de rendre nos
vies meilleures, qui s’appliquent à trouver des solutions à toutes les maladies
et dangers qui rendent aujourd’hui nos vies plus difficiles et précaires.
En toutes choses, demandons l’aide et la bénédiction de Celui
qui nous a apporté, ainsi qu’au monde entier, la joie et la lumière par Sa
Résurrection d’entre les morts, et nous a confié Son amour sans limite.
Que cette Pâque vous apporte à tous la santé corporelle et
spirituelle, la joie, la paix, l’espoir et l’amour.
Le Christ est ressuscité !
De celui qui prie pour
vous le Christ Ressuscité,
† Le Métropolite Joseph
Paris, Pâque 2021