samedi 23 décembre 2023

 

SE RÉJOUISSE LE CIEL ET

QUE LA TERRE EXULTE D'ALLÉGRESSE !


LETTRE PASTORALE POUR LA NATIVITÉ DU SEIGNEUR 2023 À TOUT LE CLERGÉ, À LA COMMUNAUTÉ MONASTIQUE ET À TOUS LES FIDÈLES DE L’ARCHEVÊCHÉ D’EUROPE OCCIDENTALE



Exultez à jamais dans le Seigneur ! (Philippiens 4, 4)


Très-Révérends et Révérends Pères, 

Très-Révérendes Sœurs, 

Frères et sœurs bien-aimés dans le Seigneur,


La joie profonde que nous procure l’événement de la Nativité du Christ, le Fils de Dieu, vrai Dieu et vrai Homme, nous comble d’année en année. Or cette joie s’accroît à mesure que la préparation à cet événement s’intériorise et est vécue non pas sur le plan matériel, mais véritablement dans un état d’attente du Sauveur. La préparation intérieure, d’une part, et l’attente, d’autre part, procurent une paix profonde et cet état d’allégresse intérieure qui nous saisit lorsque nous expérimentons consciemment le fait que Dieu Lui-même vient à notre rencontre et vit avec nous et en nous notre propre vie, afin de nous impartir la joie de la communion et de l’amour – apanages du Dieu trinitaire– à nous qui aspirons à vivre dès cette vie la communion avec Lui.

Même si nous ne réalisons pas toujours la grandeur de ce qui se produit entre le Ciel et la terre, entre Dieu et l’humanité, au jour de la Naissance du Christ, nous vivons néanmoins cet événement et la festivité qui en découle de manière tout à fait singulière. Il s’agit bien sûr de la même joie, mais chacun la vit à la mesure de sa foi. Pourtant, bien souvent le Seigneur nous fait goûter à une joie plus profonde encore que ce à quoi nous aurions pu prétendre du fait de nos efforts, et ce en vertu de son amour pour nous, sans condition. La Trinité sainte nous donne alors de savourer ce ravissement intérieur pour nous indiquer vers quelle vie nous nous dirigeons, vers quelle lumière peut nous conduire une vie passée dans l’espérance de Celui qui vient, nous apportant le salut en offrande, à nous qui sommes pécheurs.

Fidèles bien-aimés,

En ce jour, Dieu nous alloue la suprême offrande, pourrait-on dire. À présent, le Don et le Donateur ne font plus qu’un, car c’est Lui qui se donne à nous, en venant vivre notre vie. Il ne nous envoie pas en offrande des biens intermédiaires, bien que nous les ayons tous – la vie, la création entière avec ses beautés inépuisables qu’Il a mises à notre portée, le ciel et la terre avec tout ce qui s’y meut – mais c’est Lui-même qui se fait offrande, le Fils unique et éternel du Père, conçu de l’Esprit Saint dans le sein de la Vierge. Elle, la jeune Marie, accueillit librement en son sein le Seigneur, par amour pour Dieu (1) , se faisant ainsi vase pour toute l’humanité, lorsqu’elle répondit à l’archange Gabriel qui lui apportait l’Annonce heureuse : Voici la servante du Seigneur. Qu’il m’advienne selon ta parole (2) . Cette parole de la Vierge, qu’il m’advienne selon ta parole, constitue le point de départ de l’ouvrage du salut de l’homme – vouloir de Dieu pour le monde qu’Il accomplit en synergie avec la volonté libre de l’homme. Sans cette parole de la Vierge Marie, l’amour de Dieu pour l’homme n’aurait pu se manifester dans toute sa majesté et sa dimension sacrificielle et rédemptrice. L’amour de l’homme pour Dieu et l’abandon de sa volonté à celle du Dieu qui a tant aimé le monde qu’Il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en Lui ne périsse, mais ait la vie éternelle (3) , furent révélés par la Vierge. En effet, elle se fit témoin de l’amour et de l’attente de l’homme à l’égard du Dieu qui par l’Incarnation de son Fils nous confie qu’Il est le Très Bon surpassant toute bonté, et non un juge sévère et impitoyable, contrairement à ce que le premier Adam avait cru en se détournant de sa volonté. Par la Vierge Marie nous advient la joie du salut; elle devient ainsi mère de la joie, engendreuse de l’enchantement des hommes, de l’allégresse du monde. (1. Cf. Lc 1, 35. 2. Luc 1, 38. 3. Jn 3,16) Par la Mère de Dieu, nous exultons de la descente du Ciel sur la terre par le Fils de Dieu, et ruminons avec d’autant plus d’amour le continuel Réjouis-toi qui rythme l’hymne acathiste en son honneur, exprimant le ravissement de notre âme rachetée et sauvée par Celui qui fut contenu dans son sein virginal. Elle est également Mère de la joie du Ciel, car là-haut, dans les célestes demeures où résident la Trinité toute-sainte et toutes les puissances célestes et incorporelles, règne l’allégresse éblouissante suscitée par la venue dans la chair du Sauveur. Nulle joie terrestre ne saurait surpasser cette exultation de notre salut découlant de l’Incarnation du Seigneur, vrai Dieu né de la Vierge selon la chair, et engendré de toute éternité par le Père.

Frères et sœurs bien-aimés dans le Seigneur,

Ayant contemplé ce mystère et accueillant en nous la joie du Ciel et de la terre devant le Seigneur né pour nous sauver et nous racheter de la mort, vivons cette festivité intérieure dans la gratitude envers Celui qui vient, l’Enfant et Seigneur Jésus Christ. Exprimons notre reconnaissance en nous faisant à notre tour bienfaiteurs pour notre prochain, de la même manière que Dieu le Père s’est fait par le Fils notre bienfaiteur. Apportons en offrande la paix et la joie dans notre foyer, ainsi que le pardon, la compréhension mutuelle et l’amour. Devenons messagers de paix et porteurs de joie au sein de notre famille, révélant par nos propres œuvres et par notre vie l’abysse de joie que procure la venue de Dieu parmi nous, par les entrailles de celle qu’Il nous a appris à proclamer éternellement bienheureuse de L’avoir accueilli – la Mère de notre Dieu.

Témoignons à tout homme notre fraternité. Réjouissons-nous avec celui qui se réjouit (4) , car «en se réjouissant avec lui quand il se réjouit, c’est-à-dire quand il prospère dans ses œuvres, nous dit saint Jean Chrysostome, on purifie en soi-même toute jalousie envieuse et toute haine» (5) . Soyons indulgents, bons et aimants envers ceux qui nous font du tort, de près ou de loin, sachant combien Dieu Lui-même s’est fait Bon et aimant pour les pécheurs que nous sommes. Car «la bonté fait naître en nous l’espoir du salut et comble nos cœurs d’allégresse» (6) . Ne jugeons personne, afin de ne pas encourir à notre tour de jugement (7) . (4. Cf. Romains 12, 15. 5. Homélies sur l’épître de Paul aux Romains, Homélie XXII. 6. Saint Jean Chrysostome, in Sfântul Ioan Gură de Aur, Problemele vieții, Editura Egumenita, 2007, p. 263. 7. Cf. Matthieu 7, 1).

Souvenons-nous continuellement combien le Seigneur nous a pardonnés et nous pardonne, et quelle liesse intérieure son pardon nous procure; mais si nous ne parvenons pas à pardonner à notre tour, la joie se dissipe. Dès lors que nous sommes pardonnés et pardonnons, prions alors pour que tous ceux que nous connaissons et que nous ne connaissons pas soient accueillis dans l’amour éternel du Père céleste par Celui qui à présent naît dans la crèche de Bethléem pour le salut du monde. Le manque d’amour et l’absence de pardon, de même que le désir de vengeance, endurcissent le cœur des hommes et les poussent aisément à s’adonner à toutes sortes de guerres et atrocités, entraînant souffrance et larmes génération après génération, d’âge en âge. Vivons dans la sollicitude envers les pauvres et les nécessiteux, tout comme le Seigneur a souci de chacun d’entre nous, car en donnant à l’homme, c’est à Lui que nous donnons8 .

 Aussi souvent qu’il est possible, recevons tout en joie le Christ Seigneur dans la sainte Eucharistie, déposant devant Lui dans la confession nos faiblesses corporelles et spirituelles, car ça n’est qu’en Lui que se trouvent le pardon et la guérison intérieure, indispensables au salut. Quoique la vie de chacun soit parsemée d’épreuves, inconnues de notre entourage et invisibles à ses yeux, nous cultivons la confiance que seul le Seigneur ne nous quitte jamais, qu’Il n’ignore ni n’oublie ce que nous vivons, et qu’Il chemine à nos côtés dès lors que nous Lui faisons place et Le prions de nous escorter.

Puisse la radieuse allégresse résider sans relâche en chacun de vous; prenez soin de la cultiver et de la faire éclore, car elle nous est allouée aujourd’hui par Celui qui naît, humble, dans la crèche et qui devient Lui-même l’exultation salutaire de notre vie.

En ces jours solennels, je prie le Christ Seigneur, l’Enfant né de la Vierge, l’Ami de l’homme, de vous bénir et de vous faire prendre part à la joie véritable et au rayonnement inaltérable en l’Esprit Saint, nous guidant par sa grâce, d’année en année, vers le salut.

 

† Joseph,

Archevêque d’Europe Occidentale et Métropolite d’Europe

Occidentale et Méridionale Paris,

Nativité du Seigneur 2023.