jeudi 11 décembre 2025

 

Hypocrisie et petites entourloupes.

+++

Que signifie l'absence du Filioque dans les

 célébrations de l'anniversaire

du concile de Nicée ?

10 décembre

Auteur : Prêtre Anastasios Gotsopoulos



L'absence du Filioque lors des offices au Phanar en présence du pape ne signifie pas que Rome fasse des concessions à l'orthodoxie.

Photo : UOJ

L'omission du Filioque à Nicée et au Phanar n'est pas nouvelle et, bien sûr, ne signifie aucun développement particulier dans la relation entre l'orthodoxie et le papisme.


Dans son nouvel article publié sur le site web de la branche grecque de l'UOJ, le théologien et prêtre grec Anastasios Gotsopoulos analyse ce que signifie la proclamation du Credo par le pontife sans l'ajout du Filioque au Phanar.

 

L'attention du public a été particulièrement attirée par le fait que le pape Léon XIV, lors d'une rencontre avec le patriarche œcuménique à Nicée-Bithynie, dans le cadre des célébrations du 1700e anniversaire de la convocation du premier concile œcuménique, ainsi qu'au Phanar pendant la fête du patriarcat (27-30 novembre 2025), a proclamé le Credo (« Je crois ») sans l'ajout du Filioque (et du Fils). De plus, cette « concession » du pape a été accueillie avec un enthousiasme particulier par les journalistes et certains théologiens orthodoxes et a été qualifiée, notamment, d'« événement très important qui ouvre de nouvelles perspectives et de nouveaux espoirs sur le chemin de l'unité des Églises » !

Essayons de considérer cette initiative papale dans toute son ampleur.

Contexte historique

Il convient de rappeler que le Filioque fut initialement introduit uniquement en Espagne lors du troisième concile de Tolède (589), et que, dès le début du IXe siècle, les Francs tentèrent de le diffuser en Occident dans le Credo, mais il ne fut accepté ni par les Églises d'Orient ni par Rome elle-même. De plus, le pape Léon III entra en conflit avec les Francs au concile d'Aix-la-Chapelle (809-810) et s'opposa résolument à la déformation du Credo. En réaction à l'insistance des Francs à ajouter le Filioque, il ordonna que le Credo soit inscrit sur deux tablettes d'argent, en grec et en latin, sans le Filioque, et les fit installer dans la basilique Saint-Pierre de Rome.

Plus tard, le pape Jean VIII, dans une lettre au patriarche Photius, reconnut la condamnation du Filioque au concile de Constantinople (VIII<sup>e</sup> concile œcuménique, 879-880) comme hérésie, et son ajout au Credo comme anticanonique, car il contredisait les décisions des troisième et quatrième conciles œcuméniques. Ce seul fait réfute les affirmations des catholiques et des orthodoxes pro-catholiques selon lesquelles l'Orient aurait toléré le Filioque pendant des siècles sans le considérer comme une déviation de la tradition de l'Église.

Il est assez évident qu'immédiatement après la tentative de déformation du Credo en Occident par les Francs, Rome et l'Orient s'y sont fermement opposés au plus haut niveau (les papes romains – Léon III, Jean VIII, le patriarche de Constantinople – saint Photius le Grand – et le VIIIe concile œcuménique).

Malheureusement, la domination des Francs à Rome a renversé la tradition patristique, et en 1014, le pape Benoît VIII a introduit le Filioque dans le Credo, comme le reconnaît sans équivoque le pape actuel Léon XIV dans son encyclique « In Unitate Fidei » (23/11/2025) : « La déclaration « du Père et du Fils procède (Filioque) » est absente du texte du Credo de Constantinople ; elle n’a été introduite dans le Credo latin que par Benoît VIII en 1014. »

« La réaction immédiate des patriarches orientaux à l'ajout arbitraire du pape Benoît VIII fut de retirer son nom des diptyques de l'Église de Constantinople et de rompre la communion ecclésiastique avec Rome avant même le schisme de 1054. »

Plus tard, Rome, séparée de l'Église du Christ, proclama le Filioque comme dogme de foi au quatrième concile du Latran (1215) et approuva conciliairement et officiellement son ajout au Credo. Le Filioque est également mentionné aux conciles de Lyon (1271) et de Ferrare-Florence (1438-1439), où tous ceux qui osent nier que le Saint-Esprit procède éternellement du Père et du Fils sont condamnés !

Ainsi, depuis lors jusqu'à nos jours, le Filioque constitue un enseignement essentiel pour Rome, intégré à son dogme et dont l'acceptation est obligatoire pour tous les croyants. De plus, le Filioque fut également imposé aux Uniates, qui conservent une ressemblance extérieure avec les orthodoxes, mais sont fondamentalement catholiques romains.

Pratique moderne

Cependant, après le concile Vatican II (1962-1965), dans le cadre de l'inclusion de Rome dans le mouvement œcuménique et de son rapprochement avec les « chrétiens divisés », Rome a reconnu la « sensibilité » des Églises orientales sur cette question, sans pour autant s'écarter de son enseignement dogmatique.

« Initialement, Rome autorisait les uniates à prononcer le « Je crois » sans ajouter le Filioque, et depuis le début du Dialogue théologique (1980), cette pratique est appliquée lors de toutes les rencontres liturgiques communes avec les orthodoxes. De plus, même dans les paroisses catholiques romaines de Grèce, le Filioque n'est plus prononcé dans le Credo. Il convient toutefois de préciser que cela ne signifie pas un changement dans l'enseignement dogmatique de Rome. Le dogme hérétique de la procédure du Saint-Esprit « du Père et du Fils (Filioque) » demeure inébranlable pour les catholiques ! »

Un document intitulé « Les traditions grecque et latine concernant la procession du Saint-Esprit », publié le 13 septembre 1995 par le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, apporte des éclaircissements sur ce point. Ce document tente de repenser le Filioque dans la perspective de « l’unité dans la diversité » des deux traditions et clarifie la position de Rome sur la question de sa non-publication dans le Credo.

Ce document précise notamment que « lorsque le Credo est proclamé en grec (ou lors de rencontres œcuméniques), l’Église catholique évite d’ajouter le Filioque au texte grec », et

« Il est expliqué que « ceci ne constitue pas un rejet de la tradition dogmatique latine qui inclut le Filioque », avec la précision que « la décision d’utiliser ou non le Filioque dans les prières œcuméniques ne change pas la position dogmatique de l’Église catholique ».

Et le document conclut que « lorsque le Credo est récité lors de services communs de catholiques et d'orthodoxes, la forme sans le Filioque est parfaitement permise et légitime ».

Dans le même esprit, la déclaration « Dominus Iesus » (6 août 2000) cite le Credo sans le Filioque — par respect pour la « sensibilité » des chrétiens orientaux.

Il convient toutefois de noter que le pape Léon XIV lui-même, qui est resté silencieux au sujet du Filioque en présence du patriarche œcuménique, s'est rendu le 29 novembre à Constantinople, après une réception et un office religieux au Phanar, à la Volkswagen Arena pour célébrer la messe en latin, et là, en sa présence, la chorale a chanté le Credo avec le Filioque en latin d'une manière tout à fait normale : « Et in Spiritum Sanctum, Dominum et vivificantem, qui ex Patre Filioque procedit. »

Conclusions

Il ressort de ce qui précède que

« L'omission du Filioque à Nicée et au Phanar n'est pas nouvelle et, bien sûr, ne signifie aucun développement particulier dans la relation entre l'orthodoxie et le papisme, et encore moins une renonciation à l'hérésie et un retour à la tradition patristique. »

Il ne s'agit là que d'une consolidation des pratiques établies et, surtout, d'une tromperie envers notre peuple non catéchisé.

Sans aucun doute, la « concession » papale s’inscrit dans le plan œcuménique du concile Vatican II, également accepté par certaines hiérarchies orthodoxes, sur la base desquelles elles fondent leurs relations avec le reste du monde chrétien.

Durant les trois jours de la visite papale, le même « statut » que lors des précédentes visites de papes au Phanar (2006, 2014) a été observé : des concélébrations de prières non canoniques et des concélébrations liturgiques incomplètes. Nous avons de nouveau entendu à plusieurs reprises, y compris de la bouche des orthodoxes, l’expression « pleine communion ». Une question se pose : quand les Pères de l’Église ou les évêques orthodoxes, avant le concile Vatican II, ont-ils employé le terme de « pleine communion » dans nos relations avec les non-orthodoxes ?

Pour ceux qui ne sont pas familiers avec la terminologie œcuménique, voici quelques explications : les notions de « communion partielle » et de « pleine communion » constituent le fondement de la nouvelle ecclésiologie du Concile Vatican II (Constitution dogmatique « Lumen Gentium ») et du Décret « Sur l’œcuménisme » (Unitatis Redintegratio) ! Pour quiconque possède une connaissance, même superficielle, de l’histoire de l’Église et de l’ecclésiologie orthodoxe, l’enseignement exprimé par cette terminologie est totalement étranger. Pourtant, elle s’est déjà enracinée dans les rencontres œcuméniques et est utilisée à bon et à mauvais escient, y compris par les orthodoxes, qui partagent pourtant, à bien des égards, l’ecclésiologie vaticane.

Triple avantage pour Rome

Pour résumer la question à l'étude, le « voyage apostolique » du pape Léon XIV à Nicée et à Constantinople a apporté un triple avantage à l'illustre hôte :

1. En proclamant le Credo sans le Filioque, des orthodoxes naïfs, habilement guidés par des « professionnels de l’œcuménisme », se sont enthousiasmés des résultats prétendument positifs du dialogue interchrétien, qui aurait soi-disant convaincu le Pape de supprimer le Filioque ! Ceci masque le fait que le Pape n’a pas dévié d’un iota de l’enseignement dogmatique sur le Filioque, qui, comme auparavant, est pleinement valide !

2. Une autre pierre a été posée pour consolider la terminologie œcuménique de « communion partielle et totale » parmi le peuple orthodoxe.

3. Et surtout : la feuille de route vers « l’unification des Églises » reste pleinement en vigueur, telle qu’elle a été élaborée et mise en œuvre méthodiquement et systématiquement par le Vatican et ses alliés.

Dans de telles conditions, pouvons-nous, croyants orthodoxes, nous réjouir et nous réjouir ?