Hypocrisie
et petites entourloupes.
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Que signifie l'absence du Filioque dans les
célébrations de l'anniversaire
du
concile de Nicée ?
10 décembre
Auteur : Prêtre
Anastasios Gotsopoulos
L'absence du Filioque lors des offices au Phanar en présence
du pape ne signifie pas que Rome fasse des concessions à l'orthodoxie.
Photo : UOJ
L'omission du Filioque à Nicée et au Phanar n'est pas nouvelle
et, bien sûr, ne signifie aucun développement particulier dans la relation
entre l'orthodoxie et le papisme.
Dans
son nouvel article publié sur le site web de la branche grecque de l'UOJ, le
théologien et prêtre grec Anastasios Gotsopoulos analyse ce que signifie
la proclamation du Credo par le pontife sans l'ajout du Filioque au Phanar.
L'attention du public a été particulièrement attirée par le
fait que le pape Léon XIV, lors d'une rencontre avec le patriarche œcuménique à
Nicée-Bithynie, dans le cadre des célébrations du 1700e anniversaire de la
convocation du premier concile œcuménique, ainsi qu'au Phanar pendant la fête
du patriarcat (27-30 novembre 2025), a proclamé le Credo (« Je crois ») sans
l'ajout du Filioque (et du Fils). De plus, cette « concession » du pape a été
accueillie avec un enthousiasme particulier par les journalistes et certains
théologiens orthodoxes et a été qualifiée, notamment, d'« événement très
important qui ouvre de nouvelles perspectives et de nouveaux espoirs sur le
chemin de l'unité des Églises » !
Essayons de considérer cette initiative papale dans toute son
ampleur.
Contexte
historique
Il convient de rappeler que le Filioque fut initialement
introduit uniquement en Espagne lors du troisième concile de Tolède (589), et
que, dès le début du IXe siècle, les Francs tentèrent de le diffuser en
Occident dans le Credo, mais il ne fut accepté ni par les Églises d'Orient ni
par Rome elle-même. De plus, le pape Léon III entra en conflit avec les Francs
au concile d'Aix-la-Chapelle (809-810) et s'opposa résolument à la déformation
du Credo. En réaction à l'insistance des Francs à ajouter le Filioque, il
ordonna que le Credo soit inscrit sur deux tablettes d'argent, en grec et en
latin, sans le Filioque, et les fit installer dans la basilique Saint-Pierre de
Rome.
Plus tard, le pape Jean VIII, dans une lettre au patriarche
Photius, reconnut la condamnation du Filioque au concile de Constantinople
(VIII<sup>e</sup> concile œcuménique, 879-880) comme hérésie, et
son ajout au Credo comme anticanonique, car il contredisait les décisions des
troisième et quatrième conciles œcuméniques. Ce seul fait réfute les
affirmations des catholiques et des orthodoxes pro-catholiques selon lesquelles
l'Orient aurait toléré le Filioque pendant des siècles sans le considérer comme
une déviation de la tradition de l'Église.
Il est assez évident qu'immédiatement après la tentative de
déformation du Credo en Occident par les Francs, Rome et l'Orient s'y sont
fermement opposés au plus haut niveau (les papes romains – Léon III, Jean VIII,
le patriarche de Constantinople – saint Photius le Grand – et le VIIIe concile
œcuménique).
Malheureusement, la domination des Francs à Rome a renversé la
tradition patristique, et en 1014, le pape Benoît VIII a introduit le Filioque
dans le Credo, comme le reconnaît sans équivoque le pape actuel Léon XIV dans
son encyclique « In Unitate Fidei » (23/11/2025) : « La
déclaration « du Père et du Fils procède (Filioque) » est absente du
texte du Credo de Constantinople ; elle n’a été introduite dans le Credo
latin que par Benoît VIII en 1014. »
« La
réaction immédiate des patriarches orientaux à l'ajout arbitraire du pape
Benoît VIII fut de retirer son nom des diptyques de l'Église de Constantinople
et de rompre la communion ecclésiastique avec Rome avant même le schisme de
1054. »
Plus tard, Rome, séparée de l'Église du Christ, proclama le
Filioque comme dogme de foi au quatrième concile du Latran (1215) et approuva
conciliairement et officiellement son ajout au Credo. Le Filioque est également
mentionné aux conciles de Lyon (1271) et de Ferrare-Florence (1438-1439), où
tous ceux qui osent nier que le Saint-Esprit procède éternellement du Père et
du Fils sont condamnés !
Ainsi, depuis lors jusqu'à nos jours, le Filioque constitue un
enseignement essentiel pour Rome, intégré à son dogme et dont l'acceptation est
obligatoire pour tous les croyants. De plus, le Filioque fut également imposé
aux Uniates, qui conservent une ressemblance extérieure avec les orthodoxes,
mais sont fondamentalement catholiques romains.
Pratique
moderne
Cependant, après le concile Vatican II (1962-1965), dans le
cadre de l'inclusion de Rome dans le mouvement œcuménique et de son
rapprochement avec les « chrétiens divisés », Rome a reconnu la « sensibilité »
des Églises orientales sur cette question, sans pour autant s'écarter de son enseignement
dogmatique.
« Initialement,
Rome autorisait les uniates à prononcer le « Je crois » sans ajouter le
Filioque, et depuis le début du Dialogue théologique (1980), cette pratique est
appliquée lors de toutes les rencontres liturgiques communes avec les
orthodoxes. De plus, même dans les paroisses catholiques romaines de Grèce, le
Filioque n'est plus prononcé dans le Credo. Il convient toutefois de préciser
que cela ne signifie pas un changement dans l'enseignement dogmatique de Rome.
Le dogme hérétique de la procédure du Saint-Esprit « du Père et du Fils
(Filioque) » demeure inébranlable pour les catholiques ! »
Un document intitulé « Les traditions grecque et latine
concernant la procession du Saint-Esprit », publié le 13 septembre 1995 par le
Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, apporte des
éclaircissements sur ce point. Ce document tente de repenser le Filioque dans
la perspective de « l’unité dans la diversité » des deux traditions et clarifie
la position de Rome sur la question de sa non-publication dans le Credo.
Ce document précise notamment que « lorsque le Credo est
proclamé en grec (ou lors de rencontres œcuméniques), l’Église catholique évite
d’ajouter le Filioque au texte grec », et
« Il
est expliqué que « ceci ne constitue pas un rejet de la tradition dogmatique
latine qui inclut le Filioque », avec la précision que « la décision d’utiliser
ou non le Filioque dans les prières œcuméniques ne change pas la position
dogmatique de l’Église catholique ».
Et le document conclut que « lorsque le Credo est récité lors
de services communs de catholiques et d'orthodoxes, la forme sans le Filioque
est parfaitement permise et légitime ».
Dans le même esprit, la déclaration « Dominus Iesus » (6 août
2000) cite le Credo sans le Filioque — par respect pour la « sensibilité » des
chrétiens orientaux.
Il convient toutefois de noter que le pape Léon XIV lui-même,
qui est resté silencieux au sujet du Filioque en présence du patriarche
œcuménique, s'est rendu le 29 novembre à Constantinople, après une réception et
un office religieux au Phanar, à la Volkswagen Arena pour célébrer la messe en
latin, et là, en sa présence, la chorale a chanté le Credo avec le Filioque en
latin d'une manière tout à fait normale : « Et in Spiritum Sanctum, Dominum et
vivificantem, qui ex Patre Filioque procedit. »
Conclusions
Il ressort de ce qui précède que
« L'omission
du Filioque à Nicée et au Phanar n'est pas nouvelle et, bien sûr, ne signifie
aucun développement particulier dans la relation entre l'orthodoxie et le
papisme, et encore moins une renonciation à l'hérésie et un retour à la
tradition patristique. »
Il ne s'agit là que d'une consolidation des pratiques établies
et, surtout, d'une tromperie envers notre peuple non catéchisé.
Sans aucun doute, la « concession » papale s’inscrit dans le
plan œcuménique du concile Vatican II, également accepté par certaines
hiérarchies orthodoxes, sur la base desquelles elles fondent leurs relations
avec le reste du monde chrétien.
Durant les trois jours de la visite papale, le même
« statut » que lors des précédentes visites de papes au Phanar (2006,
2014) a été observé : des concélébrations de prières non canoniques et des
concélébrations liturgiques incomplètes. Nous avons de nouveau entendu à
plusieurs reprises, y compris de la bouche des orthodoxes, l’expression
« pleine communion ». Une question se pose : quand les Pères de
l’Église ou les évêques orthodoxes, avant le concile Vatican II, ont-ils
employé le terme de « pleine communion » dans nos relations avec les
non-orthodoxes ?
Pour ceux qui ne sont pas familiers avec la terminologie
œcuménique, voici quelques explications : les notions de « communion
partielle » et de « pleine communion » constituent le fondement
de la nouvelle ecclésiologie du Concile Vatican II (Constitution dogmatique
« Lumen Gentium ») et du Décret « Sur l’œcuménisme »
(Unitatis Redintegratio) ! Pour quiconque possède une connaissance, même
superficielle, de l’histoire de l’Église et de l’ecclésiologie orthodoxe,
l’enseignement exprimé par cette terminologie est totalement étranger.
Pourtant, elle s’est déjà enracinée dans les rencontres œcuméniques et est
utilisée à bon et à mauvais escient, y compris par les orthodoxes, qui
partagent pourtant, à bien des égards, l’ecclésiologie vaticane.
Triple
avantage pour Rome
Pour résumer la question à l'étude, le « voyage apostolique »
du pape Léon XIV à Nicée et à Constantinople a apporté un triple avantage à
l'illustre hôte :
1. En proclamant le Credo sans le Filioque, des orthodoxes
naïfs, habilement guidés par des « professionnels de l’œcuménisme »,
se sont enthousiasmés des résultats prétendument positifs du dialogue
interchrétien, qui aurait soi-disant convaincu le Pape de supprimer le
Filioque ! Ceci masque le fait que le Pape n’a pas dévié d’un iota de
l’enseignement dogmatique sur le Filioque, qui, comme auparavant, est
pleinement valide !
2. Une autre pierre a été posée pour consolider la
terminologie œcuménique de « communion partielle et totale » parmi le peuple
orthodoxe.
3. Et surtout : la feuille de route vers « l’unification des
Églises » reste pleinement en vigueur, telle qu’elle a été élaborée et mise en
œuvre méthodiquement et systématiquement par le Vatican et ses alliés.
Dans
de telles conditions, pouvons-nous, croyants orthodoxes, nous réjouir et nous
réjouir ?