PAROLE
SUR LA MORT 7/9
CHAPITRE VII :
Ce texte est proposé aux chrétiens orthodoxes qui fréquentent régulièrement les offices de l'Eglise ainsi que les sacrements, qui ont une vie de prière intérieure et qui ont un père spirituel chez qui ils se confessent régulièrement. Pour les autres, nous craignons qu'il provoquera chez eux des réactions négatives et pourraient être peturbés dans leur psyché.
Il pourrait-y avoir des passages difficiles qui, probablement, vont heurter la sensibilité de notre entendement humain. Prière de garder à la mémoire la pensée que Christ est venu sauver ceux qui espèrent en Lui, que la vie a jailli du tombeau et le Seigneur nous l'a accordée par le Saint baptême et les sacrements de l'Eglise.
Ce texte sur Sainte Theodora a été emprunté à une vie de Saint Basile qui a
vécu au neuvième siècle à constantinople, ce texte selon les derniers
spécialistes a été écrit quatre siècles après la mort de saint Basile, donc
beaucoup de questions sur son authenticité ont été récemment posées et
plusieurs chercheurs doutent de sa véracité. Cela étant dit, Saint Ignace l'a
adopté et l'a inclus dans son traité. Prière donc de prendre cette histoire
avec des pincettes et de ne pas s'alarmer à outrance de la dureté de son
contenu.
C'est à Sainte Théodora que nous emprunterons la description
détaillée des épreuves et l'ordre dans lequel elles se déroulent dans les airs.
Ayant, comme nous l'avons vu, abandonné sur la terre son corps sans vie, elle
commença son ascension vers l'orient, guidée par deux anges.
Alors qu'elle montait vers le ciel, elle rencontra les esprits ténébreux de la
première épreuve, qui examinent tous les péchés humains commis en parole, comme
les bavardages, les jurons, les railleries, les blasphèmes, les chansons
passionnelles, les exclamations indécentes, les rires et autres choses
semblables. Le plus souvent, l'homme ne fait aucun cas de ces péchés, ne s'en
repent pas devant Dieu et ne les confesse pas à son père spirituel. Cependant,
le Seigneur a dit clairement : Au jour du jugement, les hommes rendront compte
de toutes les paroles vaines qu'ils auront proférées. Car par tes paroles tu
seras justifié, et par tes paroles tu seras condamné (Mt.12,36-37). Et l'Apôtre
ordonne : Qu’il ne sorte de votre bouche aucune parole mauvaise, ni déshonnête,
ni propos insensé, ni plaisanterie (Eph.4,29845,4). Les démons accusèrent l'âme
de Théodora avec cruauté et ténacité, présentant tous les péchés commis en
parole depuis sa jeunesse. Les saints anges les contestèrent, opposant les
bonnes œuvres.
Rachetée à la première épreuve, Théodora monta plus haut et s'approcha de la deuxième
épreuve, où sont examinés les mensonges, les parjures, le fait de prononcer en
vain le Nom de Dieu ou de dissimuler ses péchés au père spirituel lors de la
confession.
S'étant libérée là aussi, elle passa à la troisième épreuve, où sont examinés
les calomnies contre le prochain, les jugements, l'humiliation, l'atteinte à
l'honneur d'autrui, les injures et les railleries faites en oubliant ses
propres péchés et défauts, ou en y prêtant aucune attention. Ceux qui ont
commis des péchés de ce genre sont questionnés par les féroces examinateurs
avec une cruauté toute particulière, car ils se sont conduits comme des
antéchrists, ils se sont approprié la dignité du Christ en jugeant et en
écrasant leur prochain.
La quatrième épreuve est celle de la gourmandise. On y dénonce la gloutonnerie,
l'ivrognerie, le fait de manger à tout moment ou en cachette, de manger sans
dire la prière, la transgression des jeûnes, la luxure, la volupté, le
rassasiement, le fait de participer à des festins, et tous les plaisirs accordés
au ventre. Après s'être libérée de cette épreuve, Sainte Théodora reprit un peu
courage et dit aux saints anges qui l'accompagnaient : « Il me semble que
personne sur terre ne sait ce qui se passe ici et ce qui attend l'âme
pécheresse après la mort ». Les anges lui répondirent : « La Parole Divine, lue
quotidiennement à l'église, et prêchée par les serviteurs de Dieu ne
l'explique-t-elle donc pas ? Ceux qui se sont attachés aux vanités terrestres
ne prêtent aucune attention à la Parole de Dieu, ils jouissent quotidiennement
de l'ivrognerie, ils mangent à satiété et boivent sans crainte de Dieu, ne
pensent pas à la vie future et n'écoutent pas l'Ecriture qui dit : malheur à
vous qui êtes rassasiés car vous aurez faim ! (Luc6,25). Ils considèrent la Sainte
Ecriture comme une fable, vivent dans la négligence, s'amusent et festoient
joyeusement chaque jour au son de la musique et des chœurs, à l'instar du riche
de l'Evangile, Toutefois, ceux qui sont miséricordieux, font profiter les
pauvres de leurs bienfaits, et aident les nécessiteux, reçoivent facilement le
pardon de Dieu pour leurs péchés et passent les épreuves avec bonheur grâce à
leurs aumônes. L'Ecriture dit : L'aumône délivre de la mort et purifie de tout
péché. Celui qui fait des aumônes et agit avec justice aura la vie; ceux qui
commettent le péché sont les ennemis de leur vie. (Tobie21). Ceux qui ne
s'efforcent pas de se purifier de leurs péchés par des aumônes ne pourront pas
éviter le malheur lors des épreuves, ils seront ravis par les publicains qui
les feront descendre dans de cruelles souffrances vers les prisons souterraines
de l'enfer où ils seront enchaînés jusqu'au terrible jugement du Christ 1 »
En s'entretenant ainsi, ils atteignirent la cinquième épreuve, celle de la
paresse. Là furent comptés tous les jours et toutes les heures passés dans la
négligence à servir Dieu. Là furent examinés l'acédie, l'abandon des prières à
l'église ou dans la cellule, par paresse, négligence, ou froideur envers Dieu.
Là sont questionnés les paresseux qui profitent du travail des autres et
refusent de travailler eux-mêmes, ceux qui perçoivent un salaire mais
accomplissent leur travail avec négligence.
Après vint la sixième épreuve, où l'on examine les vols et les rapts en tout
genre, grossiers ou selon la bienséance, manifestes ou cachés.
Puis vint la septième épreuve, celle de l'amour de l'argent et de l'avarice.
Ensuite vint la huitième épreuve, où sont accusés les concussionnaires, les
usuriers et ceux qui s'approprient le bien d'autrui.
Plus loin encore, l'épreuve de l'injustice, la neuvième épreuve, où sont
dénoncés les juges iniques au jugement partiel, qui se laissent acheter,
condamnent les innocents et justifient les coupables. Là sont examinées les
balances inexactes, les marchandages injustes.
La dixième épreuve est l'épreuve de l'envie où sont examinés ceux qui
s'adonnent à cette passion pernicieuse et à ses conséquences.
A la onzième épreuve, les esprits hautains examinent l'orgueil, la vanité, la
présomption, le dédain, la louange de soi-même, le fait de ne pas honorer comme
il se doit les parents, les pouvoirs ecclésiastiques ou civils, de ne pas leur
obéir ou de leur désobéir.
La douzième épreuve est celle de la colère et de la fureur.
La treizième épreuve est celle de la rancune. Après avoir dépassé cette
épreuve, Sainte Théodora demanda aux anges :
- Je vous en prie, dites-moi comment ces effrayantes puissances aériennes
connaissent les mauvaises actions, autant manifestes que cachées, de tous les
hommes vivant dans le monde entier.
- Au saint baptême chaque homme reçoit un ange gardien qui veille invisiblement
sur lui, l'instruit nuit et jour dans les bonnes actions, tout au long de sa
vie et jusqu'à l'heure de la mort. Il note toutes les bonnes actions pour
lesquelles cet homme serait susceptible d'être digne de la miséricorde du
Seigneur et de la rétribution éternelle. De la même façon, le prince des
ténèbres, qui a pour objectif d'entraîner dans la perdition le genre humain,
envoie auprès de chaque homme un esprit malin qui le suit partout, note ses
mauvaises actions, lui suggère astucieusement de faire le mal, puis visite
chaque épreuve pour y rapporter les péchés correspondants. Voilà comment les
pouvoirs aériens connaissent les péchés de tous les hommes. Quand l'âme se
sépare du corps et s'efforce de monter rejoindre son Créateur au ciel, les
esprits malins lui dressent des obstacles en dénonçant les péchés qu'ils ont
inscrits. Si l'âme possède davantage de bonnes actions que de péchés, ils ne
pourront pas la retenir. Dans le cas contraire, ils l'enfermeront dans une
prison d'où elle ne pourra pas voir Dieu. Elle sera torturée tant que la
puissance de Dieu le permettra, et tant qu'elle n'aura pas été rachetée par les
prières de l'Eglise et les aumônes des proches. Si l'âme s'avère vraiment pécheresse
et abominable devant Dieu, au point qu'il ne lui reste plus aucune espérance de
salut et qu'elle soit digne de la perdition éternelle, alors elle sera
descendue immédiatement dans l'abîme où les démons connaîtront eux-aussi les
souffrances éternelles. Elle y sera gardée jusqu'au deuxième Avènement du
Christ, après quoi elle s'unira au corps et souffrira avec lui dans la géhenne
éternelle. II faut savoir encore que ceux qui empruntent la voie des épreuves
et des questions sont uniquement ceux qui ont été éclairés par la foi
chrétienne et lavés par le Saint Baptême. Elle n'est donc destinée ni aux
païens, ni aux musulmans, ni à tous ceux qui sont étrangers à Dieu : ceux-là,
encore vivants dans leur corps, sont déjà morts, et enterrés en enfer par l'âme.
Au moment de leur mort, les démons les saisissent immédiatement comme un dû et
les descendent sans épreuve dans l'abîme de la géhenne.
Après cet entretien, Sainte Théodora atteignit la quatorzième épreuve, celle du
meurtre, où sont examinés non seulement le brigandage et le meurtre, mais aussi
les coups, les gifles et les heurts.
Plus haut eut lieu la quinzième épreuve, celle de la magie, de la sorcellerie,
des charmes, des poisons, de l'ensorcellement et de l'invocation des démons. Au
cours de cette épreuve, les démons ne trouvèrent rien à reprocher à la
bienheureuse Théodora et ils lui crièrent, furieux: « Quand tu arriveras à
l'épreuve de l'adultère, nous verrons si tu pourras t'en tirer...». En
continuant à s'élever, elle demanda aux saints anges:
- Est-ce possible que tous les chrétiens doivent passer par ces lieux, et que
personne ne puisse les traverser sans être soumis aux questions et à la peur?
- Il n'y a pas d'autre voie pour les âmes chrétiennes qui montent vers le ciel.
Toutes passent ici, mais toutes ne sont pas questionnées comme celles qui ont
commis des péchés sans les avoir complètement confessés, par honte devant le
père spirituel. Si quelqu'un confesse ses péchés dans la vérité, les regrette
et se repent du mal qu'il a commis, alors ses péchés sont effacés par la
miséricorde de Dieu, et quand l'âme arrive ici, les examinateurs aériens ne
trouvent rien en ouvrant les livres, c'est pourquoi ils ne peuvent ni offenser
l'âme, ni l'effrayer, et c'est ainsi qu'elle s'élève joyeusement vers le trône
de la grâce.
NB: Saint Jean Climaque raconte que pendant un séjour dans un monastère
d'Alexandrie, un voleur se présenta avec repentir pour être admis à la vie
monastique. L'higoumène du monastère lui demanda qu'il confesse ses péchés à
l'église en présence de tous les frères. Le voleur s'étant exécuté avec ferveur
et humilité, l'higoumène le revêtit immédiatement du schème. Saint Jean lui
demanda en privé pourquoi il avait tonsuré aussi vite le voleur. L'higoumène
répondit que sa confession lui avait mérité le pardon de toutes ses fautes. «Et
n'en doute pas, car un des frères présents m'a fait une confidence. Il a vu un
personnage à l'aspect terrible qui tenait en main une tablette écrite et une
plume. Tandis que le pénitent avouait ses crimes, l'autre, en toute justice,
les effaçait de la tablette avec la plume, selon qu'il est écrit : J'ai dit: je
vais confesser contre moi mes péchés au Seigneur et Toi, tu as pardonné
l'iniquité de mon cœur (Ps.31,5)» (Echelle, degré4)
Il n'est pas inutile de citer ici un événement qui nous est presque
contemporain. Dans les environs de Vologda se trouve un grand village dénommé
Koubensky, qui compte plusieurs paroisses. Le prêtre de l'une d'elle tomba
malade et s'approcha de la mort. Il vit son lit entouré de démons qui
s'apprêtaient à ravir son âme et à la descendre en enfer. Alors apparurent
trois anges. L'un d'entre eux se posta près du lit et se mit à disputer l'âme à
un démon des plus hideux qui tenait un livre ouvert où étaient inscrits tous
les péchés du prêtre. Sur les entrefaites entra un autre prêtre qui venait
assister son confrère. La confession commença. Jetant des regards effrayés sur
le livre, le malade prononçait avec abnégation ses péchés, comme s'il les
rejetait de lui-même. Et que vit-il ? Dès qu'il mentionnait un péché, celui-ci
disparaissait du livre en laissant une page blanche. Il effaça ainsi par la
confession tous les péchés du livre démoniaque et fut guéri. Il finit sa vie
dans un profond repentir, racontant à ses proches, pour leur instruction, cette
vision qu'avait soulignée une guérison miraculeuse.
En conversant ainsi, ils atteignirent la seizième épreuve, celle de la
dépravation, où sont examinés tous les genres de débauche, c'est-à-dire les
péchés d'adultère des personnes qui ne sont pas liées par le mariage. On y
examine les rêveries coupables, le fait de s'attarder en pensée sur ces
rêveries, le consentement au péché et la jouissance, les regards voluptueux,
les attouchements obscènes. Quand Théodora fut parvenue à cette épreuve, les esprits
ténébreux furent très étonnés qu'elle soit arrivée jusque-là, et ils
l'accusèrent avec cruauté, surtout pour son manque de franchise envers son père
spirituel.
Ensuite, ils arrivèrent à la dix-septième épreuve, où sont examinés tous les
péchés d'adultère des personnes vivant dans le mariage (le fait de ne pas
respecter la fidélité entre époux, de souiller le lit conjugal) ou les péchés
d'adultère des personnes consacrées à Dieu, qui ont promis au Christ leur
pureté.
La dix-huitième épreuve est celle de l'homosexualité, où sont passés en revue
les péchés d'adultère contraires à la nature, ainsi que l'inceste. Après avoir
dépassé cette épreuve les saints anges dirent à Théodora: «Tu as vu les
terribles et abominables épreuves de l'adultère! Sache que rare est l'âme qui
les dépasse librement. Le monde entier est enfoncé dans le mal des tentations
et de la souillure, tous les hommes sont voluptueux et débauchés. Les pensées
du cœur de l'homme sont mauvaises dès sa jeunesse (Gen.8,21) et c'est à peine
si quelqu'un se garde de la souillure de l'adultère. Peu nombreux sont ceux qui
mettent à mort les convoitises de la chair et qui dépassent sans encombre ces
épreuves! La plupart de ceux qui sont arrivés jusque là périssent. Les féroces
questionneurs ravissent les âmes et les précipitent en enfer. Les puissances
des épreuves d'adultère se vantent qu'à eux seuls, ils remplissent plus que
toutes les autres épreuves les fournaises de l'enfer. Rends grâce à Dieu,
Théodora, d'avoir évité les pièges des épreuves d'adultère, et ceci grâce aux
prières de ton père Saint Basile. A présent, tu ne connaîtras plus la peur ! ».
La dix-neuvième épreuve est celle des hérésies, où sont examinés les
raisonnements injustes sur la foi, les doutes dans la foi, l'apostasie et le
reniement de la foi orthodoxe, le blasphème et autres péchés contre la seule
véritable confession de la foi.
Après avoir dépassé cette épreuve, ils approchèrent des portes célestes, et
rencontrèrent les esprits de la dernière et vingtième épreuve, celle de l'absence
ou de l'insuffisance de charité, et de la cruauté. Si quelqu'un accomplit de
nombreux exploits spirituels, des jeûnes, des veilles, des métanies, des
prières, s'il garde de toute souillure la pureté de sa virginité, s'il épuise
son corps dans l'abstinence, mais se montre impitoyable et ferme son cœur au
prochain, alors il sera précipité du haut du ciel lors de cette épreuve, et
sera enfermé pour l'éternité dans l'abîme de l’enfer.
Enfin, avec une joie ineffable, ils s'approchèrent des portes célestes. Celles-ci
brillaient comme du cristal. Elles rayonnaient de manière indicible et des
jeunes gens semblables au soleil se tenaient au milieu d'elles. Voyant la
sainte guidée par les anges, ils se réjouirent pour elle de la voir dépasser
victorieusement, couverte par la miséricorde divine, les épreuves aériennes.
Avec grand amour, ils la firent traverser les portes. Pendant sa marche à
travers les épreuves, Sainte Théodora avait noté que chaque épreuve était
présidée par un prince particulier, et que les esprits de chaque épreuve
présentaient une apparence extérieure conforme au type de péché examiné à
l'épreuve.
Les grands saints (qui par nature sont semblables à l'ancien Adam, mais sont
parvenus à la perfection du Nouvel Adam, notre Seigneur Jésus-Christ) traversent
les épreuves à une vitesse extraordinaire et avec grande gloire. Ils sont
élevés au ciel par l'Esprit Saint qui, déjà pendant leur pèlerinage terrestre,
leur inspirait constamment le désir de se séparer du corps et d'être avec le
Christ (Phil.1,23). Le grand Marc de Thrace (5avril) traversa l'atmosphère
comme un éclair, en l'espace d'une heure. Saint Sérapion, qui assista au décès
de Saint Marc, dit: «Je vis l'âme du saint séparée des liens charnels, et
élevée au ciel après avoir été recouverte d'un vêtement blanc et lumineux par
un ange».
Lorsqu'arriva la mort de Saint Macaire le Grand, une multitude de l'armée
céleste se joignit au chérubin qui était son ange gardien pour venir chercher
son âme. Avec l'assemblée des anges descendit le chœur des apôtres, des
martyrs, des saints hiérarques, des saints et des justes. Les démons se
rangèrent en foule tout au long des épreuves, afin de contempler la marche de
l'âme pneumatophore. Elle commença son ascension. Se tenant au loin, les
esprits des ténèbres criaient depuis le lieu des épreuves : «ô, Macaire De
quelle gloire as-tu été digne !». Mais l'humble moine répondait : «Non ! Je
crains encore parce que je ne sais pas si j'ai fait quelque chose de bien ! ».
Pendant ce temps, il s'élevait rapidement vers le ciel. Les pouvoirs aériens
criaient dé nouveau à partir des épreuves plus élevées : «Tu nous as vraiment
évités, Macaire !». «Non, j'ai encore besoin de fuir ! ». Lorsqu'il franchit
les portes célestes, ils crièrent en sanglotant de rage et d'envie : «Maintenant,
tu nous as évités, Macaire !». «Gardé par la puissance de mon Christ, j'ai
évité vos astuces ! ». Le cheminement de l'âme de Saint Macaire fut observé par
ceux de ses disciples qui avaient atteint une réussite spirituelle
particulière, et c'est Saint Paphnuce, son successeur à la direction du skyte,
qui le raconte.
Les grands saints mènent, toute leur vie durant, un combat implacable contre
les pouvoirs ténébreux. Ils ont déjà remporté la victoire ici-bas, car leurs
cœurs se sont libérés totalement du péché, devenant temples et sanctuaires de
l'Esprit Saint qui fait en eux Sa demeure raisonnable, une forteresse
imprenable pour l'ange déchu. C'est pourquoi ils passent avec une telle aisance
devant les gardiens aériens et les pouvoirs ténébreux.
De la même façon que l'âme chrétienne ressuscite déjà pendant son pèlerinage
terrestre de la mort occasionnée par le péché, elle voit s'accomplir déjà
ici-bas son examen par les pouvoirs aériens, sa captivité ou sa libération.
Mais cette captivité, ou cette libération, ne deviendra évidente que lors de la
marche à travers les airs.
Au Paradis, l'homme reçut le commandement de ne pas goûter à l'arbre de la
connaissance du bien et du mal. Comme dit Marc l'ascète dans son homélie sur le
Paradis et la loi spirituelle, ce commandement n'a pas été abrogé. A présent
encore, il est interdit de voir le mal dans son prochain, de le condamner, de
se venger de lui, de rendre le mal pour le bien. Il est interdit de regarder
avec convoitise la beauté de la femme, beauté qui, avant la chute, ne suscitait
aucune convoitise. Il est interdit de prononcer des paroles de blasphème, telle
qu'on a pu en entendre de la bouche du diable au Paradis, et également de
prononcer en vain le Nom de Dieu. Interdites aussi les paroles vaines et les
pensées pécheresses.
Saint Macaire le Grand dit : «Le bienheureux Moïse, pour exprimer de façon
imagée que l'âme ne doit pas suivre simultanément deux principes
contradictoires, c'est-à-dire le bien et le mal, mais doit au contraire
s'attacher au bien, et qu'elle ne doit pas non plus produire de fruits doubles,
utiles et nuisibles, a dit: tu ne laboureras pas avec un bœuf et un âne attelés
ensemble (Dt.22,9-10). Ceci signifie que la vertu et la méchanceté ne doivent
pas agir ensemble dans l'enclos de ton cœur, mais que seule la vertu doit
agir».
Le même dit encore: «Tu ne porteras point un vêtement tissé mi-laine, mi-lin.
Tu ne sèmeras pas dans ton champ deux espèces de semences (Dt.22,11). Tu
n'accoupleras pas deux bestiaux de deux espèces (Lev.19,19). Tout cela exprime
mystérieusement que ne doivent pas être semées en nous méchanceté et vertu,
mais qu'une seule espèce de fruit doit naître dans l'âme, le fruit de la vertu,
et que l'âme ne doit pas communiquer avec deux esprits, l'Esprit de Dieu et
l'esprit du monde».
Comme jadis dans le Paradis, l'homme a devant lui aujourd'hui son meurtrier, le
chérubin déchu. Il agite son arme flamboyante et combat l'homme implacablement,
s'efforçant de l'entraîner à transgresser le commandement de Dieu, le poussant
vers une perdition autrement plus pénible que celle de nos ancêtres.
Malheureusement, notre ennemi est de plus en plus encouragé par ses succès. Les
plus grands pères (Macaire le Grand, Marc l'ascète,...) Voient dans l'arme
flamboyante agitée par les mains du prince des airs le pouvoir démoniaque qui
ébranle l'esprit et le cœur de l'homme «en les enflammant par diverses
passions. L'Apôtre appelle les armes de l'ennemi des flèches flamboyantes
(Eph.6,10) et le prophète compare leur action dans l'âme à celle du feu dans
les épines (Ps.117,12). Saint Syméon le Nouveau Théologien dit: « Depuis le
moment où le diable organisa par la désobéissance le bannissement de l'homme du
Paradis et la rupture de sa communion avec Dieu, il reçut, avec les démons, la
liberté d'ébranler la raison de chaque homme, les uns davantage, les autres
moins. L'intellect ne peut se protéger que par le souvenir incessant de Dieu.
Quand la puissance de la Croix grave le souvenir de Dieu dans le cœur, alors le
raisonnement devient inébranlable. C'est à cela que mène l'ascèse mentale par
laquelle chaque chrétien s'est engagé à combattre sur le champ de bataille de
la foi. Sans ce résultat, l'exploit est vain».
Les commandements concernent les actes et les paroles, mais surtout leur
origine commune, les pensées. Le combat que l'ennemi nous livre est d'ailleurs
dirigé de préférence contre l'intellect. L'intellect est le guide de l'homme ;
s'il ne consent pas secrètement au péché, alors ni les paroles pécheresses, ni
les actes pécheurs ne peuvent naître. Comme dit Saint Hésychius de Jérusalem
dans son homélie sur la vigilance : l'arme de l'ennemi, c'est la pensée ou la
rêverie coupable. L'homme doit combattre les puissances de l'air dans le pays
des pensées. C'est là qu'il remporte la victoire ou subit la défaite. C'est là
qu'il se libère des publicains ou qu'il se soumet à eux. C'est là que se décide
sort destin éternel. Il choisit librement, soit la vie éternelle accordée par
le Créateur et offerte par le Rédempteur, soit la mort éternelle annoncée jadis
au Paradis par Dieu dans Sa justice, comme châtiment de la créature qui
dédaigne les bienfaits de son Créateur.
Le très grand et saint Apôtre Paul nous appelle à ce combat en disant :
revêtez-vous de toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir tenir ferme contre
les ruses du diable, car nous n'avons pas à lutter contre la chair et le sang,
mais contre les dominations, les autorités, contre les princes de ce monde des
ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux situés en-dessous des
cieux (Eph.6,11-12). L'Apôtre indique même le lieu de ce terrible combat et les
armes qu'il nous faut employer : les armes avec lesquelles nous combattons ne
sont pas charnelles, mais elles sont puissantes par la vertu de Dieu, pour
renverser des forteresses. Nous renversons les raisonnements et toute hauteur
qui s'élève contre la connaissance de Dieu et nous amenons toute pensée captive
à l'obéissance du Christ (2Cor.10,4-5). L'Apôtre ordonne de capturer dans
l'obéissance au Christ non seulement les pensées pécheresses qui Lui sont
manifestement opposées, mais aussi toute notre intelligence. Notre adversaire
rusé et expérimenté dans la perte des hommes ne suggère pas des pensées
manifestement coupables dès le début d'un entretien, mais il s'efforce plutôt
d'opposer à l'intelligence spirituelle (l'enseignement évangélique)
l'intelligence humaine naturelle, déchue, charnelle et psychique; en la
présentant comme saine, bien fondée, juste et grande. Il éloigne ainsi l'homme
de l'obéissance au Christ.
«Lorsque le diable voit quelqu'un qui ne désire pas pécher, il n'est pas assez
insensé pour lui proposer un mal manifeste. Il ne lui dit pas : va commettre
l'adultère ou va voler. Il sait que nous ne voulons pas cela et il ne se donne
pas la peine de parler de ce que nous ne voulons pas, mais il essaie de trouver
en nous un désir quelconque, ou quelque justification de nous-mêmes et par
cela, il nous nuit. Et c'est pourquoi l'Ecriture dit : le malin commet un mal
lorsqu'il s'unit au juste (Prov.11,15). Le malin, c'est le diable. Il commet un
mal lorsqu'il unit sa vérité à la nôtre ; alors il s'affermit, il nuit
davantage, il agit. Lorsque nous nous laissons diriger par nos désirs en
suivant notre vérité, alors, ayant l'air de faire une bonne action, nous nous
faisons du tort à nous-mêmes et nous ne remarquons même pas comment nous
périssons ! . (Saint Dorothée de Gaza).
Pour illustrer la flatterie, l'adulation et la malignité employées par le
diable pour s'emparer de la volonté de l'homme et lui faire déposer le joug du
Christ, Saint Macaire cite le combat suivant : «Quelqu'un, en se disputant avec
son frère, se trouble lui-même et pense ainsi : faut-il lui dire ceci ou cela ?
Non, je ne lui dirai pas ! Il me dénigre tant ! Dois-je le contredire ? Il vaut
mieux que je me taise ! C'est vrai, nous avons les commandements de Dieu, mais
il faut aussi se préoccuper de son honneur... Ainsi, il est difficile de
renoncer complètement à soi-même»: L'Apôtre recommande de renoncer résolument
et totalement à soi-même, de revêtir toutes les armes de Dieu, et non de se
ceindre d'une seule d'entre elles. Le jeûne seul ne suffit pas, pas plus que la
prière, les aumônes ou la chasteté. Les armes de Dieu, ce sont tous les
commandements évangéliques. Celui qui dédaigne l'un d'eux les rejette tous.
Celui qui dédaigne l'un d'eux sera appelé le plus petit dans le Royaume des
Cieux (Mt.5,19), sera précipité dans la géhenne de feu, comme dit Saint
Théophylacte de Bulgarie en commentant l'Evangile. J'ai été redressé grâce à
tous, tes commandements, j'ai haï toute voie d'injustice (Ps.118,128). Prenez
toutes les armes de Dieu, afin de résister dans le mauvais jour et de tenir
ferme après avoir tout surmonté (Eph.6,13). Seul celui qui a pris toutes les
armes de Dieu peut résister dans le mauvais jour, seul celui qui a accompli
tous les commandements sans exception peut tenir ferme devant l'ennemi.
«Le mauvais jour, c'est l'heure de la tentation cruelle et de l'attaque du
diable auxquelles sont soumis les courageux soldats du Christ pendant leur
pèlerinage terrestre. Les vainqueurs de ce combat passent de la mort éternelle
à la résurrection de l'âme. (De bons exemples de ceci seront trouvés dans la
vie de Saint Antoine le Grand, ou dans celle de Saint Jean le Grand-Souffrant
des grottes). Pour les autres chrétiens, le mauvais jour, c'est celui de la
séparation de l'âme et du corps, le jour de la traversée des épreuves
aériennes. Les saints se revêtent de toutes les armes de Dieu. Leur règle de
vie est l'Evangile, la parole de leur bouche, de leur esprit et de leur cœur,
c'est la parole de Dieu (Eph.6,18), le Nom du Seigneur Jésus-Christ. Avec cette
épée spirituelle, ils vainquent et brisent l'arme flamboyante agitée devant eux
par l'ennemi, c'est-à-dire les paroles du diable. Les rêveries démoniaques ne
peuvent pénétrer dans leurs âmes, elles perdent sur elles tout pouvoir. Par la
veille et une vigilance sévère, les saints sont attentifs à leur cœur et à leur
esprit. Illuminés par la grâce de Dieu, ils sentent de loin l'approche des
voleurs et des meurtriers menteurs. Se servant de leur attention comme d'un
miroir, ils y voient le reflet des visages noirs des éthiopiens spirituels»
(Saint Hésychius). En rejetant tout rapport avec eux déjà ici-bas, ils les
privent de tout droit sur eux. Après leur mort, ils passent sans obstacle
devant les pouvoirs aériens qu'ils avaient dédaignés en temps utile.
Saint Macaire le Grand dit: «Seul celui qui renonce véritablement au monde, qui
vit dans l'ascèse, qui dépose le joug terrestre, qui se libère et s'éloigne
sincèrement des désirs vains, des passions chamelles, des honneurs, qui reçoit
secrètement l'aide du Seigneur dans les exploits spirituels cachés, qui demeure
fermement au service de Dieu et se donne à Lui définitivement par l'âme et le
cœur, celui-là seul, je l'affirme, rencontre une résistance, des passions
secrètes, des filets invisibles, un combat caché, une lutte intérieure. Au
milieu de ce combat, il prie Dieu en permanence et
reçoit du ciel les armes spirituelles décrites par le bienheureux Apôtre : la
cuirasse de la justice, le casque du salut, le bouclier de la foi et l'épée de
l'Esprit. Ainsi armé, il peut résister aux astuces cachées des ennemis. Ayant
acquis ces armes au moyen de la prière, de la patience, des demandes, du jeûne,
de la foi, il peut mener courageusement le combat contre les dominations, les
autorités et les princes de ce monde des ténèbres (Eph.6,14). Ayant vaincu le
pouvoir de l'adversaire avec l'aide de l'Esprit et ses propres vertus, il peut
devenir digne de la vie éternelle».