Implications
politiques et théologiques de l'œcuménisme du Patriarcat œcuménique
Le traité suivant nous a été envoyé
par Savva (Tống Duệ
Uyên) ,
un laïc
orthodoxe du Vietnam.
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La quête de « l’unité chrétienne » du Patriarcat œcuménique à
travers le dialogue avec les traditions non-orthodoxes, en particulier le
catholicisme romain, peut paraître noble à première vue, mais elle soulève des
questions théologiques et politiques.
Photo : orthodoxianewsagency.gr
Le Patriarcat œcuménique a souvent invoqué « l'esprit d'unité
des chrétiens » pour engager un dialogue avec l'hérésie, c'est-à-dire les
traditions extérieures à la foi orthodoxe, en particulier le catholicisme
romain. Cependant, en réalité, cette approche est profondément politique,
intimement liée aux dynamiques du pouvoir ecclésiastique. Il est crucial de
distinguer : « unité » n'équivaut pas à « uniformité
organisationnelle », ni à effacer la frontière entre vérité et erreur. Lorsque
Constantinople utilise le terme « unité » sans établir de fondement
fondé sur la vérité révélée par la Sainte Tradition et l'Esprit Saint, il cesse
d'être théologique et devient une redéfinition politique de la nature de
l'Église par des moyens linguistiques.
Dans ce contexte, l'« unité » devient un symbole vide de sens
– un terme apparemment sacré, mais déconnecté de son véritable contenu dans la
tradition orthodoxe. Il s'agit d'un exemple classique de philosophie
postmoderne appliquée à la religion : les mots sont redéfinis pour servir
les structures de pouvoir, plutôt que d'être l'expression de la vérité.
L'« unité » n'est plus un objectif spirituel, mais un mécanisme
visant à rétablir le pouvoir symbolique de Constantinople dans un monde
orthodoxe fragmenté.
L'Orthodoxie ne rejette pas le désir d'unité. Mais l'Église
n'a jamais défini l'unité comme une alliance organisationnelle avec un groupe
qui entretient une hérésie. Dès lors qu'une Église persiste à soutenir des
erreurs théologiques cruciales – comme le Filioque, le dogme de l'Immaculée
Conception ou la suprématie absolue du Pape – toute communion qui ne repose pas
sur la conversion trahit l'essence même de l'Église. Il ne s'agit pas d'un
point de vue étroit, mais d'une proposition logique intrinsèque à la théologie
orthodoxe elle-même. L'Église est le Corps du Christ, et non une organisation
interreligieuse fondée sur le compromis. On ne peut côtoyer l'erreur sans y
être entraîné. Une Église qui s'unit à l'hérésie sans la convertir est soit une
Église qui a perdu la vérité, soit une Église qui n'a plus la conscience de
distinguer le vrai du faux. Il ne s'agit pas ici de « relations
interreligieuses », mais de la question ontologique de la vérité, qu'aucune
tradition orthodoxe ne peut nier si elle maintient son intégrité théologique.
Constantinople perd progressivement sa position au sein du
monde orthodoxe, notamment auprès de la Russie, de la Serbie et d'Antioche.
Pour regagner son pouvoir symbolique, elle recourt à des termes comme
« œcuménisme » et « unité chrétienne », tentant de se
donner l'image d'un leadership spirituel mondial, même si cette idée n'est pas
soutenue par la théologie orthodoxe traditionnelle.
La situation en Ukraine illustre parfaitement la manière dont
le Patriarcat œcuménique a eu recours à un modèle d'intervention impérial, en
totale contradiction avec la tradition synodale de l'Orthodoxie. La reconnaissance
d'une Église ukrainienne nouvellement établie, malgré l'opposition de la grande
majorité des autres patriarcats, n'est pas un simple acte unilatéral :
c'est l'instauration d'une nouvelle forme de « pouvoir ecclésiastique
centralisé », à l'image de la manière dont la papauté a imposé son
autorité aux Églises occidentales au Moyen Âge. Lorsque l'autonomie locale
(autocéphalie) n'est plus le fruit d'un consensus entre les Églises, mais
devient un privilège accordé « du centre », l'essence même de l'Orthodoxie
– la libre communion des Églises locales – est bouleversée dans ses fondements.
Il ne s'agit pas d'une simple erreur administrative, mais d'un changement de
paradigme ecclésiologique : de la « communion égale » au
« pouvoir hiérarchique ».
Malheur aux pasteurs qui détruisent et dispersent les brebis
de mon pâturage ! dit l'Éternel. C'est pourquoi ainsi parle l'Éternel, le Dieu
d'Israël, contre les pasteurs qui font paître mon peuple : Vous avez dispersé
mes brebis, vous les avez chassées, et vous ne les avez pas visitées. Voici, je
vous punirai pour la méchanceté de vos actions, dit l'Éternel. (Jérémie
23:1-2)
D'un point de vue politique, il s'agit d'imposer la structure
moderne de l'État-nation à un corps transcendant, ce que l'Orthodoxie a
toujours soigneusement évité. Mais Constantinople a non seulement accepté ce
modèle, mais a été pionnière dans sa mise en œuvre, au nom de l'« ordre
ecclésiastique », mais en réalité comme un ordre de pouvoir.
La déclaration de juridiction du Patriarcat œcuménique en Asie
du Sud-Est, malgré l'absence de présence missionnaire active, illustre une fois
de plus une logique impériale vide de sens. Dans la tradition orthodoxe, la
juridiction est toujours liée à la communauté, à la présence pastorale, au
sacrifice et à la responsabilité concrète. Un évêque sans fidèles n'a aucune
autorité ; il n'a qu'un statut nominal.
Une telle déclaration en Asie du Sud-Est reflète l'ambition de
« restructurer l'Église mondiale » selon un modèle de
« supervision » constantinopolitain, sans tenir compte du contexte
culturel, de l'identité ethnique et des besoins pratiques des fidèles locaux.
D'un point de vue philosophique et politique, il s'agit d'une forme de
colonialisme ecclésiastique : s'emparer des symboles et du pouvoir nominal
sans assumer de réelle responsabilité, sans présence, sans écoute et sans
s'incarner dans la vie locale.
L'orthodoxie a toujours mis l'accent sur le rôle de l'évêque
comme « père spirituel » de la communauté – quelqu'un qui vit au milieu du
troupeau, meurt avec lui et assume la responsabilité de son salut. Une
juridiction qui n'existe que dans les formalités administratives, sans mission,
sans prêtres, sans pastorale, n'est pas l'orthodoxie. C'est un camouflage
politique !
Lorsqu'un évêque ou un patriarche abandonne le modèle incarné
– vivre et être présent auprès de la communauté – et s'appuie plutôt sur des
lettres, des résolutions et des « certificats de pouvoir », il trahit
l'essence eucharistique de l'Église. L'orthodoxie n'a pas de pape. Le pouvoir
ecclésiastique est communion, et non centralisation. Constantinople
aujourd'hui, dans ses efforts de « pseudo-catholicisation »,
construit un modèle similaire au Vatican sans oser l'admettre.
Il est impossible d'évoquer le Patriarcat œcuménique de
Constantinople sans considérer le contexte politique moderne de la Turquie,
dont le territoire est directement contrôlé par l'État islamique laïc. En
Turquie, le Patriarcat est une entité limitée, dépendante et disposant d'une
faible autorité réelle sur la communauté locale, la population orthodoxe ayant
considérablement diminué depuis les massacres et les expulsions du début du XXe
siècle. Par conséquent, pour maintenir son influence internationale et sa
survie symbolique, le Patriarcat doit transformer son pouvoir spirituel en
influence diplomatique, en recherchant un rôle de leadership mondial «
spirituel » plutôt qu'une entité pastorale locale.
C'est pourquoi le soutien politique des États-Unis et de
l'Occident est devenu un pilier stratégique pour le Patriarcat, notamment sur
des questions telles que la reconnaissance de l'indépendance de l'Église
ukrainienne schismatique – un acte qui porte atteinte à l'unité de
l'orthodoxie. Bien que la Turquie ne soit pas un allié proche de l'Occident,
elle utilise le Patriarcat œcuménique comme monnaie d'échange géopolitique,
conservant son contrôle tout en étant prête à autoriser l'accès occidental en
cas de besoin.
Il en résulte que Constantinople n'est plus aussi libre que
les autres sièges orthodoxes. En tant qu'« otage historique » d'un
État islamique laïc, elle doit fonctionner davantage comme une agence
diplomatique que comme une Église pastorale. De ce fait, chaque décision est
teintée de préoccupations géopolitiques, et non plus purement théologiques ou
pastorales. C'est la plus grande tragédie d'un patriarcat qui fut autrefois le
centre glorieux de l'orthodoxie.
Et il est clair que l'unité ne peut être obtenue par des
négociations politiques. Dans la vision orthodoxe, la vérité est non
négociable. En faisant des compromis avec les hérétiques sans leur repentir,
nous ne parvenons pas à l'unité ; nous trahissons la vérité et créons une
illusion d'unité. On ne peut pas utiliser la « compréhension » ou
« l'histoire commune » comme prétexte à une ambiguïté théologique.
L'orthodoxie n'est jamais appelée à être un « forum de réconciliation
humanitaire » ; l'Église est le Corps du Christ ; elle ne peut
s'unir à l'erreur sans se perdre elle-même.
Et quel accord y a-t-il entre Christ et Bélial ? Ou
quelle part a le croyant avec l’infidèle ? Et quel accord y a-t-il entre
le temple de Dieu et les idoles ? Car vous êtes le temple du Dieu vivant,
comme Dieu l’a dit : J’habiterai et je marcherai au milieu d’eux, je serai
leur Dieu, et ils seront mon peuple. (2 Corinthiens 6:5–16)
Le Patriarcat œcuménique fonctionne actuellement sur trois
bases erronées :
-
La politisation de la théologie, utilisant le
langage de la réconciliation pour dissimuler les ambitions de leadership
ecclésiastique mondial.
-
La perte de la substance pastorale, la déclaration
d’un pouvoir sans présence, sans communauté, contraire à la nature incarnée de
l’Orthodoxie.
-
Déformation de la doctrine de l’unité, prôner «
l’unité » sans repentir, créant une illusion plutôt que la vérité.
Si l'Orthodoxie acceptait un tel modèle, elle ne serait plus
l'Église apostolique, mais un système politique se faisant passer pour le
sacré. Dans l'Esprit Saint, la communion n'est jamais imposée de
l'extérieur ; elle est le fruit de l'unité dans la Vérité.
Sans repentance, il n’y a pas de vérité – et donc pas d’unité
!
Car Satan lui-même se déguise en ange de lumière. Il n'est
donc pas étrange que ses ministres aussi se déguisent en ministres de justice. (2
Corinthiens 11:14-15)
16/05/2025