samedi 25 décembre 2021

 

L’OFFRANDE DE NOTRE CŒUR

LETTRE PASTORALE POUR LA NATIVITÉ DU SEIGNEUR 2021

À TOUT LE CLERGÉ, À LA COMMUNAUTÉ MONASTIQUE ET À TOUS LES FIDÈLES DE L’ARCHEVÊCHÉ D’EUROPE OCCIDENTALE

Dieu est Amour :

celui qui demeure dans l’amour

demeure en Dieu

 et Dieu demeure en lui

 1 Jn 4, 16

Très-Révérends et Révérends Pères,

Très-Révérendes Sœurs, Frères et sœurs bien-aimés,


Lorsqu’arrive chaque année la fête de la Nativité du Seigneur, tout notre être est orienté vers Celui qui vient dans la crèche de Bethléem nous découvrir encore et encore l’amour infini du Père Céleste, du Dieu glorifié dans la Trinité au nom duquel et par l’amour duquel Il vient dans le monde pour nous sauver. La Nativité du Christ, soulignait un père contemporain, est pour Lui non point le début de la vie mais le début de la mort. Il assume tout ce qui relève de notre nature et le premier jour de sa vie sur terre est aussi le premier jour de son ascension sur la Croix. C’est le fruit, le chemin et l’empreinte de son amour pour nous. Durant le carême de la Nativité, nous mettons tout en œuvre pour nous préparer à la fête, nous jeûnons, prions, nous renonçons au vieil homme – l’homme pécheur – par la confession, afin de recevoir le Christ en nous; et ces œuvres sont agréables à Dieu. En effet, lorsque nous parvenons à renoncer à ce que nous sommes, nous recevons ce que nous ne sommes pas: Dieu en nous. «Quel temps, écrit Saint Isaac, pourrait être aussi saint, et aussi adapté par sa sainteté à la réception des dons divins, que le temps de la prière, où l’homme parle avec Dieu ? À ce moment, quand nous adressons à Dieu nos demandes et nos supplications et lui parlons, l’homme rassemble nécessairement tous les mouvements et toutes les pensées de son âme et s’entretient avec Dieu seul, et son cœur est abondamment rempli de Dieu»1 . Nous Le recevons et nous faisons recevoir par Lui, sachant que nous ne pouvons rien Lui apporter de ce que nous avons sans savoir qui Il est. C’est en vain que les Mages Lui auraient apporté la myrrhe, l’or et l’encens s’ils n’avaient su qui Il était, ou les Lui avaient apportés comme à un Dieu imaginé ou une idole imaginaire. Quelle valeur ces dons auraient-ils eue? Or ils Lui apportèrent les présents en confessant qu’Il est le Roi et le Sauveur du monde. Ainsi, quoi que nous apportions ou présentions à Dieu, faisons-le en Le confessant comme le vrai Dieu, le Sauveur né dans la grotte de Bethléem pour nous, afin que notre offrande ne soit pas vaine. La première des vocations du chrétien est de connaître le Christ, de savoir qui Il est et ce qu’Il veut de moi. «L’amour divin donne plus de joie que la vie, et la connaissance de Dieu – qui fait naître cet amour – donne plus de douceur que le miel», écrit encore Saint Isaac. La connaissance de Dieu engendre l’amour, seul attribut du chrétien. Le chrétien est celui qui aime. Être chrétien veut dire être amoureux de Dieu. Cela n’est pas une idéologie. La vie chrétienne ne consiste pas à se cacher derrière une idéologie que l’on servirait ou tenterait de propager à travers le monde, une idéologie au nom de laquelle on soumettrait les autres, les humilierait, les assujettirait, les tuerait, mais être chrétien c’est être dans une relation d’amour avec Dieu, une relation amoureuse avec Celui qui devient notre raison de vivre, mais aussi avec notre prochain. Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée, et de toute ta force... et ton prochain comme toi-même, dit le Seigneur (Mc 12, 30-31). «Bienheureux celui qui a obtenu un désir de Dieu semblable à celui d’un amant passionné pour celle qu’il aime», écrit Saint Jean Climaque2 . Pourquoi cet amour? Parce que Dieu Lui-même a choisi de vivre avec nous dans une 1. Saint Isaac le Syrien, Discours 19, 15. 2. Saint Jean Climaque, L’Échelle, 30, 11. relation d’amour: Il se donne entièrement à nous et Il nous demande de nous donner entièrement à Lui.

 Fidèles bien-aimés,

Ce monde où nous vivons nous fait souvent dévier vers d’autres confessions, vers d’autres lumières, vers des lumières illusoires, lumières de l’ignorance, au lieu de nous guider vers l’étoile de vérité, l’étoile de la Lumière véritable qui s’est levée à Bethléem il y a plus de deux mille ans. Dieu m’a créé libre, et je prends conscience de ma liberté. Comme cette liberté nous est chère! Nous aimons l’affirmer, la vivre, et nous supportons mal la domination des autres. Or Dieu affirme Lui aussi cette liberté: c’est Lui-même qui nous a créés libres et nous a donné la possibilité de vivre dans cette relation libre avec Lui. Quelqu’un peut-il nous forcer à l’aimer? C’est ce que l’on voit dans les relations d’amour déformées où l’un exige d’être aimé de celui qu’il aime. Dieu ne fait pas cela. Il nous aime gratuitement et Il nous donne la liberté de Le choisir ou de ne pas L’accueillir. Il nous donne la possibilité de Le connaître, mais Il ne nous y force pas. Si quelqu’un entend mes paroles et ne les garde point, ce n’est pas moi qui le juge; car je suis venu non pour juger le monde, mais pour sauver le monde ( Jn 12, 47). Qu’est-ce que le salut? Lorsqu’on se met en situation de sauver quelqu’un, que l’on veut à tout prix qu’il vive, c’est qu’on l’aime. Pourtant, si l’on se jette à l’eau pour sauver quelqu’un qui ne veut pas l’être, il nous prend par les mains et l’on meurt avec lui. Ainsi, le salut est aussi une relation: il ne suffit pas d’aimer quelqu’un pour le sauver, mais encore faut-il qu’il accepte notre main tendue. De la même manière, Dieu nous sauve par amour en respectant notre liberté, en respectant notre choix d’entrer ou non en relation avec Lui. Il nous a sauvés gratuitement. Le salut est donc le fruit de l’amour, mais c’est aussi en cet amour que l’on trouve le salut: «Le Paradis est l’amour de Dieu, écrit saint Isaac, amour qui porte en lui les délices de tout ce qui peut rendre l’homme bienheureux»3 .

Fidèles bien-aimés,

Le Fils de Dieu s’est incarné dans l’histoire, c’est un événement historique, et c’est même à partir de sa naissance dans le monde que l’on compte les années, et non depuis la création du monde. Le Christ s’est incarné dans l’histoire et n’est donc pas un Dieu étranger, lointain, 3. Saint Isaac le Syrien, Discours 72. mais proche de nous. Ainsi, notre vocation de chrétien, notre défi dans ce monde est bien de découvrir, de trouver, de retrouver dans notre vie cette relation d’amour avec Dieu, et de L’aimer de tout notre cœur, de tout notre être, de toutes nos forces, car «un ardent amour pour Dieu est une consolation suffisante pour celui qui croit, même s’il va perdre la vie»4 . N’ayons pas peur, mais demandons à Dieu de nous aider et de nous rendre semblables à Celui qui s’est fait semblable à nous par sa naissance de la Vierge Marie, Lui confiant toute notre vie. Osons Lui présenter en offrande tout notre être, tout ce que nous sommes, y compris notre péché: déposons-le sans cesse devant Lui, car «comme esclave, Il descend vers ceux qui sont co-esclaves et prend un visage étranger, me portant tout entier en Lui-même avec tout ce que je suis, afin de fondre en Lui-même ce qui est mauvais, comme la cire fond au feu ou l’humidité de la terre au soleil, et que moi, je prenne part à ce qu’Il est…5 Les temps que traverse aujourd’hui l’humanité, et depuis deux ans déjà, ne sont pas faciles. Apportons à Dieu l’offrande de notre prière et de notre amour pour tous ceux qui souffrent physiquement ou spirituellement. Soyons, nous les chrétiens, un lien fort entre la terre et le Ciel, un lien de prière, de solidarité, de courage, vivant au quotidien l’amour de Dieu au milieu de nos frères, afin qu’ils puissent, eux aussi, connaître Jésus Christ à travers notre témoignage, Lui qui naît à Bethléem pour le salut du monde.

 Que la sainte fête de la Nativité vous comble de joie et vous revête de lumière, pour la santé de l’âme et du corps, tant en cette nouvelle année qu’en toutes celles que le Seigneur vous donnera de vivre.

Que Dieu vous bénisse!

 † Joseph, Archevêque d’Europe Occidentale et Métropolite d’Europe Occidentale et Méridionale

Paris, Nativité du Seigneur 2021

4. Saint Isaac le Syrien, Discours 34, 10. 5. Saint Grégoire de Nazianze, PG 36, Or. 30, 6, Col. 109.