mardi 20 septembre 2022

 

DE LA MÉMOIRE DE LA MORT



Mon chant favori : bientôt je mourrai et j'habiterai dans la sombre prison de l'enfer et je pleurerai amèrement : mon âme languit après le Seigneur et je le cherche avec des larmes. Que pourrais-je faire d'autre que de Le chercher ? Il m'a cherché le premier et S'est révélé Lui-même à moi pécheur >> Saint Silouane.


Saint Silouane l'Athonite dit : << O peuples, ne vous affligez pas de ce que la vie soit dure. Luttez seulement contre le péché. . . > oui, en vérité notre vie est dure dans nos tentatives pour trouver un chemin qui la rachète de la malédiction de la loi et de la mort.

Notre séjour sur cette terre n'est rien d'autre qu'une étape où nous apprenons comment mourir  car malheureusement, on nous apprend tout dans cette vie excepté à mourir. Notre génération a appris à mettre toute sa confiance dans son intelligence, dans son jugement, et c'est une pierre d'achoppement dans la préparation au moment de notre mort, où alors toutes nos facultés nous lâcheront. Même notre excellente logique dans laquelle nous mettons toute notre confiance, nous abandonnera. Quelle aide pourrons-nous recevoir à ce moment là où nous serons misérables, au-delà de toute aide humaine, afin que nous puissions faire face à la mort sans crainte ?

Comment peut-on apprendre à mourir ? Nous avons un avant-goût de la mort à chaque fois que quelque chose nous afflige, menace notre vie, nous écrase. Toutes nos afflictions et difficultés nous donnent une bonne occasion pour acquérir l'attitude juste envers la mort qui menace notre vie. Le genre de mort que nous aurons est sans importance. Ce qui est important est d'apprendre l'approche correcte de la mort.

Dans l'un des livres de père Sophrony, l'histoire suivante est racontée : à Paris, où le starets avait vécu, il avait fait la connaissance de deux sœurs. L'une, médecin était extrêmement intelligente ; l'autre plus simple, d'intelligence moyenne, était infirmière de profession. Ces deux femmes qui étaient presque du même âge, s'étaient mariées au même moment et ainsi furent enceintes en même temps.

C'était l'habitude alors, pour les futures mères, de suivre des cours d'accouchement sans douleur. Par conséquent, les deux futures mères fréquentèrent ces cours. L'une, étant médecin et très intelligente, et qui connaissait bien l'anatomie, comprit immédiatement la matière dont les cours faisaient l'objet. Après une ou deux leçons, elle dit : .. Cela suffit; j'ai compris , j'e n'ai pas besoin de continuer >>. L'autre sœur, simple qu'elle était et sans beaucoup d'érudition, suivit les cours jusqu'au bout. Le temps arriva pour les deux d'enfanter. Celle qui était médecin, déjà aux premières contractions, paniqua, elle oublia toute son anatomie et tout ce qu'elle savait; elle accoucha avec grande difficulté et douleur. Sa sœur, avec sa médiocre intelligence, ne s'y fia pas, mais se remémora tout ce qu'elle avait appris aux cours et les mit en pratique pour accoucher avec une relative facilité. La conclusion que nous pouvons tirer de cette histoire est évidente.

Notre mort est notre naissance à la vie éternelle. Tous nos efforts dans cette vie, pour apprendre à prier, à nous humilier, à ne pas avoir confiance en nous mais en notre Dieu vivant, n'ont pas d'autre but que de nous préparer au grand jour de notre mort. Et dans quel Dieu apprenons-nous à mettre notre confiance ? << Dans le Dieu qui ressuscita les morts >> (II Cor. 1, 9). Lui que nous désirons connaître, et Lui auquel nous désirons nous confier quand le moment viendra où nos facultés physiques nous auront été enlevées, et que nous serons au-delà de toute aide humaine. La seule chose qui nous aidera à ce moment-là, sera l'attitude spirituelle que nous aurons cultivée. Ce qui signifie, ne pas avoir confiance en nous-mêmes, mais en Christ, qui est mort et ressuscité et en qui << La mort n'a plus de domination r' (Rom.VI 9), en lui qui est capable de ressusciter les morts.

Et nous mourons et voici nous vivons à nouveau en Christ Jésus. Cette vie transitoire qui nous a été donnée possède un grand sens, c'est une belle occasion, un temps de lutte où nous exercer pour ce grandiose et saint moment de notre rencontre avec Dieu.

Beaucoup ont peur de la mort. Il y a même des gens qui nous interdisent de parler de Dieu et de la mort en leur présence car ils sont effrayés. Ceci est un phénomène affligeant et grave; parce que les gens qui ont cet effroi et ne désirent pas réfléchir au vrai Dieu, inventent leurs propres religions, comme ils doivent avoir quelque chose sur quoi s'appuyer, et ainsi, ils se créent des supports illusoires, de fausses religions, qui ne peuvent sauver. Il n y a qu'une seule vraie religion dans le monde, le Christianisme, que nous n'avons pas inventé, mais qui nous a été donné comme révélation d'en Haut. La tête de cette religion, le Christ, devint homme, mourut pour nous et ressuscita, prenant avec Lui tous ceux unis à son Esprit, qui croient en sa Parole et portent son Saint Nom.

Voici un petit exercice pour apprendre à mourir : le soir, après la fin de l'office et du repas, au lieu d'être assis en bavardant agréablement les uns avec les autres, enterrons-nous dans notre cellule. Là tenons-nous devant Dieu, selon nos forces, nous souvenant de l'heure effroyable de notre mort et disons :

<< Seigneur, au moment de ma mort, quand je serai sans aide et incapable de prier, je T'en supplie, souviens-Toi de moi. Maintenant que j'en suis capable, je désire Te prier instamment pour ce moment... Sois miséricordieux, ô Seigneur bon, et lors de cette heure redoutable où je serai sans aide, secours-moi. Donc quand ni ange ni homme ne pourront me tendre une main secourable, viens Toi-même à mon aide . . . >>. Nous pouvons tous, tant moines que laïcs, nous tenir devant le Seigneur avec de telles pensées, et L'implorer autant que nous le pouvons. Nous présenter devant Dieu, en entrant dans notre << lieu secret >>, essayant de nous recueillir même pour quelques heures, est une bonne pratique pour l'heure de notre mort.

Nous répétons le même exercice à chaque fois que nous apprenons à couper notre volonté propre, parce que notre volonté égoïste nous est nuisible. Ainsi nous apprenons à ne pas mettre notre confiance dans notre raison nos moyens, mais en son Nom par Lequel le salut nous a été accordé. Ceci, en vérité, nous est un exercice très valable. Cet effort nous enseigne comment mourir avant de mourir. Afin que, finalement, quand la mort viendra, nous soyons capables d'avoir affaire avec elle, non avec crainte et confusion mais de l'envisager comme une amie, un proche, que nous avions attendu pour nous libérer des afflictions et de l'ennui de cette vie-ci, afin de pouvoir entrer dans cet .< état d'être > vrai et meilleur à jamais.

La mort devient sans pitié pour ceux qui la craignent et s'en cachent. Cependant, pour ceux qui la cherchent et ne la craignent pas, mais se tiennent devant elle, s'en souvenant et en appelant à Dieu, Le suppliant d'être avec eux à cette heure-là, la mort fuit loin d'eux, et quand finalement le moment de la mort approche, il vient paisiblement et sans douleur.

Ce phénomène des gens qui ont peur de la mort est terrible. Dans notre service de prêtres, nous observons comment tous ces gens souffrant d'une maladie mortelle, ayant accepté la parole de Dieu et ayant approché la mort avec foi, ont eu une fin magnifique et glorieuse. Nous pourrions dire qu'ils ont trouvé ce que nous demandons au Seigneur de nous accorder, et que nous chantons dans les hymnes de l'Église : << grâce et grande miséricorde >>.

Le succès de cet exercice - est d'accepter l'heure de notre mort comme le moment le plus saint et le plus grand de notre vie, en le gardant constamment à l'esprit, afin d'avoir préparé à l'avance notre défense, et d'avoir assuré d'avance notre protection pour ce grand jour. Celui qui prie Dieu chaque jour avec ferveur de cœur et larmes, Lui demandant d'être à ses côtés à l'heure de sa mort, recevra toutes ses prières en retour comme une grande bénédiction et joie à ce moment là. Et les paroles du Seigneur : << Entre dans la joie de ton seigneur >> (Matt. XXY,2l), seront accomplies en lui.

L Écriture ne nous dit pas grand-chose au sujet de la vie après la mort. Nous, les hommes, avons l'habitude d'imaginer beaucoup de choses. Le saint apôtre Paul dit que le Seigneur viendra le jour de son glorieux Second Avènement et que nous serons enlevés dans les nues à sa rencontre, et comme nous nous attendrions à ce qu'il nous en dise plus sur ce jour, il termine en disant : << et ainsi serons-nous à jamais avec le Seigneur >' (I Thess. IV, 17) - Ce qui signifie pour nous, qu'être avec le Christ, nous est joie, vie et paradis. Pour nous, I1 est lumière et paix.

(À suivre)

.. The Hidilen Man of the Heart >> extrait de ,. The Hour of Death ,,

(chap.ll), Ed. Mount Tabor,2008, Par l'Archimandrite Zachaias,

(Trad. de L'AngLais Anne Monneÿ)

Apostolia juillet et août 2022