vendredi 6 janvier 2023

 

LE MYSTÈRE DU REPENTIR




Le Mystère du Repentir est un rite sacré dispensateur de grâce, dans lequel, après que le fidèle ait offert le repentir de ses péchés, la rémission des péchés lui est octroyée par la miséricorde de Dieu, par l'intermédiaire d'un pasteur de l'Eglise, selon la promesse du Sauveur.



 Dans le Mystère du Repentir, les afflictions spirituelles sont soignées, les impuretés de l'âme sont retirées, et un chrétien ayant reçu le pardon de ses péchés, devient à nouveau innocent et sanctifié, juste comme au sortir des eaux du Baptême. Par conséquent, le Mystère du Repentir est appelé une "médecine spirituelle". Les péchés, qui tirent l'homme vers le bas, qui engourdissent son esprit, son coeur et sa conscience, qui aveuglent son œil spirituel, qui rendent sa volonté chrétienne sans force, sont annihilés, et le lien vivant avec l'Eglise et le Seigneur Dieu est restauré. Ayant été libéré du fardeau des péchés, l'homme accède de nouveau à la vie spirituelle et peut se renforcer et se parfaire dans le bon cheminement chrétien.


 Le Mystère du Repentir consiste en deux actions de base :
1) la confession des péchés devant un pasteur de l'Eglise par la personne qui se présente au Mystère; et 2) la prière de pardon et de rémission de ces péchés, prononcée par le prêtre.
 Ce Mystère est également appelé Mystère de la Confession, (bien que la confession des péchés n'en constitue que la première partie préliminaire), cela souligne l'importance de la sincère révélation de l'âme et la proclamation de ses propres péchés.


 La Confession - c'est-à-dire, la prononciation à haute voix - est l'expression du repentir intérieur, son résultat, son indicateur. Mais qu'est-ce que le repentir ? Le repentir n'est pas uniquement la conscience de son état de péché ou la simple reconnaissance de sa propre indignité; ce n'est pas même de la contrition ou du regret (bien que tous ces aspects soient constitutifs du repentir).

Davantage, c'est un acte de volonté de correction, un désir et une ferme intention, une résolution de combattre ses propres inclinations mauvaises; et cet état d'âme est uni à une prière pour recevoir l'aide de Dieu dans la bataille contre ces mauvaises inclinations. Un repentir sincère et qui vient du coeur est nécessaire pour que l'effet de ce Mystère puisse être étendu non seulement à l'enlèvement des péchés, mais aussi afin que la grâce donatrice de guérison, - qui empêche l'âme d'être à nouveau immergée dans la corruption du péché - entre dans l'âme ouverte.


 L'expression à haute voix de ses propres afflictions spirituelles et de ses chutes devant un père spirituel - la confession des péchés - signifie que par ce moyen sont vaincus a) l'orgueil, c'est-à-dire la principale source des péchés, et b) le découragement lié à la perte de l'espoir dans sa propre correction et dans son salut. Cette proclamation est déjà à l'approche de l'éviction de son propre péché.


 Ceux qui approchent le Mystère du Repentir s'y préparent par un effort de prière, de jeûne, de recueillement profond en eux-mêmes, afin de découvrir et de reconnaître leur condition pécheresse.


 La miséricorde de Dieu sort à la rencontre du Chrétien repentant, en témoignant, par la bouche du père spirituel, que le Père Céleste ne rejette pas celui qui vient à Lui, tout comme Il n'a pas rejeté le fils prodigue, ni le publicain repentant. Ce témoignage consiste en les paroles de la prière spéciale et en les paroles spéciales de rémission prononcées par le prêtre.
 

La Fondation du Mystère

 Le Seigneur fonda le Mystère du Repentir après Sa Résurrection, quand, après avoir paru devant ses Disciples, qui, à l'exception de Thomas, étaient rassemblés, Il leur dit solennellement: La paix soit avec vous... Ayant dit ces mots, Il souffla sur eux, et leur dit: Recevez le Saint-Esprit; les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez; et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez (Jean 20:21-23). Qui plus est, le Christ Sauveur, même avant cela et par deux fois, fit une promesse à propos de ce Mystère. La première fois, Il dit à l'Apôtre Pierre, quand Pierre, au nom de tous les Apôtres, L'avait confessé comme étant Le Fils de Dieu: Et je vous donnerai les clefs du royaume des cieux, et tout ce que vous lierez sur la terre sera aussi lié dans les cieux; et tout ce que vous délierez sur la terre sera aussi delié dans les cieux  (Matth. 16:19). A tous les Apôtres, Il affirma la seconde fois: S'il n'écoute pas l'Eglise même, qu'il soit à votre égard comme un païen et un publicain. Je vous dis en vérité, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié aussi dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera aussi délié dans le ciel  (Matth. 18:17-18).


 Les prêtres sont les seuls instruments visibles de la célébration de ce Mystère, qui, par leur intermédiaire, est célébré invisiblement par Dieu Lui-même.


 Considérant le fondement Divin de l'autorité des pasteurs de l'Eglise de lier et de délier, St. Jean Chrysostome dit: "Les prêtres décrètent en-bas, Dieu confirme en-haut, et le Maître est d'accord avec l'opinion de ses esclaves." Le prêtre est ici l'instrument de la miséricorde de Dieu et remet les péchés, non pas de sa propre autorité, mais au nom de la Sainte Trinité.


 Les invisibles effets de la grâce dans le Mystère du Repentir, dans leur largeur et leur pouvoir, s'étendent à toutes les actions illégitimes des hommes, et il n'existe pas de péché qui ne puisse être pardonné s'il est confessé avec une foi vivante en le Seigneur Jésus et dans l'espoir de Sa miséricorde. Car je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs (Matth. 9:13), dit le Sauveur, et quelque grand que fut le péché de l'Apôtre Pierre, Il lui pardonna dès qu'il se repentit sincèrement. Il est notoire que le saint Apôtre Pierre appela au repentir, même les Juifs qui crucifièrent le vrai Messie (Actes 2:38), puis ensuite il appela Simon le sorcier, précurseur des hérétiques (Actes 8:22); l'Apôtre Paul donna la rémission à l'homme incestueux qui se repentit, en le soumettant d'abord à une excommunication temporaire (II Cor. 2:7).


 Par ailleurs, il est essentiel de se souvenir que la rémission des péchés dans le Mystère est un acte de miséricorde, mais pas de pitié irrationnelle. Elle est octroyée pour le profit spirituel de l'homme, pour son édification, et non pour sa destruction (II Cor. 10:8). Cela confère une lourde responsabilité à celui qui célèbre le Mystère.


 L'Ecriture Sainte évoque les cas ou les conditions dans lesquels les péchés ne sont pas pardonnés. Les paroles de Dieu mentionnent le blasphème contre l'Esprit-Saint, qui ne sera remis aux hommes ni en ce siècle, ni dans le siècle à venir (Matth. 12:31-32). De même, elle parle du péché qui va à la mort, pour le pardon duquel il n'est même pas recommandé de prier (I Jean 5:16). Finalement, l'Apôtre Paul nous enseigne qu'il est impossible que ceux qui ont été une fois éclairés, qui ont goûté le don du ciel, qui ont été rendus participants du Saint-Esprit, qui se sont nourris de la sainte parole de Dieu et de l'espérance des grandeurs du siècle à venir, et qui après cela sont tombés, il est impossible, dis-je, qu'ils se renouvellent par la pénitence, parce qu'autant qu'il est en eux, ils crucifient de nouveau le Fils de Dieu, et l'exposent à l'ignominie (Héb. 6:4-6).


 Dans tous ces cas, la raison pour laquelle le pardon des péchés n'est pas possible est à rechercher dans les pécheurs eux-mêmes, et non pas dans la volonté de Dieu; plus précisément, elle repose sur l'absence de repentir de la part des pécheurs. Comment un péché peut-il être pardonné par la grâce de l'Esprit-Saint, alors que le blasphème est jeté avec dégoût sur cette grâce même ? Mais il convient de croire que, même pour ces péchés, les pécheurs - dans la mesure où ils offrent un repentir sincère et pleurent sur leurs péchés - seront pardonnés. "Car, dit St. Jean Chrysostome à propos du blasphème contre l'Esprit-Saint, même cette faute sera remise à ceux qui se repentent. Beaucoup de ceux qui ont blasphémé contre l'Esprit-Saint sont ensuite venus à croire, et tout leur fut remis" (Homélies sur l'Evangile de Matthieu). De plus, les Pères du Septième Concile Œcuménique parlent de la possibilité du pardon des péchés mortels : "Le péché qui va à la mort existe lorsque ceux, qui, après avoir péché, ne se corrigent pas eux-mêmes... Le Seigneur Jésus ne demeure pas en eux, à moins qu'ils s'humilient et qu'ils guérissent de leur chute dans le péché. Il leur convient d'approcher Dieu à nouveau et, avec un coeur contrit de demander la rémission de ce péché ainsi que le pardon, et non pas de se glorifier vainement d'une action inique. Car les yeux du Seigneur sont arrêtés sur ceux qui le craignent (Ps. 33:18).


 La permission et même la demande directe de réitérer le Mystère du Repentir est claire d'après  les mots de l'Evangile: Je vous dis qu'il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui fait pénitence, que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de pénitence (Luc 15:7). Dans l'Apocalypse de St. Jean le Théologien nous lisons: Ecrivez à l'ange de l'Eglise d'Ephèse: ... je viendrai bientôt à vous; et j'ôterai le chandelier de sa place, si vous ne faites pénitence (Apoc. 2:1,5).
 

Epitimia (Pénitence)

 "Epitimia" doit se comprendre au sens d'une interdiction ou d'une punition (II Cor. 2:6) qui, selon les canons de l'Eglise, est ordonnée par le prêtre en tant que médecin spirituel à certains chrétiens repentants, afin de soigner leurs maladies spirituelles. De telles pénitences peuvent être par exemple: un jeûne spécial, en sus du jeûne habituel; des prières de repentir accompagnées d'un certain nombre de prosternations; et d'autres encore. La forme de base de l'épitimie qui existait dans la pratique de l'Eglise ancienne était l'excommunication de la Communion aux Saints Mystères pendant une plus ou moins longue période.


 Un rite public de repentir pour ceux qui avaient "chuté" existait dans l'Eglise ancienne, et particulièrement pour ceux qui n'étaient pas restés fermement attachés à leur foi pendant les persécutions.

Selon ce rite, les pénitents étaient partagés en quatre classes :
 a) Les "pleureurs", qui n'avaient pas le droit d'assister au services Divins publics et qui, étendant les mains en dehors du porche de l'église, suppliaient en pleurs ceux qui entraient dans l'église de prier pour eux.
b) Les "entendeurs" auxquels il était permis d'être dans le narthex tout le long et jusqu'à la fin de la Liturgie des Catéchumènes.
c) Les "prosternés", qui entraient dans l'église même, sans toutefois participer à la Liturgie des Fidèles; à genoux, après la Liturgie, ils reçoivent la bénédiction pastorale.
d) La classe de ceux qui étaient "debout ensemble" avec les fidèles tout le long de la Liturgie, mais qui ne pouvaient recevoir la communion aux Saints Mystères.


 La pénitence ne s'appliquait pas à tous, mais seulement à certains Chrétiens repentants: à ceux qui, en fonction soit de la gravité ou de la qualité de leurs péchés, ou à cause du caractère de leur repentir, avaient besoin de traitements spirituels de cet ordre. L'Apôtre Paul imposa une telle interdiction à l'homme qui avait commis l'inceste, quand, afin de le guérir, il ordonna qu'il soit excommunié de l'Eglise et du contact avec les fidèles et qu'il soit livré à satan, pour mortifier sa chair, afin que son âme soit sauvée (I Cor.5:1-5). Puis alors, après sa sincère contrition, il lui ordonna d'être reçu à nouveau dans la communion de l'Eglise (II Cor. 2:6-8).


 Ces pénitences revêtent un caractère de punition, mais pas au sens strict ni au nom de l'"expiation des péchés", comme l'enseignent les théologiens romains. Ce sont des actes qui corrigent, qui guérissent et qui sont pédagogiques. Leur dessein est de rendre l'affliction plus grande et de supporter la volonté résolue d'être corrigé. L'Apôtre dit: Car la tristesse qui est selon Dieu, produit pour le salut une pénitence stable; mais la tristesse de ce monde produit la mort (II Cor. 7:10). C'est-à-dire, l'affliction au nom de Dieu produit un repentir immuable orienté vers le salut.


 Les canons des Saints Conciles et des Saints Pères affirment que dans les temps anciens, les pénitences étaient considérées comme des moyens de guérison spirituelle; que les pasteurs, en les imposant aux pécheurs, ne se souciaient pas tant de les punir justement, - l'un davantage et l'autre moins, en considération de la justice Divine pour les péchés - , que de considérer l'effet bénéfique de ces punitions sur le pécheur. Par conséquent s'ils voyaient que le besoin s'en faisait sentir, ils les allégaient, réduisaient les délais des interdictions ou même les supprimaient complètement. Un canon du Sixième Concile Œcuménique dit: "Il incombe à ceux qui ont reçu de Dieu le pouvoir de lier ou de délier, d'examiner la qualité du péché et la disposition du pécheur à se convertir, et d'appliquer la médecine appropriée à la maladie, si l'on ne respecte pas avec discernement chacun de ces préceptes on ne réussira pas à guérir l'homme malade. Parce que la maladie du péché n'est pas simple, mais variée et multiforme, et qu'elle fait germer des rejetons malfaisants qui diffusent beaucoup de mal, dont le progrès n'est enrayé que par le pouvoir du médecin."
 

Les erreurs de la conception catholique romaine

D'où le caractère inacceptable de la vision catholique romaine de la pénitence, qui procède de concepts légaux, selon lesquels :
            a) chaque péché ou chaque ensemble de péchés doit correspondre à une punition ecclésiastique (en dépit du fait que souvent les malheurs, - par exemple, les maladies, - sont un dédommagement naturel du péché, qui permet au pécheur de considérer son sort comme une punition Divine pour ses péchés)
            b) cette punition peut être retirée par une "indulgence", qui peut même être donnée à l'avance, par exemple, à l'occasion de la célébration des fêtes.
            c) l'Eglise, c'est-à-dire son Chef, l'Evêque de Rome (le Pape), en donnant les indulgences, distribue aux personnes sujettes à la pénitence, les "mérites des saints", en les retirant du "trésor des œuvres surérogatoires".          

  Si chez certains maîtres Occidentaux de l'Eglise ancienne, les pénitences étaient appelées des "expiations", cela n'était qu'au sens moral, afin de rendre le pécheur conscient plus profondément de sa condition pécheresse. Ici au service de l'édification, l'utilisation du terme "expiation" était dénuée de toute volonté de justification légale.


            On doit distinguer le Mystère de la Confession de la direction morale d'un père spirituel qui était répandue dans les temps anciens et qui reste aujourd'hui une pratique monastique. Souvent cela est exercé par des personnes qui n'ont pas le rang de prêtre, lorsque sur eux repose la responsabilité de diriger leurs enfants spirituels. La confession de ses pensées et de ses actes revêt une signification psychologique immense au sens de l'éducation morale, afin de corriger les mauvaises inclinations ou les habitudes, de surmonter les doutes et les hésitations, etc... Mais cette direction spirituelle n'a pas la signification du Mystère de l'action sacrée dispensatrice de grâce.


Archiprêtre Michel Pomozansky

Jordanville, 1963  (2ème partie, pp.188-193) ou, dans sa version en anglais, Orthodox Dogmatic Theology, Platina, Cal. 1984 , pp  286-294. traduction de Pierre Frugier

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