Que
puis-je faire
pour
plaire à l'autre personne ?
Archimandrite Philothée Faros
Que puis-je faire pour plaire à l'autre personne ? /
Photo : Oana Nechifor
Votre joie provient de la capacité d'autrui à renoncer à
quelque chose pour vous, mais aussi de votre propre capacité à donner à autrui.
C'est là, en réalité, l'expression de l'amour entre les êtres humains.
L'atmosphère culturelle actuelle nous oriente vers la réussite
individuelle, au détriment de la coopération collective. Du fait de notre
éducation, nous nous demandons sans cesse : « Qu'est-ce que j'y
gagne ? Quel est mon intérêt ? » Nous avons le sentiment
que les autres nous doivent toujours quelque chose, qu'ils doivent répondre à
nos désirs et à nos besoins, et, la plupart du temps, sans délai. Si les
conjoints importent cette tendance égocentrique dans le mariage, leur
incapacité à coopérer et à s'intéresser véritablement à leur partenaire
deviendra très vite manifeste.
Il faut du temps aux conjoints pour s'adapter et accepter les
intérêts, les attentes, les caprices, les besoins, les espoirs et les désirs de
leur partenaire. Leur travail commun consiste à apprendre à prendre en compte leurs
propres besoins et désirs tout en s'adaptant de manière réaliste et non
égocentrique à ceux de l'autre. La seule façon d'atteindre le bien-être et la
satisfaction dans un mariage est d'apprendre aux conjoints à se
demander : « Que puis-je faire pour faire plaisir à mon
conjoint ? » et non : « Qu'est-ce que je peux
gagner dans cette relation ? » Concrètement, chaque conjoint
s'efforce de faire au moins une chose par jour pour faire plaisir à l'autre. En
effet, les conjoints qui abordent le mariage avec l'idée de « Qu'est-ce
que je peux y gagner ? » plutôt que de « Qu'est-ce que je
peux donner et recevoir ? » retirent finalement très peu, voire
rien, de leur relation conjugale.
L'amour entre deux personnes se manifeste par le don. Garder
quelque chose pour soi, c'est en réalité priver l'autre de la joie que cela
procure. Votre joie provient de la capacité de l'autre à se séparer de quelque
chose pour vous, mais aussi de votre propre capacité à donner. C'est là
l'expression même de l'amour. Plus l'amour est grand, plus les dons sont
précieux et généreux, et le don devient un sacrifice de tout ce que l'on
possède. Chaque acte de générosité transforme celui qui donne et celui qui
reçoit, non par les biens reçus, mais par la preuve d'amour qu'il témoigne. L'amour
porte en soi une inclination à se donner, à se sacrifier pour le bien-être et
l'existence d'autrui, dans sa forme la plus pure. Chacun ne jouit de quelque
chose que dans la mesure où il reçoit d'autrui, comme expression de son
amour. L'amour d'autrui est le fondement même de l'existence humaine. Une
existence sans amour ne peut être source de joie.
Un moi isolé ne peut atteindre la plénitude dont
dépendent la joie et le bonheur ; il ne peut accéder qu'à un accomplissement
qui prend la forme d'une subjectivité complète. La joie du moi solitaire, de
celui qui n'est que lui- même pour lui-même, n'est pas une
joie complète et, par conséquent, n'est pas l'accomplissement de l'existence.
La joie d'exister donnée d'un moi à un autre doit être
l'accomplissement du donateur comme du receveur. Ainsi, leur existence
s'accomplit également. Mais cela présuppose le don total de soi à l'autre,
et non pas seulement l'offrande d'une partie de soi-même ou de ses possessions.
Il faut un don et une réception complets de soi à
l'autre pour parvenir à la familiarité mutuelle des deux êtres, qui autrement
restent séparés précisément dans cette familiarité… Dans l'amour complet et
parfait, les personnes ne se manifestent pas seulement dans le simple échange
mutuel de soi, mais aussi en se confiant à ce don mutuel et en y fondant leur
existence.
( Père Philotei Faros
– Père Stavros Kofinas, Le mariage – difficultés et solutions, Maison
d’édition Sophia, p. 251-253)