Père
Séraphim Rose
L'attitude
envers les hétérodoxes
Quelques années avant sa mort, le Père Seraphim Rose reçut une lettre d'une femme afro-américaine qui, comme catéchumène faisant l'apprentissage de l'orthodoxie, avait du mal à comprendre l'attitude peu charitable que certains chrétiens orthodoxes montraient à ceux qui étaient hors de l'Eglise, attitude qui lui rappelait la façon dont les siens avaient été traités. "Je suis profondément troublée", écrivait cette femme "de la façon dont l'orthodoxie voit ce que le monde pourrait appeler les chrétiens d'Occident, c'est-à-dire, les protestants et les catholiques romains. J'ai lu de nombreux articles de nombreux auteurs orthodoxes, et quelques uns utilisent des mots comme "papistes", etc, ce que je trouve très inquiétant et très injurieux. Même "hérétique" me dérange...
« Où en suis-je avec mes amis et mes parents? Ils ne
connaissent pas l'orthodoxie ou ils ne la comprennent pas. Pourtant, ils
croient et adorent le Christ... Dois-je traiter mes amis et mes parents comme
s'ils n'avaient pas de Dieu, pas de Christ?... Ou puis-je les appeler
chrétiens, ou seulement ceux qui ne connaissent pas la véritable Eglise?
Quand je pose cette question, je ne peux pas m'empêcher de
penser à Saint Innocent d'Alaska quand il a visité les monastères
franciscains en Californie. Il est resté tout à fait orthodoxe, pourtant il
traitait les prêtres, qu'il a rencontré là-bas avec gentillesse et charité et
non pas avec des insultes. Cela, c'est je l'espère, ce que l'orthodoxie
dit sur la façon dont on doit traiter les autres chrétiens.
J'ai été heureux de recevoir votre lettre-heureux non pas
parce que vous êtes confuse au sujet de la question qui vous préoccupe, mais
parce que votre attitude révèle que dans la vérité de l'orthodoxie à laquelle
vous êtes attirée, vous souhaitez trouver de la place aussi pour
une attitude aimante et de compassion envers ceux qui sont en dehors
de la foi orthodoxe.
Je crois fermement que c'est effectivement ce que l'orthodoxie
enseigne...
Je vais exposer brièvement ce que je crois être
l'attitude orthodoxe envers les chrétiens non-orthodoxes.
1. L'orthodoxie est l'Eglise fondée par le Christ pour le
salut de l'humanité, et donc nous devons nous garder avec notre vie la pureté
de son enseignement et de notre fidélité à elle. Dans l'Église orthodoxe seule
est donnée la grâce par les sacrements (la plupart des autres églises
ne prétendent même pas avoir des sacrements dans l'acception sérieuse de ce
terme). L'Eglise orthodoxe est le seul Corps du Christ, et si le salut est déjà
assez difficile au sein de l'Eglise orthodoxe, combien plus difficile doit-il
être hors de l'Eglise!
2. Toutefois, ce n'est pas à nous de définir l'état de ceux
qui sont hors de l'Eglise orthodoxe. Si Dieu veut accorder le salut à
quelques-uns qui sont chrétiens de la meilleure façon qu'ils connaissent, mais
sans jamais connaître l'Église orthodoxe, c'est Lui que cela concerne, pas
nous. Mais quand Il fait cela, c'est en dehors de la voie normale qu'Il a
établie pour le salut, qui est dans l'Église, en tant que partie du Corps du
Christ. Je ne puis pas, en ce qui me concerne, accepter l'expérience des
protestants d'être "né de nouveau" dans le Christ, j'ai rencontré des
gens qui ont entièrement changé leur vie grâce à la rencontre du
Christ, et je ne peux pas nier leur expérience tout simplement parce qu'ils ne
sont pas orthodoxes. J'appelle ces gens
des chrétiens "subjectifs"
ou "débutants". Mais jusqu'à ce qu'ils soient unis à
l'Église orthodoxe, ils ne peuvent pas avoir la plénitude du christianisme, ils
ne peuvent pas être objectivement chrétiens comme appartenant au Corps de Christ,
et recevoir la grâce des sacrements. Je pense que c'est pourquoi il y a tant de
sectes parmi eux, ils commencent la vie chrétienne avec une authentique
conversion au Christ, mais ils ne peuvent pas continuer la vie chrétienne dans
le droit chemin jusqu'à ce qu'ils soient unis à l'Église orthodoxe, et ils ont
donc substitué leur propres opinions et expériences subjectives aux
enseignements et aux sacrements de l'Eglise.
A propos de ces chrétiens qui sont hors de l'Eglise orthodoxe,
donc je dirais: ils n'ont pas encore la pleine vérité, peut-être qu'elle n'a
tout simplement pas encore été révélée à eux, ou peut-être est-ce
notre faute de ne pas vivre et d'enseigner la foi orthodoxe
d'une manière qu'ils peuvent comprendre. Avec ces gens-là nous ne pouvons être
unis dans la foi, mais il n'y a aucune raison pour que nous devions les
considérer comme totalement étrangers ou égaux aux païens (bien que nous ne
devrions pas non plus être hostiles aux païens car ils n'ont pas encore vu la
vérité! ). Il est vrai que la plupart des hymnes non-orthodoxe contiennent un
enseignement ou du moins un accent mis sur ce qui est faux -en particulier
l'idée que quand on est "sauvé", on n'a pas besoin de faire quelque
chose de plus parce que le Christ a tout fait. Cette idée empêche les gens de
voir la vérité de l'Orthodoxie, qui met l'accent sur l'idée de lutter pour son
salut, même après que Jésus-Christ nous l'ait donnés, comme le dit saint
Paul: Travaillez à votre salut avec crainte et tremblement [Phil. 2:12].
Le mot "hérétique" est en effet trop souvent utilisé
de nos jours. Il a un sens et une fonction précis pour distinguer de
nouveaux enseignements de la doctrine orthodoxe, mais peu
de chrétiens non-orthodoxes aujourd'hui sont consciemment
"hérétiques", et cela n'apporte vraiment rien de bon de les appeler
ainsi.
En fin de compte, je crois, que l'attitude de père Dimitri
Doudko est la bonne: Nous devrions considérer les non-orthodoxes comme des
personnes à qui l'Orthodoxie n'a pas encore été révélée, comme des gens qui
sont potentiellement orthodoxes (si seulement nous nous leur donnions un
meilleur exemple!). Il n'y a aucune raison pour que nous ne puissions pas les
appeler chrétiens et être en bons termes avec eux, reconnaître que nous avons
au moins notre foi dans le Christ en commun, et vivre dans la paix, notamment
avec nos propres familles. L'attitude de saint Innocent à l'égard des
catholiques romains en Californie est un bon exemple pour nous.
Une attitude dure, polémique est de mise seulement lorsque les
non-orthodoxes cherchent à nous priver de nos troupeaux ou à modifier notre
enseignement... » père Séraphim Rose.
L'Église orthodoxe est la véritable Église, dans laquelle sont
conservées inaltérées la Sainte Tradition et la plénitude de la grâce
salvatrice de Dieu. Elle a conservé dans leur totalité et dans leur pureté
l'héritage des Apôtres et des saints Pères. Elle reconnaît l'identité de sa
doctrine, de sa structure liturgique et de sa pratique avec la prédication
apostolique et la Tradition de l'Église Ancienne.
L'Orthodoxie n'est pas un " attribut national et culturel " de
l'Église d'Orient. L'Orthodoxie est une qualité interne de l'Église, la
conservation de la vérité doctrinale, de la structure liturgique et
hiérarchique et des principes de la vie spirituelle demeurant sans interruption
ni changement dans l'Église depuis les temps apostoliques.
L'Église orthodoxe affirme par la bouche des saints Pères, que le salut ne peut être atteint que dans l'Église du Christ. Mais en même temps, les communautés déchues de l'unité avec l'Orthodoxie, n'ont jamais été considérées comme totalement privées de la grâce divine. La rupture de la communion ecclésiale conduit inéluctablement à la dégradation de la vie de grâce, mais pas toujours à sa complète disparition dans les communautés séparées. C'est à cela que se rattache la pratique de la réception dans l'Église orthodoxe de personnes venant de communautés hétérodoxes, pas uniquement par le sacrement du baptême. Malgré la rupture de l'unité, il reste une certaine communion incomplète, qui agit comme le gage de la possibilité du retour à l'unité dans l'Église dans la plénitude et l'unité catholique.
Les orthodoxes ne prient pas les saints qui n'ont pas une confession juste de la foi. La sainteté n'est pas séparable de la vérité dogmatique, car les dogmes sont l'expression de la foi de l'Eglise. On ne peut considérer comme saints des personnages, aussi pieux soient -ils, qui confessent une Trinité qui s'écarte de la Révélation, ou qui suivent une ecclésiologie qui s'est éloignée considérablement de la Tradition de l'Eglise entraînant ainsi une spiritualité faussée. La vie vertueuse et ascétique ne suffit pas à la sainteté. Il faut aussi qu'elle soit tendue de Vérité.
On ne peut fixer une date arbitraire qui permettrait de décider brutalement
qu'à partir de 1054 tous les membres rattachés à Rome sont déchus de l'Eglise.
L'hérésie de Rome commence avant et met plusieurs siècles pour se répandre sur
tout l'occident. C'est ainsi que les orthodoxes s'en tiennent à leur synaxaire.