lundi 16 septembre 2024

 


La parabole du débiteur impitoyable

 




Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit !

En réponse à la question de Pierre « combien de fois doit-on pardonner à son frère ? » le Sauveur raconta la parabole suivante. L'apôtre Pierre pensait qu'il suffisait de pardonner jusqu'à sept fois. A cela, le Christ répondit qu'il fallait pardonner jusqu'à « soixante-dix fois sept fois », c'est-à-dire qu'il faut toujours pardonner un nombre illimité de fois. Pour expliquer cela, il raconta la parabole suivante :

« Il en va du Royaume des Cieux comme d’un roi qui voulut régler ses comptes avec ses serviteurs. L’opération commencée, on lui en amena un qui devait dix mille talents. Cet homme n’ayant pas de quoi rendre, le maître de ce serviteur le relâcha et lui fit remise de sa dette. En sortant, ce serviteur rencontra un de ses compagnons qui lui devait cent deniers ; il le prit à la gorge et le serrait à l’étrangler, en lui disant « rends tout ce que tu dois ». Son compagnon alors se jeta à ses pieds et le suppliait en disant : « Consens-moi un délai et je te rendrai ». Mais l’autre n’y consentit pas et s’en alla le faire jeter en prison. Voyant ce qui c’était passé, ses compagnons en furent très contrariés et allèrent raconter toute l’affaire à leur maître. Alors celui-ci le fit venir et lui dit : « Serviteur méchant, toute cette somme que tu me devais, je t’en ai fait remise parce que tu m’as supplié ; ne devais-tu pas toi aussi, avoir pitié de ton compagnon comme moi j’ai eu pitié de toi ? Et dans son courroux, le maître le livra aux tortionnaires, jusqu’à ce qu’il eût remboursé tout son dû.   C’est ainsi que vous traitera mon Père céleste, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur. (cf.  Mt 18, 23-35).

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Dans cette parabole, Dieu est comparé à un roi, à qui ses serviteurs doivent certaines sommes d'argent. L'homme est un débiteur redevable devant Dieu non seulement à cause de ses péchés, mais aussi à cause du manque de bonnes œuvres qu'il aurait pu faire, et qu'il n'a pas faites. Ces actes d'amour non accomplis font aussi partie des dettes de l’homme. C’est pourquoi, dans la prière, nous demandons : « Et pardonne-nous nos offenses » et pas seulement nos péchés ! À la fin de notre vie, lorsque nous devrons rendre compte à Dieu de la vie que nous avons vécue, nous découvrirons que nous sommes tous redevables. La parabole du débiteur impitoyable nous dit que nous ne pouvons compter sur la miséricorde de Dieu que si nous pardonnons à nos offenseurs du fond du cœur. C'est pourquoi nous devons nous rappeler chaque jour : « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. »

Selon cette parabole, les offenses de notre prochain, en comparaison de notre dette envers Dieu, sont aussi insignifiantes que quelques petites pièces de monnaie en comparaison d’une somme d’un million.

Il faut dire ici que le ressentiment est une notion très personnelle. Une personne peut ne pas attacher d'importance à une parole ou à un acte insouciant de son ami, et une autre personne souffrira de la même parole ou de la même action pour le reste de sa vie. D'un point de vue spirituel, le ressentiment naît de l'orgueil blessé et de l'orgueil caché. Plus une personne est égoïste et orgueilleuse, plus elle est susceptible. Le ressentiment, s'il n'est pas immédiatement surmonté en soi, finit par se transformer en rancune. La rancune, selon les paroles de saint Jean de l'Échelle, est « le poison de l'âme, le ver rongeur de l’intellect, la honte de la prière, l'aliénation de l'amour... péché continuel. » Il est difficile de lutter contre les rancunes. « Le souvenir des souffrances de Jésus », - écrit saint Jean de l'Échelle -, « guérit le souvenir de la méchanceté, par l’extrême confusion où la met l’exemple de Sa mansuétude. Quand, après une longue lutte, - écrit saint Jean -, vous n’êtes pas capable d’arracher ces épines, alors repentez-vous et humiliez-vous au moins en paroles devant celui contre qui vous êtes en colère, afin que, honteux de votre hypocrisie de longue date devant lui, vous puissiez l’aimer pleinement. »

Il est très important que la prière pour ceux qui nous ont offensés nous aide à surmonter nos sentiments hostiles à leur égard. Si nous pouvions voir la grande multitude de dettes que nous avons à rendre à Dieu, alors nous nous hâterions volontiers de pardonner à tous nos ennemis, même les plus féroces, afin de gagner la miséricorde de Dieu pour nous-mêmes. Malheureusement, une telle conscience du péché et de la culpabilité devant Dieu ne nous vient pas d'elle-même, mais exige un examen constant et strict de notre conscience à la lumière de l'enseignement de l'Évangile. Celui qui s'oblige à pardonner à son prochain en récompense d'un tel effort reçoit le don de l'amour chrétien authentique, que les Saints Pères appellent la reine des vertus.

Amen.

 

Sermon de l'évêque Alexandre (Mileant) de Buenos Aires et d'Amérique du Sud (†2005) le 11e dimanche après la Pentecôte

Source : le Moinillon