LE MYSTÈRE DU REPENTIR
Le Mystère du Repentir est un rite sacré dispensateur de
grâce, dans lequel, après que le fidèle ait offert le repentir de ses péchés,
la rémission des péchés lui est octroyée par la miséricorde de Dieu, par
l'intermédiaire d'un pasteur de l'Eglise, selon la promesse du Sauveur.
Dans le Mystère du Repentir, les afflictions spirituelles sont soignées,
les impuretés de l'âme sont retirées, et un chrétien ayant reçu le pardon de
ses péchés, devient à nouveau innocent et sanctifié, juste comme au sortir des
eaux du Baptême. Par conséquent, le Mystère du Repentir est appelé une
"médecine spirituelle". Les péchés, qui tirent l'homme vers le bas,
qui engourdissent son esprit, son coeur et sa conscience, qui aveuglent son œil
spirituel, qui rendent sa volonté chrétienne sans force, sont annihilés, et le
lien vivant avec l'Eglise et le Seigneur Dieu est restauré. Ayant été libéré du
fardeau des péchés, l'homme accède de nouveau à la vie spirituelle et peut se
renforcer et se parfaire dans le bon cheminement chrétien.
Le Mystère du Repentir consiste en deux actions de base :
1) la confession des péchés devant un pasteur de l'Eglise par la personne qui
se présente au Mystère; et 2) la prière de pardon et de rémission de ces
péchés, prononcée par le prêtre.
Ce Mystère est également appelé Mystère de la Confession, (bien que la
confession des péchés n'en constitue que la première partie préliminaire), cela
souligne l'importance de la sincère révélation de l'âme et la proclamation de
ses propres péchés.
La Confession - c'est-à-dire, la prononciation à haute voix - est
l'expression du repentir intérieur, son résultat, son indicateur. Mais
qu'est-ce que le repentir ? Le repentir n'est pas uniquement la conscience de
son état de péché ou la simple reconnaissance de sa propre indignité; ce n'est
pas même de la contrition ou du regret (bien que tous ces aspects soient
constitutifs du repentir).
Davantage, c'est un acte de volonté de correction, un désir et
une ferme intention, une résolution de combattre ses propres inclinations
mauvaises; et cet état d'âme est uni à une prière pour recevoir l'aide de Dieu
dans la bataille contre ces mauvaises inclinations. Un repentir sincère et qui
vient du coeur est nécessaire pour que l'effet de ce Mystère puisse être étendu
non seulement à l'enlèvement des péchés, mais aussi afin que la grâce donatrice
de guérison, - qui empêche l'âme d'être à nouveau immergée dans la corruption
du péché - entre dans l'âme ouverte.
L'expression à haute voix de ses propres afflictions spirituelles et de
ses chutes devant un père spirituel - la confession des péchés - signifie que
par ce moyen sont vaincus a) l'orgueil, c'est-à-dire la principale source des
péchés, et b) le découragement lié à la perte de l'espoir dans sa propre correction
et dans son salut. Cette proclamation est déjà à l'approche de l'éviction de
son propre péché.
Ceux qui approchent le Mystère du Repentir s'y préparent par un effort de
prière, de jeûne, de recueillement profond en eux-mêmes, afin de découvrir et de
reconnaître leur condition pécheresse.
La miséricorde de Dieu sort à la rencontre du Chrétien repentant, en
témoignant, par la bouche du père spirituel, que le Père Céleste ne rejette pas
celui qui vient à Lui, tout comme Il n'a pas rejeté le fils prodigue, ni le
publicain repentant. Ce témoignage consiste en les paroles de la prière
spéciale et en les paroles spéciales de rémission prononcées par le prêtre.
La
Fondation du Mystère
Le Seigneur fonda le Mystère du Repentir après Sa
Résurrection, quand, après avoir paru devant ses Disciples, qui, à l'exception
de Thomas, étaient rassemblés, Il leur dit solennellement: La paix soit avec
vous... Ayant dit ces mots, Il souffla sur eux, et leur dit: Recevez le
Saint-Esprit; les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez; et ils
seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez (Jean 20:21-23). Qui plus est,
le Christ Sauveur, même avant cela et par deux fois, fit une promesse à propos
de ce Mystère. La première fois, Il dit à l'Apôtre Pierre, quand Pierre, au nom
de tous les Apôtres, L'avait confessé comme étant Le Fils de Dieu: Et je vous
donnerai les clefs du royaume des cieux, et tout ce que vous lierez sur la
terre sera aussi lié dans les cieux; et tout ce que vous délierez sur la terre
sera aussi delié dans les cieux (Matth. 16:19). A tous les Apôtres, Il
affirma la seconde fois: S'il n'écoute pas l'Eglise même, qu'il soit à votre
égard comme un païen et un publicain. Je vous dis en vérité, tout ce que vous
lierez sur la terre sera lié aussi dans le ciel, et tout ce que vous délierez
sur la terre sera aussi délié dans le ciel (Matth. 18:17-18).
Les prêtres sont les seuls instruments visibles de la célébration de ce
Mystère, qui, par leur intermédiaire, est célébré invisiblement par Dieu
Lui-même.
Considérant le fondement Divin de l'autorité des pasteurs de l'Eglise de
lier et de délier, St. Jean Chrysostome dit: "Les prêtres décrètent
en-bas, Dieu confirme en-haut, et le Maître est d'accord avec l'opinion de ses
esclaves." Le prêtre est ici l'instrument de la miséricorde de Dieu et
remet les péchés, non pas de sa propre autorité, mais au nom de la Sainte
Trinité.
Les invisibles effets de la grâce dans le Mystère du Repentir, dans leur
largeur et leur pouvoir, s'étendent à toutes les actions illégitimes des
hommes, et il n'existe pas de péché qui ne puisse être pardonné s'il est
confessé avec une foi vivante en le Seigneur Jésus et dans l'espoir de Sa
miséricorde. Car je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs
(Matth. 9:13), dit le Sauveur, et quelque grand que fut le péché de l'Apôtre
Pierre, Il lui pardonna dès qu'il se repentit sincèrement. Il est notoire que
le saint Apôtre Pierre appela au repentir, même les Juifs qui crucifièrent le
vrai Messie (Actes 2:38), puis ensuite il appela Simon le sorcier, précurseur
des hérétiques (Actes 8:22); l'Apôtre Paul donna la rémission à l'homme
incestueux qui se repentit, en le soumettant d'abord à une excommunication
temporaire (II Cor. 2:7).
Par ailleurs, il est essentiel de se souvenir que la rémission des péchés
dans le Mystère est un acte de miséricorde, mais pas de pitié irrationnelle.
Elle est octroyée pour le profit spirituel de l'homme, pour son édification, et
non pour sa destruction (II Cor. 10:8). Cela confère une lourde responsabilité
à celui qui célèbre le Mystère.
L'Ecriture Sainte évoque les cas ou les conditions dans lesquels les
péchés ne sont pas pardonnés. Les paroles de Dieu mentionnent le blasphème
contre l'Esprit-Saint, qui ne sera remis aux hommes ni en ce siècle, ni dans le
siècle à venir (Matth. 12:31-32). De même, elle parle du péché qui va à la
mort, pour le pardon duquel il n'est même pas recommandé de prier (I Jean
5:16). Finalement, l'Apôtre Paul nous enseigne qu'il est impossible que ceux
qui ont été une fois éclairés, qui ont goûté le don du ciel, qui ont été rendus
participants du Saint-Esprit, qui se sont nourris de la sainte parole de Dieu
et de l'espérance des grandeurs du siècle à venir, et qui après cela sont
tombés, il est impossible, dis-je, qu'ils se renouvellent par la pénitence,
parce qu'autant qu'il est en eux, ils crucifient de nouveau le Fils de Dieu, et
l'exposent à l'ignominie (Héb. 6:4-6).
Dans tous ces cas, la raison pour laquelle le pardon des péchés n'est pas
possible est à rechercher dans les pécheurs eux-mêmes, et non pas dans la
volonté de Dieu; plus précisément, elle repose sur l'absence de repentir de la
part des pécheurs. Comment un péché peut-il être pardonné par la grâce de
l'Esprit-Saint, alors que le blasphème est jeté avec dégoût sur cette grâce
même ? Mais il convient de croire que, même pour ces péchés, les pécheurs -
dans la mesure où ils offrent un repentir sincère et pleurent sur leurs péchés
- seront pardonnés. "Car, dit St. Jean Chrysostome à propos du blasphème
contre l'Esprit-Saint, même cette faute sera remise à ceux qui se repentent.
Beaucoup de ceux qui ont blasphémé contre l'Esprit-Saint sont ensuite venus à
croire, et tout leur fut remis" (Homélies sur l'Evangile de Matthieu). De
plus, les Pères du Septième Concile Œcuménique parlent de la possibilité du
pardon des péchés mortels : "Le péché qui va à la mort existe lorsque
ceux, qui, après avoir péché, ne se corrigent pas eux-mêmes... Le Seigneur
Jésus ne demeure pas en eux, à moins qu'ils s'humilient et qu'ils guérissent de
leur chute dans le péché. Il leur convient d'approcher Dieu à nouveau et, avec
un coeur contrit de demander la rémission de ce péché ainsi que le pardon, et
non pas de se glorifier vainement d'une action inique. Car les yeux du Seigneur
sont arrêtés sur ceux qui le craignent (Ps. 33:18).
La permission et même la demande directe de réitérer le Mystère du
Repentir est claire d'après les mots de l'Evangile: Je vous dis qu'il y
aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui fait pénitence, que
pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de pénitence (Luc 15:7).
Dans l'Apocalypse de St. Jean le Théologien nous lisons: Ecrivez à l'ange de
l'Eglise d'Ephèse: ... je viendrai bientôt à vous; et j'ôterai le chandelier de
sa place, si vous ne faites pénitence (Apoc. 2:1,5).
Epitimia
(Pénitence)
"Epitimia" doit se comprendre au sens d'une
interdiction ou d'une punition (II Cor. 2:6) qui, selon les canons de l'Eglise,
est ordonnée par le prêtre en tant que médecin spirituel à certains chrétiens repentants,
afin de soigner leurs maladies spirituelles. De telles pénitences peuvent être
par exemple: un jeûne spécial, en sus du jeûne habituel; des prières de
repentir accompagnées d'un certain nombre de prosternations; et d'autres
encore. La forme de base de l'épitimie qui existait dans la pratique de
l'Eglise ancienne était l'excommunication de la Communion aux Saints Mystères
pendant une plus ou moins longue période.
Un rite public de repentir pour ceux qui avaient "chuté"
existait dans l'Eglise ancienne, et particulièrement pour ceux qui n'étaient
pas restés fermement attachés à leur foi pendant les persécutions.
Selon ce rite, les pénitents étaient partagés en quatre
classes :
a) Les "pleureurs", qui n'avaient pas le droit d'assister au
services Divins publics et qui, étendant les mains en dehors du porche de
l'église, suppliaient en pleurs ceux qui entraient dans l'église de prier pour
eux.
b) Les "entendeurs" auxquels il était permis d'être dans le narthex
tout le long et jusqu'à la fin de la Liturgie des Catéchumènes.
c) Les "prosternés", qui entraient dans l'église même, sans toutefois
participer à la Liturgie des Fidèles; à genoux, après la Liturgie, ils
reçoivent la bénédiction pastorale.
d) La classe de ceux qui étaient "debout ensemble" avec les fidèles
tout le long de la Liturgie, mais qui ne pouvaient recevoir la communion aux
Saints Mystères.
La pénitence ne s'appliquait pas à tous, mais seulement à certains
Chrétiens repentants: à ceux qui, en fonction soit de la gravité ou de la
qualité de leurs péchés, ou à cause du caractère de leur repentir, avaient
besoin de traitements spirituels de cet ordre. L'Apôtre Paul imposa une telle
interdiction à l'homme qui avait commis l'inceste, quand, afin de le guérir, il
ordonna qu'il soit excommunié de l'Eglise et du contact avec les fidèles et
qu'il soit livré à satan, pour mortifier sa chair, afin que son âme soit sauvée
(I Cor.5:1-5). Puis alors, après sa sincère contrition, il lui ordonna d'être
reçu à nouveau dans la communion de l'Eglise (II Cor. 2:6-8).
Ces pénitences revêtent un caractère de punition, mais pas au sens strict
ni au nom de l'"expiation des péchés", comme l'enseignent les
théologiens romains. Ce sont des actes qui corrigent, qui guérissent et qui
sont pédagogiques. Leur dessein est de rendre l'affliction plus grande et de
supporter la volonté résolue d'être corrigé. L'Apôtre dit: Car la tristesse qui
est selon Dieu, produit pour le salut une pénitence stable; mais la tristesse
de ce monde produit la mort (II Cor. 7:10). C'est-à-dire, l'affliction au nom
de Dieu produit un repentir immuable orienté vers le salut.
Les canons des Saints Conciles et des Saints Pères affirment que dans les
temps anciens, les pénitences étaient considérées comme des moyens de guérison
spirituelle; que les pasteurs, en les imposant aux pécheurs, ne se souciaient
pas tant de les punir justement, - l'un davantage et l'autre moins, en
considération de la justice Divine pour les péchés - , que de considérer
l'effet bénéfique de ces punitions sur le pécheur. Par conséquent s'ils
voyaient que le besoin s'en faisait sentir, ils les allégaient, réduisaient les
délais des interdictions ou même les supprimaient complètement. Un canon du
Sixième Concile Œcuménique dit: "Il incombe à ceux qui ont reçu de Dieu le
pouvoir de lier ou de délier, d'examiner la qualité du péché et la disposition
du pécheur à se convertir, et d'appliquer la médecine appropriée à la maladie,
si l'on ne respecte pas avec discernement chacun de ces préceptes on ne
réussira pas à guérir l'homme malade. Parce que la maladie du péché n'est pas
simple, mais variée et multiforme, et qu'elle fait germer des rejetons
malfaisants qui diffusent beaucoup de mal, dont le progrès n'est enrayé que par
le pouvoir du médecin."
Les
erreurs de la conception catholique romaine
D'où le caractère inacceptable de la vision catholique romaine
de la pénitence, qui procède de concepts légaux, selon lesquels :
a) chaque
péché ou chaque ensemble de péchés doit correspondre à une punition
ecclésiastique (en dépit du fait que souvent les malheurs, - par exemple, les
maladies, - sont un dédommagement naturel du péché, qui permet au pécheur de
considérer son sort comme une punition Divine pour ses péchés)
b) cette
punition peut être retirée par une "indulgence", qui peut même être
donnée à l'avance, par exemple, à l'occasion de la célébration des fêtes.
c) l'Eglise,
c'est-à-dire son Chef, l'Evêque de Rome (le Pape), en donnant les indulgences,
distribue aux personnes sujettes à la pénitence, les "mérites des
saints", en les retirant du "trésor des œuvres
surérogatoires".
Si chez certains maîtres Occidentaux de l'Eglise ancienne, les pénitences étaient appelées des "expiations", cela n'était qu'au sens moral, afin de rendre le pécheur conscient plus profondément de sa condition pécheresse. Ici au service de l'édification, l'utilisation du terme "expiation" était dénuée de toute volonté de justification légale.
On doit
distinguer le Mystère de la Confession de la direction morale d'un père
spirituel qui était répandue dans les temps anciens et qui reste aujourd'hui
une pratique monastique. Souvent cela est exercé par des personnes qui n'ont
pas le rang de prêtre, lorsque sur eux repose la responsabilité de diriger
leurs enfants spirituels. La confession de ses pensées et de ses actes revêt
une signification psychologique immense au sens de l'éducation morale, afin de
corriger les mauvaises inclinations ou les habitudes, de surmonter les doutes
et les hésitations, etc... Mais cette direction spirituelle n'a pas la
signification du Mystère de l'action sacrée dispensatrice de grâce.
Archiprêtre Michel Pomozansky
Jordanville, 1963
(2ème partie, pp.188-193) ou, dans sa version en anglais, Orthodox Dogmatic
Theology, Platina, Cal. 1984 , pp 286-294. traduction de Pierre Frugier
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