lundi 20 octobre 2025

 



Aujourd'hui, quand on parle de foi, on entend souvent quelque chose de tout à fait ordinaire. La foi peut signifier une croyance : « J'ai foi que cette affirmation est vraie. » Elle peut signifier la confiance : « J'ai foi en toi », la certitude qu'on ne nous décevra pas. Ou encore l'acceptation : « Je crois ce que tu me dis », prendre quelqu'un au mot.

Toutes ces significations sont réelles, mais dans la vie chrétienne, la foi est bien plus profonde. L'apôtre Paul appelle la foi « la ferme assurance des choses qu'on espère, la démonstration de celles qu'on ne voit pas » (Hébreux 11,1). Et saint Ignace Brianchaninov, l'un des grands Pères spirituels de Russie, écrit simplement : « La foi au Christ est vie. »


Alors, qu'est-ce que la foi ? Dévoilons-le.

Plus qu'une croyance : la foi, c'est la vie

La croyance accepte les vérités ; la foi les habite. Par la foi, l'âme goûte déjà la vie éternelle. Il ne s'agit pas seulement de connaître le Christ, mais de vivre en lui, de recevoir sa vie comme nôtre. Même une graine de moutarde de foi, si elle est vivante, porte en elle la puissance de l'éternité. Comme le dit saint Jean Chrysostome : 

« La foi donne réalité et substance à ce qui est attendu ; elle les rend présents à l’âme et les fait se réaliser en elle. »

Plus que la confiance : la foi dure

La confiance repose sur les promesses, mais la foi s'accroche au Christ dans chaque tempête. Saint Ignace enseigne que ceux qui croient vraiment doivent « supporter patiemment les tentations cruelles » et « accepter la douleur des afflictions ». La foi n'est pas un simple optimisme ; c'est la force de demeurer avec le Christ face aux épreuves. Cette endurance est en elle-même un miracle de grâce : un feu silencieux dans l'âme qui survit à la joie comme à la tristesse.

Plus que dire « Je te crois » : la foi voit la Providence

Les mots peuvent affirmer, mais la foi interprète la réalité. Saint Ignace explique que la vraie foi consiste à attribuer tous les événements à la providence divine. Que ce soit dans la joie ou dans le chagrin, dans la réussite ou dans la perte, le cœur fidèle repose sur la sage sollicitude de Dieu. La foi porte un regard sacramentel sur le monde : chaque circonstance, même douloureuse, participe du plan salvifique de Dieu.

Une relation profonde : amour, obéissance, humilité et union

Fondamentalement, la foi est relationnelle, éthique et mystique. C'est une relation profonde avec le Christ qui transforme la personne tout entière.

-     - *Amour : La foi suscite l'amour de Dieu et du prochain. Comme le dit saint Paul, « la foi agissant par l'amour » (Gal. 5, 6) est la véritable mesure du chrétien.

-     - *Obéissance : La foi écoute les commandements du Christ. « Si vous m’aimez, gardez mes commandements » (Jean 14:15).

-     - *Abandon de l'ego : La foi est kénose, vidage de soi. Elle abandonne l'orgueil et le contrôle afin que Dieu puisse nous transformer. Saint Ignace insiste sur le fait que la vraie foi plonge l'âme dans une profonde humilité.

-     - *Désir d'union : La foi aspire à être une avec le Christ, à partager sa vie maintenant et pour toujours. Elle ne se contente pas de progresser moralement, mais aspire à la théosis – la participation à la vie même de Dieu.

C’est pourquoi, dans chaque liturgie, nous prions : « Recommandons-nous nous-mêmes, les uns les autres et toute notre vie au Christ notre Dieu. »

Foi et zèle

La foi n’est pas statique ; elle brûle de zèle — le feu ardent de l’âme vers Dieu.

Saint Jean Chrysostome : « La foi produit le zèle, et le zèle produit les œuvres. »

Saint Isaac le Syrien : « Le zèle pour Dieu est un feu dans le cœur qui brûle tout ce qui est terrestre et amène l’esprit en présence de Dieu. »

Mais le zèle doit être bien guidé : le véritable zèle est humble et compatissant, et non arrogant ou moralisateur. La foi engendre le zèle, et le zèle transforme la foi en action.

La foi comme demeure de l'Esprit

La foi n'est pas seulement une conviction mentale ou une chaleur émotionnelle. Saint Paul dit : 

« Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » (1 Cor. 3:16).

 Avoir la foi, c’est devenir un temple vivant.

Ce n'est pas un sentiment passager. La présence de l'Esprit se manifeste par ses énergies : paix, illumination, repentance, amour, patience, transformation. Les Pères nous mettent en garde contre les sentiments dans la prière, mais contre Dieu lui-même. Saint Théophane le Reclus écrit : 

« Ne recherchez pas les émotions dans la prière. Recherchez Dieu lui-même. Les émotions viendront en leur temps, selon sa volonté. »

La foi n’est donc pas d’abord émotionnelle mais ontologique : Dieu demeurant dans l’âme, en faisant son temple.

Le fruit de la foi : transformation et puissance

Une foi vivante produit des fruits. Pour saint Ignace et les Pères, ces fruits se manifestent de deux manières :

Miracles cachés : l’endurance, le pardon, l’humilité, le repentir — la résurrection intérieure de l’âme.

Miracles manifestes : les saints, par la foi, ont guéri des malades, ressuscité des morts, chassé des démons et prédit l'avenir. Il ne s'agit pas d'exploits humains, mais de la puissance de Dieu agissant par ceux dont le cœur est pleinement soumis.

Ainsi, la foi est à la fois persévérance silencieuse et puissance rayonnante — la Croix et la Résurrection unies.

La foi déplace les montagnes

Le Christ dit : 

« Si vous avez la foi comme un grain de moutarde… rien ne vous sera impossible »  (Matthieu 17:20). 

La foi déplace les montagnes, non par magie, mais en alignant notre volonté sur celle de Dieu. Ces « montagnes » sont les obstacles du péché, de la peur, du désespoir et même de la mort elle-même. En persévérant dans la prière, le repentir et les sacrements, les fidèles voient ces montagnes se précipiter dans la mer.

Le contraste occidental

Il convient de noter à quel point la foi a été comprise différemment en Occident.

Dans une grande partie du christianisme occidental, la foi était souvent liée à la justice, au devoir et au bien-être social : la théologie catholique considérait les œuvres de miséricorde comme « méritoires », tandis que les traditions protestantes mettaient souvent l’accent sur la charité comme un signe de foi ou comme l’expression principale de la vie chrétienne.

Dans l'Orthodoxie, les œuvres de miséricorde ne sont pas de simples programmes sociaux ou devoirs moraux, mais des moyens de rencontrer le Christ lui-même (cf. Mt 25). Elles sont ascétiques, guérissant l'âme de l'égoïsme, et sacramentelles, prolongeant la Divine Liturgie dans la vie quotidienne.

Ainsi, alors que l’Orient et l’Occident nourrissent les affamés, l’Orthodoxie considère les œuvres de la foi comme faisant partie de la théosis, et pas seulement de l’éthique sociale.

Dans les paroles du Christ

Jésus lui-même donne le résumé le plus concis :

« Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra, même s'il meurt ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. » (Jean 11:25-26)

La foi ne consiste pas seulement à accepter l’existence du Christ, mais à croire en Lui si profondément que Sa vie devient nôtre, vainquant même la mort.

Conclusion

Alors, qu’est-ce que la foi en réalité ?

La foi est plus que la croyance, plus que la confiance, plus que les mots. C'est la vie même : l'union de l'âme avec le Christ. Elle est le fondement de l'espérance, l'avant-goût de la vie éternelle, le feu silencieux du zèle, la présence de l'Esprit, l'humilité de l'abandon et la puissance qui déplace les montagnes. La foi endure les épreuves, voit tout dans la providence et s'exprime par l'amour et l'obéissance. Elle transforme le croyant et, à travers lui, le monde.

 

La foi en Christ n'est pas une idée reçue.

C'est la vie de Dieu à l'œuvre en nous.

 

Source : http://orthodoxwayoflife.blogspot.com