Aujourd'hui, quand on parle de foi, on entend souvent
quelque chose de tout à fait ordinaire. La foi peut signifier une
croyance : « J'ai foi que cette affirmation est vraie. » Elle
peut signifier la confiance : « J'ai foi en toi », la certitude
qu'on ne nous décevra pas. Ou encore l'acceptation : « Je crois ce
que tu me dis », prendre quelqu'un au mot.
Toutes ces significations sont réelles, mais dans la vie
chrétienne, la foi est bien plus profonde. L'apôtre Paul appelle la foi «
la ferme assurance des choses qu'on espère, la démonstration de celles qu'on ne
voit pas » (Hébreux 11,1). Et saint Ignace Brianchaninov, l'un des grands
Pères spirituels de Russie, écrit simplement : « La foi au Christ est vie.
»
Alors,
qu'est-ce que la foi ? Dévoilons-le.
Plus
qu'une croyance : la foi, c'est la vie
La croyance accepte les vérités ; la foi les habite. Par
la foi, l'âme goûte déjà la vie éternelle. Il ne s'agit pas seulement de
connaître le Christ, mais de vivre en lui, de recevoir sa vie comme nôtre. Même
une graine de moutarde de foi, si elle est vivante, porte en elle la puissance
de l'éternité. Comme le dit saint Jean Chrysostome :
« La foi donne réalité et substance à ce qui est attendu ;
elle les rend présents à l’âme et les fait se réaliser en elle. »
Plus que
la confiance : la foi dure
La confiance repose sur les promesses, mais la foi s'accroche
au Christ dans chaque tempête. Saint Ignace enseigne que ceux qui croient
vraiment doivent « supporter patiemment les tentations cruelles » et «
accepter la douleur des afflictions ». La foi n'est pas un simple
optimisme ; c'est la force de demeurer avec le Christ face aux épreuves.
Cette endurance est en elle-même un miracle de grâce : un feu silencieux
dans l'âme qui survit à la joie comme à la tristesse.
Plus que
dire « Je te crois » : la foi voit la Providence
Les mots peuvent affirmer, mais la foi interprète la réalité.
Saint Ignace explique que la vraie foi consiste à attribuer tous les événements
à la providence divine. Que ce soit dans la joie ou dans le chagrin, dans la
réussite ou dans la perte, le cœur fidèle repose sur la sage sollicitude de
Dieu. La foi porte un regard sacramentel sur le monde : chaque
circonstance, même douloureuse, participe du plan salvifique de Dieu.
Une
relation profonde : amour, obéissance, humilité et union
Fondamentalement, la foi est relationnelle, éthique et
mystique. C'est une relation profonde avec le Christ qui transforme la personne
tout entière.
- - *Amour : La foi suscite l'amour de Dieu et du
prochain. Comme le dit saint Paul, « la foi agissant par l'amour » (Gal.
5, 6) est la véritable mesure du chrétien.
- - *Obéissance : La foi écoute les commandements
du Christ. « Si vous m’aimez, gardez mes commandements » (Jean
14:15).
- - *Abandon de l'ego : La foi est kénose, vidage
de soi. Elle abandonne l'orgueil et le contrôle afin que Dieu puisse nous
transformer. Saint Ignace insiste sur le fait que la vraie foi plonge l'âme
dans une profonde humilité.
- - *Désir d'union : La foi aspire à être une avec
le Christ, à partager sa vie maintenant et pour toujours. Elle ne se contente
pas de progresser moralement, mais aspire à la théosis – la
participation à la vie même de Dieu.
C’est pourquoi, dans chaque liturgie, nous prions : «
Recommandons-nous nous-mêmes, les uns les autres et toute notre vie au Christ
notre Dieu. »
Foi et
zèle
La foi n’est pas statique ; elle brûle de zèle — le
feu ardent de l’âme vers Dieu.
Saint Jean Chrysostome : « La foi produit le zèle, et le
zèle produit les œuvres. »
Saint Isaac le Syrien : « Le zèle pour Dieu est un feu
dans le cœur qui brûle tout ce qui est terrestre et amène l’esprit en présence
de Dieu. »
Mais le zèle doit être bien guidé : le véritable zèle est
humble et compatissant, et non arrogant ou moralisateur. La foi engendre le
zèle, et le zèle transforme la foi en action.
La foi
comme demeure de l'Esprit
La foi n'est pas seulement une conviction mentale ou une
chaleur émotionnelle. Saint Paul dit :
« Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que
l’Esprit de Dieu habite en vous ? » (1 Cor. 3:16).
Avoir
la foi, c’est devenir un temple vivant.
Ce n'est pas un sentiment passager. La présence de l'Esprit se
manifeste par ses énergies : paix, illumination, repentance, amour,
patience, transformation. Les Pères nous mettent en garde contre les sentiments
dans la prière, mais contre Dieu lui-même. Saint Théophane le Reclus
écrit :
« Ne recherchez pas les émotions dans la prière. Recherchez
Dieu lui-même. Les émotions viendront en leur temps, selon sa volonté. »
La foi n’est donc pas d’abord émotionnelle mais ontologique :
Dieu demeurant dans l’âme, en faisant son temple.
Le fruit
de la foi : transformation et puissance
Une foi vivante produit des fruits. Pour saint Ignace et les
Pères, ces fruits se manifestent de deux manières :
Miracles cachés : l’endurance, le pardon, l’humilité, le
repentir — la résurrection intérieure de l’âme.
Miracles manifestes : les saints, par la foi, ont guéri
des malades, ressuscité des morts, chassé des démons et prédit l'avenir. Il ne
s'agit pas d'exploits humains, mais de la puissance de Dieu agissant par ceux
dont le cœur est pleinement soumis.
Ainsi, la foi est à la fois persévérance silencieuse et
puissance rayonnante — la Croix et la Résurrection unies.
La foi
déplace les montagnes
Le Christ dit :
« Si vous avez la foi comme un grain de moutarde… rien ne vous
sera impossible » (Matthieu 17:20).
La foi déplace les montagnes, non par magie, mais en alignant
notre volonté sur celle de Dieu. Ces « montagnes » sont les obstacles
du péché, de la peur, du désespoir et même de la mort elle-même. En persévérant
dans la prière, le repentir et les sacrements, les fidèles voient ces montagnes
se précipiter dans la mer.
Le
contraste occidental
Il convient de noter à quel point la foi a été comprise
différemment en Occident.
Dans une grande partie du christianisme occidental, la foi
était souvent liée à la justice, au devoir et au bien-être social : la
théologie catholique considérait les œuvres de miséricorde comme « méritoires
», tandis que les traditions protestantes mettaient souvent l’accent sur la
charité comme un signe de foi ou comme l’expression principale de la vie chrétienne.
Dans l'Orthodoxie, les œuvres de miséricorde ne sont pas de
simples programmes sociaux ou devoirs moraux, mais des moyens de rencontrer le
Christ lui-même (cf. Mt 25). Elles sont ascétiques, guérissant l'âme de
l'égoïsme, et sacramentelles, prolongeant la Divine Liturgie dans la vie
quotidienne.
Ainsi, alors que l’Orient et l’Occident nourrissent les
affamés, l’Orthodoxie considère les œuvres de la foi comme faisant partie de la
théosis, et pas seulement de l’éthique sociale.
Dans les
paroles du Christ
Jésus lui-même donne le résumé le plus concis :
« Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi
vivra, même s'il meurt ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. » (Jean
11:25-26)
La foi ne consiste pas seulement à accepter l’existence du
Christ, mais à croire en Lui si profondément que Sa vie devient nôtre,
vainquant même la mort.
Conclusion
Alors,
qu’est-ce que la foi en réalité ?
La foi est plus que la croyance, plus que la confiance, plus
que les mots. C'est la vie même : l'union de l'âme avec le Christ. Elle
est le fondement de l'espérance, l'avant-goût de la vie éternelle, le feu
silencieux du zèle, la présence de l'Esprit, l'humilité de l'abandon et la
puissance qui déplace les montagnes. La foi endure les épreuves, voit tout dans
la providence et s'exprime par l'amour et l'obéissance. Elle transforme le
croyant et, à travers lui, le monde.
La
foi en Christ n'est pas une idée reçue.
C'est
la vie de Dieu à l'œuvre en nous.
Source : http://orthodoxwayoflife.blogspot.com