jeudi 4 avril 2024

 

Sur Orthodoxie.com: traduction de l'interview de Jean-Claude LARCHET sur Basilica.ro

(Merci à Claude pour la mise en ligne gratuitement de cette article)

 


Basilica.ro a invité Jean-Claude L'ARCHET à un dialogue sur les maladies corporelles, psychiques et spirituelles. Le théologien a également parlé des idéologies qui minent la société actuelle. Orthodoxie.com en propose la version française.

 


Basilica.ro : L’année 2024 a été déclarée dans l’Église Orthodoxe Roumaine comme année thématique de la pastorale et des soins aux malades. Quelles sont, selon vous, les maladies les plus graves du XXIe siècle et comment l’Église peut-elle contribuer à les soigner et à les guérir ?


J-C Larchet : Les maladies et la souffrance qui les accompagnent le plus souvent, font partie de la condition humaine déchue, et tout le monde en fait l’expérience à des moments et à des degrés divers. Les maladies spirituelles (c’est-à-dire les passions) habitent tout homme, et au XXe siècle – comme aux siècles précédents et depuis l’origine –, la maladie la plus grave est l’amour égoïste de soi, que les Pères grecs appellent philautia, et qu’ils considèrent comme la mère de toutes les autres. Elle est l’exact contraire (et le premier empêchement) des vertus dont la réalisation nous a été donnée par le Christ comme premiers commandements : l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Elle est très proche d’une autre maladie spirituelle souvent présentée comme étant aussi la plus importante : l’orgueil, par lequel l’individu se place au centre de tout et au dessus de tout le monde, prenant la place qui revient à Dieu et au prochain.

 

Si l’on considère maintenant les maladies psychiques, la plus importante à notre époque est la dépression. Elle est particulièrement liée à deux autres maladies spirituelles : la tristesse et l’acédie, mais aussi à l’absence (ou à la faiblesse) de deux vertus que la tradition occidentale appelle « cardinales », parce qu’elle sont des pivots (en latin cardines) de la vie intérieure : la foi et l’espérance. La première permet de donner un sens à la vie (dont la perte est la première cause de la dépression) et la seconde donne confiance en la providence divine, c’est-à-dire dans l’aide bienveillante de Dieu qui permettra de sortir de toutes les difficultés que l’on a. La désaffection massive vis-à-vis de la religion à notre époque, a accru la force de ces passions, et privé les hommes de ces vertus. C’est pourquoi une partie du monde a sombré dans la dépression et se livre à diverses drogues (dont les drogues numériques !) pour tenter d’y échapper, sans comprendre que le supposé remède accroît la maladie.

Pour ce qui concerne les maladies corporelles on observe à notre époque un développement de deux sortes de maladies graves, chacune à leur manière : les cancers et les maladies dégénératives (maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson, démences séniles…). Ce développement est lié au vieillissement de la population, mais on remarque que des personnes de plus en plus jeunes en sont atteintes. Les possibilités pour la médecine de contrer ces maladies se sont développées, mais restent très limitées. Si l’on est croyant, on peut attendre de Dieu et de ses saints (en particulier les saints anargyres) des miracles, qui se produisent parfois, soit en faisant disparaître la maladie (dans le cas des cancers) soit – on l’oublie souvent – en ralentissant sa progression. Mais la règle générale est que les lois de la nature déchue suivent leur cours, et Dieu n’intervient pas, car l’état déchu est une conséquence du péché ancestral et de tous les péchés qui l’ont confirmé ; ces péchés ont été des choix de l’homme, et Dieu respecte la liberté de l’homme jusque dans ses effets, sinon ce ne serait pas une véritable liberté. Mais en tant que chrétiens nous ne sommes pas abandonnés pour autant : Dieu nous donne toujours la possibilité de dépasser spirituellementla maladie, et d’en tirer un profit spirituel. Si le Christ a souffert lors de Sa passion et sur la Croix, ce n’est pas pour payer une rançon ni pour expier les péchés des hommes, comme l’a affirmé (surtout en Occident) une fausse théologie, mais pour nous acquérir la grâce (que nous recevons toujours si nous sommes unis à Lui par les sacrements et la prière) de faire perdre à la souffrance tout le pouvoir négatif qu’elle peut avoir sur nous (notamment celui de nous éloigner de Dieu !), et de l’utiliser comme une forme d’ascèse qui contribue à nous détacher du monde et de nous-même pour pouvoir davantage aimer Dieu et le prochain.

Il faut enfin évoquer des maladies dont on parle peu, bien qu’elles soient de plus en plus manifestes à notre époque et soient particulièrement inquiétantes : ce sont des maladies collectives, qui affectent les sociétés entières, mais aussi les États et malheureusement aussi les Églises.

Parmi les premières, il y a les maladies causées par les nouveaux médias, dont j’ai longuement parlé dans un de mes livres récents, et qui détruisent non seulement l’attention, mais aussi et surtout, contrairement aux apparences, les relations interpersonnelles. Ils substituent un mode artificiel et superficiel de communication à un monde réel et profond de communion, et ont un rôle destructeur non seulement pour les individus, mais pour les couples et les familles, dont les membres sont rivés à leurs smartphones, vivant l’un à côté de l’autre et non l’un avec l’autre. Sur les réseaux sociaux, les fausses théories séduisent beaucoup de gens, et les influenceurs sont devenus les pères spirituels de beaucoup de jeunes. Dans une conférence sur les médias numériques et la pastorale orthodoxe tenue en Crète en 2018, j’avais proposé que parmi les règles du jeûne soit introduit officiellement par les Églises le jeûne des nouveaux médias. Cette proposition a reçu un vaste écho dans tous les médias orthodoxes y compris le vôtre, mais n’a malheureusement pas été suivie d’effet. Combien de temps faudra-t-il attendre pour que les Églises prennent conscience de la gravité du problème ?

Une autre maladie qui affecte les sociétés actuelles est une forme de délire – c’est-à-dire de fausse perception de la réalité – concernant, premièrement la nature et les rapports des genres (masculin et féminin) ainsi que l’orientation de la sexualité humaine ; deuxièmement les rapports de l’homme avec la nature. Il s’agit de deux composantes de ce que l’on appelle « la pensée woke » ou le wokisme. La première s’exprime dans la théorie du genre (selon laquelle les genres relèvent d’un choix individuel), le féminisme radical (selon lequel le genre masculin doit être aboli) et le mouvement LGBTQUIA+ (selon lequel de nombreuses orientations sexuelles sont légitimes et au choix de chacun) ; la seconde dans l’écologie radicale (selon laquelle la nature a plus de valeur que l’être humain qui n’en est qu’un prédateur).

En ce qui concerne les autres maladies collectives, on mesure leurs effets dans les guerres entre les pays, et les disputes de pouvoir et de territoire entre les Églises. Leur cause est le nationalisme et le phylétisme, qui est une forme ecclésiastique du nationalisme. L’un et l’autre sont des formes d’orgueil, et plus précisément d’une forme de l’orgueil qui n’apparaît pas dans les listes classiques de passions et est de ce fait sous-estimée, mais qui est bien mise en valeur dans la prière de saint Éphrem le Syrien, que l’on récite plusieurs fois par jour au long du Grand Carême : l’esprit de domination. Elle est certes une maladie individuelle, mais aussi une maladie collective, car comme le disait le philosophe Kant, les États sont affectés des mêmes passions que les individus, et l’on pourrait ajouter aussi les Églises dans leur dimension humaine, trop humaine…

Basilica.ro : Vous avez écrit un livre intitulé La théologie du corps. Les tendances idéologiques actuelles semblent mépriser le corps au profit de la partie invisible de l’existence, en soulignant le droit de l’homme à transformer son corps, même biologiquement ou du point de vue médical, selon les désirs de l’âme ou les diverses passions. Quelle est l’importance du corps dans l’existence humaine et dans l’histoire du salut ?

J-C Larchet : En réponse à la dernière partie de votre question, je rappellerai simplement que la personne humaine, dans sa nature, est constituée indissociablement d’une âme et d’un corps (la séparation des deux qui suit la mort n’étant que provisoire et sans qu’il y ait une perte de leur lien essentiel). Dieu a créé l’homme âme et corps ; lors de la conception, le corps et l’âme sont formés simultanément et liés dès le premier instant ; à la résurrection, l’âme et le corps seront réunis, le corps ayant dès lors un mode d’existence nouveau. Il faut rappeler surtout qu’en venant parmi nous, le Verbe de Dieu a pris un corps en tout point semblable au nôtre, et a sauvé et déifié en lui l’homme tout entier, âme et corps, donnant à chaque personne qui croirait en lui et s’unirait à lui par les sacrements et la vie spirituelle, de recevoir la grâce de ce salut et de cette déification. Le corps occupe une place importante dans cette vie spirituelle, puisqu’il est co-acteur avec l’âme de tous les actes accomplis par l’homme. Il participe avec les moyens qui sont ceux de sa nature propre, à toutes les activités spirituelles. Il reçoit le Corps et le Sang du Christ en même temps que l’âme et est transformé spirituellement en même temps qu’elle, étant « christifié » et devenant réellement le temple de l’Esprit.

Pour en rester à la question de la maladie qui est au centre de cet entretien, il faut souligner que les hommes de notre époque, qui ont pour la plupart perdu toutes les normes de l’anthropologie chrétienne ont un vrai problème avec leur corps.

Ils aspirent à une liberté absolue, y compris par rapport à leur propre corps, dont ils entendent rejeter non seulement toutes les déterminations, mais toutes les orientations définies par sa nature selon sa constitution génétique, organique et physiologique, et parfois sa structure et sa forme mêmes.

La volonté d’avoir une maîtrise totale sur le corps ne se rencontre pas seulement chez les adeptes (qui se multiplient de nos jours) du transsexualisme, mais constitue à notre époque un vrai phénomène de civilisation, dont témoigne l’importance prise par la chirurgie esthétique, mais aussi par tous les moyens de modifier l’apparence du corps (par des piercings, des implants ou des tatouages).

Le malaise que peut ressentir l’homme par rapport à un corps donné et qu’il ne maîtrise pas dans sa constitution ou dans sa forme, qui constitue une gêne ou une entrave par rapport à ses aspirations qu’elles soient spirituelles, psychiques ou physiques, traverse l’histoire de la philosophie – de Platon à Foucault – et aussi celle de la spiritualité – comme en témoignent de manière radicale les diverses sectes gnostiques, mais aussi, de façon plus nuancée, les écrits et pratiques ascétiques de toutes les religions. Il révèle sans aucun doute un problème profond. Ce problème touche à la condition humaine en ce monde, à ses limites (ou, pour utiliser un terme plus métaphysique, à sa finitude) et à la difficulté de les supporter par un esprit qui, lui, est sans limites dans ce qu’il peut concevoir et imaginer. Il touche aussi à l’aspiration de l’homme à accéder à une condition idéale, ou du moins supérieure, où ces limites seraient ontologiquement dépassées. Mais dans la situation actuelle, il est irréaliste, utopique, infantile et même pathologique de nier ces limites. L’homme peut déplorer de ne pas avoir d’ailes pour voler, de ne pas avoir dix bras comme Shiva, de multiples yeux comme les chérubins. Mais il est, comme chaque être de ce monde défini par des particularités qu’il doit assumer, et c’est dans sa capacité à les assumer qu’il peut trouver la paix intérieure et le bonheur ; leur refus ne peut que le placer en permanence dans un état de frustration et une situation d’échec. Adam a été déchu de sa condition originelle pour avoir tenté, selon la promesse du Serpent, de devenir « comme un dieu ». Celui qui va contre la nature se condamne à l’enfer du contre-nature. On peut en effet, sans se référer à un châtiment divin, considérer que la nature se venge toujours de celui qui la nie et agit à son encontre.

La distinction que fait le christianisme entre la nature originelle et déchue aide le chrétien a assumer les limites actuelles de son corps. La spiritualité lui donne les moyens de transcender spirituellement ces limites, dans l’attente de leur dépassement physique dans le Royaume des cieux. La spiritualité hésychaste en particulier constitue un modèle parfait d’intégration du corps, de manière à le faire participer au progrès spirituel de l’âme, et à être progressivement déifié avec elle. Ce mode spirituel d’assumation du corps est la seule façon réaliste et fructueuse d’en transcender les limites.

Basilica.ro : La discussion sur le rôle du corps dans l’identité humaine nous conduit également à l’idée que le genre de la personne n’est pas « fluide » comme le prétendent certaines théories contemporaines, mais lié au corps dans lequel la personne mène son existence. Comment pouvons-nous aider et soutenir les enfants à renforcer leur identité de genre – masculine ou féminine, selon le cas ?

J-C Larchet : L’homme – corps et âme – est genré par nature et de par la création divine (« Homme et femme il le fit »). La façon dont les genres sont définis socialement est évidemment, sur certains points, susceptible d’être remise en question et corrigée. Mais cela ne justifie ni l’abolition des genres, ou de tel genre, ni le changement de genre.

D’une manière générale et depuis toujours, la nature fait bien les choses. La très très grande majorité des êtres humains, spontanément et depuis leur petite enfance, assument sans problème le genre qui correspond à leur sexe. Il peut y avoir des personnes qui, pour des raison génétiques, physiologiques (hormonales) ou psychologiques se sentent d’un genre différent que celui qui correspond à leur sexe, mais dans le passé et jusqu’à une époque récente, ces personnes étaient en très petit nombre. Les petites filles qui préféreraient être un garçon, ou les petits garçon qui préféreraient (c’est moins fréquent) être une fille, est un phénomène qui se rencontre assez couramment, mais cela est un phénomène transitoire, de même que les incertitudes que rencontrent à un moment donné beaucoup d’adolescents.

Le problème est qu’il y a aujourd’hui une idéologie (que l’on appelle couramment la théorie du genre) qui, venue des États-Unis, s’est répandue en Europe grâce au soutien des médias, mais aussi des États et des institutions internationales, qui non seulement répand l’idée que le genre et le sexe peuvent être choisis librement par chacun, mais milite activement pour que cela soit enseigné dès l’école primaire, et c’est de là que vient le danger. Aux États-Unis, de nombreux parents chrétiens ont retiré leurs enfants de l’école publique pour les mettre dans des écoles privées où ils sont à l’abri d’une telle propagande. Il est en tout cas important que les parents accompagnent leurs enfants dans leurs interrogations possibles, ne suivent pas leurs velléités éventuelles (apparues à un moment donné et presque toujours pour peu de temps) de changer de genre et surtout de sexe (ce qui créé des dommages irréversibles), apportent un contre-enseignement, basé sur les valeurs chrétiennes, à l’enseignement scolaire quand il est mal orienté, et forment leurs enfants à se préserver de l’influence délétère des mauvais « influenceurs » sur les réseaux sociaux.

Basilica.ro : Quels sont les thèmes que vous abordez et les messages que vous transmettez dans votre ouvrage récemment publié, Transfigurer le genre ?

J-C Larchet : Vous le découvrirez bientôt en traduction roumaine. C’est un ouvrage riche, difficile à résumer, qui sur les bases de la Bible et des écrits des Pères de l’Église, défend l’existence des deux genres tout en proposant un dépassement spirituel de leurs limites. Il montre en particulier comment les genres doivent être conçus et vécus dans leurs relations dans une perspective chrétienne, à la fois différente des fausses conceptions de la virilité et de la féminité que la société véhicule (et qui justifient en partie les critiques féministes), et des mauvaises relations que les passions (en particulier l’égoïsme, l’orgueil, l’esprit de domination, les passions sexuelles) établissent au sein des relations hommes-femmes. Relisant les textes bibliques et mettant au jour des textes patristiques souvent négligés, il montre que le christianisme considère les femmes et les hommes comme fondamentalement égaux, parce qu’ils ont été identiquement créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, parce qu’ils partagent la même nature humaine (dont les genres ne sont qu’une spécification), parce qu’ils ont été également sauvés par le Christ, parce qu’ils ont comme destin commun d’être déifiés par grâce. Il montre que l’homme et la femme ont des charismes propres qui sont complémentaires, et sont destinés à enrichir l’un et l’autre. La vie chrétienne préserve les deux genres, et leur assure une unité harmonieuse et fructueuse, dès lors qu’elle élimine les passions qui pervertissent les relations, et entretient les vertus qui sont communes aux deux genres. Ces vertus assurent une véritable fluidité des genres tout en les préservant : la femme acquiert des qualités viriles dans ses efforts ascétiques, l’homme des vertus féminines quant il acquiert la vertu de douceur, quand la vertu de compassion attendrit son cœur, quand la vertu de pénitence fait couler des larmes sur son visage. Quand l’Apôtre dit « En Christ il n’y a ni homme ni femme » (Galates 3, 28), il ne signifie pas que les genres cessent d’exister, mais que les conflits, oppositions et divisions ont cessé entre eux par leur union au Christ et dans le Christ. C’est dans le même sens qu’il dit, ayant en vue les conflits raciaux et ethniques, que « en Christ il n’y a ni juif ni grec », ou en ayant en vue les conflits sociaux, que « en Christ il n’y a ni esclave ni homme libre ».

Basilica.ro : Vous avez été une voix modérée pendant la pandémie de Covid-19. Quels sont les défis idéologiques et spirituels auxquels l’Église orthodoxe a été confrontée pendant la pandémie de Covid-19 et après ?

J-C Larchet : Il faut effectivement revenir sur ce sujet, car d’autres pandémies surviendront dans le futur, et la réflexion sur ce que nous avons vécu aide à s’y préparer. C’est pourquoi j’ai intitulé mon livre : Petite théologie pour les temps de pandémie et non pour un temps de pandémie.

Ce qui me paraît le plus grave dans ce qui s’est passé c’est la division qui s’est révélée au sein de la communauté ecclésiale de la part d’un clergé fondamentaliste hostile à toutes les mesures de protection et de prévention, et qui non seulement s’est exprimé avec beaucoup de violence, mais, de manière irresponsable a conduit à la mort d’un certain nombre de fidèles et de moines et de moniales.

Il est paradoxal que ce clergé qui se veut super-orthodoxe et proche des Pères, ait agi au nom de principes étrangers au christianisme, marqués par les idées complotistes qu’un certain nombre de réseaux sociaux ont fait émerger dans les années précédentes. Il est étonnant que ce clergé ait marché sur la tête au point d’attribuer la maladie à Dieu et les moyens de prévention et de guérison au diable. On a vu des prêtres refusant de donner la communion à des fidèles qui avaient été vaccinés, et des fidèles refusant d’assister à la liturgie de prêtres qui avaient été vaccinés. Des disputes et des bagarres ont éclaté dans l’enceinte même des églises et pendant la liturgie. Tout cela risque évidemment de se reproduire, d’autant que les idées complotistes, alimentés par les réseaux sociaux, se répandent de plus en plus, bien qu’elles soient de plus en plus irrationnelles.

Il faudrait profiter de cette année dédiée à la santé, la maladie et la guérison, pour mettre en place pour le clergé et les fidèles une sérieuse formation sur le souci que les chrétiens doivent avoir de leur santé (qui est un don de Dieu) et le devoir qu’ils ont de protéger la santé des autres (c’est-une dimension de la charité), et sur la façon dont l’Église, depuis ses origines, a reçu positivement la médecine séculière et les moyens thérapeutiques et prophylactiques qu’elle propose – y compris à une époque récente les vaccins, qui ne font que pallier une partie de l’immunité que l’homme déchu a perdue, et que la vieillesse réduit encore davantage. Une formation serait utile aussi pour libérer certains clercs et moines de la pensée magique selon laquelle l’espace de l’église serait un lieu protégé où l’on ne peut contracter aucune maladie. Il faudrait aussi, théologiquement, insister sur le fait que Dieu n’envoie aux hommes aucune pandémie, aucune maladie, aucune souffrance – et que c’est même un blasphème de penser le contraire –, mais que dans toutes les pandémies, maladies et souffrances, qui sont liées à la condition déchue de l’homme consécutive au péché, Dieu est présent au plus près de chaque personne qui croit et espère en Lui pour l’aider à surmonter spirituellement ce qui n’a pas pu être empêché physiquement.

Basilica.ro : En tant que journalistes du Patriarcat de Roumanie, nous sommes très présents sur les réseaux sociaux et sur l’Internet. Dans quelle mesure considérez-vous que la présence des voix orthodoxes sur les réseaux en ligne de médias est importante ?

J-C Larchet : Il est évidemment important que les voix orthodoxes soient présentes sur l’Internet, car c’est malheureusement devenu pour la grande majorité de nos contemporains la seule source d’information. Malheureusement, sur les écrans, on lit vite et on lit mal. Pour les lecteurs, la lecture sur écran ne permet pas la même attention et le même approfondissement que la lecture sur papier, et l’information que l’on y trouve est, peut-on dire très fugace, et vite emportée par le flux incessant des autres informations, donc vite oubliée… Il est important de former les jeunes à la lecture traditionnelle en leur en faisant découvrir tous les bienfaits, et de préserver l’édition de livres orthodoxes, dans un monde où la diffusion des livres chrétiens est de plus en plus restreinte et devient de la part des éditeurs une forme d’apostolat.

 

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