mardi 12 novembre 2024

 

Vivre les Béatitudes 1 :

 Une approche orthodoxe des

 « pauvres en esprit »



Les béatitudes, telles qu’elles sont comprises dans la tradition orthodoxe, ne sont pas de simples directives éthiques, mais un chemin de transformation vers la sainteté et la théosis, l’union avec Dieu. Chacune d’entre elles identifie une caractéristique de ce que signifie être semblable au Christ et digne de son Royaume. Jésus nous dit : « Bienheureux les pauvres en esprit, car le Royaume des cieux est à eux » (Matthieu 5, 3). Cette première béatitude nous montre que vivre une vie avec humilité et confiance dans la providence de Dieu est le point de départ fondamental d’une vie chrétienne orthodoxe.


Que signifie « pauvre en esprit » ?

Le concept de pauvreté spirituelle va au-delà de la pauvreté matérielle. Il s’agit de reconnaître notre but, notre besoin spirituel et notre dépendance à l’égard de Dieu. Saint Jean Chrysostome souligne ce point en disant que les « pauvres en esprit » sont ceux qui s’humilient volontairement, tremblent devant les commandements de Dieu et ne comptent pas sur leurs propres forces ou leur propre justice. Être pauvre en esprit , dans ce sens, c’est être profondément conscient de notre état de péché, se repentir volontairement et faire appel à la miséricorde de Dieu pour envoyer le Saint-Esprit se joindre à notre volonté.

L'intuition de saint Grégoire de Nysse

Saint Grégoire de Nysse explique qu’il existe deux types de richesses : la richesse matérielle et la richesse spirituelle. Dans le mode de vie orthodoxe, nous sommes appelés à renoncer à l’attachement aux richesses matérielles et à rechercher plutôt les vertus spirituelles. Il enseigne que nous devons volontairement devenir pauvres dans les passions qui conduisent aux vices qui nous séparent de Dieu, comme l’orgueil, l’égoïsme et l’indulgence dans le péché. C’est une tâche laborieuse de maîtrise de soi et de conscience de soi, reconnaissant que la vraie richesse se trouve dans la ressemblance au Christ, et non dans le statut ou le bien-être mondain.

Le défi de la fierté

L’un des plus grands obstacles à la pauvreté spirituelle est l’orgueil. Saint Grégoire nous prévient que l’orgueil enfle l’âme de vanité et nous éloigne du chemin de l’humilité. Nous pensons que notre propre volonté est suprême. Cela peut se manifester de diverses manières dans la vie moderne, que ce soit par la poursuite de la richesse matérielle, du statut social ou même des réalisations personnelles. L’orgueil peut créer un faux sentiment d’autosuffisance, nous aveuglant sur notre besoin de la grâce de Dieu.

Dans le contexte orthodoxe, le remède à l’orgueil se trouve dans les pratiques ascétiques de l’Église : le jeûne, la prière, le repentir, l’aumône et les sacrements. Ces pratiques nous aident à nous vider de notre autonomie et à ouvrir notre cœur à la grâce de Dieu. Comme l’écrit l’apôtre Paul, le Christ « s’est dépouillé lui-même, prenant la forme d’un serviteur » (Philippiens 2, 7). Nous sommes appelés à faire de même, en adoptant une attitude de service, d’amour et d’humilité.

Applications modernes

Dans le monde d’aujourd’hui, l’appel à la pauvreté spirituelle peut être difficile à vivre dans une culture qui valorise l’autopromotion, la réussite matérielle et l’individualisme. Cependant, il est rappelé au chrétien orthodoxe que la vie est transitoire et que notre véritable objectif est la théosis, l’union avec Dieu, avec la vie éternelle dans son Royaume. L’image que saint Grégoire nous donne d’un cimetière communautaire – où toutes les distinctions terrestres sont supprimées – nous ramène à la réalité de notre nature humaine commune et à la nature éphémère des possessions et du statut matériels.

Être pauvre en esprit aujourd’hui peut signifier réévaluer nos priorités, nous concentrer moins sur notre gain personnel, notre idée du succès ou du bien-être, et davantage sur la croissance spirituelle. Cela peut se manifester par le choix de servir les autres en silence, sans rechercher la reconnaissance, ou en cherchant à vivre simplement, en évitant les excès du consumérisme. Cela implique également d’accepter la repentance, en reconnaissant qu’aucun d’entre nous n’est juste par son propre mérite, mais que nous sommes sauvés par notre coopération avec la grâce.

L'exemple du Christ

L’exemple par excellence de la pauvreté spirituelle est le Christ lui-même, qui, bien qu’égal à Dieu, a choisi de s’humilier et de prendre la forme humaine. Cet acte de dépouillement (kénose) est le modèle des chrétiens orthodoxes. Suivre le Christ signifie se vider de l’orgueil, de l’ego et de l’attachement aux choses du monde, et remplir son cœur d’amour pour Dieu et son prochain.

Concrètement, cela se voit dans la façon dont nous abordons notre vie quotidienne. Sommes-nous prompts à pardonner ? Donnons-nous généreusement à ceux qui sont dans le besoin ? Prions-nous avec humilité, en recherchant la volonté de Dieu avant nos propres désirs ? Ce sont toutes des façons de vivre la béatitude de la pauvreté en esprit.

Conclusion

La conception orthodoxe de la pauvreté spirituelle  exige une vie d’humilité volontaire, d’abnégation et de confiance profonde dans la providence de Dieu. C’est une reconnaissance de nos propres limites et de la grandeur de la miséricorde divine. Par la prière, le repentir et les sacrements, nous recevons la grâce de parcourir ce chemin, en regardant toujours vers le Christ comme l’exemple de la véritable pauvreté spirituelle. Ce faisant, le Royaume des cieux nous est promis, non pas comme une réalité lointaine, mais comme une expérience présente de l’amour et de la présence de Dieu dans nos vies.

 Source : Orthodox way of life