Vivre les Béatitudes 2 : Bienheureux les doux – Le
chemin vers son royaume
Dans la deuxième béatitude, le Christ enseigne : «
Heureux les doux, car ils hériteront la terre » (Matthieu 5, 5). Ce verset,
aussi simple qu’il puisse paraître, a une signification spirituelle profonde.
Saint Grégoire de Nysse en propose une riche interprétation qui offre des
perspectives sur la vie spirituelle et une application pratique pour les
fidèles dans le cadre paroissial. Explorons cette béatitude dans une
perspective orthodoxe et proposons des conseils pratiques pour la vivre.
1. Les
Béatitudes comme échelle vers le ciel
Saint Grégoire de Nysse explique que les Béatitudes sont
organisées en étapes, chacune menant à un état spirituel plus profond et plus
élevé. La douceur est la deuxième étape après celle de « pauvre en esprit » qui
conduit l’âme vers l’union avec Dieu. Bien qu’hériter de « la terre » puisse
sembler être un pas en arrière par rapport au royaume des cieux promis dans la
première, Grégoire précise que la « terre » dont il est question ici n’est pas
le monde matériel mais la terre céleste renouvelée – le Royaume des cieux
lui-même. Par conséquent, la douceur ne concerne pas l’obtention de récompenses
terrestres mais l’héritage spirituel dans la vie à venir.
2.
Qu’est-ce que la douceur ?
La douceur est souvent interprétée à tort comme une attitude
passive, lente ou silencieuse dans toutes les situations. Ce n’était pas la
nature du Christ, de saint Paul et des autres apôtres. Saint Grégoire et
d’autres Pères précisent que la douceur est beaucoup plus dynamique. C’est un
état de force spirituelle, où une personne est stable et insensible aux
passions qui nous éloignent facilement de Dieu. Ce n’est pas une faiblesse,
mais plutôt une force contrôlée, où l’on résiste à la colère, à l’arrogance, à
l’envie et à d’autres tendances pécheresses avec raison et grâce.
La douceur est donc la capacité de l'âme à résister à ces
mouvements passionnés et à rester dans un état de paix et de raison. Une
personne douce ne répond pas aux insultes par la colère, et n'envie pas ceux
qui ont plus de richesse ou d'honneurs. Au contraire, elle maintient sa paix
intérieure, faisant preuve d'amour même envers ceux qui l'offensent.
Dans un monde où la nature humaine est souvent portée vers le
péché et les passions, l’homme doux résiste à ces tentations par la modération
et la persévérance. Cela conduit à la béatitude promise par le Christ. Comme
l’écrit saint Grégoire : « Bienheureux ceux qui ne se laissent pas facilement
emporter par les passions de l’âme, mais qui se laissent calmer par la raison.
»
Il ne s’agit pas de réprimer ses émotions ou de faire comme si
elles n’existaient pas. Il s’agit plutôt d’être conscient de ses émotions et de
contrôler la façon dont on y réagit. La personne douce ne permet pas aux
passions comme la colère ou l’envie de contrôler ses actions ou ses pensées,
mais répond avec calme, patience et amour.
3. Le
chemin pratique vers la douceur dans la vie chrétienne
La douceur n’est pas seulement un idéal élevé, mais une
manière de vivre nécessaire et pratique pour ceux qui cherchent l’union avec
Dieu. Voici quelques moyens de cultiver la douceur dans la vie quotidienne :
Répondre aux insultes avec calme : Dans toute communauté ou
famille, des malentendus et des conflits peuvent survenir. La douceur se
manifeste lorsque nous résistons à l’envie de répondre par la colère ou des
mots durs. Au lieu de cela, nous choisissons le calme et le pardon. Cela crée
la paix dans la famille, la communauté et renforce les relations.
Éviter l’envie et l’orgueil : La douceur nous aide également à
résister à l’envie lorsque les autres reçoivent de la reconnaissance ou des
honneurs. Au lieu de se sentir méprisée, la personne douce se réjouit du succès
des autres et se concentre sur sa propre croissance spirituelle, se rappelant
que Dieu voit le cœur, pas seulement les réalisations extérieures.
Gérer les critiques avec grâce : La vie paroissiale implique
souvent de travailler avec d’autres personnes dans le ministère, ce qui peut
conduire à des désaccords. La douceur nous permet de recevoir les critiques
avec humilité, sans devenir sur la défensive ou plein de ressentiment. Cela
favorise l’unité et nous aide à grandir spirituellement.
Faire preuve de patience dans le service : La douceur signifie
aussi être patient avec les autres, surtout lorsqu'on sert dans la communauté
paroissiale. Qu'il s'agisse de se porter volontaire pour des événements, de
participer à des ministères ou simplement d'assister à des services, la
patience et la compréhension envers les défauts des autres reflètent la douceur
à laquelle le Christ nous appelle.
4.
Développer ces caractéristiques chrétiennes
La vie orthodoxe, telle qu’elle se déroule dans l’Église, nous
offre les outils et les conseils nécessaires pour grandir dans la douceur et
d’autres vertus chrétiennes. Il est primordial de cultiver une vie de prière
quotidienne, qui comprend la prière de Jésus : « Seigneur Jésus-Christ, Fils de
Dieu, aie pitié de moi, pécheur. » Cette prière simple mais puissante nous aide
à développer un esprit calme, nous permettant de devenir plus vigilants sur nos
pensées et nos émotions. À mesure que nous grandissons dans la vigilance, nous
pouvons détecter les premiers signes de colère, d’orgueil ou d’envie, et y
répondre avec humilité et patience plutôt qu’avec passion.
En plus de la prière, la participation à la vie sacramentelle
de l’Église est essentielle pour acquérir la force spirituelle nécessaire pour
surmonter les péchés et rechercher le pardon et la réconciliation lorsque nous
tombons. La confession et la réception de la Sainte Eucharistie sont
essentielles dans ce cheminement. Par la confession, nous recevons le pardon et
la guérison des péchés passés, y compris la colère, l’orgueil et l’envie, qui
peuvent peser sur l’âme. Dans l’Eucharistie, nous sommes unis au Christ et
recevons sa grâce, qui nous permet de vivre une vie de douceur, d’humilité et
d’amour.
En suivant les enseignements et les disciplines anciens qui
nous sont donnés dans l’Église, notre esprit se libère des effets persistants
des passions telles que la colère et l’envie. Grâce à ce processus, nos «
muscles spirituels » sont renforcés, ce qui nous permet de contrôler
correctement notre volonté et de résister aux tentations avec calme, patience
et un esprit clair.
5. La
douceur et l’humilité vont de pair
Selon saint Grégoire, la douceur suit l’humilité. La personne
véritablement douce ne recherche pas les honneurs ou la reconnaissance du
monde, mais se contente de sa relation avec Dieu. Sans humilité, la douceur ne
peut pas prendre racine. Cela signifie accepter nos limites et reconnaître
notre dépendance à Dieu pour tout. Il s’agit de soumettre notre volonté à la
volonté de Dieu. L’humilité nous permet de supporter les insultes, les
déceptions et les défis sans réagir avec colère ou frustration, ce qui conduit
à la véritable douceur. Sans humilité, nous ne deviendrons pas doux.
6. La
douceur comme chemin vers la paix
Saint Grégoire conclut que la douceur apporte la paix à l’âme.
Sans colère ni envie, la personne douce vit dans un état de paix intérieure,
qui se reflète dans ses interactions avec les autres. Cette paix nous rend «
dignes de la nouvelle terre du Paradis », qui est l’héritage ultime promis par
le Christ. La douceur n’est donc pas seulement une vertu personnelle, mais un
état d’être qui rayonne vers l’extérieur, apportant également la paix aux
autres et édifiant ainsi le Corps du Christ.
Conclusion
: Hériter de la Terre
Hériter de la terre, comme le Christ le promet, c’est hériter
du Royaume de Dieu, la réalité nouvelle et transformée qui attend les fidèles.
Dans notre cheminement vers ce Royaume, la douceur nous sert à la fois de
bouclier et de guide. Elle nous protège des passions qui perturbent notre vie
spirituelle et nous guide pour vivre en paix et en harmonie avec les autres.
En cultivant la douceur dans notre vie personnelle et
paroissiale, non seulement nous nous rapprochons de Dieu, mais nous contribuons
aussi à la paix et à l’unité de l’Église. Par la douceur, nous commençons à
goûter à la vie éternelle dans le Royaume de Dieu, où règnent l’amour, la paix
et la joie pour toujours.
Cet article met l'accent sur la signification spirituelle de
la douceur telle qu'enseignée par saint Grégoire de Nysse dans son commentaire
sur les Béatitudes, trouvé dans Ancient Christian Writers, vol 18, pp 58-116.
Publié par le Père Charles Joiner
Source : Orthodox way of
life