lundi 18 novembre 2024

 

Vivre les Béatitudes 2 : Bienheureux les doux – Le chemin vers son royaume

                          

Dans la deuxième béatitude, le Christ enseigne : « Heureux les doux, car ils hériteront la terre » (Matthieu 5, 5). Ce verset, aussi simple qu’il puisse paraître, a une signification spirituelle profonde. Saint Grégoire de Nysse en propose une riche interprétation qui offre des perspectives sur la vie spirituelle et une application pratique pour les fidèles dans le cadre paroissial. Explorons cette béatitude dans une perspective orthodoxe et proposons des conseils pratiques pour la vivre.


1. Les Béatitudes comme échelle vers le ciel

Saint Grégoire de Nysse explique que les Béatitudes sont organisées en étapes, chacune menant à un état spirituel plus profond et plus élevé. La douceur est la deuxième étape après celle de « pauvre en esprit » qui conduit l’âme vers l’union avec Dieu. Bien qu’hériter de « la terre » puisse sembler être un pas en arrière par rapport au royaume des cieux promis dans la première, Grégoire précise que la « terre » dont il est question ici n’est pas le monde matériel mais la terre céleste renouvelée – le Royaume des cieux lui-même. Par conséquent, la douceur ne concerne pas l’obtention de récompenses terrestres mais l’héritage spirituel dans la vie à venir.

2. Qu’est-ce que la douceur ?

La douceur est souvent interprétée à tort comme une attitude passive, lente ou silencieuse dans toutes les situations. Ce n’était pas la nature du Christ, de saint Paul et des autres apôtres. Saint Grégoire et d’autres Pères précisent que la douceur est beaucoup plus dynamique. C’est un état de force spirituelle, où une personne est stable et insensible aux passions qui nous éloignent facilement de Dieu. Ce n’est pas une faiblesse, mais plutôt une force contrôlée, où l’on résiste à la colère, à l’arrogance, à l’envie et à d’autres tendances pécheresses avec raison et grâce.

La douceur est donc la capacité de l'âme à résister à ces mouvements passionnés et à rester dans un état de paix et de raison. Une personne douce ne répond pas aux insultes par la colère, et n'envie pas ceux qui ont plus de richesse ou d'honneurs. Au contraire, elle maintient sa paix intérieure, faisant preuve d'amour même envers ceux qui l'offensent.

Dans un monde où la nature humaine est souvent portée vers le péché et les passions, l’homme doux résiste à ces tentations par la modération et la persévérance. Cela conduit à la béatitude promise par le Christ. Comme l’écrit saint Grégoire : « Bienheureux ceux qui ne se laissent pas facilement emporter par les passions de l’âme, mais qui se laissent calmer par la raison. »

Il ne s’agit pas de réprimer ses émotions ou de faire comme si elles n’existaient pas. Il s’agit plutôt d’être conscient de ses émotions et de contrôler la façon dont on y réagit. La personne douce ne permet pas aux passions comme la colère ou l’envie de contrôler ses actions ou ses pensées, mais répond avec calme, patience et amour.

3. Le chemin pratique vers la douceur dans la vie chrétienne

La douceur n’est pas seulement un idéal élevé, mais une manière de vivre nécessaire et pratique pour ceux qui cherchent l’union avec Dieu. Voici quelques moyens de cultiver la douceur dans la vie quotidienne :

Répondre aux insultes avec calme : Dans toute communauté ou famille, des malentendus et des conflits peuvent survenir. La douceur se manifeste lorsque nous résistons à l’envie de répondre par la colère ou des mots durs. Au lieu de cela, nous choisissons le calme et le pardon. Cela crée la paix dans la famille, la communauté et renforce les relations.

Éviter l’envie et l’orgueil : La douceur nous aide également à résister à l’envie lorsque les autres reçoivent de la reconnaissance ou des honneurs. Au lieu de se sentir méprisée, la personne douce se réjouit du succès des autres et se concentre sur sa propre croissance spirituelle, se rappelant que Dieu voit le cœur, pas seulement les réalisations extérieures.

Gérer les critiques avec grâce : La vie paroissiale implique souvent de travailler avec d’autres personnes dans le ministère, ce qui peut conduire à des désaccords. La douceur nous permet de recevoir les critiques avec humilité, sans devenir sur la défensive ou plein de ressentiment. Cela favorise l’unité et nous aide à grandir spirituellement.

Faire preuve de patience dans le service : La douceur signifie aussi être patient avec les autres, surtout lorsqu'on sert dans la communauté paroissiale. Qu'il s'agisse de se porter volontaire pour des événements, de participer à des ministères ou simplement d'assister à des services, la patience et la compréhension envers les défauts des autres reflètent la douceur à laquelle le Christ nous appelle.

4. Développer ces caractéristiques chrétiennes

La vie orthodoxe, telle qu’elle se déroule dans l’Église, nous offre les outils et les conseils nécessaires pour grandir dans la douceur et d’autres vertus chrétiennes. Il est primordial de cultiver une vie de prière quotidienne, qui comprend la prière de Jésus : « Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur. » Cette prière simple mais puissante nous aide à développer un esprit calme, nous permettant de devenir plus vigilants sur nos pensées et nos émotions. À mesure que nous grandissons dans la vigilance, nous pouvons détecter les premiers signes de colère, d’orgueil ou d’envie, et y répondre avec humilité et patience plutôt qu’avec passion.

En plus de la prière, la participation à la vie sacramentelle de l’Église est essentielle pour acquérir la force spirituelle nécessaire pour surmonter les péchés et rechercher le pardon et la réconciliation lorsque nous tombons. La confession et la réception de la Sainte Eucharistie sont essentielles dans ce cheminement. Par la confession, nous recevons le pardon et la guérison des péchés passés, y compris la colère, l’orgueil et l’envie, qui peuvent peser sur l’âme. Dans l’Eucharistie, nous sommes unis au Christ et recevons sa grâce, qui nous permet de vivre une vie de douceur, d’humilité et d’amour.

En suivant les enseignements et les disciplines anciens qui nous sont donnés dans l’Église, notre esprit se libère des effets persistants des passions telles que la colère et l’envie. Grâce à ce processus, nos « muscles spirituels » sont renforcés, ce qui nous permet de contrôler correctement notre volonté et de résister aux tentations avec calme, patience et un esprit clair.

5. La douceur et l’humilité vont de pair

Selon saint Grégoire, la douceur suit l’humilité. La personne véritablement douce ne recherche pas les honneurs ou la reconnaissance du monde, mais se contente de sa relation avec Dieu. Sans humilité, la douceur ne peut pas prendre racine. Cela signifie accepter nos limites et reconnaître notre dépendance à Dieu pour tout. Il s’agit de soumettre notre volonté à la volonté de Dieu. L’humilité nous permet de supporter les insultes, les déceptions et les défis sans réagir avec colère ou frustration, ce qui conduit à la véritable douceur. Sans humilité, nous ne deviendrons pas doux.

6. La douceur comme chemin vers la paix

Saint Grégoire conclut que la douceur apporte la paix à l’âme. Sans colère ni envie, la personne douce vit dans un état de paix intérieure, qui se reflète dans ses interactions avec les autres. Cette paix nous rend « dignes de la nouvelle terre du Paradis », qui est l’héritage ultime promis par le Christ. La douceur n’est donc pas seulement une vertu personnelle, mais un état d’être qui rayonne vers l’extérieur, apportant également la paix aux autres et édifiant ainsi le Corps du Christ.

Conclusion : Hériter de la Terre

Hériter de la terre, comme le Christ le promet, c’est hériter du Royaume de Dieu, la réalité nouvelle et transformée qui attend les fidèles. Dans notre cheminement vers ce Royaume, la douceur nous sert à la fois de bouclier et de guide. Elle nous protège des passions qui perturbent notre vie spirituelle et nous guide pour vivre en paix et en harmonie avec les autres.

En cultivant la douceur dans notre vie personnelle et paroissiale, non seulement nous nous rapprochons de Dieu, mais nous contribuons aussi à la paix et à l’unité de l’Église. Par la douceur, nous commençons à goûter à la vie éternelle dans le Royaume de Dieu, où règnent l’amour, la paix et la joie pour toujours.

Cet article met l'accent sur la signification spirituelle de la douceur telle qu'enseignée par saint Grégoire de Nysse dans son commentaire sur les Béatitudes, trouvé dans Ancient Christian Writers, vol 18, pp 58-116.

 

Publié par le Père Charles Joiner 

Source : Orthodox way of life