lundi 14 juillet 2025

 

Plaisir égoïste : comment en sortir ?

Sagesse Orthodoxe



Le narcissisme –

La question du plaisir solitaire concerne beaucoup d’hommes et de femmes. L’auto érotisme, du point de vue psychologique (S. Freud, « Cinq leçons sur la psychanalyse »), est une phase du développement de la sexualité et de la sensualité chez l’enfant des deux sexes, comme une recherche d’identification. Avec la maturité, nous sommes appelés à évoluer, notamment quand notre désir se fixe, selon la même théorie psychologique, sur un “objet érotique”, c’est-à-dire une personne dans laquelle se concentre tout notre désir non seulement de plaisir mais d’union. Cette vocation à s’unir à autrui par l’amour et la sexualité nous fait sortir de l’égoïsme et du narcissisme.


La vie personnelle

Du point de vue, non plus seulement psychologique, mais théologique, cet évènement est le signe que nous passons d’une vie seulement individuelle à une vie personnelle: la personne est une identité absolue qui entre en communion avec une ou plusieurs personnes. La sexualité commence ainsi à être évangélisée et transfigurée par l’avènement de la vie personnelle, ou en tout cas, un début de vie personnelle. En effet, la sexualité, partagée dans une relation amoureuse authentique, devient généreuse et il y a bien des cas où, par amour, la personne renonce à son plaisir égoïste par considération pour son conjoint. L’amour véritable, y compris sous sa forme sexuelle, est toujours la préférence d’autrui à soi, c’est ce que nous avons appris de Dieu lieu-même dans le saint Évangile.

L’adultère

Dans ce contexte, la masturbation, loin d’être innocente, est un symptôme d’immaturité de la femme ou de l’homme; l’individu reste alors cantonné dans un comportement narcissique, se passant d’autrui pour jouir (cf. « Le Mur », de J.-P. Sartre), dans la même gourmandise solitaire que celle de qui consomme dans son coin sa tablette de chocolat! De façon plus précise, quand la masturbation subsiste dans la vie de couple, souvent alimentée par des images, elle blesse l’amour conjugal dans lequel le corps de chacun est consacré à l’autre (cf. 1 Co. 7, 4). C’est en réalité tout simplement un adultère: celui ou celle qui fait l’amour avec son conjoint et qui, par ailleurs, se donne un plaisir solitaire, a en fait une “double vie”.

La voix de la conscience

C’est pourquoi il ressent un malaise, car le péché, même quand nous y trouvons du plaisir, tourmente notre conscience – si toutefois nous ne sommes pas complètement anesthésiés! Il y a ici une expérience importante du point de vue de la conscience et de la foi, particulièrement si l’on se nourrit de l’enseignement biblique. Comment sortir de cette impasse? Dieu veut toujours nous faire évoluer, grandir et nous épanouir, rappelons-nous de cela. C’est pour cette raison qu’Il parle à notre conscience et nous invite à nous convertir et à changer dans notre vie ce que nous même nous sentons avoir à y modifier.

Des actes

Le premier acte de maturité spirituelle que nous pouvons faire c’est remercier Dieu de bien vouloir parler à notre conscience et nous montrer notre péché, ce qui est une manifestation de sa miséricorde. Le deuxième acte consiste à le remercier pour toutes les fois où, grâce à sa protection et à celle de ses amis les saints, une telle chute nous a été épargnée, quand vous constatez vous-même que cette chute est devenue rare dans votre vie. La troisième action indispensable à la guérison est la confession sacramentelle et l’absolution: nous avons besoin d’être déliés.

La vigilance

Le quatrième acte auquel nous pouvons consacrer notre cœur est la vigilance accompagnée de la prière. Puisque nous savons que nous pouvons être attaqués par cette tentation égoïste, prions Dieu de nous en garder: prions-le encore plus de nous donner la vigilance devant l’Ennemi! La vigilance se cultive également par l’attention aux pensées et aux suggestions. Dès que nous sentons, du plus loin qu’elle arrive, la suggestion de nous livrer au plaisir égoïste, levons-nous, mettons-nous à une activité physique (ménage, rangements, jardinage, bricolage) ou prenons un livre que nous aimons (roman, vie des saints, ouvrage ascétique…). En tout cas, évitons complètement les images.

La liberté

Ces actions, loin d’avoir une sorte d’efficacité magique par elles-mêmes, ont essentiellement la vertu de manifester la décision que nous avons prise, et, donc, l’exercice de notre liberté. En effet, c’est par la liberté que l’homme sort du péché, non par une intervention unilatérale de Dieu. La liberté consiste ici à exprimer un vrai “non” et à orienter nos pulsions psychiques et physiques vers d’autres objets. Les passions ne sont pas tellement dans le corps que dans l’âme. Progressivement, grâce, non à nos seuls efforts, mais à nos libres choix et à nos libres décisions, surtout à notre amour pour le Christ et la vie bienheureuse qu’Il nous propose, nous sortirons de l’esclavage de la passion égoïste, nous libérerons notre liberté avec l’aide du Seigneur qui crée toujours en nous cette liberté à son image et pour sa ressemblance.

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La masturbation, un péché ?

 

Le péché –

C’est un moins dans la vie de l’homme. En français, “pécher par” veut dire, non pas transgresser, mais manquer d’un bien, montrer un défaut, faillir. Le mal n’ayant pas d’existence propre, il est défini comme un moindre bien, un affaiblissement du bien, à la limite la disparition d’un bien, un non bien. Et le seul vrai bien est l’amour.

Sexualité conjointe

Au Paradis, la sexualité a été donnée par Dieu à l’être humain en tant que couple. C’est, ni à l’homme seul ou à la femme seule qu’elle a été confiée, mais aux deux. La sexualité, coordonnée à la fécondité ou expression de la tendresse des époux, est l’héritage des deux, elle est conjointe. Aussi, tout pratique sexuelle solitaire est inférieure à la nature essentielle de la sexualité; c’est un moindre bien que de jouir seul, en dehors de la communion des personnes, comme si cette jouissance appartenait à un être solitaire. Mais Dieu n’a pas créé l’homme solitaire.

Amour de soi-même

L’autoérotisme est l’expression par excellence de l’amour de soi et de l’autosuffisance (cf. Jean-Paul Sartre, « Le Mur »). Or, la tendresse pour soi-même, que les Pères considèrent comme le péché fondamental, est un repli égoïste ou égocentrique, et, une négation de la relation et de la communion interpersonnelles qu’annonce l’image de Dieu en l’homme. En effet, nous sommes créés à l’image de Dieu Père et Fils et saint Esprit, c’est-à-dire selon une image trinitaire, un principe de communion des personnes. Se faire plaisir à soi-même est très inférieur au bien suprême de la communion des personnes; l’autosatisfaction se prive du mystère de la communion. Quand ceci advient dans le cadre du mariage, c’est l’équivalent de l’adultère, qui consiste à disposer seul de ce qui appartient aux deux conjoints. Du reste, des personnes qui ont pris l’habitude de ce comportement narcissique ont souvent du mal à vivre la relation conjugale de façon généreuse.

Gaspillage

Chez l’homme, le plaisir solitaire revient à un gaspillage, ce qu’on appelle l’onanisme, un gâchis des énergies créées, de la précieuse semence porteuse, comme l’ovule, d’humains potentiels. Ceci est bibliquement (Gen. 38,1-11) une souillure, comme l’est le sang versé. Ici encore, le mal est un moindre bien: la semence créée pour la vie est perdue et meurt.

Despotisme du plaisir

Très grave est l’asservissement de l’homme créé libre. L’être humain connaît d’autres formes de dépendance; l’addiction sexuelle, quelle qu’elle soit, est particulièrement difficile à guérir, et c’est un tort d’y inciter de petits enfants dans des cours d’ “éducation sexuelle”. Pourquoi proposer à l’homme moins que ce dont il est capable, quand on peut lui proposer plus? L’inciter à être esclave au lieu de l’inviter à la liberté? – ta sexualité, ton sexe ne sont ni des objets ni des jouets; ils sont saints comme tout ton corps, baptisé et devenu ainsi temple de l’Esprit de Dieu (cf. Kallistos Ware, « Tout ce qui vit est saint », Paris, 2003). La proposition chrétienne est d’associer toujours l’expérience sexuelle à la communion des personnes.

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Sur la masturbation

L'une des addictions sexuelles les plus graves et les plus douloureuses est la masturbation. C'est un sujet délicat à aborder pour beaucoup, car c'est un acte que la société promeut comme une saine expression d'amour-propre, ce qui est en contradiction directe avec les enseignements bibliques et religieux qui affirment qu'il s'agit de l'exemple le plus destructeur d'auto-abus. Le désir de soi est tout aussi nocif, voire plus, que le désir d'autrui. Ce que nous ressentons pour nous-mêmes, nous le projetons sur les autres. Le manque de respect de soi se transforme en manque de respect envers notre prochain et envers Dieu.

Le Père Christophe commence par nous rappeler que nous sommes appelés à une relation d'amour avec Dieu et avec les autres. Le cœur de cet amour est de toujours aimer Dieu d'abord, puis notre prochain comme nous-mêmes. S'aimer soi-même, cependant, doit être un amour pur, fondé sur la sainte communion avec Dieu, et non sur la satisfaction de nos propres désirs charnels. Le Malin nous entraîne dans le péché des addictions sexuelles, y compris la masturbation, en tentant d'alimenter nos désirs charnels par des pensées impures qui se transformeront en un désir ardent d'agir selon ces pensées et d'adopter un comportement pécheur et destructeur. La vision orthodoxe de la masturbation a toujours été une forme de suicide physique, émotionnel et spirituel. Cette vision est corroborée par Romains 8:13 qui nous dit : « Car si vous vivez selon la chair, vous mourrez ; mais si par l'Esprit vous faites mourir les actions du corps, vous vivrez. »

Tout péché sexuel est destructeur car il implique une forme d'abus du corps. La Bible déclare que le corps est le temple du Saint-Esprit et doit être traité comme tel. Toute forme d'abus contre le corps est un manque de respect non seulement envers le corps, mais aussi envers le Saint-Esprit à qui il est consacré. Nous sommes appelés à prendre soin de notre corps de manière à honorer Dieu d'abord, puis nous-mêmes. En cherchant à nous satisfaire par diverses formes d'addictions sexuelles, non seulement nous nous privons d'une vision saine de nous-mêmes, mais nous privons aussi Dieu de la possibilité de nous mettre en communion avec lui et avec un partenaire potentiel avec qui nous pouvons profiter du sacrement du mariage, fondé sur l'amour et le respect mutuels.

Il est difficile de traiter cette addiction particulière en raison des professions médicales et scientifiques qui prônent la masturbation comme un moyen sain de satisfaire ses besoins sexuels hors relation. Sous prétexte d'être en connexion naturelle avec son propre corps, les professions qui étudient le corps et le soignent promeuvent un acte qui cause plus de tort au corps qu'on ne veut bien l'admettre. Le serment de la profession médicale étant de « ne pas nuire », il est paradoxal que les médecins encouragent des comportements qui engendrent clairement plus de problèmes qu'ils n'en résolvent. La masturbation, comme la pornographie, nourrit des fantasmes sexuels irréalistes qui deviennent ensuite des attentes dans les relations réelles. Lorsque ces attentes ne sont pas satisfaites, la relation s'effondre, car le fantasme a pris le pas sur la réalité.

De nombreux Pères et Mères de l'Église ont écrit sur les addictions sexuelles, dont la masturbation, car ils étaient eux-mêmes tentés de s'adonner à ces comportements destructeurs. Une sainte, sainte Dymphne, faillit succomber à la luxure de son père après que la mort de sa femme l'eut poussé à chercher une remplaçante. On lui répondit alors que la seule femme capable de le satisfaire autant que sa femme était sa propre fille ! Sainte Dymphne s'enfuit aussitôt lorsqu'elle apprit les intentions de son père. Une autre sainte, sainte Justine, fut assiégée une nuit par les pensées les plus perverses envers un jeune homme de son village. Elle tomba à genoux, priant Dieu avec ferveur de la délivrer de cet assaut charnel. Nombreuses sont les histoires de saintes qui comprirent de visu les tentations de la sexualité, car elles aussi furent tentées.

Le Père Christophe conclut en nous orientant vers les saints, qui nous serviront de guides et d'exemples pour surmonter les addictions sexuelles qui nous tentent chaque jour. Par la prière, le jeûne et surtout la confession, le besoin de liberté et d'acquérir la pureté sexuelle comme un don ne peut fondamentalement venir que par la grâce et l'action du Saint-Esprit.

Source : St Georges