Saints,
glorieux et illustres Apôtres PIERRE et PAUL,
les
Premiers-Coryphées
”Le saint Apôtre Pierre, appelé préalablement Simon, naquit
dans la bourgade de Bethsaïde, sur la rive nord du lac de Gennésareth. Il était
fils de Jonas, de la tribu de Nephtali. Il s’était marié [Selon certains sa
femme était fille d’Aristobule, le frère de l’apôtre Barnabé. Quelques
documents commémorent au 31 mai, Ste Pétronille, fille de S. Pierre, mais il
s’agit en fait d’une vierge romaine, martyre du Ier s.] et vivait à Capharnaüm,
exerçant la modeste profession de pêcheur avec son frère André, qui était
disciple de saint Jean le Précurseur (cf. 30 nov.). Au début du ministère
publique de Notre Seigneur, le saint Précurseur désigna à André et à Jean, fils
de Zébédée, Celui qu’il appelait l' »Agneau de Dieu ». André
rejoignit son frère et lui dit : « Nous avons trouvé le Messie! » Et le
lendemain, il l’emmena auprès de Jésus qui, posant son regard sur lui, dit : «
Simon, fils de Jonas; tu seras appelé Céphas » – ce qui signifie Pierre. Ce
changement de nom signifiait pour lui la transformation de sa vie et, dès lors,
il suivit Jésus qui parcourait la Galilée, annonçant la Bonne Nouvelle du
Royaume et guérissant toutes les maladies, sans toutefois abandonner
complètement la pêche. Quand Jésus eut enseigné dans la synagogue de
Capharnaüm, Pierre l’invita dans sa maison, où sa belle-mère se trouvait alitée
souffrant d’une forte fièvre. Jésus la guérit, et elle se leva aussitôt pour le
servir. Un jour, le Seigneur monta dans la barque de Pierre pour prêcher à la
foule qui le serrait de trop près. Quand il eut fini de parler, il ordonna à
Simon de s’éloigner au large et de jeter ses filets. Le disciple et ses
compagnons obéirent, alors qu’ils avaient peiné inutilement toute la nuit
précédente, et ils prirent tant de poissons que leurs filets s’en rompaient.
Admirant ce signe de la puissance de Jésus, Pierre tomba à ses pieds et
s’exclama : « Éloigne-Toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur! »
Mais Jésus le releva et lui dit : « Sois sans crainte, désormais ce sera des
hommes que tu prendras. » Pierre abandonna alors définitivement sa barque, ses
filets et sa famille, pour suivre Jésus. Son amour était si ardent qu’il
s’imposa à la tête du chœur des douze Apôtres élus par le Seigneur, non comme
un chef possédant une autorité coercitive – comment cela aurait-il été possible
alors que le Seigneur leur avait interdit d’avoir entre eux des prétentions
hégémoniques (cf. Mat. 20, 27; 23, 10)? – mais plutôt comme le porte-parole des
Apôtres et l’interlocuteur privilégié du Maître. C’est aussi à cause de son
zèle et de son amour ardent qu’il le choisit, avec Jacques et Jean, pour être
témoins des manifestations les plus éclatantes de Sa nature divine : lors de la
résurrection de la fille de Jaïre, le chef de la synagogue (cf. Mat. 5, 37) et,
surtout, lors de Sa transfiguration sur le Mont Thabor (cf. 6 août). Ce
caractère de disciples privilégiés les fit reconnaître comme les « colonnes »
de l’Église par les autres apôtres (cf. Gal. 2, 9).
Après que le Seigneur eut multiplié les pains pour nourrir
plus de cinq mille personnes, Il ordonna à ses disciples de monter en barque et
de le devancer, pendant qu’Il renverrait la foule. La nuit venue, comme
l’embarcation se trouvait harcelée par les vagues, avec un vent contraire,
Jésus vint vers eux en marchant sur les eaux. Les disciples effrayés crurent
voir un fantôme, mais Pierre, porté par sa foi, descendit de la barque, sur
l’ordre de Jésus, et marcha lui aussi sur les eaux à sa rencontre. Mais saisi
soudain d’un sentiment humain, il prit peur et commença à s’enfoncer dans l’eau
et cria : « Seigneur, sauve-moi! » Jésus lui tendit la main et le saisit, en
disant : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté? » Et dès qu’ils montèrent
dans la barque, le vent tomba. Tel était en effet Pierre, tant que le
Saint-Esprit n’eut pas scellé sa foi par la perfection de la grâce déifiante :
un homme au caractère ardent et impulsif, à l’amour sans réserve pour le
Messie, qui lui faisait dépasser les limites de la nature, mais revêtu aussi de
faiblesse et d’imperfection. Quand, un peu plus tard, Jésus exposa qu’Il était
Lui-même le Pain de vie descendu du ciel et que quiconque ne mangerait pas la
Chair du Fils de l’homme et ne boirait pas son Sang ne pourrait avoir la vie
éternelle (cf. Jn. 6), beaucoup de ses disciples l’abandonnèrent trouvant ces
paroles trop dures. Jésus se tourna alors vers les Douze et leur demanda s’ils
voulaient partir eux aussi. Pierre rétorqua aussitôt : « Seigneur, à qui
irions-nous? Tu as les paroles de vie éternelle. » Une autre fois, parvenu dans
la région de Césarée de Philippe, Jésus, après avoir interrogé ses disciples
sur les opinions qu’on se faisait sur le Fils de l’homme, leur demanda : « Pour
vous, qui dites-vous que je suis? » Devançant les autres, Pierre s’exclama : «
Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant! » Le Seigneur loua Pierre de cette
confession de foi en Sa divinité, en disant qu’elle lui avait été révélée par
le Père, et il ajouta : « Tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon
Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle. À toi, je te
donnerai les clés du Royaume des cieux, et ce que tu lieras sur la terre sera
lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les
cieux » (Mat. 16, 18-19).
[De cette fameuse promesse du Christ les apologistes
catholiques ont tiré leur principal argument pour justifier la prétention du
pape de Rome à une juridiction universelle, au-dessus des autres évêques. Mais
pour les saints Pères, tant grecs que latins, c’est moins sur la personne de
Pierre que sur la « pierre » de sa confession de foi en la divinité
du Christ que le Seigneur a promis de fonder son Église; de sorte que c’est à
tous ceux qui Le confesseront, comme Pierre, qu’Il promet de donner « les
clés du Royaume des cieux », en particulier aux évêques qui, tous, siègent
sur la « chaire de Pierre » (S. Cyprien), étant donné que toutes les
églises locales possèdent la même plénitude de grâce (catholicité). En effet,
si nul n’a jamais songé à remettre en question la primauté de l’évêque de Rome,
reconnue dans toute l’Église ancienne, celle-ci était moins due à
l' »apostilicité » de ce siège – car Pierre a fondé bien d’autres Églises,
notamment celle d’Antioche – qu’au fait de la notoriété de Rome comme capitale
de l’Empire (cf. Concile de Chalcédoine, canon 28). Cette primauté n’avait donc
aucun caractère de juridiction universelle, mais consistait seulement en une
« présidence dans l’amour », pour le bon ordre des affaires
ecclésiastiques. Une telle conception de la primauté reste celle de l’Église
Orthodoxe, et dans l’éventualité d’un retour du siège romain à la communion
orthodoxe, le Pape y retrouverait sa place naturelle de « premier entre
les égaux ».]
Immédiatement après cette scène, qui avait manifesté que
l’amour de Pierre pour le Seigneur lui procurait la connaissance de la Vérité,
Jésus commença à annoncer sa Passion et sa Résurrection, et Pierre, retombant
derechef dans des sentiments humains, le réprimanda, en disant : « Seigneur!
Non cela ne t’arrivera pas. » Jésus se détourna de lui et dit : « Retire-toi,
derrière moi Satan! Tu es pour moi un obstacle, car tes pensées ne sont pas
celles de Dieu, mais celles des hommes! » De même, lors de la dernière Cène,
comme le Seigneur lavait les pieds de ses disciples, Pierre refusa avec
véhémence. Jésus lui répondit doucement : « Si je ne te lave pas, tu n’auras
plus rien de commun avec moi. » Le repas achevé, le Seigneur annonça, plus clairement
que jamais, qu’Il devrait être livré à la mort pour ressusciter ensuite, et Il
prédit qu’Il allait être abandonné par ses disciples. Pierre, encore une fois
emporté par son zèle, s’écria avec présomption, en s’élevant au-dessus de ses
compagnons : « Même si tous trébuchent, eh bien! pas moi! » Jésus répondit avec
calme et tristesse : « En vérité, je te le dis, cette nuit même, le coq n’aura
pas chanté deux fois que tu m’auras renié par trois fois. » Pierre suivit Jésus
au jardin de Gethsémani, avec Jacques et Jean, et ceux qui avaient été jugés
dignes de la lumière de sa gloire au Thabor furent témoins de son agonie, de
l’extrême manifestation de sa nature humaine; mais succombant encore à leur
faiblesse, ils s’endormirent, tandis que le Maître versait des larmes de sang
dans sa prière. Toutefois, quand les serviteurs du grand prêtre arrivèrent et
portèrent la main sur Jésus, Pierre saisit son glaive et coupa l’oreille droite
de Malchus.
Jésus le rabroua et lui ordonna de remettre son épée au
fourreau, en rappelant qu’il convenait qu’Il soit arrêté pour que les Écritures
s’accomplissent. Cet élan ayant été retenu, Pierre abandonna le Seigneur, avec
tous les autres disciples, et suivit de loin le cortège, jusqu’au palais du
grand prêtre. Ayant réussi à pénétrer à l’intérieur, dans la cour, une servante
le reconnut et dit : « Toi aussi, tu étais avec Jésus le Nazaréen. » Saisi de
crainte par les paroles d’une femme, celui qui avait juré qu’il irait
volontiers à la mort pour le Seigneur, le renia. Interrogé pour la troisième
fois, il porta serment, avec fortes imprécations, disant : « Je ne connais pas
cet homme! » Aussitôt, un coq chanta, et Pierre se souvenant des paroles de
Jésus, sortit et pleura amèrement son reniement. Au matin du troisième jour
après la Passion, Marie Madeleine et les autres saintes femmes qui avaient vu
le tombeau vide et l’ange resplendissant leur annonçant la résurrection du
Seigneur, allèrent l’annoncer à Pierre et Jean. Les deux disciples coururent
vers le tombeau et, le disciple Bien-aimé étant arrivé le premier, il laissa
Pierre entrer avant lui dans le sépulcre, où ils virent les bandelettes
déposées dans un coin. Ce jour-là, semble-t-il, le Seigneur ressuscité apparut
à Pierre, seul (cf. Luc 24, 34; I Cor. 15, 5).
Quelque temps après, les disciples étant retournés à leurs
occupations sur le lac de Tibériade, et alors qu’ils avaient travaillé en vain
toute la nuit, quelqu’un les interpella du rivage et leur prescrivit de jeter
encore une fois leurs filets. Comme ils peinaient pour remonter à bord les 153
gros poissons qu’ils avaient pris, Jean dit à Pierre : « C’est le Seigneur! »
Aussitôt, lâchant le filet, Pierre mit son vêtement et se jeta à l’eau pour
gagner au plus vite le rivage à la nage et se prosterner aux pieds de Jésus.
Après avoir partagé avec eux le repas, pour leur montrer qu’Il était bien
vivant, en chair et en os, Jésus demanda à trois reprises à Pierre : «
M’aimestu? » Et Pierre, corrigeant son triple reniement par la triple
confession de son amour, fut restauré dans sa position de coryphée du chœur
apostolique par la puissance divine du repentir, et il se vit confier par le
Seigneur la responsabilité pastorale de Son Église. Après avoir assisté à
l’Ascension de Notre Seigneur, Pierre prit la tête de la communauté, d’environ
cent vingt personnes, qui s’était réunie dans la chambre haute, persévérant
dans la prière dans l’attente de l’effusion du Saint-Esprit. Il proposa de
tirer au sort un remplaçant pour occuper la place de Judas le traître, et
Matthias fut élu au nombre des Apôtres. Le jour de la Pentecôte, les Apôtres
ayant été remplis du Saint-Esprit, parvinrent à la pleine connaissance du Grand
Mystère du Salut, et ils furent dès lors capables de porter témoignage sur le
Seigneur devant les peuples, en publiant les merveilles de Dieu en diverses
langues.
Pierre, comme toujours premier par le zèle, prit alors la
parole et annonça aux nombreux Juifs présents que Jésus, cet homme qu’ils
avaient mis à mort, était bel et bien ressuscité, et que désormais siégeant à
la droite du Père comme Christ et Seigneur, Il avait répandu sur eux le
Saint-Esprit. Plus de trois mille personnes, saisies de componction, se
repentirent et furent baptisées ce jour-là. La communauté grandissait
rapidement, mais les apôtres fréquentaient encore le Temple pour l’observance
des prières juives. Un jour, comme Pierre et Jean se rendaient au Temple pour y
prier, un impotent de naissance leur demanda l’aumône. Pierre le regarda et dit
: « De l’argent et de l’or, je n’en ai pas, mais ce que j’ai je te le donne :
au Nom de Jésus-Christ le Nazaréen, lève-toi et marche! » Et le mendiant se
releva, guéri. Une très grande foule s’étant rassemblée, Pierre leur annonça,
plus clairement cette fois, que ce miracle n’avait été accompli que par la
puissance de Jésus, le Messie annoncé par les prophètes; et que c’était pour
leur salut, à eux Juifs, en premier lieu, qu’Il était ressuscité des morts.
Beaucoup de ses auditeurs embrassèrent la foi, et le nombre des fidèles s’éleva
à environ cinq mille. Mais les gardes du Temple vinrent arrêter les Apôtres et
les conduisirent en prison. Ils comparurent le lendemain devant le grand prêtre
et le Sanhédrin, et Pierre, rempli de l’Esprit Saint, déclara qu’il avait agi
au Nom de Jésus, qu’ils avaient crucifié mais qui était ressuscité, et qu’il «
n’y a pas sous le ciel d’autre nom, par lequel nous devions être sauvés. »
Constatant leur assurance les juges les relâchèrent en leur défendant
d’enseigner au nom de Jésus. Mais Pierre répliqua : « Nous ne pouvons pas ne
pas publier ce que nous avons vu et entendu »; et il continua d’annoncer avec
audace la Bonne Nouvelle, prenant soin des fidèles et veillant à la bonne
organisation de la communauté. Un certain Ananie, et sa femme Saphire, ayant
menti sur le prix du champ dont ils avaient déposé la somme aux pieds des
Apôtres, se vit sévèrement repris par Pierre, il expira sur-le-champ, et sa
femme peu après. Comme les Apôtres continuaient de prêcher dans le Temple, en
accomplissant de nombreux signes et prodiges, ils furent à nouveau mis en
prison, mais un ange vint de nuit les délivrer. Les gardes les retrouvèrent au
Temple et les amenèrent devant le grand prêtre.
Comme celui-ci leur rappelait son interdiction, Pierre
répliqua : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes! » et il déclara qu’ils
étaient « témoins » que Jésus-Christ est ressuscité pour accorder le
repentir et la rémission des péchés. Relâchés après avoir été battus de verges,
les Apôtres n’en continuèrent pas moins, chaque jour, leur prédication. Pierre
s’étant rendu à Samarie pour y confirmer les nouveaux baptisés, Simon le Mage
lui proposa de l’argent en vue d’obtenir, lui aussi, le pouvoir du
Saint-Esprit; mais l’Apôtre lui répondit violemment : « Que ton argent périsse
avec toi, parce que tu as estimé que le don de Dieu peut s’acquérir avec de
l’argent. » Il passa ensuite à Lydda, où il guérit un paralytique, nommé Enée,
et il ressuscita Tabitha à Joppé. Comme il s’était arrêté pour quelques jours
dans cette ville, résidant dans la maison de Simon le corroyeur, il eut par
trois fois une vision l’invitant à manger sans faire de distinction entre les
animaux purs et impurs, proscrits par la Loi. Peu après, des messagers, venus
de Césarée, se présentèrent et dirent qu’averti par un ange, le centurion
romain Corneille les avait envoyés à sa recherche. Parvenu à Césarée, Pierre
commença à parler de Jésus dans la maison de Corneille, et l’Esprit Saint
descendit sur ses auditeurs païens, comme le jour de la Pentecôte. Malgré
l’étonnement des croyants juifs, il ordonna de les baptiser, en disant : «
Peut-on refuser l’eau du baptême à ceux qui ont reçu le Saint-Esprit comme
nous? » À son retour à Jérusalem il fut pris à partie par les Juifs et dut
raconter sa vision pour les convaincre que les païens devaient eux aussi être admis
dans l’Église. Quand le roi Hérode Agrippa eut fait périr saint Jacques, le
frère de Jean (41-44), il fit aussi arrêter Pierre. La nuit précédant le jour
où il devait comparaître en jugement, alors qu’il était endormi, enchaîné dans
sa prison, un ange du Seigneur apparut, inondant le cachot de lumière. Dès
qu’il eut touché Pierre, les chaînes lui tombèrent des mains et sur l’ordre de
l’ange, il se vêtit, passa les portes qui s’étaient ouvertes d’elles-mêmes et
se rendit dans la maison de la mère de Marc, où une assemblée de fidèles priait
(cf. 16 janv.).
Il descendit alors à Césarée et de là continua ses
prédications en Judée et dans des contrées plus lointaines. Dans sa Première
Épître, saint Pierre s’adresse aux chrétiens du Pont, de Galatie, de Cappadoce,
d’Asie et de Bithynie, ce qui fait supposer qu’il s’était rendu dans ces
régions pour les évangéliser. D’autres traditions [La liste de ces villes
évangélisées par S. Pierre, qui a été préservée dans la tradition
hagiographique, est issue des sources apocryphes, en particulier des Homélies
attribuées à S. Clément de Rome. La doctrine de ces textes a été rejetée, mais
ils ont peut-être conservé le souvenir de lieux effectivement évangélisés par
l’Apôtre ou par ses disciples.] rapportent que de Césarée, il visita
Sidon, Béryte et le reste de la Phénicie, puis, après un séjour dans l’île
d’Antarados, il évangélisa plusieurs villes jusqu’à Laodicée. À Antioche de
Syrie, il affronta Simon le Mage, qui trompait beaucoup de monde par ses
subterfuges sataniques, et ordonna saint Marcien et saint Pancratios (cf. 9
juil.) pour aller évangéliser la Sicile. Il se rendit ensuite à Tyane en
Cappadoce, puis Ancyre en Galatie, où il ressuscita un mort. Poursuivant son
périple dans le Pont, il retrouva son frère André à Sinope, puis évangélisa
Amasée, Gangres en Paphlagonie, Claudiopolis de la province d’Honorias, et
parvenu en Bithynie, il séjourna à Nicomédie et Nicée, où il sema la parole de
Vérité. On rapporte que c’est alors qu’il reprit le chemin de Jérusalem, et qu’il
s’y trouvait lorsque Paul et Barnabé arrivèrent pour rendre compte de leurs
missions auprès des païens. Comme certains fidèles du parti des pharisiens
déclaraient qu’il fallait circoncire les païens qui avaient adhéré au Christ,
une longue discussion s’éleva.
Pierre prit la parole et soutint qu’il était inutile d’imposer
à ces fidèles le fardeau de la Loi, puisque tous, Juifs et païens, sont sauvés
par la Grâce du Seigneur Jésus. Finalement, après le discours de Jacques, qui
présidait cette assemblée, on décida de ne pas tracasser les païens convertis
par les exigences caduques de l’ancienne Alliance, et de leur demander
seulement de s’abstenir des mets offerts aux idoles, des unions illégitimes et
du sang des animaux étouffés. Saint Pierre se rendit ensuite à Antioche, y
frayant librement avec les fidèles d’origine païenne; mais quand des frères
arrivèrent de Jérusalem, il s’abstint de fréquenter les chrétiens issus de la
gentilité. Paul le reprit alors, devant tout le monde, et l’exhorta à vivre en
conformité avec l’enseignement de l’Évangile et des décisions prises au concile
de Jérusalem (cf. Gal. 11, 14). Reprenant ses courses apostoliques, Pierre
aurait alors ordonné Evode évêque d’Antioche (cf. 7 sept.), puis Prochore à
Nicomédie et Corneille le Centurion à Héliopolis [Selon d’autres à Sképsis, ou
encore Césarée (cf. 13 sept.)]. Il eut là, dit-on, une vision du Seigneur qui
lui ordonnait de pousser vers l’Occident.
En passant à Tarse, il y ordonna Orcanos; à Éphèse, il plaça
Phrygèle qui ensuite se sépara de l’Église pour suivre Simon le Mage; à Smyrne
il ordonna Apelle (10 sept.), frère de saint Polycarpe; Olympas à Philippes en
Macédoine (10 nov.); Jason à Thessalonique [Plutôt Silvain (cf 30 juil.).
Jason, Silas et Hérodion étaient toutefois disciples de S. Paul]; Silas à
Corinthe (30 juil.) et Hérodion à Patras (28 mars). Abordant en Sicile, il fut
reçu avec de grands honneurs par son disciple, saint Pancratios, et parvint
enfin à Rome, où il enseigna quotidiennement le peuple sur la vraie foi en la
sainte Trinité. Jaloux de la renommée grandissante de l’Apôtre, Simon le Mage
qui, ayant été amené à Rome pour y être exécuté, avait réussi à subjuguer
l’empereur Claude par ses prodiges, rassembla une grande foule et feignit de
ressusciter un mort par un de ses artifices. Il prenait aussi diverses
apparences, suscitant l’étonnement admiratif de ses spectateurs. Comme il était
porté en l’air par deux démons, Pierre pria, et le Mage s’abattit à terre et
périt lamentablement. Le peuple poussa des cris d’admiration devant la
puissance accordée par Dieu à ses apôtres et écouta avec ferveur sa
prédication. Après avoir ordonné Lin comme évêque de Rome [Car Pierre ne fut
jamais lui-même évêque de Rome, la mission apostolique étant distincte du
ministère épiscopal.] , il passa à Terracine, ordonna Epainétos en Espagne (30
juil.), Crescens à Carthage (30 juil.) et, parvenu en Égypte, il institua Rufus
évêque en Thébaïde et saint Marc à Alexandrie (25 av.). Il se trouvait à
Jérusalem pour assister à la dormition de la Mère de Dieu, puis retourna à Rome
pour y confirmer les fidèles, et termina, disent certains, ses voyages
apostoliques par Milan, poussant même jusqu’à la Grande-Bretagne. [Plus encore
que les précédentes, ces dernières étapes sont hautement improbables.] Ayant
reçu d’un ange la révélation qu’il devrait trouver la mort à Rome, saint Pierre
obéit au dessein de la Providence et retourna dans la capitale, où il ordonna
saint Clément (24 nov.), pour succéder à Lin qui venait de décéder. On raconte
qu’il fut arrêté sur ordre de l’empereur Néron, dont il avait converti les deux
épouses, et que, ses deux disciples ayant été libérés, il fut crucifié la tête
en bas, à sa demande : car, dit-il, le Seigneur ayant été crucifié debout,
comme pour regarder vers la terre et vers les damnés qu’Il allait délivrer, il
convenait que lui, disciple, regardât vers le ciel où il allait se rendre. [Il
semble, en fait, certain que l’Apôtre souffrit le martyre lors de la soudaine
et sauvage persécution que Néron déclencha en 64, reportant sur les chrétiens
la responsabilité du grand incendie qui venait de ravager la ville, et dont il
était probablement lui-même l’auteur. Les historiens de l’époque (Tacite)
racontent qu’aux supplices accoutumés, le tyran dément ajouta d’outrageantes dérisions
: certains moururent déchirés par les chiens après avoir été recouverts de
peaux de bêtes, d’autres, dont saint Pierre, furent attachés à des croix dans
les grands jardins voisins du cirque, sur la colline du Vatican, et la nuit
venue, ils furent brûlés en guise de torches nocturnes, pour distraire les
invités de l’empereur.]
De saint Paul, le « Premier après l’Unique », que
dire? alors que le maître de l’éloquence, saint Jean Chrysostome, était pris
d’une sorte d’ivresse dès qu’il prononçait son nom, et qu’il interrompait son
discours pour chanter ses louanges. Lui qui s’estimait le dernier des apôtres,
et indigne même du nom d’apôtre, devint le Vase d’élection de la grâce, à nul
autre semblable, tant par l’abondance des révélations et des dons spirituels,
mais surtout par les travaux et les tribulations endurées au nom du Christ, de
sorte qu’en vérité il a pu être nommé l’Apôtre par excellence. Juif de la tribu
de Benjamin, il naquit à Tarse, en Cilicie (vers l’an 10), dans une de ces
communautés juives de la Dispersion, qui restaient farouchement fidèles aux
traditions de leurs pères. Il avait reçu le nom de Saül et jouissait, par son
père, du statut privilégié de citoyen romain. Il grandit dans cette ville
cosmopolite au contact de la civilisation grecque, mais son zèle pour la Loi
porta ses parents à l’envoyer à Jérusalem, où, étant entré dans la secte des
Pharisiens, il suivit l’enseignement du fameux rabbi Gamaliel l’Ancien. Il
partageait la haine de ses pères pour les chrétiens, qu’il considérait comme de
dangereux transgresseurs de la Loi, et c’est en l’approuvant qu’il assista à la
lapidation de saint Étienne. Animé d’un furieux empressement et ne
« respirant que menace et carnage à l’égard des disciples du
Seigneur », il pénétrait dans les maisons, en arrachait hommes et femmes,
et les jetait en prison. Ayant obtenu du grand prêtre des lettres de
recommandation, il se mit en route pour la synagogue de Damas, afin d’emmener
enchaînés à Jérusalem les adeptes du Christ qu’il y trouverait.
Comme il approchait de Damas, une lumière venue du ciel
l’enveloppa soudain de sa clarté. Tombant à terre, il entendit une voix qui
disait : « Saül, Saül, pourquoi me persécutes-tu? » – « Qui es-tu, Seigneur? »
demanda-t-il. – « Je suis Jésus, c’est moi que tu persécutes », reprit la voix,
et elle lui recommanda d’entrer dans la ville. Saül se releva de terre, mais il
ne voyait plus rien, ses yeux ayant été comme brûlés par l’éclat excessif de
cette lumière, que lui seul avait vue, et il dut être conduit par la main à
Damas par ses compagnons. Il resta trois jours, sans boire ni manger, jusqu’au
moment où un disciple, nommé Ananie (cf. 1er oct.), ayant été prévenu par un
ange, vint lui imposer les mains au Nom de Jésus pour lui rendre la vue, et il
le baptisa. Devenu aussitôt un autre homme et rempli de l’Esprit Saint, Paul se
mit à proclamer Jésus Fils de Dieu dans les synagogues, à la grande
stupéfaction des Juifs qui avaient entendu parler de lui comme d’un ennemi
acharné des chrétiens. Ils finirent par se concerter pour le faire mourir;
mais, prévenu à temps, Paul put s’enfuir en étant descendu le long de la
muraille dans une corbeille. Il se rendit alors en Arabie, à l’est du Jourdain
(cf. Gal. 1, 17), où il passa deux ans, préparant ses missions dans la retraite,
par le jeûne et la prière. À partir de ce moment, toute sa vie fut entièrement
consacrée au service du Seigneur qui l’avait « saisi », allant droit
de l’avant, tendu de tout son être, en vue du prix que Dieu réserve, dans le
Christ, à ses fidèles serviteurs (cf. Phil. 3, 14). Il pouvait se vanter d’être
« mort à la Loi, afin de vivre à Dieu », proclamant à haute voix : «
Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi! » (Gal. 2,20).
Le Seigneur se révéla à lui, en effet, par quantité de visions
et de révélations; et, un jour [Vers l’an 44, à Antioche, semble-t-il], il fut
même ravi jusqu’au troisième ciel et y entendit des paroles ineffables,
qu’aucun homme avant lui n’avait pu entendre (cf. II Cor. 12). Loin de
s’enorgueillir cependant de l’excellence de ces révélations, il ne s’en
dépensait que davantage au ministère de l’Évangile, avec une fougue qui lui
faisait mépriser tous les risques : Sept fois il fut emprisonné [D’après le
témoignage de S. Clément de Rome], cinq fois flagellé par les Juifs, trois fois
battu de verges, une fois lapidé, à trois reprises il fit naufrage. « Voyages
sans nombre, dangers des rivières, dangers des brigands, dangers de mes
compatriotes, dangers des païens, dangers de la ville, dangers du désert,
dangers de la mer, dangers des faux frères! Labeurs et fatigues, veilles
fréquentes, faim et soif, jeûnes répétés, froid et nudité! Et sans parler du
reste, mon obsession quotidienne, le souci de toutes les Églises! » (II Cor.
11, 25-28). De toutes ces faiblesses, il se glorifiait pourtant, et il se
complaisait dans les outrages et les persécutions endurées pour le Christ, car
le Seigneur lui avait Lui-même déclaré en vision : « Ma grâce te suffit : car
la puissance se déploie dans la faiblesse » (II Cor. 12, 9). Accomplissant le
ministère de la Prédication par des signes, des prodiges et par la puissance de
l’Esprit, depuis Jérusalem jusqu’à l’Illyrie et aux confins de l’Occident,
l’Apôtre se présentait, « faible et tout tremblant », sans que son
discours n’eût rien de la sagesse du monde, et ne voulant rien proclamer
d’autre que « Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié » (cf. I Cor. 2). Il se
faisait « tout à tous, afin d’en sauver à tout prix quelques-uns »,
engendrant dans le Christ des disciples, pour lesquels il ne cessait de
souffrir volontairement, jusqu’à ce que le Christ fût pleinement formé en eux,
par la grâce de l’Esprit de filiation (cf. Gal. 4).
Ayant fait un bref séjour à Damas après sa retraite en Arabie,
Paul dut s’enfuir à nouveau et il se rendit à Jérusalem. Comme les fidèles
avaient peur de lui et ne pouvaient croire qu’il fût vraiment devenu disciple,
Barnabé le présenta aux Apôtres Pierre et Jacques, et se porta garant de
l’authenticité de sa vision. Dès lors, Paul allait et venait avec eux, prêchant
avec assurance au Nom du Seigneur. Mais, au bout de deux semaines seulement
(Gal. 1, 18), des Juifs « hellénistes » [C’est-àdire des Juifs de la
Dispersion, qui parlaient le grec] ayant formé le projet de le tuer, il fut
emmené par des disciples à Césarée, où il s’embarqua pour Tarse, sa patrie. Peu
après, la nouvelle étant parvenue à Jérusalem, que des païens avaient embrassé
la foi à Antioche, on y députa Barnabé. Celui-ci y constata la grâce accordée
par Dieu et partit chercher Paul à Tarse, et pendant un an ils vécurent à
Antioche y instruisant une foule considérable. C’est là que les disciples
reçurent pour la première fois le nom de chrétiens. Un prophète ayant annoncé
qu’une grande famine allait affliger l’Empire, et en particulier la Palestine
(49-50), les fidèles d’Antioche firent une collecte et chargèrent Paul et
Barnabé de porter ces secours aux frères de Jérusalem. Quand ils furent de
retour à Antioche, un jour où la communauté était en prière, l’Esprit Saint dit
: « Mettez-moi donc à part Barnabé et Saül en vue de l’œuvre à laquelle je les
ai appelés. » Après avoir jeûné et prié, les frères leur imposèrent les mains
et les envoyèrent en mission. Ils s’embarquèrent à Séleucie pour Chypre.
À Salamine, ils se mirent aussitôt à annoncer la Parole de Dieu
dans les synagogues, et ils traversèrent l’île, jusqu’à Paphos, où le proconsul
romain, Sergius Paulus, embrassa la foi, malgré l’opposition du magicien Elymas
que Paul frappa de cécité. De Paphos, ils gagnèrent Pergé en Pamphylie, et de
là Antioche de Pisidie, où Paul convertit nombre de Juifs et de prosélytes
après avoir prêché le repentir dans la synagogue. Le sabbat suivant, presque
toute la ville s’assembla pour entendre la Parole de Dieu; et comme les Juifs
faisaient opposition à l’Apôtre, en l’interrompant par des blasphèmes, il
rétorqua : « Puisque vous ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle, eh
bien! nous nous tournons vers les païens! » Tout joyeux, les païens qui étaient
présents accueillirent sa prédication et embrassèrent la foi. Mais les Juifs
ayant gagné les notables, firent chasser de la cité Paul et Barnabé, qui se
rendirent alors à Iconium. Ils commencèrent, là aussi, leur prédication par la
synagogue, et une grande foule de Juifs et de païens adhérèrent à la foi. Les
apôtres prolongèrent leur séjour, le Seigneur rendant témoignage à leur
enseignement par des signes et des prodiges. Cependant leur succès suscita là
encore l’opposition des Juifs restés incrédules, et ils durent chercher refuge
en Lycaonie. À Lystres, Paul guérit un impotent de naissance, et la foule,
prenant les deux apôtres pour des dieux, voulut leur offrir un sacrifice.
Cependant des Juifs vinrent d’Antioche et d’Iconium, et ils réussirent à
tourner en haine l’enthousiasme des habitants de Lystres. Paul fut lapidé, puis
traîné comme mort en dehors de la ville. Dès qu’il se fut relevé, il partit
pour Derbé, où il fit bon nombre de disciples, puis il retourna à Lystres,
Iconium et Antioche pour affermir le cœur des croyants, leur disant : « Il faut
passer par bien des tribulations pour entrer dans le Royaume de Dieu. » Dans
chaque Église qu’il fondait, l’Apôtre désignait des anciens, pour régir la
communauté, régler les différents et poursuivre son enseignement. Les ayant
tous confiés à la protection du Seigneur, ils reprirent le chemin du retour
vers Antioche de Syrie. À leur arrivée, ils rassemblèrent l’Église et
racontèrent tout ce que Dieu avait réalisé par leur entremise, et comment Il
avait ouvert aux païens la porte de la foi. C’est alors que des frères, venus
de Judée, prétendirent qu’il était nécessaire pour les païens convertis de se
faire circoncire. Une vive discussion s’ensuivit, et Paul et Barnabé furent
envoyés auprès des Apôtres à Jérusalem pour trancher ce litige. Ils y
rapportèrent tout ce que Dieu avait accompli parmi les païens et, après avoir
statué pour ne pas imposer aux Gentils le fardeau inutile de la Loi, les
« colonnes » : Pierre, Jacques et Jean, tendirent la main à Paul et
Barnabé, en signe de communion, leur confiant l’évangélisation des païens,
tandis qu’eux se réservaient celle des circoncis (Gal. 2). De retour à
Antioche, Paul y annonça assez longtemps la Bonne Nouvelle.
C’est alors qu’il blâma Pierre qui, par crainte des fidèles
issus du Judaïsme, avait cessé de fréquenter les frères d’origine païenne.
Quelque temps après, Paul décida d’entreprendre un second grand voyage
missionnaire, pour visiter et encourager les frères dans les villes
précédemment évangélisées (de 49 à 53). Étant entré en désaccord avec Barnabé,
à propos de Marc qui les avait abandonnés en Pamphylie, ils se séparèrent :
Barnabé et Marc partirent pour Chypre, alors que Paul, prenant avec lui Silas
(cf. 30 juil.), partit à pied vers le nord. Ils traversèrent la Syrie et la
Cilicie, où ils affermirent les disciples, puis visitèrent Derbé, Lystres et
Iconium. À Lystres, ils s’adjoignirent Timothée (cf. 22 janv.), puis, leur
mission ayant rencontré des obstacles en Asie et en Bithynie, ils se rendirent
à Troas, où Paul eut une vision l’engageant à porter l’Évangile en Macédoine.
Parvenus à Philippes, par Samothrace et Néapolis (Thrace), les apôtres
adressèrent la parole, le jour du sabbat, à des femmes qui s’étaient
rassemblées hors de la ville pour y prier. Le Seigneur ouvrit le cœur de Lydie,
qui se fit baptiser avec tous les siens, et offrit l’hospitalité aux apôtres.
Mais quand Paul eut chassé le démon d’une esclave qui rendait des oracles, ses
maîtres, voyant disparaître leurs espoirs de gain, livrèrent Paul et Silas aux
magistrats, en les accusant de jeter le trouble dans la ville. Ils furent roués
de coups et jetés dans un profond cachot, les pieds serrés dans des ceps. Vers
minuit, alors que les deux apôtres chantaient les louanges de Dieu, un violent
tremblement de terre ébranla la prison, les liens des prisonniers se détachèrent
et les portes s’ouvrirent.
Devant ce prodige leur geôlier demanda à recevoir aussitôt le
baptême, avec tous les siens. Au matin, les licteurs venus les relâcher, furent
effrayés en apprenant qu’ils étaient citoyens romains, et ils leurs firent publiquement
des excuses. Lorsqu’ils arrivèrent à Thessalonique, Paul se rendit, comme de
coutume, à la synagogue pour y prêcher d’abord aux Juifs le Christ ressuscité
des morts. Quelques-uns d’entre eux se laissèrent convaincre, ainsi qu’un grand
nombre de païens et certaines dames de la haute société. Les Juifs ne se
lassaient pas cependant de provoquer des troubles et ils avertirent les
autorités, accusant les apôtres d’agir à l’encontre des édits de l’empereur en
proclamant un autre roi : Jésus. Sortant de la ville, de nuit, à la dérobée,
Paul et Silas se rendirent à Bérée, où les Juifs accueillirent avec grand
empressement leur prédication, et de nombreuses conversions s’ensuivirent. Mais
des perturbateurs étant arrivés de Thessalonique, Paul dut partir pour Athènes,
laissant Silas et Timothée derrière lui pour confirmer l’œuvre accomplie.
Parvenu dans la capitale de l’Hellénisme, Paul fut bouleversé de voir cette
ville pleine d’idoles. Il s’entretenait avec les Juifs à la synagogue et chaque
jour sur l’agora, avec les passants, philosophes ou curieux à l’affût des
dernières nouveautés. Prenant la parole un jour, debout au milieu de
l’Aréopage, l’Apôtre leur dit que, parcourant la ville, il avait trouvé un
autel portant l’inscription : « Au dieu inconnu ». « Eh bien! ce que vous
adorez sans le connaître, je viens, moi, vous l’annoncer! » dit-il à haute
voix. Et il continua son discours sur le Dieu Créateur du ciel et de la terre,
utilisant avec habileté les meilleures intuitions des philosophes païens relativement
à la vocation divine de l’homme. Mais quand il se mit à parler d’un homme
ressuscité des morts, ses auditeurs se moquèrent de lui, excepté Denys
l’Aréopagite (cf. 3 oct.), une femme nommée Damaris (cf. 2 oct.) et quelques
autres qui embrassèrent la foi.
Quittant alors Athènes, Paul se rendit à Corinthe, où il
demeura dans la maison de Priscille et Aquila (cf. 13 fév.), qui exerçaient
comme lui la profession de fabricants de tentes. Pendant la semaine, il gagnait
son pain à la sueur de son front, sans profiter de son droit à vivre de la
prédication de l’Évangile, afin de n’être à charge à personne et de ne pas
donner à ses opposants prétexte à accusation; et le jour du sabbat, il
discourait à la synagogue. Se heurtant une fois encore à l’opposition des Juifs,
il se tourna vers les païens, et beaucoup de Corinthiens se firent baptiser. À
part de rares exceptions, Paul ne baptisait pas lui-même, car son œuvre était
de « poser des fondements » par la prédication de la Bonne Nouvelle,
et il laissait ses disciples bâtir le Temple de Dieu dans le cœur des fidèles
et organiser la communauté ecclésiale. Par la suite, il écrira aux chrétiens de
Corinthe ses deux Épîtres qui nous sont conservées, et peut-être d’autres, pour
les réprimander sur les rivalités qui les divisaient, blâmer les pratiques qui
s’écartaient de la conduite évangélique et leur enseigner à tout faire
« dignement et dans l’ordre », en recherchant les dons spirituels,
dont le couronnement est la Charité, pour leur édification commune, en un seul
Corps. Encouragé à persévérer dans sa prédication, Paul resta dans cette ville
un an et demi, et c’est là qu’il écrivit sa première Épître, adressée aux
chrétiens de Thessalonique, qui s’inquiétaient sur le sort des défunts lors du
retour glorieux du Christ. Les Juifs, insatiables en intrigues, parvinrent à le
traduire en justice devant le proconsul d’Achaïe, Gallion, mais celui-ci refusa
de prendre parti dans une controverse concernant la Loi, et il le renvoya.
Prenant finalement congé des frères de Corinthe, Paul s’embarqua pour Antioche.
Faisant halte à Éphèse, il prêcha brièvement à la synagogue, et quitta la ville
en promettant à ceux qui l’avaient écouté avec intérêt de revenir bientôt.
Effectivement, après avoir passé quelque temps à Antioche, il repartit pour un
troisième périple (de 53 à 58). Ayant parcouru la Galatie et la Phrygie en
confirmant la foi des disciples, il revint à Éphèse pour y poursuivre l’œuvre
entreprise.
Il trouva là une douzaine de chrétiens, convertis par Apollos,
mais qui n’avaient reçu que le baptême de Jean. Dès qu’ils furent baptisés et
que Paul leur eut imposé les mains, ils se mirent à prophétiser, remplis de
l’Esprit Saint. Pendant trois ans, Paul parla à Éphèse du Royaume des cieux, et
comme il se heurtait à l’opposition des Juifs à la synagogue, il prit à part
les disciples et compléta leur instruction dans une salle louée. C’est ainsi
que la Bonne Nouvelle put se propager dans toute la province d’Asie. De plus
l’Apôtre soutenait de loin, grâce à ses lettres, les chrétiens de Corinthe et
de Galatie. [Selon certains, c’est alors qu’il écrivit aussi son Épître aux
Philippiens, qui, selon d’autres, doit être rangée parmi les Épîtres de la
Captivité.] Dieu opérait par ses mains de nombreux miracles, à tel point qu’il
suffisait d’appliquer sur les malades des mouchoirs ou des linges qui avaient
touché son corps, pour qu’ils soient guéris. Un tel succès inquiétait les
orfèvres qui vivaient du culte d’Artémis. Ils se soulevèrent, provoquant une
grande confusion dans la ville, et la foule traîna les compagnons de Paul au
Théâtre. Quand le tumulte eut pris fin, par peur des autorités romaines, Paul
décida de partir pour la Macédoine et, exhortant les fidèles de lieu en lieu,
il revint à Corinthe où il passa l’hiver (57-58). Il y corrigea les déviations
qu’il avait déjà condamnées par lettre, et c’est là qu’il écrivit sa grande
Épître aux Romains, qui définit de manière capitale la doctrine du Salut, comme
don gratuit accordé par la grâce de Dieu, moyennant la foi en Jésus-Christ.
Ayant reçu les fruits de la collecte destinée aux frères de Jérusalem, il
projeta d’aller la leur remettre en main propre, le jour de la Pentecôte. Les
Juifs ayant de nouveau suscité un complot contre lui, il voulut s’embarquer
pour la Syrie, mais l’Esprit lui dit de s’en retourner par la Macédoine.
À Troas, comme il enseignait les frères, toute la nuit, après
la célébration de l’Eucharistie, un adolescent, nommé Eutyque, entraîné par le
sommeil, tomba du troisième étage. On le releva mort, mais Paul le ressuscita.
Il se rendit ensuite à pied à Assos et Myre, puis s’embarqua pour Milet, où les
anciens de la communauté d’Éphèse vinrent le voir. Il leur annonça que l’Esprit
Saint l’avait averti que chaînes et tribulations l’attendaient à Jérusalem,
mais il ajouta : « Je n’attache aucun prix à ma propre vie, pourvu que je mène
à bonne fin ma course et le ministère que j’ai reçu du Seigneur Jésus : rendre
témoignage à l’Évangile de la grâce de Dieu ». Puis, leur rappelant les labeurs
qu’il avait dépensés pour la fondation de leur Église, il les exhorta à se
sacrifier pour l’édification des fidèles et, après
avoir prié à genoux, tous se jetèrent, en sanglots, au cou de Paul pour lui
dire adieu. Passant par Kos, Rhodes et Patare, l’Apôtre fit halte à Tyr pour y
enseigner les fidèles, puis il repartit par Ptolémais et continua à pied
jusqu’à Césarée de Palestine, où il fut reçu dans la maison de Philippe le
Diacre (cf. 11 oct.). Malgré les avertissements du prophète Agabus, il continua
sa marche volontaire vers Jérusalem, disant à ses compagnons qu’il était prêt
non seulement à être arrêté, mais encore à mourir à Jérusalem pour le Nom du
Seigneur. Il fut accueilli avec joie par les frères de la Ville sainte et, les
anciens s’étant réunis chez Jacques, Paul leur exposa en détail toutes ses
missions parmi les païens, et il leur remit l’argent réuni par les jeunes
communautés pour venir en aide aux pauvres de Jérusalem. Averti par les Apôtres
que les Juifs ne manqueraient pas de l’accuser d’avoir abandonné les pratiques
de la Loi, il se joignit alors à un groupe d’hommes qui, tenus par un vœu,
allaient offrir un sacrifice au Temple. Lorsque les sept jours de ce vœu
touchèrent à leur fin, des Juifs d’Asie ayant aperçu Paul dans le Temple,
ameutèrent la foule et mirent la main sur lui, en l’accusant de prêcher partout
contre le Temple et les prescriptions du Judaïsme.
On le traîna hors du Temple, en cherchant à le faire mourir,
mais des soldats intervinrent pour le dégager et le portèrent jusqu’aux degrés
montant à la forteresse Antonia. Paul, s’adressant en araméen au peuple,
réussit à imposer le silence et il raconta sa conversion, mais dès qu’il
mentionna sa mission auprès des païens, la foule hurla : « Otez de la terre un
pareil individu! Il n’est pas digne de vivre! » Le tribun ordonna de lui donner
la question, mais Paul ayant révélé qu’il était citoyen romain, il fut épargné.
Le lendemain, il comparut devant le Sanhédrin et déclara qu’il était emprisonné
pour son espérance en la résurrection. Ces paroles suscitèrent une querelle
entre Saducéens et Pharisiens, qui étaient justement divisés sur cette
question, et il fut reconduit à la forteresse. Le Seigneur lui apparut la nuit
suivante, et lui dit : « Courage! de même que tu as rendu témoignage de Moi à
Jérusalem, ainsi faut-il encore que tu témoignes à Rome. » Le tribun, ayant
appris que les Juifs avaient fomenté un complot pour le tuer, fit transférer
Paul, sous bonne escorte, à Césarée, où résidait le procurateur Félix. Le grand
prêtre et quelques anciens vinrent y déposer contre lui, mais Paul démontra que
sa conduite n’était en rien condamnable, tant au regard des lois romaines que
du Judaïsme. Félix reporta l’affaire jusqu’au retour du tribun Lysias et, entre
temps, il vint avec sa femme écouter le prisonnier parler du Seigneur Jésus;
mais dès que Paul évoqua la continence et le Jugement à venir, Félix le renvoya
effrayé. L’Apôtre resta deux années prisonnier à Césarée, jusqu’à ce que
Porcins Festus, ayant succédé à Félix (60), voulût le transférer à Jérusalem
pour y être jugé; mais Paul en appela à l’empereur, en qualité de citoyen
romain. Il comparut devant le roi Agrippa, venu à Césarée saluer Festus, et,
après avoir entendu son apologie, ce dernier déclara qu’il aurait pu être
relâché s’il n’en avait appelé à César. Embarquant avec son escorte de soldats
et quelques disciples, ils parvinrent à Myre en Lycie, où ils trouvèrent un
navire en partance pour l’Italie. C’est à grand peine qu’ils arrivèrent au sud
de la Crète, et, ne voulant pas y passer l’hiver, ils reprirent la route malgré
les avertissements de Paul. Peu après, le navire fut pris dans une violente
tempête. Alors qu’on avait perdu tout espoir de salut, Paul annonça qu’un ange
lui était apparu pour l’avertir que Dieu lui accorderait la vie sauve, ainsi
qu’à tous les passagers, car il convenait qu’il parvînt à Rome. Au bout de
quatorze jours, le navire échoua à Malte, où les rescapés purent passer
l’hiver.
Ils reprirent la mer trois mois plus tard et, passant par
Syracuse et Rhégium, abordèrent au port de Puteoli (Puzzoles), puis gagnèrent
de là Rome à pied, par la voie Appia. Des frères, informés de sa venue, vinrent
à la rencontre de l’illustre prisonnier et, une fois parvenu dans la capitale,
Paul put jouir d’un régime de faveur, logeant dans un appartement où il pouvait
recevoir librement des visiteurs. C’est pendant cette détention de deux ans
(61-63) qu’il écrivit ses Épîtres aux Églises de Colosses, (Philippes) et
Éphèse, dans lesquelles il évoque toute la profondeur du Mystère du Christ,
tenu caché en Dieu depuis l’origine et révélé, à l’accomplissement des temps,
afin qu’en Lui, en qui toute la plénitude de la divinité habite corporellement,
tous les êtres, aussi bien sur la terre que dans les cieux, soient réconciliés
par la Croix, et que les hommes deviennent fils adoptifs de Dieu par la grâce
du Saint-Esprit. Prescrivant inlassablement aux Églises de tout accomplir dans
l’ordre et la charité, l’Apôtre exhortait ses disciples à revêtir l’Homme
Nouveau, afin que, grandissant dans la charité et la vérité de l’Évangile vers
Celui qui est la Tête, ils réalisent la plénitude du Corps du Christ.
Le procès devant le tribunal de l’empereur s’étant terminé par
un non-lieu, Paul fut libéré et, de Rome, il se rendit peut-être en Espagne,
comme il le désirait depuis longtemps (cf. Rom. 15, 24). [Le récit des Actes
des Apôtres s’interrompt sur la captivité de Paul à Rome.] Il semble qu’il ait
fait ensuite un autre voyage en Orient, passant par la Crète, l’Asie Mineure,
Troas et la Macédoine, comme en témoignent ses Épîtres à Timothée et à Tite. De
nouveau arrêté (67), dans des circonstances qui sont restées inconnues, il fut
conduit à Rome, seul avec Luc, et soumis à une réclusion de beaucoup plus
pénible que lors de son premier emprisonnement. Du fond de son cachot, insalubre,
froid, ténébreux et humide, l’Apôtre écrivait : « Le moment de mon départ est
venu. J’ai combattu le bon combat jusqu’au bout, j’ai achevé ma course. Et
maintenant, voici qu’est préparée pour moi la couronne de justice… » (II Tim.
4, 7). Après avoir été soumis à un jugement en tant que citoyen romain, il fut
décapité, sur la route d’Ostie, à quelque distance de la ville. On rapporte que
la tête de l’Apôtre rebondit à trois reprises sur le sol et que trois sources
jaillirent là. [Les chefs des saints Apôtres Pierre et Paul sont conservés dans
la basilique Saint-Jean du Latran; une partie du corps de S. Paul se trouve
sous l’autel de la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs, et l’autre, avec le
corps de S. Pierre, sous l’autel de la basilique Saint-Pierre du Vatican. La
fête d’aujourd’hui commémore, depuis le IVe s., le transfert des corps des deux
Coryphées à la catacombe de S. Sébastien, sur la voie Appia, pour échapper à la
profanation, lors de la persécution de Valérien (258). Le calme revenu, le pape
Silvestre les restitua à leurs sépultures d’origine.]
Source : https://foi-orthodoxe.fr