METROPOLITE
HILARION [Alfeyev]
LA PRIERE
Métropolite Hilarion
Ce texte sur les diverses formes de prières, est la transcription d’une série de causeries données à la télévision russe par le Père Hilarion [Alfeyev], à présent Métropolite, avec la bénédiction de Sa Sainteté, feu le Patriarche Alexis II de Moscou et de Toute la Russie, au printemps 1999.
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La prière
comme rencontre
La prière est une rencontre avec le Dieu vivant. Le
christianisme donne à l'homme un accès direct à Dieu, Qui écoute l'homme,
l'aide, et l'aime. C'est la différence fondamentale entre le christianisme et,
par exemple, le bouddhisme, dans lequel, pendant la méditation, celui qui prie,
traite avec un certain être super impersonnel, dans lequel il est plongé
et dans lequel il est dissous, mais il ne se ressent pas Dieu comme une
personne vivante. Dans la prière chrétienne, l'homme ressent la présence du
Dieu vivant.
L'homme devenu Dieu nous est révélé dans le christianisme.
Lorsque nous nous trouvons devant une icône de Jésus-Christ, nous contemplons
le Dieu incarné. Nous savons qu'il est impossible de représenter, de dessiner
ou de dépeindre Dieu sur une icône ou une image. Mais il est possible de
représenter Dieu fait homme, comme Il S'est révélé aux gens. Par Jésus-Christ
comme homme nous découvrons Dieu pour nous-mêmes. Cette découverte a lieu dans
la prière, dans la conversion au Christ.
Par la prière, nous savons que Dieu participe à tout ce qui se
fait dans nos vies. Par conséquent, la conversation avec Dieu ne devrait pas
avoir lieu dans le contexte de nos vies, mais devrait être son contenu
principal. Il y a beaucoup de barrières entre l'homme et Dieu qui ne peuvent
être surmontées qu'avec l'aide de la prière.
Il est souvent demandé: pourquoi avons-nous besoin de
prier, de demander quelque chose à Dieu, si Dieu sait déjà ce dont nous avons
besoin? C'est ainsi que je répondrais… Nous ne prions pas pour mendier
quelque chose de Dieu. Oui, dans certains cas, nous Lui demandons effectivement
une aide spécifique dans diverses circonstances de tous les jours. Mais cela ne
devrait pas être le contenu principal de la prière.
Dieu peut seulement être un "agent intermédiaire"
dans nos affaires terrestres. Le contenu principal de la prière doit toujours
consister à être debout devant Dieu, dans la rencontre avec Lui. Nous devons
prier pour être avec Dieu, entrer en contact avec Dieu, pour ressentir la
présence de Dieu.
Cependant, une rencontre avec Dieu ne se fait pas toujours
dans la prière. Après tout, même lors d'une rencontre avec une personne, nous
ne sommes pas toujours en mesure de surmonter les barrières qui nous divisent
et à descendre dans les profondeurs; souvent notre communication avec les gens
est limitée au niveau de la surface. Il en est ainsi également dans la
prière.
Parfois, nous pensons qu’entre Dieu et nous, il y a une sorte
de mur blanc, que Dieu ne nous écoute pas. Mais nous devons comprendre que Dieu
n'a pas placé cette barrière là: nous-mêmes l’avons érigée par nos
péchés.
Selon les paroles d'un théologien médiéval occidental, Dieu
est toujours à côté de nous, mais nous sommes souvent loin de Lui; Dieu nous
écoute toujours, mais nous ne L’entendons pas; Dieu est toujours en nous, mais
nous sommes à l'extérieur; Dieu est à la maison en nous, mais nous sommes
étrangers à Lui.
Rappelons-nous ceci, quand nous nous préparons pour la prière.
Rappelons-nous que chaque fois que nous sommes dans la prière, nous entrons en
contact avec le Dieu Vivant.
La prière comme dialogue
La prière est un dialogue. Elle comprend non seulement le fait
que nous nous tournions vers Dieu, mais aussi la réponse de Dieu Lui-même.
Comme dans tout dialogue, dans la prière, il est important non seulement de
parler et de s'exprimer, mais aussi d’écouter la réponse. La réponse de Dieu ne
vient pas toujours directement dans les minutes de la prière; elle arrive
parfois un peu plus tard. Il peut arriver, par exemple, que nous demandions à
Dieu une aide immédiate, mais elle arrive seulement après plusieurs heures ou
plusieurs jours. Mais nous comprenons qu'elle a eu lieu parce que nous avons
demandé de l'aide de Dieu dans la prière.
Par la prière, nous pouvons apprendre beaucoup de choses sur
Dieu. En priant, il est très important d'être prêt pour ce que Dieu nous
révèle; mais Il peut se révéler autre que nous l'avions imaginé. Souvent, nous
faisons l'erreur de nous approcher de Dieu avec nos propres idées sur Lui, et
ces idées peuvent occulter pour nous l'image réelle du Dieu vivant, que Dieu
Lui-même peut nous révéler. Souvent, les gens créent dans leur esprit une sorte
d'idole et prient cette idole. Cette idole morte, créée artificiellement
devient un obstacle ou une barrière entre Dieu Vivant et nous.
"Faites-vous une fausse image de Dieu et essayez de le prier. Faites-vous
une image d'un juge impitoyable et cruel, et essayez de le prier avec confiance
et amour, " a fait remarquer le Métropolite Antoine de Souroge. Ainsi,
nous devrions être prêts pour que Dieu se révèle comme différent de
celui que nous avions imaginé qu’Il serait. Par conséquent, dans l'approche la
prière, il faut abandonner toutes les images que notre imagination et notre
fantaisie humaines produisent.
La réponse de Dieu peut avoir lieu de différentes manières,
mais la prière n'est jamais à sens unique. Si nous ne recevons pas une réponse,
cela signifie que quelque chose n'est pas juste en nous-mêmes; cela signifie
que nous ne sommes pas encore suffisamment "accordés" au droit chemin
pour rencontrer Dieu.
Il est un instrument appelé diapason, utilisé pour accorder
les pianos; cet appareil donne le son clair d'un "La." Les cordes du
piano doivent être tendues de façon à ce que le son qu'elles produisent soit en
stricte conformité avec le son de diapason. Tant que la corde du "La"
n'est pas assez tendue, peu importe combien de fois vous frappez les touches,
le diapason reste silencieux. Mais au moment où la corde atteint le degré
nécessaire de tension, le diapason - une pièce sans vie de métal - va
soudainement commencer à sonner. Après avoir ajusté la corde du "La",
le maître peut alors configurer ce "La" dans les autres octaves (dans
un piano chacune touche frappe plusieurs cordes, créant un son
spécial surround). Ensuite, il peut définir la "Ré",
"Do", et ainsi de suite, une octave après l'autre, jusqu'à ce que
finalement l'ensemble de l'instrument soit configuré en conformité avec le
diapason.
Il doit en être ainsi pour nous dans la prière. Nous devrions
nous mettre au diapason de Dieu, en ajustant notre vie entière - toutes les
cordes de notre âme - à Lui. Lorsque nous ajustons notre vie à Dieu; lorsque
nous apprenons à accomplir Ses commandements; quand l'Evangile devient notre
loi morale et spirituelle; et lorsque nous apprenons à vivre en accord avec les
Commandements de Dieu, alors nous commençons à sentir comment l'âme répond à la
présence de Dieu dans la prière, comme un diapason répond à une corde
parfaitement tendue.
Quand devrions-nous prier ?
Quand et combien de temps faut-il prier? L'apôtre Paul
écrit: Priez sans cesse (1 Thessaloniciens 5:17). Saint Grégoire le
Théologien écrit: "Il faut se souvenir de Dieu plus souvent que l'on
respire." Idéalement, toute la vie du chrétien doit être imprégnée de
prière.
Beaucoup de problèmes, les chagrins, et les tribulations
viennent parce que les gens oublient Dieu. Il y a des criminels qui sont
croyants, mais au moment de commettre leurs crimes, ils n'ont pas pensé à Dieu.
Il est difficile d'imaginer quelqu'un commettre un assassinat ou un vol tout en
pensant à Dieu Qui voit tout, à Qui aucun mal n’est caché. Et l'homme commet
tout péché précisément dans ces moments où il ne se souvient pas Dieu.
La majorité des gens ne sont pas capables de prier au cours de
la journée, raison pour laquelle on a besoin de trouver un moment, même très
court, où l'on peut se souvenir de Dieu.
Dans la matinée, vous vous réveillez avec des pensées sur ce
qui doit être fait ce jour-là. Avant de commencer les travaux et de vous
plonger dans l'agitation inévitable, consacrez au moins quelques minutes à
Dieu. Tenez-vous debout devant Dieu et dites: "Seigneur, Tu m'as donné ce
jour; aidez-moi à le passer sans péché, sans souillure; garde-moi de tout mal
et de tout malheur." Et invoquez la bénédiction de Dieu sur la journée qui
commence.
Tout au long de la journée, efforcez-vous de vous souvenir
plus souvent de Dieu. Si vous ne vous sentez pas bien, tournez-vous vers Lui
par la prière: "Seigneur, je ne suis pas bien; aide-moi. " Si vous
vous sentez bien, dites à Dieu: "Seigneur, gloire à Toi; Je Te remercie
pour cette joie" Si vous êtes inquiet au sujet de quelqu'un, dites à Dieu:
"Seigneur, je suis inquiet pour lui; Je suis préoccupé par lui; aide-moi
"Et ainsi de suite tout au long de la journée… Quoi qu'il vous arrive,
mettez-le dans votre prière.
Quand le jour est parvenu à sa fin et que vous êtes prêt pour
aller au lit, rappelez-vous la dernière journée, rendez grâces à Dieu pour
toutes les bonnes choses qui ont eu lieu, et offrez la repentance pour tous les
actes et les péchés indignes que vous avez commis au cours de la journée.
Demandez de l'aide et la bénédiction de Dieu pour la nuit à venir. Si vous
apprenez à prier comme ceci au cours de tous les jours, vous remarquerez très
vite combien plus profonde deviendra votre vie.
Les gens justifient souvent leur réticence à prier par le fait
qu'ils sont trop occupés et sont surchargés de choses à faire. Oui, beaucoup
vivent dans un rythme différent de celui des peuples de l'antiquité. Parfois,
nous devons faire un grand nombre de choses au cours de la journée. Mais dans
la vie il y a toujours certaines pauses. Par exemple, nous pourrions être à
l'arrêt de bus pendant trois à cinq minutes; si nous prenons le train, pendant
vingt ou trente minutes. Nous composons un numéro et obtenons un signal occupé
- encore quelques minutes. Utilisons au moins ces pauses pour la prière; Que
cela ne soit pas du temps perdu.
Les prières brèves
Les gens demandent souvent: comment devons-nous prier, avec
quels mots, et dans quelle langue? Certains disent même: "Je ne
prie pas parce que je ne sais pas comment; Je ne connais pas de
prières." On n'a pas besoin de quelque compétence spécialisée pour la
prière. On peut simplement parler avec Dieu. Aux services divins de
l'Église orthodoxe [russe], nous utilisons un langage spécial: le slavon
d'Eglise. Mais dans la prière privée, quand nous sommes seuls avec Dieu,
il n'est pas nécessaire d'utiliser des langues spéciales. Nous pouvons
prier Dieu dans le langage que nous utilisons en parlant avec les gens, ou bien
lorsque nous pensons.
La prière doit être très simple. Saint Isaac le Syrien
dit: "Toute votre prière doit être succincte. Un mot a sauvé le
Publicain, et un mot a fait du voleur sur la Croix l'héritier au royaume
céleste."
Rappelons-nous la parabole du Publicain et du
Pharisien: Deux hommes montèrent au temple pour prier; l'un était
pharisien, et l'autre publicain. Le pharisien, debout, priait ainsi en
lui-même, Dieu, je te rends grâces, de ce que je ne suis pas comme les autres
hommes, qui sont ravisseurs, injustes, adultères, ou même comme ce
publicain. Je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tout ce que
je possède. Et le publicain, se tenant à distance, n'osait même pas lever
les yeux au ciel; mais il se frappait la poitrine, en disant: O Dieu, sois
miséricordieux envers moi, pécheur (Luc 18:10-13). Et cette courte
prière l'a sauvé. Rappelons-nous aussi le larron qui fut crucifié avec
Jésus et qui Lui dit: Seigneur, souviens-Toi de moi quand tu viendras dans
Ton royaume (Luc 23:42). Ceci seulement fut suffisant pour qu'il
entre au Paradis.
La prière peut être extrêmement brève. Si vous êtes
débutant sur votre chemin de prière, commencez avec des prières très courtes,
qui peuvent vous permettre de vous concentrer. Dieu n'a pas besoin de
mots; Il a besoin du cœur des hommes. Les mots sont secondaires; d'une
importance primordiale sont le sentiment et la disposition avec laquelle nous
nous approchons de Dieu. S'approcher de Dieu sans un sentiment de
révérence ou avec distraction - lorsque, pendant la prière notre esprit
vagabonde ailleurs - est beaucoup plus dangereux que de dire de mauvaises
paroles dans la prière. La prière distraite n'a ni sens ni
valeur. Une simple loi est à l'œuvre: si les mots de la prière ne
parviennent pas à notre cœur, ils n'atteindront pas Dieu. Comme il est
parfois dit, cette prière ne parvient pas au-dessus du plafond de la pièce dans
laquelle nous prions, et elle devrait atteindre les cieux. Par conséquent,
il est très important que chaque mot de la prière soit profondément ressenti
par nous. Si nous sommes incapables de nous concentrer sur les longues
prières contenues dans les livres de prière de l'Eglise orthodoxe, essayons de
dire de courtes prières: "Seigneur, aie pitié," "Seigneur,
sauve," "Seigneur, aide-moi," "Dieu, aie pitié de moi,
pécheur."
Un ascète dit que si nous pouvions, avec toute la force de nos
sentiments, simplement dire de tout notre cœur et de toute notre âme, la
prière: "Seigneur, aie pitié", alors cela serait suffisant pour le
salut. Mais le problème est que, en règle générale, nous ne pouvons pas le
dire avec tout notre cœur; nous ne pouvons pas le dire avec toute notre
vie entière. Par conséquent, afin d'être entendu par Dieu, nous avons
tendance à utiliser beaucoup de mots.
Rappelons-nous que Dieu désire ardemment nos cœurs, pas pour
nos paroles. Si nous nous tournons vers Lui avec tout notre cœur, alors
nous obtiendrons certainement une réponse.
La prière et la vie
La prière implique non seulement la joie, mais aussi des
réalisations, qui ont lieu grâce à elle, mais aussi au travail quotidien
laborieux. Parfois la prière apporte beaucoup de joie, rafraîchissant l'homme
et lui donnant une force et des possibilités nouvelles. Mais il arrive très
souvent que l'on ne soit pas disposé à la prière, que l'on ne veuille pas de
prier. Ainsi, la prière ne doit pas dépendre de notre humeur. La prière est un
labeur. Saint Silouane du Mont Athos a déclaré: "Prier, c’est donner son
sang." Comme dans tous les labeurs, ceci nécessite beaucoup
d'efforts, parfois un énorme effort, afin de se forcer à prier, même si l'on ne
veut pas le faire Et un tel effort ascétique [podvig] sera remboursé
au centuple.
Mais pourquoi parfois ne voulons-nous pas prier? Je
pense que la raison principale ici consiste dans le fait que notre vie ne
correspond pas à la prière, n'est pas configurée pour cela. Dans l'enfance,
quand j'étais à l'école de musique, j'ai eu un excellent professeur de violon:
ses leçons étaient très intéressantes, mais parfois très difficiles - mais cela
ne dépendait pas de son humeur, mais plutôt de ce que je m’étais préparé bien
ou mal pour la leçon. Si j'avais pratiqué beaucoup, appris un morceau donné et
que j’étais venu en classe bien préparé, la leçon se passait bien tout de
suite, et le professeur et moi étions heureux. Mais si je remettais ma
préparation toute la semaine et que j’arrivais sans être préparé, alors
l'enseignant se fâchait et c’était écœurant pour moi que la leçon n’aille pas
comme je l'avais espéré.
C'est exactement la même chose avec la prière. Si notre vie
n'est pas une préparation à la prière, alors il peut être très difficile pour
nous de prier. La prière est la jauge de notre vie spirituelle, une sorte de
mise à l'épreuve. Nous devons construire notre vie de manière à ce qu'elle soit
conforme à la prière. Quand on récite la prière du "Notre Père", nous
disons: "Seigneur, que Ta volonté soit faite", ce qui signifie que
nous devons toujours être prêts à accomplir la volonté de Dieu, même si cela
contredit notre volonté humaine. Quand nous disons à Dieu: "Pardonne-nous
nos offenses, comme nous pardonnons à nos débiteurs", nous nous engageons
ainsi à pardonner les gens et à pardonner leurs dettes, parce que si nous ne
pardonnons pas à nos débiteurs alors, par la logique de cette prière, Dieu ne
nous pardonne pas non plus nos dettes.
Ainsi, l'un doit correspondre à l'autre: la vie à la prière,
et la prière à la vie. Sans cette correspondance, nous ne réussirons pas dans
la vie ou dans la prière.
N'hésitons pas si nous avons du mal à prier. Cela signifie que
Dieu nous présente de nouveaux défis, que nous devons résoudre tant dans la
prière que dans la vie. Si nous apprenons à vivre en accord avec l'Evangile,
nous allons apprendre à prier en conformité avec l'Evangile. Alors notre
vie sera complète, spirituelle et véritablement chrétienne.
Les livres de prière orthodoxes
On peut prier de différentes manières, avec ses propres mots,
par exemple. Une telle prière doit nous accompagner en permanence. Matin et
soir, nuit et jour, on peut se tourner vers Dieu avec des mots simples venant
des profondeurs de son cœur.
Mais il y a aussi des prières qui ont été compilées par les
saints dans l'antiquité, qui doivent être lues pour apprendre à prier. Ces
prières sont contenues dans le "Livre de prière orthodoxe". Vous y
trouverez les prières du matin et du soir, de repentance et de remerciements,
ainsi que divers canons, acathistes, et bien d'autres choses. Lorsque vous
achetez un " Livre de prière orthodoxe," ne vous inquiétez pas
du fait qu'il y ait tant de prières. Vous n'avez pas à les lire toutes.
Si les prières du matin sont lues rapidement, cela prend une
vingtaine de minutes. Mais si on les lit soigneusement et attentivement,
répondant dans son cœur à chaque mot, alors les lire peut prendre une heure.
Par conséquent, si vous n'avez pas le temps, n’essayez pas de lire toutes les
prières du matin; il est préférable d’en lire une ou deux, mais de manière à ce
que chaque mot atteigne votre cœur.
Avant la section avec les "prières du matin," il est
dit: "Vous étant levé du sommeil, avant toute autre action,
tenez-vous respectueusement, vous considérant dans la présence du Dieu
Omniscient, et, après avoir fait le signe de la Croix, dites: "Au Nom
du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Amen." Ensuite, faites une
pause un moment, jusqu'à ce que tous vos sens soient calmés et que vos
pensées abandonnent toutes les choses terrestres." Cette pause,
ce "moment de silence," avant de commencer à prier, est très
important.
La prière doit se développer dans la tranquillité de nos
cœurs. Les gens qui tous les jours "lisent" la prière du matin et du
soir ont constamment la tentation de lire la "règle" aussi rapidement
que possible afin de s’occuper des affaires [profanes] de la journée. Souvent,
par une telle lecture, la chose la plus importante - le contenu de la prière -
est éludé.
Dans le livre de prières, il y a de nombreuses demandes
adressées à Dieu qui se répètent plusieurs fois. Par exemple, vous pouvez
trouver la recommandation de répéter: "Seigneur, aie pitié" douze ou
quarante fois. Certaines personnes voient cela comme une sorte de formalité et
lisent cette prière le plus rapidement possible. Par ailleurs, en grec
"Seigneur, aie pitié" est "Kyrie, eleison." En Russie,
il y a le verbe kourolesit'[ jouer des tours], qui vient du fait que
les lecteurs du chœur lisaient souvent rapidement ou de façon
répétée "Kyrie , eleison "- autrement dit, ils ne priaient
pas, mais jouaient. Ainsi, dans la prière on n'a pas besoin de jouer des
tours [kourolesit ']. Peu importe combien de fois cette prière est
lue, elle doit être dite avec soin, respect et amour, dans sa version complète
[*].
On n'a pas besoin d'essayer de lire toutes les prières. Il est
préférable de consacrer vingt minutes pour la prière unique "Notre
Père", répétant plusieurs fois chaque mot, en s'interrogeant sur son sens.
Il n'est pas facile pour quelqu'un qui n'est pas habitué à la prière de lire
immédiatement un grand nombre de prières - et ce n'est pas une chose à laquelle
on devrait aspirer. Il est important de s'imprégner de l'esprit qui est
insufflé par les prières des Pères de l'Église. C'est le principal avantage à
tirer de prières contenues dans le "Livre de prière orthodoxe."
Les règles de prière
Qu'est-ce qu'une règle de prière? Ce sont des prières que l'on
lit régulièrement, tous les jours. Tout le monde a une règle de prière
différente. Pour une personne, les prières du matin ou du soir prennent
plusieurs heures, tandis que pour une autre, elles prennent quelques minutes.
Tout dépend de sa disposition spirituelle, du degré de son enracinement dans la
prière, et de combien de temps l’on dispose.
Il est très important que l'on garde une règle de prière, même
très courte, de sorte que l'on puisse être régulier et constant dans la prière.
Mais la règle ne devrait pas se transformer en formalité. L'expérience de
nombreux croyants montre que, en lisant constamment les mêmes prières, leurs
mots peuvent devenir incolores: ils perdent leur fraîcheur et celui qui s’est
habitué à eux, ne peut plus se concentrer sur eux. Ce danger doit être évité à
tout prix.
Je me souviens que lorsque j'ai reçu la tonsure monastique
(j'étais alors âgé de vingt ans), je me suis tourné pour demander conseil à un
père spirituel expérimenté, lui demandant quelle sorte de règle de prière, je
devrais avoir. Il m'a dit: "Tu devrais lire tous les jours, matin et soir,
des prières, trois canons, et un acathiste. Quoi qu'il arrive, même si tu es
très fatigué, tu es obligé de les lire. Et même si tu lis rapidement et
distraitement, ce n'est pas important. La chose principale est que la règle
soit accomplie."
J'ai essayé. Cela n'a pas pris. La lecture quotidienne des
mêmes prières a conduit à ce que ces textes deviennent rapidement ennuyeux.
D'ailleurs, je passais de nombreuses heures par jour à l'église pendant des
services qui me nourrissaient, et m'inspiraient spirituellement. Mais la
lecture de ces trois canons et d’un acathiste s’est transformée en une
sorte d’appendice inutile.
J'ai commencé à rechercher un avis différent, plus approprié
pour moi. Et je l'ai trouvé dans les œuvres de saint Théophane le Reclus,
remarquable combattant ascétique du dix-neuvième siècle. Il conseillait
d’envisager sa règle de prière non pas à partir du nombre de prières, mais à
partir du moment où nous sommes prêts à nous consacrer à Dieu. Par exemple,
nous pouvons prendre comme règle de prier le matin et le soir pendant une
demi-heure, mais ces demi-heures, devraient être entièrement données à Dieu. Et
il est moins important de savoir si nous lisons toutes les prières, ou une
seule au cours de ces minutes, ou si nous consacrons une soirée entièrement à
la lecture du Psautier, de l'Évangile, ou à la prière avec nos propres mots.
La chose la plus importante est de se concentrer sur Dieu, que
notre attention ne faiblisse pas, et que chaque mot atteigne notre cœur. Ce
conseil a fonctionné pour moi. Toutefois, je n'exclus pas que pour d’autres,
les conseils que j'ai obtenus de mon père spirituel puissent être plus
appropriés. Ici beaucoup dépend de la personnalité de chacun.
Il me semble que, pour quelqu'un qui vit dans le monde, non
seulement quinze, mais même cinq minutes de prière du matin et du soir peuvent
être suffisantes pour être un vrai chrétien – pour autant, bien sûr, qu’on les
dise avec attention et sentiment. Il est important que ses pensées
correspondent toujours aux mots, que le cœur réponde aux paroles de la prière,
et que toute sa vie corresponde à la prière.
Suivant les conseils de saint Théophane le Reclus, essayez de
mettre de côté un peu de temps pour la prière dans le cadre de la journée, et
pour le respect d'une règle de prière quotidienne. Et vous verrez que cela
portera rapidement ses fruits.
Le danger de l'habitude dans la prière
Chaque croyant est confronté au danger de s'habituer aux
paroles de la prière et de se laisser distraire pendant la prière. Pour que
cela ne se produise pas, il faut faire une bataille constante avec soi-même ou,
comme les saints Pères le disent, "garder son intellect " et
apprendre " à enfermer son esprit dans les mots de la prière."
Comment peut-on y parvenir? Tout d'abord, il ne faut pas se
laisser aller à prononcer les mots quand on a l'esprit et le cœur qui n’y sont
plus sensibles. Si vous commencez à lire une prière, mais au milieu votre
attention erre, revenez à l'endroit où votre attention s'égare et répétez
la prière. Si nécessaire, répétez trois, cinq ou dix fois - mais arrivez au
point que tout votre être y est sensible.
Un jour à l'église une dame a fait appel à moi: "
Batioushka, j'ai lu des prières pendant de nombreuses années : les prières du
matin et du soir, mais plus je les lis, moins je les aime, et moins je sens que
je crois en Dieu. Je suis si fatiguée des paroles de ces prières que je n’y
suis plus sensible."
Je lui ai dit : " Ne lisez pas les prières du matin ou du
soir. "
Elle a été étonnée: " Que voulez-vous dire? "
J’ai répété: "Mettez-les de côté; ne les lisez pas. Si
votre cœur n’y est pas sensible, vous avez besoin de trouver un autre moyen de
prière. Combien de temps prennent vos prières du matin?"
"Vingt minutes."" Etes-vous prête à consacrer
vingt minutes chaque matin à Dieu ? "
"J’y suis prête. "
" Prenez une seule prière du matin – à votre choix - et
lisez-la en vingt minutes. Lisez une phrase, taisez-vous, et réfléchissez à ce
que cela signifie. Ensuite lisez une autre phrase, taisez-vous, et réfléchissez
à son contenu. Répétez-la à nouveau, réfléchissez pour savoir si elle
correspond à votre vie, si vous êtes prête à vivre de telle manière que cette
prière soit devenu réelle dans votre vie. Vous avez bien lu: " Seigneur,
me prive pas de tes biens célestes. Qu'est-ce que ça veut dire?
Ou bien: "Seigneur, délivre-moi des tourments éternels. Quel
est le danger de ces tourments éternels? Avons-nous réellement peur d'eux ?
Souhaitons-nous vraiment en être délivrés? "
La femme se mit à prier de cette façon, et bientôt sa prière
commença à revivre.
Il faut apprendre à prier. Il faut travailler sur soi-même; on
ne peut se permettre de se tenir devant les icônes et de prononcer des mots
vides.
La qualité de la prière se manifeste aussi par ce qui la
précède et par ce qui la suit. Il est impossible de se concentrer sur la prière
quand on est en colère ou, par exemple, si avant de commencer à prier les uns
se sont disputés avec quelqu'un ou ont crié après quelqu'un. Cela signifie que
dans le temps qui précède la prière nous devons nous y préparer intérieurement,
nous libérer de tout ce qui interfère avec notre prière, et nous mettre dans
une disposition favorable à la prière. Ensuite, il sera plus facile pour nous
de prier. Et, bien sûr, après la prière il ne faut pas se remettre
immédiatement dans l'agitation. Après avoir fini de prier, donnez-vous un peu
de temps pour entendre la réponse de Dieu, pour que quelque chose résonne en
vous en réponse à la Présence de Dieu.
La prière n’a de valeur que lorsque nous sentons que, grâce à
elle, quelque chose change en nous, que nous commençons à vivre différemment.
La prière peut porter du fruit, et ces fruits devraient se faire sentir.
Le corps dans la prière
Dans la pratique de la prière de l'Église primitive, diverses
poses, gestes et attitudes corporelles ont été utilisés. Les gens priaient
debout ou à genoux dans la position dite du Prophète Elie – c’est-à-dire, en se
tenant sur un de ses genoux avec sa tête penchée vers le sol - ou allongé sur
le sol, les mains tendues, ou debout avec les mains levées. Les prosternations
ont été employées dans la prière: les deux prosternations complètes et des
enclins depuis la taille, ainsi que le signe de croix. De toutes les positions
traditionnelles du corps dans la prière, seulement quelques-unes sont restées
dans la pratique contemporaine. Ce sont avant tout la prière debout et la
prière à genoux, accompagnées par le signe de croix et les enclins.
Pourquoi est-il important que le corps participe à la prière?
Pourquoi ne peut-on pas prier tout simplement en esprit tout en étant dans le
lit ou assis sur un fauteuil? En principe, on peut bien prier couché et assis:
dans des circonstances particulières, comme en cas de maladie ou en voyage, on
le fait ainsi. Mais dans des circonstances normales, il est nécessaire, tout en
priant de faire usage des dispositions de corps qui ont été conservées dans la
tradition de l'Eglise orthodoxe. Le fait est que le corps et l'esprit sont
intimement liés dans l'homme, et l'esprit ne peut pas agir en complète
autonomie de l'organisme. Ce n'est pas un hasard si les anciens Pères ont
déclaré: "Si le corps ne travaille pas dans la prière, alors la
prière restera stérile."
Allez dans une église orthodoxe pendant le Grand Carême et
vous verrez comment de temps à autre, tous les paroissiens tombent à genoux,
puis se lèvent, puis de nouveau tombent à genoux et se lèvent. Et ceci se
poursuit pendant toute la durée de l’office. Vous sentez qu'il y a une
intensité particulière dans cet office, que les gens ne sont pas tout
simplement en train de prier, mais qu’ils s’efforcent dans la prière, accomplissant
l'exploit ascétique [podvig] de la prière. Ensuite, allez dans une
église protestante. Au cours de l'ensemble du service, les fidèles sont assis:
les prières sont lues et des cantiques spirituels sont chantés, mais les gens
restent assis, sans se signer ou s’incliner, et tout à la fin du service tous
se lèvent et partent. Comparez ces deux moyens de prière à l'église -
orthodoxes et protestants - en termes d'intensité de la prière. Les gens prient
pour un seul et même Dieu, mais ils prient différemment. Et cette différence
est en grande partie déterminée par les dispositions physiques de ceux qui
prient.
Les prosternations aident beaucoup la prière. Ceux d'entre
vous qui en sont capables dans votre règle de prière de matin ou du
soir, faire au moins quelques enclins et prosternations, vous fera
sans aucun doute sentir combien cela est utile en termes spirituels. Le corps
devient plus recueilli, et quand le corps est recueilli, le calme de l'esprit
et l'attention deviennent beaucoup plus naturels.
Au cours de la prière, nous devons de temps en temps faire le
signe de croix, en particulier quand nous disons "Au nom du Père, et
du Fils, et du Saint-Esprit", ainsi que lorsque nous prononçons le Nom du
Sauveur. Cela est nécessaire parce que la Croix est l'arme de notre salut.
Quand nous plaçons le signe de la croix sur nous-mêmes, la puissance de Dieu
devient plus tangiblement présente en nous.
La prière devant les icônes
Dans la prière, l' extérieur ne devrait pas remplacer
l'intérieur. L’extérieur devrait contribuer à l'intérieur, mais il peut aussi
l'entraver. La disposition traditionnelle du corps pour la prière contribue
sans aucun doute à un état de prière, mais ne peut en aucun cas servir de
substitut pour le contenu principal de la prière.
Il ne faut pas oublier que certaines dispositions du corps ne
sont pas accessibles à tout le monde. Par exemple , de nombreuses personnes
âgées sont tout simplement incapables de faire des prosternations complètes. Il
y a beaucoup de gens qui ne supportent pas d’être debout longtemps. J'ai
entendu des personnes âgées [dire]: "Je ne vais pas aux offices à l'église
parce que je ne peux pas rester debout, " ou "Je ne prie pas Dieu,
parce que mes jambes me font mal." Dieu n'a pas besoin de nos jambes, mais
de nos cœurs. Si vous ne pouvez pas prier debout, alors priez assis; si vous ne
pouvez pas prier assis, alors priez étendus. Comme un lutteur ascétique l’a
dit: " mieux vaut être assis à penser à Dieu , que de se tenir debout à
penser à vos pieds."
Les moyens auxiliaires sont importants, mais ils ne devraient
pas prendre la place du contenu. Un des moyens auxiliaires les plus importants
pour la prière est l'icône. Les chrétiens orthodoxes, en règle générale, prient
devant les icônes du Sauveur, de la Mère de Dieu, des saints, et
devant des représentations de la Sainte Croix. Mais les protestants prient sans
icônes. On peut voir ici la différence entre la prière protestante et
orthodoxe. Dans la tradition orthodoxe, la prière est plus concrète.
Contemplant l'icône du Christ, nous regardons comme à travers une fenêtre une
ouverture d'un autre monde pour nous; derrière cette icône se trouve Celui que
nous prions.
Mais il est très important que l'icône ne remplace pas l'objet
de la prière, de sorte que nous adressions pas dans la prière à l'icône ou que
nous essayions d'imaginer la personne représentée sur l'icône. L'icône est
seulement un rappel, seulement une sorte de symbole de la réalité qui est
derrière tout cela. Comme les Pères de l'Église le disent, "l'honneur rendu
à l'image retourne au prototype." Lorsque nous nous approchons d'une icône
du Sauveur ou de la Mère de Dieu et la vénérons- c'est-à-dire que nous la
baisons - nous exprimons ainsi notre amour pour le Sauveur ou la Mère de Dieu.
Les icônes ne doivent pas être transformés en idoles. Il ne
devrait pas y avoir l'illusion que Dieu est comme il est représenté sur les
icônes. Il existe, par exemple, une icône de la Sainte Trinité appelée la
" Trinité du Nouveau Testament :" elle est non canonique – ce
qui veut dire qu’elle ne correspond pas aux règles de l'Église - mais on peut
la voir dans certaines églises. Sur cette icône Dieu le Père est représenté
comme un vieil homme aux cheveux gris , Jésus-Christ comme un jeune homme, et
le Saint-Esprit sous la forme d'une colombe. En aucun cas, devrions-nous être
tentés d'imaginer que la Sainte Trinité se présente ainsi. La Sainte Trinité
est Dieu, qui ne peut pas être représenté par l'imagination humaine. Et , se
tournant vers Dieu la Sainte Trinité dans la prière, nous devons renoncer à
toute sorte de fantaisie. Notre imagination doit être libre d'images; l'esprit
doit être clair; et le cœur doit être prêt à accueillir le Dieu vivant.
La prière pour notre prochain
Nous devons prier non seulement pour nous, mais aussi pour notre
prochain. Chaque matin et chaque soir, ainsi que lorsque nous sommes à
l'église, nous devons nous souvenir de nos parents, de notre famille, de nos
amis, de nos ennemis, et offrir une prière à Dieu pour eux tous. Ceci est très
important, parce que les gens sont liés par des liens indissolubles et souvent
la prière d'une personne pour une autre sauve l'autre d'un grand danger.
Dans la vie de saint Grégoire le Théologien, il y a l'incident
suivant… Quand il était encore jeune homme et non baptisé, il a traversé la
Méditerranée en bateau. Un violent orage soudain a commencé, qui a duré
plusieurs jours, et personne n'avait aucun espoir de sauvetage; le navire fut
presque inondé. Grégoire pria Dieu et, au cours de sa prière, il vit sa mère,
qui était alors sur le rivage, mais qui, comme cela s'est avéré plus tard, a
senti le danger et a prié avec ferveur pour son fils. Le navire, contrairement
à toutes les attentes, atteignit le rivage en toute sécurité. Grégoire se
rappela toujours que sa délivrance était survenue à la suite des prières de sa
mère.
Quelqu'un pourrait dire: "Eh bien, c'est juste une autre
histoire de la vie des saints anciens. Pourquoi des choses semblables ne se
produisent-elles pas aujourd'hui? "
Je peux vous assurer qu'elles se produisent aujourd'hui. Je
connais beaucoup de gens qui ont été sauvés de la mort ou d’un grand danger par
les prières de leurs proches. Et dans ma propre vie, il y a eu de nombreux cas
où j'ai été sauvé du danger par les prières de ma mère ou d'autres personnes,
comme mes paroissiens.
J'ai eu un jour un accident de voiture et on peut dire que je
suis resté vivant par miracle, parce que la voiture est tombée dans un
précipice et a fait plusieurs tonneaux. Il ne restait rien de la voiture, mais
le chauffeur et moi nous nous en sommes tirés sains et saufs. Cela a eu lieu
tôt le matin, vers cinq heures. Quand je suis retourné à l'église où
j’officiais le soir même, j'ai trouvé plusieurs paroissiens qui s’étaient
réveillé à quatre heures et demie du matin et, pressentant un danger, avaient
commencé à prier pour moi. Leur première question était: "Batiouchka, que
vous est-il arrivé?" Je pense que c'est par la prière que le chauffeur et
moi avons été sauvés de la catastrophe.
Nous devons prier pour notre prochain non pas parce que Dieu
ne sait pas comment les sauver, mais parce qu'Il veut que nous participions au
salut les uns des autres. Bien sûr, Il sait ce dont a besoin chacun: à la fois
ce dont nous avons besoin, et ce dont notre prochain a besoin. Quand nous
prions pour notre prochain, cela ne signifie pas du tout que nous voulons être
plus miséricordieux que Dieu. Ce que cela signifie en vérité, c'est que nous
voulons participer à son salut. Et dans la prière, nous ne devons pas oublier
les personnes avec lesquelles la vie nous a réuni, et qu’ils prient pour nous
aussi. Chacun de nous, étendu pour dormir, devrait dire à Dieu: "Seigneur,
par les prières de tous ceux qui m'aiment, sauve-moi!"
Souvenons-nous du lien vivant entre notre prochain et nous, et
souvenons-nous toujours les uns des autres dans la prière.
La prière pour les défunts
Nous ne devons pas seulement prier pour notre prochain qui est
vivants mais aussi pour ceux qui sont partis dans l'autre monde.
La prière pour les défunts est nécessaire tout d'abord parce que,
quand quelqu'un qui est proche de nous s’en va, nous avons un sentiment naturel
de perte, dont nous souffrons profondément. Mais cette personne continue à
vivre: seulement elle vit dans une autre dimension, car elle est partie pour
l'autre monde. Alors pour que notre relation avec elle qui est partie ne soit
pas rompue, nous devrions prier pour elle. Ensuite, nous allons sentir sa
présence, le sentiment qu'elle ne nous a pas quittés, et que notre relation
vivante avec elle a été préservée.
Mais l'autre personne, bien sûr, a aussi besoin de la prière
pour les défunts, parce que quand quelqu'un meurt, il passe dans un autre
monde, où il rencontre Dieu pour répondre de tout ce qu'il a fait dans sa vie
terrestre, de bon et de mauvais. Il est très important qu'une telle personne
soit accompagnée sur son chemin par les prières de ses proches, de ceux qui
sont restés ici sur terre, et qui gardent sa mémoire. Nous, qui restons sur la
terre, nous pouvons demander à Dieu qu'Il allège le sort de cette personne. Et
l'Église croit que le sort posthume du défunt est allégé par les prières de
ceux qui prient pour lui ici sur terre.
Le héros du roman de Dostoïevski Les Frères
Karamazov, le staretz Zosime (dont le prototype était saint Tikhon de
Zadonsk) dit ceci à propos de la prière pour les défunts: "Rappelez-vous
aussi: tous les jours et à chaque fois que vous le pouvez, répétez en
vous-même:« Seigneur, aie pitié de tous ceux qui viennent devant Toi
aujourd'hui. Car à chaque heure et à chaque instant des milliers de personnes
quittent leur vie sur cette terre, et leurs âmes arrivent devant le Seigneur -
et beaucoup d'entre elles quittent la terre dans l'isolement, inconnues de
tous, dans la tristesse et le chagrin à l’idée que personne ne les pleurera, ou
même ne saura si elles ont vécu ou non. Et donc, peut-être à l'autre bout de la
terre, votre prière pour leur repos s’élève vers le Seigneur, bien que vous ne
les ayez pas connue du tout, et qu’elles non plus ne vous connaissaient pas.
Comme c’est émouvant pour leur âme, venue dans la crainte devant le Seigneur,
de sentir à ce moment que quelqu'un prie pour elles, et aussi, qu'il y a encore
un être humain sur la terre qui les aime. Et Dieu, également, vous considèrera
tous deux avec plus de miséricorde, car si même vous si vous avez eu pitié
d’elles, combien plus le sera envers vous Celui Qui est infiniment plus
miséricordieux et aimant que vous ne l’êtes. Et il lui pardonner grâce à
vous."
La prière pour nos ennemis
La nécessité de prier pour nos ennemis découle de l'essence
même de l'enseignement moral de Jésus-Christ.
Dans l’ère pré chrétienne, il y avait une règle: Tu
aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi (Matthieu 5:43). La majorité
des gens continue de vivre en conformité avec cette règle. Il est naturel pour
nous d'aimer ceux qui sont notre prochain, ceux qui nous font du bien, et de
traiter avec de l'hostilité et même de la haine ceux qui font le mal. Mais le
Christ dit que notre attitude devrait être complètement différente: Aimez
vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous
haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent, et vous
persécutent (Matthieu 5:44).
Le Christ Lui-même, durant Sa vie terrestre, donna à plusieurs
reprises l’exemple à la fois de l'amour pour les ennemis et de la prière pour
eux. Quand les soldats clouèrent le Seigneur à la Croix, il connut des
tourments effroyables et une douleur incroyable, mais il pria: Père,
pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font (Luc 23:34). À cette
époque, il ne pensait pas à Lui-même, pas au fait que ces soldats Lui causaient
de la douleur, mais plutôt à leur salut; car, en commettant le mal, ils
nuisaient tout d'abord à eux-mêmes.
Il faut rappeler que les gens qui nous font du mal ou nous
traitent avec hostilité ne sont pas mauvais en eux-mêmes. Ce qui est mauvais,
c’est le péché dont ils sont infectés. Il faut haïr le péché, mais pas celui
qui le porte: l'homme. Comme saint Jean Chrysostome le dit: "Quand vous
voyez quelqu'un faire quelque chose que le mal, ne le haïssez pas, mais haïssez
le Diable, qui est derrière lui."
Il faut apprendre à séparer la personne du péché qu’elle
commet. Lors de la confession, les prêtres constatent très souvent que le péché
est vraiment distinct de la personne qui se repent de celui-ci. Nous devrions
être en mesure de nous détourner de l'image pécheresse de l'homme et nous
rappeler que tout le monde, y compris nos ennemis et ceux qui nous haïssent,
ont été créés selon l'image de Dieu; et c'est cette image de Dieu, ces
rudiments de bien qui sont en tout le monde, que nous devrions examiner.
Pourquoi est-il nécessaire de prier pour les ennemis? Ce n'est
pas seulement nécessaire pour eux, mais pour nous aussi. Nous devons trouver en
nous la force de nous réconcilier avec les gens. L’archimandrite Sophrony dans
son livre sur saint Silouane du Mont Athos, dit: "Ceux qui détestent et
rejettent leur frère sont imparfaits dans leur être; Ils ne peuvent pas trouver
le chemin de Dieu, qui aime tous les hommes." C'est vrai. Quand la haine
pour l'homme s'installe dans notre cœur, nous ne pouvons pas nous approcher de
Dieu. Tant que nous nous accrochons à ce sentiment, le chemin vers Dieu est
barré pour nous. C'est pourquoi il est nécessaire de prier pour nos ennemis.
Chaque fois que nous nous approchons du Dieu vivant, nous
devrions être en paix absolue avec tous ceux que nous percevons comme nos
ennemis. Rappelons-nous ce que le Seigneur a dit: Si donc tu présentes ton
offrande à l'autel, et qu’il te souviennes que ton frère a quelque chose contre
toi; Laisse là ton offrande devant l'autel, et va t'en d’abord te réconcilier
avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande (Matthieu
5:23-24). Et aussi d'autres paroles du Seigneur: Accorde-toi avec ton
adversaire rapidement, pendant que tu es en chemin avec lui (Matthieu
5:25). "En chemin avec lui" signifie "dans cette vie
terrestre." Car, si nous ne parvenons pas à nous accorder ici avec ceux
qui nous détestent et nous offensent, avec nos ennemis, alors nous ne serons
pas réconciliés dans la vie future. Et rattraper ce qui manque ici, ne sera
plus possible.
La prière à l’église
Comme l’archiprêtre Georges Florovsky, célèbre théologien du
XXe siècle 'a dit, un chrétien ne prie jamais dans la solitude: même s’il se
tourne vers Dieu, dans sa chambre, fermant la porte derrière lui, il prie
toujours comme membre de la communauté de l'église.
Nous ne sommes pas des individus isolés; nous sommes membres
de l'Église, les membres d'un seul corps. Et nous sommes sauvés non pas
isolément, mais avec d'autres, avec nos frères et sœurs. Par conséquent, il est
très important que tout le monde soit connu non seulement dans la prière
individuelle, mais aussi dans la prière de l'Eglise, avec d'autres personnes.
La prière à l’église a une signification et un sens
particuliers. Beaucoup d'entre nous savent par expérience combien il peut être
difficile de se plonger dans les lignes de la prière quand on est seul. Mais
quand nous arrivons à l'église, nous sommes plongés dans la prière commune de
beaucoup de gens, et cette prière nous amène dans certaines profondeurs, et
notre prière se confond avec celle des autres.
La vie humaine est comparable au fait de nager dans une mer ou
un océan. Il y a, bien sûr, les âmes courageuses qui, surmontant orages et les
tempêtes, traversent la mer, seules sur un yacht. Mais, en règle générale, les
gens qui traversent l'océan se rejoignent sur un navire en mouvement d'une rive
à l'autre. L'Église est ce navire dans lequel les chrétiens se dirigent
ensemble le long de la voie du salut. Et la prière commune est l'un des moyens
les plus puissants pour avancer sur cette voie.
Beaucoup de choses à l'église, et surtout les offices divins,
encouragent la prière. Les textes des offices divins utilisés par l'Eglise
orthodoxe sont exceptionnellement riches en contenu; une grande sagesse est
cachée en eux. Mais il y a un obstacle rencontré par beaucoup de ceux qui
viennent à l'Eglise [en Russie]: le slavon.
Il y a beaucoup de débats d'aujourd'hui sur l'opportunité de
maintenir le slavon dans les offices divins ou de passer au russe. Il me semble
que si nos offices divins étaient entièrement traduits en russe, une grande
partie serait perdue. Le slavon possède une grande puissance, et l'expérience
montre qu’il n'est pas si difficile, qu’il n'est pas très différent du russe.
Il faut tout simplement faire un peu d'effort, comme on le ferait pour
apprendre une langue ou une science, comme les mathématiques ou la physique.
Ainsi, pour apprendre à prier à l'église, il faut peut-être
faire un effort pour aller plus souvent à l'église, et acheter les livres des
offices divins de base et, dans son temps libre, les étudier.
Ensuite, toutes les richesses de la langue liturgique des
textes et des offices divins vont se dévoiler devant vous, et vous verrez que
les offices divins sont toute une école qui, non seulement vous enseigne la
prière, mais aussi la vie spirituelle.
La prière pour nos ennemis
La nécessité de prier pour nos ennemis découle de l'essence
même de l'enseignement moral de Jésus-Christ.
Dans l’ère pré chrétienne, il y avait une règle: Tu
aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi (Matthieu 5:43). La majorité
des gens continuent de vivre en conformité avec cette règle. Il est naturel pour
nous d'aimer ceux qui sont notre prochain, ceux qui nous font du bien, et de
traiter avec de l'hostilité et même de la haine ceux qui font le mal. Mais le
Christ dit que notre attitude devrait être complètement différente: Aimez
vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous
haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent, et vous
persécutent (Matthieu 5:44).
Le Christ Lui-même, durant Sa vie terrestre, donna à plusieurs
reprises l’exemple à la fois de l'amour pour les ennemis et de la prière pour
eux. Quand les soldats ont cloué le Seigneur à la Croix, il a connu des
tourments effroyables et une douleur incroyable, mais il pria: Père,
pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font (Luc 23:34). À cette
époque, il ne pensait pas à lui-même, pas au fait que ces soldats Lui causaient
de la douleur, mais plutôt à leur salut; car, en commettant le mal, ils
nuisaient tout d'abord à eux-mêmes.
Il faut rappeler que les gens qui nous font du mal ou nous
traitent avec hostilité ne sont pas mauvais en eux-mêmes. Ce qui est mauvais,
c’est le péché dont ils sont infectés. Il faut haïr le péché, mais pas celui
qui le porte: l'homme. Comme saint Jean Chrysostome le dit: "Quand vous
voyez quelqu'un faire quelque chose que le mal, ne le haïssez pas, mais haïssez
le Diable, qui est derrière lui."
Il faut apprendre à séparer la personne du péché qu’elle
commet. Lors de la confession, les prêtres constatent très souvent que le péché
est vraiment distinct de la personne qui se repent de celui-ci. Nous devrions
être en mesure de nous détourner de l'image pécheresse de l'homme et nous
rappeler que tout le monde, y compris nos ennemis et ceux qui nous haïssent,
ont été créés selon l'image de Dieu; et c'est cette image de Dieu, ces
rudiments de bien qui sont en tout le monde, que nous devrions examiner.
Pourquoi est-il nécessaire de prier pour les ennemis? Ce n'est
pas seulement nécessaire pour eux, mais pour nous aussi. Nous devons trouver en
nous la force de nous réconcilier avec les gens. L’archimandrite Sophrony dans
son livre sur saint Silouane du Mont Athos, dit: "Ceux qui détestent et
rejettent leur frère sont imparfaits dans leur être; Ils ne peuvent pas trouver
le chemin de Dieu, qui aime tous les hommes." Cela est vrai. Quand la
haine pour l'homme s'installe dans notre cœur, nous ne pouvons pas approcher
Dieu. Tant que nous nous accrochons à ce sentiment, le chemin vers Dieu est
barré pour nous. C'est pourquoi il est nécessaire de prier pour nos ennemis.
Chaque fois que nous nous approchons du Dieu vivant, nous
devrions être en paix absolue avec tous ceux que nous percevons comme nos
ennemis. Rappelons-nous ce que le Seigneur a dit: Si donc tu présentes ton
offrande à l'autel, et qu’il te souviennes que ton frère a quelque chose contre
toi; Laisse là ton offrande devant l'autel, et va t'en d’abord te réconcilier
avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande (Matthieu
5:23-24). Et aussi d'autres paroles du Seigneur: Accorde-toi avec ton
adversaire rapidement, pendant que tu es en chemin avec lui (Matthieu
5:25). "En chemin avec lui" signifie "dans cette vie
terrestre." Car, si nous ne parvenons pas à nous accorder ici avec ceux
qui nous détestent et nous offensent, avec nos ennemis, alors nous ne serons pas
réconciliés dans la vie future. Et compenser ce qui manque ici, ne sera plus
possible.
La prière en famille
Jusqu'à présent, nous avons parlé principalement de la prière
personnelle et individuelle. Maintenant, je voudrais dire quelques mots au
sujet de la prière dans le cercle de famille.
La majorité de nos contemporains vit d’une façon telle que les
membres de la famille se réunissent assez rarement, au mieux, deux fois par
jour: le matin pour le petit déjeuner et le soir pour le dîner. Pendant la
journée, les parents sont au travail, les enfants à l'école, et seuls les
enfants d'âge préscolaire et les retraités restent à la maison. Il est très
important que, dans la routine quotidienne, il y ait des moments où tout le
monde peut se rassembler pour la prière. Si une famille se réunit pour le
dîner, alors pourquoi ne pas prier pendant quelques minutes ensemble avant? On
peut également lire des prières et une sélection de l'Evangile par la suite.
La prière commune renforce la famille, parce que la vie de
famille ne peut être véritablement complète et heureuse, que quand ses membres
sont unis non seulement par des liens familiaux, mais aussi par la parenté
spirituelle et une compréhension et une vision commune. La prière commune,
d'ailleurs, a des effets bénéfiques sur chaque membre de la famille, et elle
est particulièrement utile pour les enfants.
À l'époque soviétique, il était interdit d'élever les enfants
dans un esprit religieux. Cette décision était motivée par le fait que les
enfants devaient grandir d'abord, et faire seulement plus tard un
choix indépendant sur l'opportunité de suivre une voie religieuse. C’était un
mensonge profond que cet argument, car pour avoir la possibilité de choisir, il
faut avoir appris quelque chose avant. Et le meilleur âge pour l'apprentissage
est, bien sûr, celui de l'enfance.
Il est très difficile pour quelqu'un qui a appris à vivre sans
la prière de l'enfance d’apprendre à prier. Quelqu'un qui a été élevé dès
l'enfance dans un esprit de prière bénie, qui, dès ses premières années connaît
l'existence de Dieu et comment on peut toujours se tourner vers Dieu, même s'il
s’éloigne plus tard de l'Église, conservera toujours quelque part dans les
profondeurs de son âme les possibilités de la prière et le dépôt religieux
obtenus dans l'enfance. Il arrive souvent que les personnes qui se sont
éloignées de l’Église reviennent à Dieu à un certain stade de leur vie parce
que, dans leur enfance, elles avaient pris l'habitude de la prière.
Il est un autre point. Aujourd'hui, dans de nombreuses
familles, il y a des parents de la génération précédente, les grands-mères et
grands-pères, qui ont été élevés dans un environnement non religieux. Il y a
vingt ou trente ans, on peut même dire que l'Église était un lieu pour
"mamies." Maintenant, ce sont les grand-mères qui représentent la
génération la plus irréligieuse, ayant été élevées dans les années trente et
quarante, à l'ère de "l'athéisme militant."
Il est très important que les personnes âgées trouvent leur
chemin vers l'église. Il n'est pas trop tard pour quiconque de se tourner vers
Dieu, mais ces jeunes gens qui connaissent déjà ce chemin doivent avec tact,
progressivement, mais systématiquement, amener leurs parents âgés dans l'orbite
de la vie spirituelle. Par la prière familiale quotidienne, on peut le faire particulièrement
bien.
La prière à l’église
Comme le célèbre théologien du XXe siècle l’archiprêtre
Georges Florovsky l'a dit, un chrétien ne prie jamais dans la solitude: même
s’il se tourne vers Dieu, dans sa chambre, fermant la porte derrière lui, il
prie toujours comme membre de la communauté de l'église.
Nous ne sommes pas des individus isolés; nous sommes membres de
l'Église, les membres d'un seul corps. Et nous sommes sauvés non pas isolément,
mais avec d'autres, avec nos frères et sœurs. Par conséquent, il est très
important que tout le monde soit connu non seulement dans la prière
individuelle, mais aussi dans la prière de l'Eglise, avec d'autres personnes.
La prière à l’église a une signification et un sens
particuliers. Beaucoup d'entre nous savent par expérience combien il peut être
difficile de se plonger dans les lignes de la prière quand on est seul. Mais quand
nous arrivons à l'église, nous sommes plongés dans la prière commune de
beaucoup de gens, et cette prière nous amène dans certaines profondeurs, et
notre prière se confond avec celle des autres.
La vie humaine est comparable au fait de nager dans une mer ou
un océan. Il y a, bien sûr, les âmes courageuses qui, surmontant orages et les
tempêtes, traversent la mer seules sur un yacht. Mais, en règle générale, les
gens qui traversent l'océan se rejoignent sur un navire en mouvement d'une rive
à l'autre. L'Église est ce navire dans lequel les chrétiens se dirigent
ensemble le long de la voie du salut. Et la prière commune est l'un des moyens
les plus puissants pour avancer sur cette voie.
Beaucoup de choses à l'église, et surtout les offices divins,
encouragent la prière. Les textes des offices divins utilisés par l'Eglise
orthodoxe sont exceptionnellement riches en contenu; une grande sagesse est
cachée en eux. Mais il y a un obstacle rencontré par beaucoup de ceux qui
viennent à l'Eglise [en Russie]: le slavon.
Il y a beaucoup de débats d'aujourd'hui sur l'opportunité de
maintenir le slavon dans les offices divins ou de passer au russe. Il me semble
que si nos offices divins étaient entièrement traduits en russe, une grande
partie serait perdue. Le slavon possède une grande puissance, et l'expérience
montre qu’il n'est pas si difficile, qu’il n'est pas très différent du russe.
Il faut tout simplement faire un peu d'effort, comme on le ferait pour
apprendre une langue ou une science, comme les mathématiques ou la physique.
Ainsi, pour apprendre à prier à l'église, il faut peut-être
faire un effort pour aller plus souvent à l'église, et acheter les livres des
offices divins de base et, dans son temps libre, les étudier.
Ensuite, toutes les richesses de la langue liturgique des
textes et des offices divins vont se dévoiler devant vous, et vous verrez que
les offices divins sont toute une école qui, non seulement vous enseigne la
prière, mais aussi la vie spirituelle.
La lutte avec les pensées parasites
L'un des principaux obstacles à la prière attentive est
l'apparition de pensées parasites. Saint Jean de Cronstadt, le grand ascète de
la fin du XIXe et du début du XXe siècles, décrit dans son journal comment,
lors de la célébration de la Divine Liturgie, dans les moments les plus
cruciaux et les plus sacrés, devant les yeux de son esprit apparaissait une
tarte aux pommes ou une autre récompense qui pourrait lui être donnée. Et avec
un amer regret, il suggère comment ces images et ces pensées parasites peuvent détruire
un état de prière. Si une telle chose s'est produite avec les saints, il n'y a
rien d'étonnant qu’elle nous arrive à nous aussi. Pour nous protéger des
pensées et des images parasites, nous devons apprendre, comme l'ont fait les
anciens Pères de l'Église, "garder nos esprits."
Chez les écrivains ascétiques de l'Eglise ancienne, il y avait
un développement détaillé de la façon dont les pensées de l’extérieur pénètrent
progressivement chez une personne. La première étape de ce processus est
appelée "suggestion [démoniaque]", c'est l'apparition soudaine d'une
pensée. Cette pensée nous est encore complètement étrangère, mais apparaît
quelque part à l'horizon; sa pénétration à l'intérieur de nous débute quand on
commence à lui prêter attention, lorsque l’on entre en conversation avec elle,
qu’on l’examine et l’analyse. Commence alors ce que les Pères de l'Église
appellent "combinaison", quand l'esprit de l'homme en quelque sorte
se confond avec la pensée. Enfin, la pensée se transforme en passion et embrasse
l'ensemble de la personne, puis à la fois la prière et la vie spirituelle sont
oubliées.
Pour que cela ne se produise, il est très important de couper
les pensées parasites à leur première apparition, ne leur permettant pas de
pénétrer profondément dans l'âme, le cœur et l'esprit. Apprendre à faire cela
exige beaucoup de travail sur soi. On ne peut qu'être distrait à la prière, si
l'on n'apprend pas à se battre avec les pensées parasites.
Une des maladies de l'homme moderne, c'est qu'il est incapable
de contrôler le travail de son propre cerveau. Son cerveau est autonome, et les
pensées vont et viennent spontanément. L'homme moderne en règle générale ne
suit pas ce qui se passe dans son esprit. Mais pour apprendre la vraie prière,
on doit suivre ses pensées et en expulser sans ménagement celles qui ne
correspondant pas à une disposition de prière. De courtes prières aident à
surmonter les distractions et les pensées parasites: "Seigneur, aie
pitié", "Dieu, sois miséricordieux envers moi, pécheur", et d'autres,
qui ne nécessitent pas une attention particulière sur les mots, mais inclinent
à la naissance de sentiments et de mouvements du cœur. Avec l'aide de ces
prières, on peut apprendre à prier avec attention et à se concentrer sur la
prière.
Pourquoi devons-nous aller à l’Eglise ?
Beaucoup de gens qui fréquentent rarement l’église ont une
sorte d'attitude de consommateurs envers l'église. Ils viennent à l'église, par
exemple, avant un long voyage - pour allumer un cierge pour le simple plaisir
de le faire, de sorte que rien ne se passe sur la route. Ils viennent pour deux
ou trois minutes, se signent à la hâte et, après avoir allumé un cierge, vont
leur chemin. Certains, entrant dans une église, disent: "Je veux verser de
l'argent afin que Batioushka prier pour untel ou untel," et ils versent de
l'argent et partent. Le prêtre doit prier, mais ces gens eux-mêmes ne
participent pas à la prière.
C'est une mauvaise attitude. L'Eglise n'est pas un automate
pour acheter des "snickers" [barres de chocolat]: mettez votre pièce
et les bonbons tombent!!! L'église est un endroit où aller pour vivre et
étudier. Si vous rencontrez certaines difficultés, ou si un de vos proches est
tombé malade, ne vous limitez pas à aller mettre un cierge. Venez à l'église
pour l’office divin, immergez-vous dans les éléments de la prière, et élevez
votre prière pour votre difficulté avec le prêtre et la communauté.
Il est important que la participation à l'église soit
régulière. Il est bon de se rendre à l'église tous les dimanches. La Divine
Liturgie du dimanche, ainsi que la liturgie de grandes fêtes, c'est le moment
où nous pouvons, en renonçant à deux heures de nos affaires terrestres, nous
plonger dans les éléments de la prière. Il est bon de venir à l'église avec
toute sa famille, afin de recevoir la Confession et la Communion.
Si on apprend à vivre du dimanche au dimanche, au rythme des
offices de l'église, au rythme de la Divine Liturgie, alors toute notre vie va
changer radicalement. Surtout, elle va devenir disciplinée.
Le croyant sait que dimanche prochain, il devra donner une
réponse à Dieu, et il vit différemment: il ne se permet pas de péchés qu'il se
permettrait autrement, s’il n’allait pas à l'église. En outre, la Divine
Liturgie elle-même est l'occasion de recevoir la Sainte Communion, c’est-à-dire
de s'unir à Dieu, non seulement spirituellement, mais aussi physiquement.
Enfin, la Divine Liturgie est un office complet au cours
duquel la communauté ecclésiale entière et chacun de ses membres, peuvent prier
pour tous ceux qui les troublent ou leur font souci. Les fidèles pendant la
Liturgie peuvent prier pour eux et pour leur prochain, et pour leur avenir,
apportant le repentir de leurs péchés, et demandant la bénédiction de Dieu pour
la poursuite de leur ministère.
Il est très important d'apprendre à participer pleinement à la
Liturgie. Dans l'Église, il y a aussi d'autres offices, par exemple,
l’agrypnie [office de toute la nuit qui enchaîne Vêpres, Matines, Laudes et
Divine Liturgie], et l’office de préparation à la Communion.
On peut demander des molebens [Offices de supplication, ou Te
Deum de remerciement] de supplication pour la santé d'une personne ou d'une
autre. Mais aucun des offices dit "privés," c'est-à-dire des offices
demandés pour les besoins spécifiques d'une personne, ne peut prendre la place
de la Divine Liturgie, parce que la Liturgie est le centre de la prière de
l'Eglise, et elle devrait devenir le centre de la vie spirituelle de chaque
chrétien et de chaque famille chrétienne.
De la componction et des larmes
Je voudrais dire quelques mots sur l'état spirituel et
émotionnel que les gens connaissent dans la prière. Rappelons-nous les vers
bien connus de Lermontov:
Prière
Dans une minute pénible de la vie
Si la tristesse emplit le cœur,
Je récite sans cesse par cœur
Une invocation miraculeuse.
Il y a une volonté bienfaisante
Dans la musique des mots vivants,
Et en eux respire
Un délice inconnu, sacré.
Et l'âme se libère de son fardeau,
Le doute est lointain
Et il est facile d’avoir confiance, et de pleurer,
Et je me sens si léger, si léger...
Dans ces paroles belles et simples du grand poète, est décrit
ce qui arrive à beaucoup de gens pendant la prière. On récite les paroles de la
prière, peut-être familières depuis l'enfance, et tout à coup on ressent une
sorte d'illumination, d’éclair, et [viennent] les larmes. Dans le langage de
l'église, cette condition est appelée componction. C'est une condition qui est
parfois donnée au cours de la prière, où l'on sent la présence de Dieu plus que
d'habitude. C'est un état d'esprit, où la grâce de Dieu touche directement le
cœur.
Rappelons le passage du livre autobiographique d'Ivan
Bounine, La vie d'Arseniev, dans lequel Bounine décrit ses années
d'adolescence et comment, alors qu'il était encore écolier, il a assisté à des
offices divins dans l'église paroissiale de l’Exaltation de la Croix du
Seigneur. Il décrit le début de l’agrypnie, dans la pénombre de l'église, où il
y a très peu de gens:
"Comme tout cela me touche! Je suis encore un enfant, un
adolescent, mais cependant, je suis né doté du sens de tout cela, et au cours
des dernières années, j'ai tant de fois traversé cette attente, ce silence
tendu qui précède l’office, tant de fois entendu les exclamations et le «Amen»
qui les suit et les noie, devinant sans faille à l'avance chaque parole de
l’office, donne maintenant une double réponse à tout, intensifié par son
attente.
"Gloire à la sainte et consubstantielle... "
J’entends la voix familière agréable venant légèrement de l'autel, et pour le
reste de l’office je me tiens comme ensorcelé. "Venez, adorons Dieu notre
Roi! Venez adorons... " "Bénis le Seigneur, ô mon âme,"
j'entends tout cela, tandis que le prêtre, précédé par le diacre avec un
cierge, marche tranquillement dans l'église, la remplissant en silence de bouffées
d'odeur d'encens, et s’inclinant devant les icônes; et les larmes obscurcissent
mes yeux, car je sais déjà avec certitude qu'il n’y a, et peut être il ne peut
y avoir, rien de plus beau ou plus élevé sur terre que tout cela.
Et ainsi continue à couler le saint mystère. Les Portes
Royales sont fermées et ouvertes en alternance, symbolisant maintenant notre
expulsion du Paradis que nous avons perdu, et maintenant la nouvelle
contemplation de celui-ci; de merveilleuses prières de lumière sont récitées,
donnant libre cours à notre conscience douloureuse de notre faiblesse
terrestre, notre impuissance et notre empressement à être conduits sur le
chemin de Dieu.
Et Bounine écrit qu'il a pu visiter de nombreuses églises
occidentales où il y avait des orgues, qu'il est allé dans les cathédrales
gothiques, mais qu'il "n'a jamais pleuré dans les cathédrales comme [il
l’a fait] dans la petite église de l'Exaltation de la Croix, en ces soirées
sombres et solitaires."
Ce n’est pas seulement aux grands poètes et écrivains de
pouvoir décrire les effets pleins de grâce qui sont liés à la visite d'une
église. Tout le monde peut en faire l'expérience. Il est très important que
notre âme soit ouverte à de tels sentiments, de sorte que, en entrant dans
l'église, nous soyons prêts à recevoir la Grâce de Dieu dans la mesure où elle
nous est donnée.
Si un état rempli de grâce ne vient pas à nous, et que nous ne
sommes pas gagnés par la componction, nous ne devrions pas nous inquiéter. Cela
signifie que notre âme n'est pas mûre pour la componction.
Mais les minutes de cette illumination sont un signe que notre
prière n'est pas stérile. Elles témoignent du fait que Dieu répond à nos
prières et que la grâce de Dieu touche nos cœurs.
La Prière de Jésus
L'apôtre Paul dit: Priez sans cesse (1Thessaloniciens 5:17).
Les gens demandent souvent: Comment pouvons-nous prier sans cesse, si nous
travaillons, lisons, parlons, mangeons, dormons, etc.? Autrement dit, si nous
faisons des choses qui semblent incompatibles avec la prière? Dans la tradition
orthodoxe, la réponse à cette question est la prière de Jésus. Les fidèles qui
pratiquent la prière de Jésus atteignent la prière constante, c’est-à-dire, à
une présence incessante devant Dieu. Comment cela se fait-il?
La prière de Jésus est: "Seigneur Jésus-Christ, Fils de
Dieu, aie pitié de moi, pécheur." Il y a aussi une forme plus courte:
"Seigneur Jésus-Christ, aie pitié de moi" Mais on peut aussi réduire
la prière à trois mots: "Seigneur, aie pitié." Celui qui pratique la
prière de Jésus ne la répète pas seulement pendant les offices divins ou
pendant la prière à la maison, mais lorsqu’il voyage, mange, et va dormir. Même
s’il parle avec quelqu'un ou s’il écoute quelqu'un, alors, sans perdre
l'intensité de sa perception, il peut néanmoins continuer à répéter cette
prière dans les profondeurs de son cœur.
Le sens de la prière de Jésus ne consiste évidemment pas en la
répétition mécanique, mais en se sentant toujours dans la présence vivante du
Christ. Cette présence est ressentie par nous d'abord parce que, en prononçant
la prière de Jésus, nous prononçons le Nom du Sauveur.
Le nom est un symbole de son porteur; dans le nom est présent,
pour ainsi dire, la personne à qui il appartient. Quand un jeune homme tombe
amoureux d'une jeune femme, il répète sans cesse son nom, car elle est, pour
ainsi dire, présente en son nom. Et dans la mesure où l'amour remplit tout son
être, il ressent le besoin de répéter ce nom, encore et encore. De la même
façon, un chrétien qui aime le Seigneur répète le nom de Jésus-Christ, parce
que tout son cœur et son être sont attirés par le Christ.
Il est très important lors de l'exécution de la prière de
Jésus de ne pas essayer d'imaginer le Christ, Le montrant comme quelqu'un dans
une situation de vie ou, par exemple, suspendu à la Croix. La prière de Jésus
ne doit pas être associée avec des images qui pourraient survenir dans notre
imagination, car alors il y a une substitution de d’imagination réelle. La
prière de Jésus ne doit être accompagnée que par le sentiment intérieur de la
présence du Christ et le sentiment de se tenir devant le Dieu vivant. Aucune
image externe n’est appropriée ici.
Les « propriétés » de la prière de Jésus ?
La prière de Jésus possède plusieurs propriétés spéciales.
Tout d'abord, elle contient de la Présence du Nom de Dieu en elle.
Nous pensons souvent au Nom de Dieu comme par habitude, sans
réfléchir. Nous disons: "Seigneur, je suis fatigué" ou "Dieu
soit avec lui, qu'il vienne une autre fois" - en ne pensant absolument pas
à la force que le Nom de Dieu possède. Cependant, déjà dans l'Ancien Testament,
il a été ordonné: Tu ne prendras point le Nom de l'Éternel, ton Dieu, en vain
(Exode 20:07). Les anciens Juifs se référaient au Nom de Dieu avec le plus
grand respect. Durant l'ère suivant la libération de la captivité
babylonienne, il était généralement interdit de prononcer le Nom de Dieu. Ce
droit était réservé au seul souverain sacrificateur, une fois par an, quand il
entrait dans le Saint des Saints, le sanctuaire principal du Temple. Quand nous
nous tournons vers le Christ avec la prière de Jésus, notre prononciation du
Nom du Christ et sa confession comme Fils de Dieu a une signification
complètement différente. Ce Nom doit être prononcé avec le plus grand respect.
Une autre propriété de la prière de Jésus est sa simplicité et
son accessibilité. Pour effectuer la prière de Jésus, on n'a pas besoin des
livres spécialisés, ni d’un lieu ou d’un temps particulier. C'est son grand
avantage sur beaucoup d'autres prières.
Enfin, il y a encore une propriété qui distingue cette prière:
en elle nous confessons nos péchés: "Aie pitié de moi, pécheur." Ce
point est très important, parce que beaucoup de nos contemporains ne ressentent
absolument pas leur état de pécheur. Même à la confession, on entend souvent
dire: "Je ne sais pas de quoi me repentir: je vis comme tout le monde; ou
encore, Je ne tue pas,” et ainsi de suite. Pendant ce temps, ce sont nos
péchés, en règle générale, qui sont les causes de nos grands maux et douleurs.
On ne reconnaît pas ses péchés parce que l'on est loin de Dieu, comme dans une
pièce sombre, où nous ne voyons pas non plus la poussière ou la saleté; mais
lorsque vous ouvrez une fenêtre, vous découvrez que la salle avait besoin
depuis longtemps de nettoyage.
L'âme de l'homme, loin de Dieu, est comme une pièce sombre.
Mais plus on s’approche de Dieu, plus la lumière est dans l'âme, et la
fortement on sent son propre péché. Et cela se produit non pas parce que l'on
se compare avec d'autres personnes, mais parce que l'on se tient devant Dieu.
Quand nous disons: "Seigneur Jésus-Christ, aie pitié de moi,
pécheur," nous nous mettons en quelque sorte devant la Face du Christ, en
comparant notre vie à Sa vie. Et puis nous allons en effet nous sentir pécheurs
et nous pouvons, du plus profond de nos cœurs, offrir la repentance.
La pratique de la Prière de Jésus
Parlons des aspects pratiques de la prière de Jésus. Certaines
personnes se sont données la tâche de répéter la prière de Jésus au cours de la
journée, par exemple, cent, cinq cents ou mille fois. Pour compter combien de
fois ils ont dit la prière, ils utilisent un tchotki [chapelet de laine], qui
peut avoir cinquante, cent, ou plus de nœuds. Prononçant la prière dans leur
esprit, les gens utilisent un chapelet. Mais si vous venez de commencer le
combat ascétique de la prière de Jésus, alors vous devriez faire plus attention
à la qualité plutôt qu’à la quantité. Il me semble que l'on devrait commencer
avec une prononciation très lente à haute voix des paroles de la prière de
Jésus, veiller à ce que ce cœur participe à la prière. Vous prononcez:
"Seigneur Jésus ... ... Christ ..." - et votre cœur devrait, comme un
diapason, répondre à chaque mot. Et ne cherchez pas immédiatement à dire la
prière de Jésus un grand nombre de fois. Dites-la dix fois, mais si votre cœur
réagit aux paroles de la prière, ce sera suffisant.
L'homme a deux centres spirituels: l'esprit et le cœur. Avec
l'esprit sont connectées l’activité intellectuelle, l'imagination et les
pensées; avec le cœur sont connectées les émotions et les expériences. En
disant la prière de Jésus, le centre devrait être le cœur. C'est pourquoi, en
priant, vous ne devriez pas essayer de vous représenter quelque chose dans
l'esprit (par exemple, Jésus-Christ) mais vous devriez essayer de garder votre
attention dans le cœur.
Les anciens écrivains ascétiques de l’Eglise ont développé une
technique pour "garder l'esprit dans le cœur", qui fait que la Prière
de Jésus est liée à la respiration: lorsque vous inhalez, vous dites:
"Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu"; et quand vous exhalez:
"aie pitié de moi, pécheur." L’attention est, pour ainsi dire,
naturellement transférée de la tête au cœur. Je ne pense pas que tout le monde
devrait pratiquer la prière de Jésus de cette manière; il suffit de dire les
paroles de la prière avec grande attention et respect.
Commencez votre journée par la prière de Jésus. Si au cours de
la journée, vous avez une minute de libre, récitez la prière un peu plus de
temps; dans la soirée, avant de dormir, répétez-la jusqu'à ce que vous vous
endormiez. Si vous apprenez à vous réveiller et à vous endormir avec la prière
de Jésus, cela vous donnera un énorme soutien spirituel.
Peu à peu, dans la mesure où votre cœur devient plus sensible
aux paroles de cette prière, vous pouvez atteindre le point où elle devient
incessante (en outre, le contenu principal de la prière ne sera pas de
prononcer les paroles, mais dans le sentiment constant de la présence de Dieu
dans votre cœur). Et si vous avez commencé en disant la prière à haute voix,
vous pourrez progressivement atteindre le point où vous ne la direz que dans
votre cœur, sans la participation de la langue ou des lèvres. Vous verrez
comment la prière transformera votre nature humaine et toute votre vie. C'est
le pouvoir spécial de la prière de Jésus.
Les livres sur la Prière de Jésus
"Quoi que vous fassiez, quoi que vous arriviez à faire à
tout moment donné, jour et nuit, prononcez avec votre bouche ces paroles
divines: "Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi,
pécheur." Ce n'est pas difficile : à la fois en voyage, sur la route, et
pendant le travail - si vous coupez du bois de chauffage ou transportez de
l'eau, creusez la terre ou cuisez des aliments. Après tout, dans toutes ces
choses, seul le corps est à l'œuvre, et l'esprit est sans occupation - alors
donnez-lui quelque chose à faire qui soit inhérent et agréable à sa nature
immatérielle : Prononcer le nom de Dieu ! "Ceci est un extrait
du livre Dans les Montagnes du Caucase, qui a été publiée au début du XXe
siècle et qui est dédié à la prière de Jésus.
Je tiens à souligner que cette prière doit être apprise, en
outre, de préférence avec l'aide d'un père spirituel. Dans l'Église orthodoxe,
il y a maîtres de prière parmi les moines, les pasteurs, et même les laïcs: ce sont
des gens qui ont eux-mêmes appris la puissance de la prière par l'expérience.
Mais si vous ne trouvez pas un tel instructeur, et beaucoup se plaignent qu'il
est maintenant difficile de trouver des instructeurs pour la prière, on peut se
tourner vers des livres tels que Dans les Montagnes du
Caucase ou Le Livre du Pèlerin Russe.
Ce dernier, qui a été publié au dix-neuvième siècle et
réimprimé plusieurs fois, parled’une
personne qui a décidé d'apprendre la prière incessante. C’était un vagabond qui
marchait de ville en ville avec un sac sur ses épaules et un bâton à la main,
et qui a appris à prier. Il répétait la prière de Jésus plusieurs milliers de
fois par jour.
Il y a aussi la collection classique en cinq volumes des
œuvres des Pères de l'Église du quatrième au quatorzième siècle: La
Philocalie. Il s'agit d'un très riche trésor de l'expérience spirituelle,
contenant de nombreuses instructions sur la prière de Jésus et la sobriété ou
la vigilance mentale. Ceux qui veulent vraiment apprendre à prier devraient se
familiariser avec ces livres.
J'ai également cité un passage du livre Dans les
Montagnes du Caucase, car il y a de nombreuses années, quand j'étais
adolescent, j'ai eu l'occasion de voyager en Géorgie, aux montagnes du Caucase
près de Soukhoumi. Là, j'ai rencontré des ermites. Ils vivaient là, même à
l'époque soviétique, loin de la vanité mondaine, dans des grottes, des gorges,
et des précipices, et personne ne connaissait leur existence. Ils ont vécu par
la prière et transmis un trésor d'expérience de prière de génération en
génération. Ce sont des gens qui étaient comme d'un autre monde, qui avaient
atteint des sommets spirituels et une profonde paix intérieure. Et tout cela,
c’était grâce à la prière de Jésus.
Dieu veuille que, par des instructeurs expérimentés et par les
livres des Saints Pères [de l'Église], nous apprenions ce trésor: la pratique
incessante de la prière de Jésus!
La Prière du Seigneur : Notre Père Qui es aux Cieux…
La prière du "Notre Père" est d'une importance
particulière, parce que Jésus Christ Lui-même nous l'a donnée. Elle commence
par les mots: "Notre Père, Qui es aux Cieux." Cette prière a un
caractère complet: en elle se concentre, pour ainsi dire, tout ce dont l'homme
a besoin à la fois pour la vie terrestre et pour le salut de son âme. Le
Seigneur nous l'a donnée pour que nous puissions savoir ce pourquoi nous devons
prier et ce qu'il faut demander à Dieu.
Les premiers mots de cette prière: "Notre Père, qui es
aux Cieux," nous révèlent que Dieu n'est pas un être lointain ou abstrait,
pas une bonne base théorique, mais notre Père. Aujourd'hui beaucoup de gens, en
réponse à la question de savoir s'ils croient en Dieu, répondent par
l'affirmative; mais si vous leur demandez comment ils imaginent Dieu et ce
qu'ils pensent de Lui, ils répondent quelque chose comme ceci: "Eh bien,
Dieu est bon, Il est quelque chose de lumineux, une sorte d'énergie
positive." C’est-à-dire qu’ils traitent Dieu comme une sorte
d'abstraction, comme quelque chose d'impersonnel.
Quand nous commençons notre prière avec les mots "Notre
Père", alors nous faisons immédiatement appel au Dieu vivant personnel,
Dieu en tant que Père - au Père dont le Christ a parlé dans la parabole
du Fils prodigue. Beaucoup de gens se souviennent de l'objet de cette
parabole de l'Évangile selon saint Luc. Le fils décida de quitter son père,
sans attendre sa mort. Il reçut l'héritage qui lui est dû, est allé dans un
pays éloigné, où il dissipa son héritage.
Quand il eut atteint la limite finale de la pauvreté et de
l'épuisement, il décida de retourner chez son père. Il se dit: Je me
lèverai, j'irai vers mon père, et je lui dirai: Père, j'ai péché contre le ciel
et devant toi, Et je ne suis plus digne d'être appelé ton fils; traite-moi
comme l'un de tes ouvriers (Luc 15:18-19).
Et quand il était encore loin, son père courut à sa rencontre,
se jetant à son cou. Le fils n'était même pas en mesure de dire les paroles
qu’il avait préparées, parce que le père lui donna immédiatement un anneau,
signe de la dignité filiale, et le revêtit de ses anciens vêtements,
c’est-à-dire qu’il le rendit complètement à sa dignité de fils.
C'est précisément la façon dont Dieu nous traite. Nous ne
sommes pas des mercenaires, mais des fils de Dieu, et le Seigneur nous traite
comme ses enfants. Par conséquent, notre attitude envers Dieu doit être
caractérisée par la dévotion et le noble amour filial.
Lorsque nous prononçons le "Notre Père", cela
signifie que nous ne prions pas dans l'isolement, comme des individus, dont
chacun a son propre Père, mais en tant que membres d'une seule famille humaine,
une seule Église, un seul Corps du Christ. En d'autres termes, en appelant Dieu
notre Père, nous sous-entendons par là que toutes les autres personnes sont nos
frères. En outre, lorsque le Christ nous enseigne dans la prière de se tourner
vers Dieu "Notre Père", il se place en quelque sorte au même niveau
avec nous. Saint Syméon le Nouveau Théologien dit que par la foi en Christ,
nous devenons frères du Christ, parce que nous partageons avec lui un Père
commun: notre Père céleste.
En ce qui concerne les mots "qui es aux cieux", ils
n'indiquent pas les cieux physiques, mais que Dieu vit dans une dimension
complètement différente de nous, qu'Il est absolument transcendant pour nous.
Mais par la prière, par l'Eglise, nous avons la possibilité de participer à cet
autre monde.
La Prière du Seigneur : Que Ton Nom soit sanctifié…
Qu'est-ce que les mots "que Ton Nom soit sanctifié"
signifient? Le Nom de Dieu est déjà saint en lui-même, portant en lui la force
de la sainteté, la force spirituelle, et la présence de Dieu. Pourquoi
devons-nous prier en ces termes? Se pourrait-il vraiment que le nom de Dieu ne
reste pas saint si nous ne disons pas «Que Ton Nom soit sanctifié»?
Quand nous disons "que Ton Nom soit sanctifié," nous
avons principalement à l'esprit que le Nom de Dieu soit sanctifié doit,
c'est-à-dire être révélé comme saint par nous, les chrétiens, à travers notre
vie spirituelle. L'apôtre Paul, s'adressant aux chrétiens indignes de son
temps, dit: "Car le Nom de Dieu est blasphémé parmi les nations à travers
vous, comme il est écrit" (Romains 2:24). Ce sont des paroles très
importantes. Ils parlent de notre divergence avec la norme morale et
spirituelle qui est contenue dans l'Evangile et selon laquelle nous, chrétiens,
sommes obligés de vivre. Cette différence est peut-être l'une des principales
tragédies aussi bien pour nous en tant que chrétiens et pour l'Église
Chrétienne entière.
L'Église possède la sainteté, car elle est construite sur le Nom de Dieu, qui Lui-même est
saint. Les membres de l'Eglise sont loin d'être conformes aux normes que
l'Église met en avant. On entend souvent des reproches - et à juste titre -
adressés aux chrétiens: " Comment pouvez-vous prouver l'existence de Dieu,
si vous vous ne vivez pas mieux - et parfois pire encore - que les païens et
les athées? Comment conciliez-vous la foi en Dieu avec des actions
indignes ? "
Ainsi, chacun de nous devrait se demander tous les
jours:" Est-ce que je corresponds comme chrétien à l'idéal de l'Évangile?
Est-ce que le Nom de Dieu est sanctifié ou blasphémé par moi? Suis-je un
exemple de vrai chrétien, qui a de l'amour, de l'humilité, de la douceur et de
la miséricorde? Ou bien suis-je un exemple du contraire de ces vertus? "
Souvent, les gens se tournent vers les prêtres avec la
question: "Que dois-je faire pour amener mon fils (ma fille, mon époux,
mon père, ma mère) à l'église? Je leur parle de Dieu, mais ils ne veulent pas
écouter."
Le problème, c'est qu'il ne suffit pas de parler de Dieu.
Quand quelqu'un qui est devenu croyant cherche à convertir les autres à sa foi,
en particulier ceux qui sont proches de lui, avec l'aide de mots, de
persuasion, et parfois même de coercition, les exhortant à prier ou à aller à
l'église, cela conduit souvent au résultat inverse : ses proches rejettent tout
ce qui est ecclésial et spirituel. Nous pouvons amener les gens à l'Église que
lorsque nous nous devenons de vrais chrétiens; quand en nous regardant, ils
peuvent dire: "Oui, je comprends maintenant ce que la foi chrétienne peut
faire pour quelqu'un, comment elle peut le changer et le transformer; je vais
commencer à croire en Dieu, parce que je vois comment les chrétiens diffèrent
de ceux qui ne sont pas chrétiens.
La Prière du Seigneur : Que Ton règne vienne!
Que signifient ces mots? Après tout, le Royaume de Dieu
viendra inévitablement, le monde finira, et l'humanité entrera dans
une autre dimension. De toute évidence, nous ne sommes pas en train de prier
pour que la fin du monde vienne, mais pour que le Royaume de Dieu vienne à
nous, qu'il devienne réel dans nos vies, que notre présent, monotone, gris, et
parfois sombre et tragique, nos vies terrestres soient imprégnés de la présence
du Royaume de Dieu.
Qu'est-ce que le Royaume de Dieu? Afin de répondre à cette
question, il faut se tourner vers l'Evangile et se souvenir que Jésus-Christ a
commencé sa prédication par les mots: Repentez-vous, car le royaume des
cieux est proche (Matthieu 4:17). Puis, le Christ a parlé à plusieurs
reprises aux gens de son Royaume; Il n'a pas eu d'objection quand il a été
appelé roi, par exemple, quand il est entré à Jérusalem et a été salué comme
roi des Juifs. Même quand il a été jugé et moqué, calomnié, diffamé, le
Seigneur a répondu à la question apparemment ironique de Pilate: Es-tu le
roi des Juifs? Par les mots: Mon royaume n'est pas de ce
monde (Matthieu 18:33-36).
Ces paroles du Sauveur contiennent également une réponse à la
question de ce qu'est le Royaume de Dieu. Lorsque nous nous tournons vers Dieu
avec les mots "que Ton règne vienne," nous demandons que ce royaume
surnaturel et spirituel du Christ devienne une réalité dans nos vies, que la
dimension spirituelle dont parlent tant de gens, mais que si peu connaissent
par expérience, devienne manifeste dans nos vies.
Quand le Seigneur Jésus-Christ a dit à Ses disciples ce qui
l'attendait à Jérusalem - les tourments, la souffrance et la mort sur la Croix
- la mère de deux d'entre eux lui dit: Fais que mes deux fils puissent
siéger avec Toi, l'un à Ta droite, et l'autre à Ta gauche, dans Ton
royaume (Matthieu 20:21). Il parlait de la façon dont il devait souffrir
et mourir, mais elle imaginait un homme sur un trône royal et voulait que ses
fils soient à côté de lui. Mais, comme nous le comprenons, le Royaume de Dieu a
été révélé sur la croix: le Christ a été crucifié, saignant abondamment, et
surtout au-dessus de lui était accroché un signe: "Roi des
Juifs."
Ce n'est que plus tard que le Royaume de Dieu a été révélé
dans la glorieuse et salvifique Résurrection du Christ. C'était ce
Royaume qui nous était promis: un Royaume qui est donné par de grands efforts
et de grandes tribulations. Le chemin vers le Royaume de Dieu passe par
Gethsémani et le Golgotha : à travers les épreuves, les tentations, les peines
et les souffrances, qui nous frappent tous. Nous devons nous en souvenir quand
nous disons la prière "Que Ton règne vienne."
La Prière du Seigneur : Que Ta volonté soit faite sur la
terre comme au Ciel
Comme nous prononçons ces paroles à la légère! Et combien très
rarement nous ne reconnaissons pas que notre volonté peut ne pas coïncider avec
la volonté de Dieu. Après tout, parfois Dieu nous envoie la souffrance, mais
nous nous révélons incapables de l'accepter comme envoyée de Dieu, et nous
maugréons avec indignation. Combien de fois les gens, vont vers un prêtre, et
disent: «Je ne peux pas être d'accord avec ceci ou cela; Je comprends que c'est
la volonté de Dieu, mais je ne peux pas l’accepter. "Que peut-on dire à
une telle personne? On ne peut pas de dire que, apparemment, en disant la
prière du Seigneur, il a besoin de remplacer les mots «Que ta volonté soit
faite" par "que ma volonté soit faite"!
Chacun de nous doit se battre pour que notre volonté
corresponde avec la bonne volonté de Dieu. Nous disons: «Ta volonté soit faite
sur la terre comme au Ciel», c'est la volonté de Dieu, ce qui est déjà accompli
dans le ciel, dans le monde spirituel, doit également être accompli ici-bas,
sur terre - et surtout dans notre propre vie. Et nous devrions être prêts à
suivre en tout la voix de Dieu. Il faut trouver la force en soi de renoncer à
sa propre volonté pour le bien de l'accomplissement de la volonté de Dieu.
Souvent, pendant la prière, nous demandons une chose à Dieu, mais nous ne la
recevons pas. Et puis, il nous semble que notre prière n'a pas été entendue.
Nous devons trouver la force en nous d'accepter ce "refus" de la part
de Dieu comme Sa volonté.
Rappelons-nous le Christ, Qui, à la veille de Sa mort, a prié
Son Père en disant: Mon Père, s'il est possible, que cette coupe s'éloigne
de moi! Toutefois, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux. Et il vint vers
les disciples, qu'il trouva endormis, et il dit à Pierre: Vous n'avez donc pu
veiller une heure avec moi! Veillez et priez, afin que vous ne tombiez pas dans
la tentation; l'esprit est bien disposé, mais la chair est faible. Il s'éloigna
une seconde fois, et pria ainsi: Mon Père, s'il n'est pas possible que cette
coupe s'éloigne sans que je la boive, que ta volonté soit faite! (Matthieu
26:39-42).
Tel devrait être aussi notre relation à la volonté de Dieu. Si
nous pensons que quelque affliction vient sur notre chemin et que nous aurons à
boire une coupe pour laquelle nous ne pourrions pas avoir de force, nous
pouvons dire: «Seigneur, si c'est possible, épargne-moi cette coupe de douleur,
qu'elle s’éloigne de moi» mais, comme le Christ, nous devrions conclure notre
prière avec les mots: " mais non pas ma volonté, mais que la Tienne soit
faite."
Nous devons nous comporter avec Dieu avec confiance. Les
enfants demandent souvent à leurs parents quelque chose que ces derniers ne
leur donnent pas parce qu'ils le considèrent comme dangereux. Les années
passent, et on comprend à quel point les parents avaient raison. Il en est de
même avec nous. Le temps passe, et nous comprenons tout à coup à quel point
était beaucoup plus bénéfique ce que le Seigneur nous a envoyé était par
rapport à ce que nous avions voulu obtenir selon notre propre volonté.
La Prière du Seigneur : Donne-nous aujourd’hui notre pain
quotidien
Nous pouvons nous tourner vers Dieu avec une grande variété de
demandes. Nous pouvons lui demander non seulement ce qui est sublime et
spirituel, mais aussi ce qui est essentiel pour nous sur le plan matériel. Le
"pain quotidien" est ce avec quoi nous vivons; c'est notre nourriture
quotidienne.
En outre, dans la prière, nous disons: "Donne-nous
aujourd'hui notre pain quotidien." En d'autres termes, nous ne demandons
pas à Dieu de nous fournir tout le nécessaire pour tous les jours suivants de
nos vies. Nous lui demandons de la nourriture pour ce jour, sachant que s’Il
nous nourrit aujourd'hui, alors Il nous nourrira aussi demain. En prononçant
ces mots, nous exprimons notre confiance en Dieu: nous lui faisons confiance
dans notre vie d'aujourd'hui, tout comme nous lui faisons confiance pour
demain.
Les mots "pain quotidien" indiquent ce qui est
nécessaire à la vie, et rien d’excessif. On pourrait se mettre sur la voie de
la thésaurisation et, ayant tout ce qu'il faut - un toit au-dessus de sa tête,
un morceau de pain, et un minimum de biens matériels - commencer à s'engager
dans la thésaurisation et le luxe. Ce chemin mène à une impasse, car plus on
accumule et plus on a d'argent, plus on sent le vide de la vie, estimant qu'il
y a d'autres besoins qui ne peuvent être satisfaits avec les biens matériels.
Ainsi, le "pain quotidien" est ce qui est essentiel. Ce n'est pas une
limousine, ni un palais, ni des millions de dollars - c'est ce sans quoi, ni
nous, ni nos enfants, ni nos parents ne pouvons vivre.
Certains comprennent les mots "pain quotidien" dans
un sens plus élevé: comme "super essentiel." Les Pères de l'Église
grecque en particulier, ont écrit que "le pain super essentiel" est
le pain qui descend du ciel - en d'autres mots, le Christ Lui-même, que les
chrétiens reçoivent dans le mystère de la Sainte Communion. Une telle
compréhension est également justifiable, car en plus du pain matériel, il faut
aussi du pain spirituel.
Tout le monde peut investir son propre contenu dans le concept
de "pain quotidien". Pendant la guerre, un garçon priait:
"Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien", parce que sa
nourriture principale était du pain sec. La principale chose nécessaire pour
que ce garçon et sa famille se maintiennent en vie était du pain sec. Cela peut
paraître drôle ou triste, mais cela montre que tout le monde - jeunes et vieux
- demande à Dieu ce dont il a le plus besoin par-dessus tout, ce sans quoi il
ne peut pas vivre un seul jour.
La prière du Seigneur : Et ne nous soumets pas à la
tentation, mais délivre-nous du Malin
Qu'est-ce que la tentation et qui est le Malin?
La tentation est une épreuve qui nous est soit envoyée par
Dieu, ou bien qui vient du Diable, mais elle est permise par Dieu. Chaque
tentation pour nous est une sorte de test d'endurance. Et parfois, nous passons
ce test, et parfois nous ne le faisons pas. Lorsque nous demandons à Dieu:
"Et ne nous soumets pas à la tentation," c’est comme si nous disions
à Dieu: "Ne nous envoie pas une épreuve au-delà de nos forces; envoie-nous
le genre d’épreuve que nous pouvons traiter, de sorte que les épreuves et les
tribulations que Tu envoies ne nous écrasent pas ou ne tuent pas notre
foi."
Le Malin est le Diable, l'ennemi de la race humaine. En ce qui
concerne le Diable, il faut éviter deux extrêmes. Certains ont tendance à nier
l'existence du Diable et des démons. Ces personnes - croyantes ou incroyantes -
ne reconnaissent pas l'existence réelle dans ce monde de pouvoirs maléfiques,
et non pas de plus en tant que puissances abstraites, mais comme des êtres vivants,
parce que le Diable et les démons, comme les anges, sont des êtres vivants
réels.
Il est un autre extrême, surtout répandu chez les croyants et
les gens qui fréquentent l’Eglise, par lequel les gens exagèrent l'importance
du Diable, quand on a tellement peur des actions du Diable et des puissances du
mal, qu'on vit dans un état de
semi-paralysie. D'où la crainte commune parmi les croyants du mauvais œil, de
la magie noire, etc. De là vient une approche timide de la vie, où l’on a peur
de tout, où l’on voit des menaces partout, et où l’on ne peut pas vivre de
façon créative, librement et pleinement.
Nous devons nous rappeler que le Malin, bien sûr, a du pouvoir
et peut avoir un impact négatif, même dévastateur sur nos vies, mais seulement
lorsque nous nous lui permettons d'accéder à nous. Le Diable est impuissant là
où il n'est pas invité, où sa présence n'est pas souhaitée.
Si une personne va à l'église, prie, porte une croix, et fait
le signe de croix; si elle accomplit les commandements de Dieu et s’abstient de
commettre des péchés, alors le Diable est impuissant et n'a pas sa place dans
une telle personne.
Quand le Diable gagne-t-il de la force? Quand on ouvre les
vannes et les portes de sa maison; lorsque, par exemple, on tombe dans une
passion donnée: par exemple, quand on devient dépendant de la drogue ou de
l'alcool. Le danger de l'alcoolisme n'est pas que les gens boivent plus de vin
qu'ils ne devraient; c'est qu'il les affaiblit et ouvre la voie au Diable pour
pénétrer à l’intérieur de leur âme.
Par conséquent, lorsque nous prions Dieu en disant:
"Délivre-nous du Malin," nous demandons qu'Il nous accorde toujours
le pouvoir de nous abstenir de ce qui donne au Malin un pouvoir sur nos vies.
Et si nous comprenons cela, alors ni le Diable, ni aucune autre puissance des
ténèbres, ni la magie noire, ni rien de semblable ne peut avoir un effet
quelconque sur nous.
La prière à la Mère de Dieu
Les chrétiens orthodoxes prient non seulement Dieu, mais aussi
la Mère de Dieu et les saints. Cette pratique de la prière dans l'Église
orthodoxe diffère, par exemple, de la pratique des communautés protestantes.
Les protestants ne reconnaissent pas la prière à la Mère de Dieu et aux saints.
Ils disent: nous n'avons pas besoin d'intermédiaires pour nous approcher de Dieu.
C'est une remarque juste - nous n'avons pas besoin des
"intermédiaires" - mais la conclusion tirée de ceci est erronée.
Après tout, nous ne prions pas la Mère de Dieu à une sorte de niveau
intermédiaire entre nous et Dieu; nous prions vers elle, parce qu'elle est la
Mère de Dieu, car il est impossible de la séparer de son divin Fils.
Lorsque j'étais étudiant en Angleterre, mon professeur - un
évêque orthodoxe âgé - m'invitait souvent pour des études dans sa maison.
J’allais chez lui, et sa mère âgée m’ouvrait la porte. Imaginez si je ne
l'avais pas saluée, si je ne l'avais pas remarquée, mais que j'étais passé
devant elle dans la maison en disant: "Je n'ai pas besoin de tous les
intermédiaires; Je ne m'occupe que de l'évêque." Il me semblait parfaitement
naturel que, ayant affaire au fils, j'aie aussi affaire avec la mère. Bien sûr,
cet argument est d'un caractère purement profane.
Il y a aussi des arguments plus sérieux. Le plus important
d'entre eux est l'expérience de millions de personnes qui montrent que la Mère
de Dieu est à l'écoute de leurs prières et leur répond; qu'elle aide les gens;
et, d'ailleurs, qu'elle est en effet un intercesseur pour les personnes devant
son Fils et Dieu.
La Mère de Dieu est inséparable du Sauveur; son exploit
spirituel [podvig] est inséparable de celui de son Fils. Considérez que
quand l'Ange du Seigneur descendit du ciel pour lui dire: tu concevras dans ton
sein, et tu enfanteras un fils (Luc 01:31), l'Incarnation dépendait de son
accord ou de son désaccord. Elle aurait pu dire "non", mais elle a
dit "oui".
Elle a élevé l'enfant, L'a amené au Temple en sacrifice à
Dieu; elle a traversé toute sa vie terrestre à côté de Lui. Quand le Christ a
été crucifié, elle se tenait à la Croix, parce qu'elle ne pouvait pas être
séparée de Lui. Elle était avec Lui même dans Sa souffrance la plus terrible,
car elle est devenue participante à son exploit.
Quand le Seigneur était sur la croix, Son disciple bien-aimé
était à côté de Lui, et Il lui dit: Femme, voilà ton fils! Et à son disciple Il
dit: Voilà ta mère (Jean 19: 26-27). Il a ainsi, en quelque sorte, donné non
seulement à Son disciple bien-aimé, mais à tous Ses disciples, sa protection et
sa garde. A partir de ce moment, elle, comme Mère de son Fils, est devenue
aussi Mère de Ses disciples, c'est-à-dire la Mère de l'Eglise. Et nous nous
tournons vers elle comme vers notre Mère et la Mère de l'Eglise.
Nous disons dans la prière à la Mère de Dieu: "Très
Sainte Génitrice de Dieu sauve-nous!" Cela ne signifie pas que nous la
considérons comme notre sauveur. Le Sauveur est le Christ. Mais nous confessons
son implication dans le mystère du salut, sa participation à ce mystère. Et
nous comprenons que le salut est possible pour nous parce que la Mère de Dieu a
exprimé son accord avec la parole de Dieu adressée à elle. Et, grâce à son
consentement, nous avons accès à son Fils et à son Dieu, notre Père céleste.
La prière aux saints
La tradition de la vénération des saints est très ancienne
dans l'Eglise chrétienne; elle a existé dès le moment de l'apparition de
l'Eglise, dès les premières années de son existence. Les Églises chrétiennes de
l'Antiquité ont été construites sur les tombes des martyrs. Et c'était le sang
des martyrs, selon les mots d'un ancien écrivain ecclésial, qui était la
"semence du christianisme"; c'est-à-dire que le christianisme se
répandit par les exploits des martyrs.
Les martyrs sont des gens qui ont montré par l'exemple de leur
propre vie et de leur propre mort que l'homme peut répéter l'exploit de Christ;
que l'homme terrestre, malgré toutes ses faiblesses et toutes ses infirmités,
peut également se sacrifier pour les personnes et pour Dieu, comme l'a fait
Jésus-Christ. Celui qui s'est offert en sacrifice est devenu un héros spirituel
aux yeux d'autres personnes, surtout aux yeux de ceux qui le connaissaient. La
vénération de ce saint a commencé immédiatement après sa mort. La tradition a
été conservée jusqu'à nos jours selon laquelle une église orthodoxe doit avoir
au moins une petite particule d'un saint. On ne devrait pas célébrer la Divine
Liturgie sur une simple table: elle doit être célébrée sur une Sainte Table ou
sur un plan spécial dans lequel une partie des reliques d'un saint est cousue.
La raison en est que les martyrs et les saints sont la fondation sur laquelle
l'Eglise chrétienne est construite. Nous prions les saints parce que ce sont
des gens qui, bien qu'ils fussent comme nous, grâce à l'exploit de leur vie ont
atteint la déification, devenant comme le Christ. Nous les prions, car ils ont
suivi la voie que nous essayons de suivre. Et l'expérience de beaucoup de
témoins chrétiens témoigne du fait que les saints entendent nos prières et y
répondent.
Je tiens à mentionner très brièvement un phénomène négatif lié
à la vénération des saints. Les faits, c'est que certaines personnes
considèrent les saints un peu comme les païens considéraient leurs dieux, sur
le principe suivant "Quel saint peut aider pour telle chose ?"
De telles personnes vont à l'église et demandent: "A quel saint dois-je
mettre un cierge afin d’obtenir un appartement?" "Quel saint
devrais-je prier pour un mal de dents", etc. Nous devons nous rappeler que
les saints ne sont pas des sortes d'idoles dont on peut obtenir quelque chose
de spécial. Les saints ne sont pas des spécialistes pour trouver des
appartements, guérir les maux de dents, ou d'autres choses semblables. Il y a,
bien sûr, des saints qui furent médecins au cours de leurs vies, et nous nous
tournons vers eux avec des appels à la guérison, comme le saint mégalomartyr
Pantéléimon. Et, en effet, par les prières de ces saints de nombreuses
guérisons se produisent. Mais en aucun cas on ne doit considérer les saints
comme des sortes de fétiches: on ne doit pas remplacer la prière aux saints,
comme adressée à des personnes qui ont atteint la perfection spirituelle et qui
peuvent nous aider dans la prière, avec la prière aux saints comme des sortes
d'idoles qui ne sont nécessaires que pour atteindre une aide spécifique.
Les saints sont avant tout nos amis célestes, qui peuvent nous
aider à progresser sur la voie du salut, sur le chemin de Dieu. Et seulement en
second lieu, sont saints ceux qui peuvent nous aider dans les questions
spécifiques de tous les jours.
La vie est impossible sans la prière
Pour résumer notre conversation à propos de la prière, la
prière est avant tout une conversation avec Dieu, une rencontre avec Lui; c'est
un dialogue qui implique non seulement nos propres paroles adressées à Dieu,
mais aussi la réponse de Dieu. Par conséquent, il est important que non
seulement nous soyons en mesure de parler, mais aussi de nous taire, de sorte
que nous puissions écouter ces profondeurs divines qui nous sont révélées par
la prière.
Dans la prière, il faut être tout à fait honnête. Là, il ne
peut y avoir quoi que ce soit d’ambiguë ou d’artificiel. Nous devons nous tenir
devant Dieu tels que nous sommes et Lui dire ce qui doit être dit, ce que nous
pensons et ressentons. Par conséquent, pour la communion avec Dieu, il n'y a
pas besoin de réfléchir à une langue particulière, à la recherche de mots
spéciaux, ou de choisir des sujets spéciaux. Nous devons prier Dieu pour ce que
notre cœur demande et auquel il aspire.
Il faut prier continuellement. Il ne suffit pas de prier de
temps en temps, seulement lorsque nous avons besoin de quelque chose de Dieu;
nous devrions toujours prier: le matin, le soir et au cours de la journée et
toute notre vie. Et au centre de notre prière, il ne doit pas y avoir quelque
chose de spécifique que nous demandons à Dieu, mais Dieu lui-même, parce que le
contenu principal de la prière est toujours notre rencontre avec Dieu, la
possibilité de Le découvrir par nous-mêmes.
Nous devons prier non seulement pour nous, mais aussi pour les
autres; non seulement pour nos parents et amis, mais aussi pour nos ennemis.
Nous devons prier Dieu non pas comme des individus isolés, mais comme des
personnes qui représentent une partie de l'humanité, nous adressant à Dieu non
seulement pour notre propre compte, mais aussi au nom de l'unique famille humaine,
car Dieu est le Père céleste de chacun de nous.
Nous prions non seulement Dieu, mais aussi à la Mère de Dieu
et les saints parce qu'ils sont nos protecteurs célestes, nos intercesseurs
célestes. Nous prions notre ange gardien pour qu'il nous garde dans toutes nos
voies.
Nous ne prions pas seulement pour les vivants, mais aussi pour
les défunts, pour que le Seigneur leur accorde la paix et le repos.
Une fois encore, je tiens à souligner que la prière doit être
le fondement de notre vie, celui sur lequel toute notre vie doit être
configurée. La vie chrétienne doit correspondre à la prière. Si l'on ne
parvient pas à la prière, cela signifie que l'on vit faussement, et que notre
condition spirituelle ne correspond pas à la prière.
Apprenons à prier; œuvrons afin que la prière atteigne notre
cœur et, à travers notre cœur, monte vers les hauteurs célestes pour atteindre
Dieu. Travaillons sur nous-mêmes, pour que la prière devienne le noyau et le
fondement de notre vie. Demandons à Dieu, à la Mère de Dieu, et aux saints,
qu'ils nous enseignent à prier, parce que la vie sans la prière est impossible,
tout comme il est impossible de vivre et d'être sauvés sans Dieu et Son Eglise.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d’après
Métropolite Hilarion [Alfeyev]
On Prayer
PRAVMIR
(http://www.pravmir.com/)