samedi 15 novembre 2025

 

Préparer la « crèche » de l’âme

pour recevoir l’Enfant divin



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Un article de : Hierom. dr. Calinic Costescu 

- 16 novembre 2025

Le Carême est une période de quarante jours durant laquelle les chrétiens sont appelés à une préparation mystérieuse et profonde à la venue du Sauveur Jésus-Christ. Il ne s'agit pas seulement d'une simple abstinence physique de certains aliments, mais surtout d'un travail intérieur de purification du cœur, d'un recueillement spirituel dans l'attente de la lumière qui viendra au monde.


Ce message est un don que l'humanité offre à Dieu. Une idée reflétée par l'hymnographe dans l'un des tropaires préparatoires à la fête : « Que t'apporterons-nous, Christ ? Chacune des créatures créées t'apporte des actions de grâce : les anges le chant, le ciel l'étoile, les mages les présents, les bergers le miracle, la terre la grotte, le désert la crèche, et nous, la Vierge Marie » (Cantique de la Nativité du Seigneur).

Les stichères mentionnées ci-dessus reflètent toute la dimension spirituelle du jeûne du Carême, invitant le croyant à détourner son regard des biens matériels pour le porter sur le don essentiel du cœur : l’humilité, la conversion et l’amour du prochain. Durant cette période, la question rhétorique des stichères devient une invitation à l’introspection : si Bethléem du Christ ne nous demande ni or, ni myrrhe, ni encens, que pouvons-nous véritablement offrir à l’Enfant divin ? La réponse réside dans l’ascétisme du jeûne, dans la maîtrise des désirs, dans l’intensification de la prière et dans les actes de miséricorde, qui transforment l’âme en une « crèche » pure, prête à recevoir la lumière de l’Incarnation. Ainsi, le jeûne n’est pas seulement une discipline corporelle, mais une manière d’offrir au Christ le don le plus précieux : notre cœur, transformé par la grâce en demeure de son Très Saint Enfant.

La signification spirituelle du jeûne

La fête de la Nativité du Seigneur n'est pas seulement un événement historique, mais une réalité vivante qui se déploie dans l'âme de chaque croyant. Le jeûne devient ainsi le chemin que l'homme parcourt de la nuit à la lumière, des ténèbres du péché à la joie du salut. Jeûner, c'est détourner son regard du temporel pour le tourner vers l'éternel, c'est faire place à Dieu au plus profond de son cœur. C'est transformer son cœur en un fourneau qui cuira le Pain divin, à l'image de la grotte de Bethléem qui, froide, fut réchauffée par le feu de la Divinité et où grandit l'Enfant divin. Ainsi, le cœur réchauffé par les lueurs de la grâce devient capable d'accueillir le Christ, comme nous l'enseigne le saint hésychaste Grégoire Palamas.

Saint Jean Chrysostome disait que « le jeûne est la mère de la prière et la source de la pureté ». Par le jeûne, nous nous vidons du tumulte du monde pour faire place à la Parole, nous nous séparons des excès de la chair pour acquérir un trésor spirituel.

D'un point de vue patristique, le jeûne est un exercice qui allie ascétisme corporel et discipline spirituelle, dans le but de restaurer l'image de Dieu en l'homme. Saint Jean Chrysostome souligne que « le jeûne est la mère de la prière », révélant ainsi le lien intrinsèque entre restriction alimentaire et accroissement de la sensibilité spirituelle. Durant le Carême, la discipline alimentaire complète la culture des vertus chrétiennes, car l'abstinence des désirs favorise la purification de l'esprit et du cœur, préparant le terrain à la rencontre sacramentelle avec le Christ. En ce sens, Abba Evagre le Pontique explique en détail le bienfait de la restriction pour retrouver la liberté primordiale, transcender les besoins physiologiques par la contemplation du divin dans la prière, rechercher la vertu et non le péché, désirer les choses célestes plutôt que les choses terrestres, et ainsi exercer les trois facultés de l'âme et les libérer des chaînes perverties de la routine contemporaine.

Nettoyer la « crèche » de l'âme

L’image biblique de la crèche, humble lieu de la Nativité, acquiert une signification profondément spirituelle : elle devient le symbole intérieur de l’âme fidèle, préparée à recevoir l’Enfant divin. Cette préparation intérieure comporte plusieurs aspects :

La purification morale et la confession – le rétablissement de la communion avec Dieu par la reconnaissance des péchés et la prise de responsabilité personnelle. Saint Grégoire Palamas exhortait les croyants de son temps, dans une homélie prononcée quarante jours avant la Nativité du Seigneur, en ces termes : « La confession des péchés est le commencement de cette bonne œuvre, c’est-à-dire du repentir et de la préparation, afin de recevoir en soi la semence céleste, la parole de Dieu, qui peut sauver nos âmes. C’est pourquoi les paysans labouraient la terre : cela arrache les racines sauvages du sein de la terre et la rend capable de recevoir nos semences et nos jeunes pousses. La confession accomplit la même chose dans le champ rationnel du cœur : elle libère et chasse les passions mauvaises qui s’y cachent et le rend apte à recevoir les saintes semences et capable de porter et de cultiver les vertus. »

Prière et méditation liturgique – intensification de la vie de prière personnelle et communautaire, participation aux Saints Mystères et aux Saintes Messes, par lesquelles le croyant s’approche du mystère de l’Incarnation.

Les actes de miséricorde sont la manifestation concrète de l'amour du prochain, corrélatif à l'amour de Dieu, et constituent une expression de préparation spirituelle. La miséricorde accomplit le jeûne et la prière, car « la prière et le jeûne sont impuissants sans la miséricorde. Sans elle, ils ne montent pas au ciel », selon saint Jean Chrysostome.

La tempérance et l'ascétisme corporel – les disciplines du corps reflètent l'état intérieur, conférant une structure intérieure stable, ouverte à l'expérience de la grâce divine.

Cette dimension ascétique et morale permet de comprendre le jeûne non seulement comme une abstinence alimentaire, mais aussi comme un processus intégral de transformation humaine, de sorte que son cœur devienne la « caverne lumineuse » d'une rencontre vivante avec le Logos.

La joie de la naissance - le fruit de la préparation

Ceux qui jeûnent et se purifient véritablement vivent la fête de la Nativité du Seigneur non comme une simple tradition, mais comme une rencontre vivante avec le Dieu-Homme. Dans le silence du cœur, le Christ renaît, apportant paix, lumière et espérance, selon l'exhortation de saint Grégoire Palamas : « Soyons en paix avec nous-mêmes, maîtrisant la chair de l'esprit, choisissant la fête conforme à notre conscience et ayant en nous un monde de pensées qui se meut en ordre et sans souillure. »

La joie de la Nativité est donc la joie d'un cœur qui a su s'humilier, se dépouiller de tout égoïsme et se remplir d'amour. En ce sens, chacun de nous est appelé à devenir une petite Bethléem, un lieu où se renouvelle le miracle de l'amour divin.

L’effet final de cet effort ascétique est la capacité du croyant à vivre la Nativité comme une réalité spirituelle présente. La participation active à la vie liturgique et la culture des vertus durant le Carême permettent au Christ de se former en nous (cf. Galates 4, 19). Ainsi, la célébration de la Nativité atteint sa dimension authentique : non plus seulement commémorative, mais transformatrice, soulignant la continuité entre l’histoire du salut et l’expérience présente du croyant.

Le jeûne de la Nativité est plus qu'un simple rituel ; c'est une pédagogie spirituelle du cœur, où l'homme, par l'ascétisme, la prière et l'amour, devient une « Bethléem vivante », c'est-à-dire le lieu sacré de la Nativité du Christ. Seule une telle préparation intérieure permet de recevoir pleinement la grâce.

Source : Ziarul Lumina