Préparer
la « crèche » de l’âme
pour
recevoir l’Enfant divin
Un article de : Hierom.
dr. Calinic Costescu
- 16 novembre 2025
Le Carême est une période de quarante jours durant laquelle
les chrétiens sont appelés à une préparation mystérieuse et profonde à la venue
du Sauveur Jésus-Christ. Il ne s'agit pas seulement d'une simple abstinence
physique de certains aliments, mais surtout d'un travail intérieur de
purification du cœur, d'un recueillement spirituel dans l'attente de la lumière
qui viendra au monde.
Ce message est un don que l'humanité offre à Dieu. Une idée
reflétée par l'hymnographe dans l'un des tropaires préparatoires à la
fête : « Que t'apporterons-nous, Christ ? Chacune des créatures
créées t'apporte des actions de grâce : les anges le chant, le ciel
l'étoile, les mages les présents, les bergers le miracle, la terre la grotte,
le désert la crèche, et nous, la Vierge Marie » (Cantique de la Nativité
du Seigneur).
Les stichères mentionnées ci-dessus reflètent toute la
dimension spirituelle du jeûne du Carême, invitant le croyant à détourner son
regard des biens matériels pour le porter sur le don essentiel du cœur :
l’humilité, la conversion et l’amour du prochain. Durant cette période, la
question rhétorique des stichères devient une invitation à
l’introspection : si Bethléem du Christ ne nous demande ni or, ni myrrhe,
ni encens, que pouvons-nous véritablement offrir à l’Enfant divin ? La
réponse réside dans l’ascétisme du jeûne, dans la maîtrise des désirs, dans
l’intensification de la prière et dans les actes de miséricorde, qui
transforment l’âme en une « crèche » pure, prête à recevoir la
lumière de l’Incarnation. Ainsi, le jeûne n’est pas seulement une discipline
corporelle, mais une manière d’offrir au Christ le don le plus précieux :
notre cœur, transformé par la grâce en demeure de son Très Saint Enfant.
La signification spirituelle du jeûne
La fête de la Nativité du Seigneur n'est pas seulement un
événement historique, mais une réalité vivante qui se déploie dans l'âme de
chaque croyant. Le jeûne devient ainsi le chemin que l'homme parcourt de la
nuit à la lumière, des ténèbres du péché à la joie du salut. Jeûner, c'est
détourner son regard du temporel pour le tourner vers l'éternel, c'est faire
place à Dieu au plus profond de son cœur. C'est transformer son cœur en un
fourneau qui cuira le Pain divin, à l'image de la grotte de Bethléem qui,
froide, fut réchauffée par le feu de la Divinité et où grandit l'Enfant divin.
Ainsi, le cœur réchauffé par les lueurs de la grâce devient capable
d'accueillir le Christ, comme nous l'enseigne le saint hésychaste Grégoire
Palamas.
Saint Jean Chrysostome disait que « le jeûne est la mère de la
prière et la source de la pureté ». Par le jeûne, nous nous vidons du tumulte
du monde pour faire place à la Parole, nous nous séparons des excès de la chair
pour acquérir un trésor spirituel.
D'un point de vue patristique, le jeûne est un exercice qui
allie ascétisme corporel et discipline spirituelle, dans le but de restaurer
l'image de Dieu en l'homme. Saint Jean Chrysostome souligne que « le jeûne est
la mère de la prière », révélant ainsi le lien intrinsèque entre restriction
alimentaire et accroissement de la sensibilité spirituelle. Durant le Carême,
la discipline alimentaire complète la culture des vertus chrétiennes, car
l'abstinence des désirs favorise la purification de l'esprit et du cœur,
préparant le terrain à la rencontre sacramentelle avec le Christ. En ce sens,
Abba Evagre le Pontique explique en détail le bienfait de la restriction pour
retrouver la liberté primordiale, transcender les besoins physiologiques par la
contemplation du divin dans la prière, rechercher la vertu et non le péché,
désirer les choses célestes plutôt que les choses terrestres, et ainsi exercer
les trois facultés de l'âme et les libérer des chaînes perverties de la routine
contemporaine.
Nettoyer la « crèche » de l'âme
L’image biblique de la crèche, humble lieu de la Nativité,
acquiert une signification profondément spirituelle : elle devient le
symbole intérieur de l’âme fidèle, préparée à recevoir l’Enfant divin. Cette
préparation intérieure comporte plusieurs aspects :
La purification morale et la confession – le rétablissement de
la communion avec Dieu par la reconnaissance des péchés et la prise de
responsabilité personnelle. Saint Grégoire Palamas exhortait les croyants de
son temps, dans une homélie prononcée quarante jours avant la Nativité du Seigneur,
en ces termes : « La confession des péchés est le commencement de
cette bonne œuvre, c’est-à-dire du repentir et de la préparation, afin de
recevoir en soi la semence céleste, la parole de Dieu, qui peut sauver nos
âmes. C’est pourquoi les paysans labouraient la terre : cela arrache les
racines sauvages du sein de la terre et la rend capable de recevoir nos
semences et nos jeunes pousses. La confession accomplit la même chose dans le
champ rationnel du cœur : elle libère et chasse les passions mauvaises qui
s’y cachent et le rend apte à recevoir les saintes semences et capable de
porter et de cultiver les vertus. »
Prière et méditation liturgique – intensification de la vie de
prière personnelle et communautaire, participation aux Saints Mystères et aux
Saintes Messes, par lesquelles le croyant s’approche du mystère de
l’Incarnation.
Les actes de miséricorde sont la manifestation concrète de
l'amour du prochain, corrélatif à l'amour de Dieu, et constituent une
expression de préparation spirituelle. La miséricorde accomplit le jeûne et la
prière, car « la prière et le jeûne sont impuissants sans la miséricorde. Sans
elle, ils ne montent pas au ciel », selon saint Jean Chrysostome.
La tempérance et l'ascétisme corporel – les disciplines du
corps reflètent l'état intérieur, conférant une structure intérieure stable,
ouverte à l'expérience de la grâce divine.
Cette dimension ascétique et morale permet de comprendre le
jeûne non seulement comme une abstinence alimentaire, mais aussi comme un
processus intégral de transformation humaine, de sorte que son cœur devienne la
« caverne lumineuse » d'une rencontre vivante avec le Logos.
La joie de la naissance - le fruit de la préparation
Ceux qui jeûnent et se purifient véritablement vivent la fête
de la Nativité du Seigneur non comme une simple tradition, mais comme une
rencontre vivante avec le Dieu-Homme. Dans le silence du cœur, le Christ
renaît, apportant paix, lumière et espérance, selon l'exhortation de saint
Grégoire Palamas : « Soyons en paix avec nous-mêmes, maîtrisant la
chair de l'esprit, choisissant la fête conforme à notre conscience et ayant en
nous un monde de pensées qui se meut en ordre et sans souillure. »
La joie de la Nativité est donc la joie d'un cœur qui a su
s'humilier, se dépouiller de tout égoïsme et se remplir d'amour. En ce sens,
chacun de nous est appelé à devenir une petite Bethléem, un lieu où se
renouvelle le miracle de l'amour divin.
L’effet final de cet effort ascétique est la capacité du
croyant à vivre la Nativité comme une réalité spirituelle présente. La
participation active à la vie liturgique et la culture des vertus durant le
Carême permettent au Christ de se former en nous (cf. Galates 4, 19). Ainsi, la
célébration de la Nativité atteint sa dimension authentique : non plus
seulement commémorative, mais transformatrice, soulignant la continuité entre
l’histoire du salut et l’expérience présente du croyant.
Le jeûne de la Nativité est plus qu'un simple rituel ;
c'est une pédagogie spirituelle du cœur, où l'homme, par l'ascétisme, la prière
et l'amour, devient une « Bethléem vivante », c'est-à-dire le lieu
sacré de la Nativité du Christ. Seule une telle préparation intérieure permet
de recevoir pleinement la grâce.
Source : Ziarul
Lumina