samedi 15 novembre 2025

 

Prier le Notre Père avec les Saints

Jeudi 13 novembre 2025

 

Le Notre Père n'est pas simplement une suite de mots à réciter, mais un modèle divin pour toute prière. Saint Grégoire de Nysse et saint Ignace Brianchaninov nous aident à en découvrir le sens profond, montrant que par cette prière, nous sommes appelés à la purification, à l'union avec Dieu et à la transformation de notre cœur .


Le Seigneur donna ces instructions à ses disciples :

Quand vous priez, entrez dans votre chambre, fermez la porte et priez votre Père qui est dans le secret. Alors votre Père, qui voit ce qui est fait en secret, vous le rendra.

Et lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens, car ils pensent qu'à force de paroles ils seront exaucés.  

Ne leur ressemblez pas, car votre Père sait ce dont vous avez besoin avant même que vous le lui demandiez.

Voici donc comment vous devez prier : Notre Père…

(Matthieu 6:6-9)

Le Christ nous enseigne à éviter les paroles vaines et inconsidérées, ces bavardages incessants nés de la distraction et de la suffisance. La véritable prière commence par le silence : il nous faut apaiser nos pensées, nous tourner vers l’intérieur et fixer notre esprit sur Dieu. Nous nous présentons devant lui comme ses créatures, façonnées de la poussière de la terre et blessées par la Chute d’Adam et Ève. Ce souvenir de notre humanité est le commencement de l’humilité, et l’humilité est le fondement de toute prière authentique.

Notre Père qui es aux cieux

La prière du Seigneur commence par une déclaration profonde : « Notre Père ». Par ces mots, nous sommes invités à une relation intime avec Dieu, non pas comme des serviteurs distants, mais comme ses enfants. Appeler Dieu « Père » signifie que nous nous reconnaissons comme des fils et des filles qui portent son image et sont appelés à grandir à sa ressemblance. Pourtant, c’est aussi une confession audacieuse, car comment pouvons-nous, nous qui sommes déchus et indignes, prétendre à une telle parenté ?

Saint Grégoire de Nysse observe que le Christ a prononcé cette prière avant même que son œuvre de rédemption ne soit achevée, et pourtant il appelait déjà ses disciples à s'adresser à Dieu comme à un « Père ». Cela révèle la profondeur de sa miséricorde : il offre même aux pécheurs le privilège de la filiation, nous invitant à la conversion et à la purification afin que nous puissions vivre véritablement comme ses enfants. Avant de prononcer ces paroles, nous devrions donc examiner notre cœur et nous demander si nous nous efforçons de vivre d'une manière digne de ceux qui portent son nom.

Lorsque nous ajoutons la phrase « Qui es aux cieux », il nous est rappelé que notre Père n’est pas de ce monde. Pour prier comme il se doit, nous devons nous élever au-dessus des soucis terrestres et tourner nos cœurs vers la patrie céleste qui nous a été préparée. La prière commence par une ascension : une élévation de l’âme vers Dieu, qui attend notre retour dans le royaume des Cieux.

Que ton nom soit sanctifié

Sanctifier le nom de Dieu signifie le rendre saint, et non que son nom lui-même puisse devenir plus saint et manifester sa sainteté à travers nos vies. Lorsque nous prions : « Que ton nom soit sanctifié », nous demandons que la sainteté de Dieu se révèle en nous, que nos pensées, nos paroles et nos actes le glorifient. Cette demande nous appelle à la purification, à la repentance et à la lutte contre le péché, afin que la lumière de Dieu brille à travers nous sans tache ni ombre.

Saint Grégoire de Nysse l'explique magnifiquement :

Que le nom de Dieu soit glorifié à travers ma vie — une vie purifiée de toute souillure du péché… une vie qui opposera avec force aux assauts des passions… une vie non adoucie par les luxes du corps… non engloutie par les plaisirs éphémères de l’existence… une vie qui aspire à la vie immatérielle et divine.

Ainsi, la sainteté du nom de Dieu n'est pas seulement honorée par nos paroles, mais aussi par notre manière de vivre. Chaque fois que nous prononçons ces paroles, nous renouvelons notre engagement à vivre comme de véritables enfants de notre Père céleste, afin que son nom soit sanctifié en nous et par nous dans le monde.

Que ton règne vienne

Lorsque nous prions « Que ton règne vienne » , nous ne demandons pas seulement la fin des temps ou le retour glorieux du Christ. Nous demandons que son règne divin commence dès maintenant dans nos cœurs. Comme le rappelle saint Ignace Brianchaninov, le Seigneur a dit : « Le royaume de Dieu est au-dedans de vous » (Luc 17, 21). Ainsi, cette prière est une supplication pour que la grâce de Dieu règne en nous, soumettant la tyrannie du péché et faisant de notre vie intérieure une demeure pour la Sainte Trinité.

Désirer la venue du Royaume, c'est aspirer à l'union avec Dieu. Le Christ lui-même dit : « Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera ; nous viendrons à lui et nous ferons notre demeure chez lui » (Jean 14, 23). C'est ce que nous demandons lorsque nous prions ainsi : que le Royaume de Dieu descende au plus profond de notre être, afin que sa volonté, sa paix et son amour règnent en nous.

Saint Grégoire de Nysse explique :

 « Lorsque nous demandons que le royaume de Dieu vienne à nous, nous voulons dire que nous désirons être libérés de la corruption et de la mort ; lorsque le Royaume de Dieu viendra véritablement, toute tristesse et toute souffrance terrestres disparaîtront, et la joie régnera à jamais dans l’âme. »

Saint Ignace ajoute : 

« Celui qui sent le royaume de Dieu en lui devient étranger au monde hostile à Dieu. »

Prier pour le Royaume, c'est donc demander que notre cœur devienne le ciel, que notre esprit soit illuminé, notre volonté purifiée et nos désirs conformés à la joie éternelle de la présence de Dieu. Nous cherchons déjà à vivre, sur terre même, comme citoyens de ce royaume céleste.

Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel

Lorsque nous prions « Que ta volonté soit faite », nous abandonnons notre propre volonté et demandons que notre vie soit entièrement guidée par le dessein divin de Dieu. Il ne s'agit pas d'un acte de résignation, mais de confiance et d'amour. De même que les anges au ciel obéissent parfaitement à la volonté de Dieu, nous demandons que sa volonté s'accomplisse parfaitement en nous sur terre.

Saint Ignace Brianchaninov enseigne :

« Seule la volonté de Dieu peut guérir la volonté humaine empoisonnée par le péché. »

Soumettre notre volonté à celle de Dieu est la voie la plus parfaite et la plus salvatrice. Cette guérison requiert sa grâce. Livrée à nous-mêmes, notre volonté est asservie par les passions et les désirs pervertis. Dire « Que ta volonté soit faite » revient à demander à Dieu de rétablir l'harmonie en notre âme, de guérir le mal qui nous éloigne de lui.

Saint Grégoire de Nysse écrit :

« Lorsque Ta volonté est faite en moi, tout mouvement corrompu et mauvais de ma volonté libre est réduit à néant. » 

Nos passions incontrôlées seront domptées ; notre orgueil sera vaincu par l'humilité ; nos actes de charité chasseront de nombreux maux qui habitent notre âme ; la haine, l'envie et la colère seront maîtrisées ; toute hypocrisie ou soif de vengeance sera éliminée.

Par cette prière, nous demandons la plénitude : la purification de notre cœur, l’humilité de notre orgueil et l’alignement de notre volonté sur la volonté divine, jusqu’à ce que notre vie reflète l’obéissance et la paix des armées célestes. Alors, même au cœur des épreuves de ce monde, notre âme commence à vivre en harmonie avec le ciel.

Donne-nous aujourd'hui notre pain essentiel

Cette prière a une double signification, terrestre et spirituelle. D'une part, c'est une humble demande pour ce qui est nécessaire à notre survie corporelle. D'autre part, à un niveau plus profond, elle évoque la nourriture divine de notre âme : le Pain céleste qu'est le Christ lui-même.

Saint Ignace enseigne que son pain essentiel est avant tout la nourriture vivifiante que nous recevons dans le sacrement de la Sainte Communion, où nous recevons le vrai Corps et le vrai Sang du Christ. Par elle, notre nature mortelle est unie à sa vie immortelle.

Ce pain est impérissable. Il nous transforme à son image et nous donne la vie éternelle. Jésus dit : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi en lui… Celui qui mange de ce pain vivra éternellement. » (Jn 6,56). Ainsi, lorsque nous prions pour notre « pain essentiel », nous demandons à être rendus dignes de recevoir la sainte communion – non pas avec désinvolture ou indignement, mais avec la soif de la vie éternelle.

Pourtant, saint Grégoire de Nysse nous rappelle aussi que cette prière englobe nos besoins corporels les plus élémentaires. Le Christ, qui s’est incarné et a partagé notre faim, nous enseigne à dépendre du Père chaque jour et à ne rien rechercher au-delà du nécessaire. Grégoire écrit :

« Demandez ce pain, et non des mets délicats, des richesses, des vêtements magnifiques, des ornements en or, des pierres précieuses…, des domaines, des commandements militaires ou des postes de direction politique. » 

Demandez la nourriture qui soutient la vie. Nous affirmons que nous devons avoir confiance en Lui et qu'Il nous fournira ce qui est nécessaire pour aujourd'hui.

Cette prière, par conséquent, éduque le cœur à la confiance et à la modération. Nous demandons ce qui est nécessaire, et non le superflu. Nous nous confions à la providence quotidienne de Dieu, sachant que tous ceux qui cherchent d'abord son Royaume ne manqueront de rien d'essentiel. Que ce soit dans l'Eucharistie ou dans le simple pain de la vie quotidienne, c'est lui qui nous nourrit et nous soutient.

Pardonne-nous nos offenses (Remet-nous nos dettes)

Dans cette prière, nous implorons la miséricorde de Dieu et, en même temps, nous nous engageons à faire preuve de miséricorde envers autrui. Le pardon n'est pas une option pour le chrétien ; il est la condition de notre propre pardon. Le Christ lui-même l'affirme clairement : « … »

Car si vous pardonnez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous pardonnera aussi. Mais si vous ne pardonnez pas aux hommes leurs offenses, votre Père ne vous pardonnera pas non plus les vôtres.  (Matthieu 6:14-15)

Lorsque nous prions ainsi, nous reconnaissons notre transgression devant Dieu. Nul n'est juste à ses yeux (Romains 3:10). La miséricorde que nous témoignons envers autrui est celle à laquelle nous sommes nous-mêmes jugés. En nous adressant à Dieu dans la prière, nous le reconnaissons comme le Bienfaiteur. C'est pourquoi, pour l'appeler notre Père, nous devons nous aussi être bienfaisants.

Saint Grégoire de Nysse dit, 

« Voulez-vous que Dieu vous pardonne vos offenses ? Pardonnez-vous donc à vous-même, et Dieu le confirmera. Car le jugement que vous portez sur votre prochain, quel qu’il soit et qui est en votre pouvoir, attirera sur vous la sentence correspondante. Ce que vous décidez pour vous-même sera confirmé par le jugement divin. »

Lorsque nous pardonnons, nous ouvrons la porte à la grâce. Notre cœur s'allège et notre prière se purifie. Ainsi, en prononçant ces mots, nous ne demandons pas seulement pardon ; nous apprenons à aimer comme Dieu aime et à nous libérer du fardeau de la vengeance et de l'orgueil.

Ne nous soumets pas à la tentation

Dans cette ultime prière, nous reconnaissons notre faiblesse et implorons la protection de Dieu. Les tentations proviennent à la fois de l'ennemi et des passions qui nous habitent. Nous ne pouvons les vaincre par nos propres forces ; nous avons besoin de l'aide divine pour résister aux pièges qui nous éloignent de Dieu.

Lorsque nous prions : « Ne nous soumets pas à la tentation », nous ne suggérons pas que Dieu nous tente de pécher, car l’Écriture déclare : « Dieu ne peut être tenté par le mal, et il ne tente personne » (Jacques 1.13). Nous lui demandons plutôt de ne pas permettre que nous succombions à la tentation, afin que nous ne soyons pas accablés par des épreuves qui dépassent nos forces. Nous prions pour que nos cœurs demeurent fermes, gardés par sa grâce.

Saint Ignace écrit :

Ne nous laissons pas emporter par nos désirs pécheurs.

Ne nous laissez pas vaincre par l'amour de l'argent, l'ambition ou la soif de pouvoir.

Ne nous laissez pas induire en erreur par de fausses pensées et de faux enseignements.

Ne permettez pas que nous devenions esclaves de la sensualité ou de la gourmandise lorsque nous abondons en biens terrestres, ni de la pusillanimité et des murmures lorsque nous sommes entourés de dépravations.

Ne permettez pas que l'orgueil nous envahisse lorsque nous menons une vie vertueuse, ni que le désespoir et le découragement nous submergent face aux obstacles.

Ces paroles révèlent la profondeur du combat. Chaque passion, chaque pensée, chaque épreuve peut devenir une tentation si elle nous détourne de l'humilité et de la confiance en Dieu. Pourtant, même ces luttes, lorsqu'elles sont endurées avec foi, peuvent devenir des occasions de victoire, comme le dit l'Apôtre.

« C’est par beaucoup de tribulations qu’il nous faut entrer dans le royaume de Dieu » (Actes 14:22) .

Lorsque nous ajoutons : « mais délivre-nous du mal », nous demandons d’être libérés de l’emprise du Malin, de l’adversaire qui cherche à détruire l’image de Dieu en nous. Seul le Christ peut nous délivrer de son pouvoir. Par cette prière, nous confions notre vie entière à la miséricorde et à la puissance de Dieu, afin d’être préservés dans la lumière et la paix de son Royaume.

À toi appartiennent le règne, la puissance et la gloire.

Nous concluons cette prière en disant : 

« Car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire, pour les siècles des siècles. Amen. »

 Le Notre Père se termine par une louange, une doxologie qui remet tout à Dieu. Après avoir exprimé nos besoins, demandé pardon et protection, nous confessons que tout bien Lui appartient : le règne, la puissance et la gloire. Ainsi, la prière se conclut là où elle a commencé : par la reconnaissance que Dieu seul est notre Père et notre Roi, la source et la finalité de toute chose.

Saint Grégoire de Nysse et saint Ignace Brianchaninov nous rappellent qu'en priant le Notre Père, nous ne demandons rien de moins que Dieu lui-même : qu'il demeure en nous, qu'il établisse son Royaume en nous et qu'il nous fasse participer à sa vie divine. Toute demande tend vers un seul but : l'union avec Dieu dans l'amour.

 

Saint Ignace Brianchaninov dit,

« Nous demandons à Dieu de ne rien faire de moins que de nous accorder Lui-même, de demeurer en nous et d’établir Son royaume en nous, afin que nous puissions, par là, résider en Lui et régner par Lui sur toute la Terre. »

Ce n'est pas la seule prière que nous devrions adresser. Dans nos autres prières, nous devrions demander uniquement ce qui est nécessaire à notre croissance spirituelle et à la purification de nos âmes afin de vivre éternellement en Lui et Lui en nous. 

Saint Ignace met en garde : 

Prenez garde à ne pas demander des biens et des privilèges terrestres qui remplissent les prières des païens.

Notre prière doit donc toujours être tournée vers l’éternel : la sanctification de notre vie, la présence du Saint-Esprit en nous et l’accomplissement de la volonté divine. Comme le Christ lui-même l’enseigne : « Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par-dessus » (Matthieu 6,33) .

Prier le Notre Père avec compréhension, c'est s'engager sur le chemin de la transformation. Chaque phrase devient une étape de notre ascension : de l'humilité à la purification, à la lumière, et enfin à la communion avec le Dieu vivant. Lorsque nous prions avec attention et repentance, les paroles du Seigneur deviennent le souffle de vie de notre âme. Par elles, nous apprenons à vivre déjà dans la paix de son Royaume, ici et maintenant, et pour les siècles des siècles.

Prions le Notre Père non seulement avec nos lèvres, mais avec un cœur qui s'efforce d'en vivre le sens, jusqu'à ce que chaque mot devienne réalité en nous.

Références : 

Saint Grégoire de Nysse, Le Notre Père, Les Béatitudes , Auteurs chrétiens anciens n° 18

Saint Brianchaninov, La Moisson , tome IV, Œuvres complètes

 Source : orthodox way of life