Vivre les
Béatitudes 8 :
Bienheureux les persécutés
Les Béatitudes, telles qu’enseignées par Jésus-Christ dans son Sermon sur la
montagne, exposent une vision radicale de ce que signifie être véritablement
béni. À première vue, elles peuvent sembler contre-intuitives, voire
paradoxales. « Bienheureux les pauvres en esprit », « Bienheureux les affligés
», « Bienheureux les doux » : ces versets remettent en question notre
conception culturelle du bonheur et du succès. Pourtant, en approfondissant
notre connaissance des Béatitudes, notamment à travers le prisme de la
théologie orthodoxe, nous réalisons qu’elles offrent non seulement une feuille
de route pour la vie spirituelle, mais aussi un chemin vers la vraie joie et
l’épanouissement.
Saint Grégoire de Nysse, figure marquante de l'histoire de
l'Église, nous offre un éclairage profond sur les Béatitudes, notamment dans
son interprétation de l'appel à être « pauvre en esprit » et « persécuté pour
la justice ». Ses réflexions nous offrent une manière transformatrice de
comprendre la vie spirituelle. Les Béatitudes nous invitent à nous éloigner de
la définition du bonheur que le monde donne souvent au succès et au confort
terrestres, et nous conduisent plutôt vers une joie plus profonde, céleste,
enracinée dans l'union avec Dieu.
Les
Béatitudes et la quête de la véritable béatitude
Les Béatitudes commencent par une invitation à embrasser des
qualités que le monde pourrait considérer comme faibles ou indésirables : la
pauvreté, le deuil, la douceur et la soif de justice. Mais comme l’enseigne
saint Grégoire de Nysse, ces vertus ne sont pas des signes d’échec ou de
désespoir, mais les conditions mêmes pour entrer dans le Royaume des cieux.
Grégoire écrit que ceux qui sont « pauvres en esprit » sont détachés des
attaches mondaines et, grâce à ce détachement, ils acquièrent la liberté
d’embrasser le vrai Bien : Dieu lui-même. Cette pauvreté ne concerne pas seulement
le manque matériel, mais aussi la nécessité d’être libéré de la peur de perdre
les choses terrestres, qui autrement nous retiennent captifs et entravent notre
croissance spirituelle.
Lorsque nous vivons sans crainte de la perte, comme l'explique
Grégoire, nous sommes vraiment libres de rechercher le bien. Les martyrs en
sont l'exemple, car ils ont enduré d'immenses souffrances et persécutions sans
crainte, sachant que leur récompense était le Royaume des cieux. Ils ont
utilisé les épreuves auxquelles ils ont été confrontés comme un moyen de se
rapprocher de Dieu, montrant que souffrir pour le Christ n'est pas une
malédiction mais une bénédiction.
La
persécution comme chemin vers la gloire
« Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le
royaume des cieux est à eux » (Matthieu 5, 10). Cette béatitude nous offre une
vérité profonde : les épreuves que nous traversons dans la vie, en particulier
pour la foi, ne sont pas dénuées de sens, mais sont des voies vers la gloire
éternelle. Saint Grégoire de Nysse souligne que la persécution, bien que
douloureuse, est transformatrice. C'est la « fleur » qui, une fois cueillie,
conduit au « fruit paisible de la justice » (Hébreux 12, 11). La persécution
est une forme d'entraînement spirituel, une façon de purifier notre âme et de
nous rapprocher de la ressemblance du Christ.
Dans le même esprit, Grégoire nous rappelle que les martyrs et
les saints, comme Joseph et Étienne, ont dû faire face à la persécution non
seulement parce qu’ils proclamaient la justice, mais aussi parce qu’ils étaient
libres de tout attachement aux choses terrestres. Ce détachement leur a permis
de supporter la souffrance avec joie, sachant que leur affliction les conduirait
à la plus haute liberté – l’union avec Dieu. Plus nous nous détachons de la
peur de la perte, plus nous sommes capables de grandir dans la foi et
l’espérance, trouvant la paix même au milieu de la souffrance.
Se
réjouir dans la souffrance
Saint Grégoire de Nysse nous encourage à considérer la
souffrance comme une forme de purification spirituelle. Alors que le monde peut
considérer la souffrance comme une punition ou une malédiction, Grégoire nous
enseigne qu’elle est en réalité un outil de croissance spirituelle. La joie qui
vient de la souffrance pour le Christ est un avant-goût de la joie qui nous
sera révélée au Ciel. C’est pourquoi, au milieu des épreuves, le chrétien est
appelé à se réjouir. Les souffrances de ce monde sont temporaires, mais la joie
qui vient de l’union avec le Christ est éternelle.
Dans ses réflexions sur les Béatitudes, Grégoire affirme que
la recherche de la justice, de la miséricorde, de la pureté du cœur et de la
paix exige une rupture radicale avec les idéaux du monde. Ces vertus ne se
cultivent pas à travers les normes de réussite et de bonheur du monde, mais à
travers une vie d'humilité, de repentir et de prière. Vivre selon les
Béatitudes exige que nous adoptions un style de vie à contre-courant, qui donne
la priorité au spirituel sur le matériel, à l'éternel sur le temporaire.
Une
vision du bonheur céleste
En définitive, les Béatitudes nous invitent à vivre avec une
vision du bonheur qui prend racine dans le Royaume des cieux plutôt que dans
les plaisirs éphémères de ce monde. Le métropolite Hilarion Alfeyev, dans ses
réflexions sur le Sermon sur la montagne, écrit que voir la béatitude dans la
pauvreté spirituelle, la douceur et la persécution signifie adopter
radicalement une nouvelle façon de vivre, une façon qui mène à l’union avec
Dieu. C’est le chemin qui mène au « Grand Bien » dont parle Grégoire, et c’est
un chemin que chaque chrétien est invité à parcourir.
En méditant sur les Béatitudes, nous nous rappelons que le
véritable bonheur ne se trouve pas dans les réalisations matérielles ou dans
l’évitement de la souffrance, mais dans la recherche de la sainteté, de la
justice et de l’amour de Dieu et du prochain. Les Béatitudes nous appellent à
incarner les valeurs du Royaume des cieux, qui sont souvent en contradiction
avec les valeurs du monde. Mais ceux qui embrassent ce mode de vie, qui vivent
selon les Béatitudes, hériteront de la vie éternelle avec Dieu.
Conclusion
Vivre selon les Béatitudes n’est pas un appel à une vie de
souffrance pour la souffrance, mais un appel à adopter une conception
radicalement différente du bonheur. En nous détachant des choses terrestres, en
supportant la persécution pour la justice et en cultivant l’humilité, la
douceur et la miséricorde, nous parcourons le chemin qui mène au Royaume des
cieux. Grâce à la sagesse de saint Grégoire de Nysse et à l’exemple des saints,
on nous enseigne que le chemin vers la vraie joie passe par la souffrance et
qu’en fin de compte, ce n’est qu’en vivant selon les Béatitudes que nous
pouvons faire l’expérience de la plénitude de l’amour de Dieu et de sa
béatitude éternelle.
Référence : Commentaire de
saint Grégoire de Nysse sur le Notre Père et les N+Béatitudes dans les
écrivains chrétiens anciens, vol. 18