dimanche 29 décembre 2024

 

Vivre les Béatitudes 8 :

Bienheureux les persécutés


Les Béatitudes, telles qu’enseignées par Jésus-Christ dans son Sermon sur la montagne, exposent une vision radicale de ce que signifie être véritablement béni. À première vue, elles peuvent sembler contre-intuitives, voire paradoxales. « Bienheureux les pauvres en esprit », « Bienheureux les affligés », « Bienheureux les doux » : ces versets remettent en question notre conception culturelle du bonheur et du succès. Pourtant, en approfondissant notre connaissance des Béatitudes, notamment à travers le prisme de la théologie orthodoxe, nous réalisons qu’elles offrent non seulement une feuille de route pour la vie spirituelle, mais aussi un chemin vers la vraie joie et l’épanouissement.


Saint Grégoire de Nysse, figure marquante de l'histoire de l'Église, nous offre un éclairage profond sur les Béatitudes, notamment dans son interprétation de l'appel à être « pauvre en esprit » et « persécuté pour la justice ». Ses réflexions nous offrent une manière transformatrice de comprendre la vie spirituelle. Les Béatitudes nous invitent à nous éloigner de la définition du bonheur que le monde donne souvent au succès et au confort terrestres, et nous conduisent plutôt vers une joie plus profonde, céleste, enracinée dans l'union avec Dieu.

Les Béatitudes et la quête de la véritable béatitude

Les Béatitudes commencent par une invitation à embrasser des qualités que le monde pourrait considérer comme faibles ou indésirables : la pauvreté, le deuil, la douceur et la soif de justice. Mais comme l’enseigne saint Grégoire de Nysse, ces vertus ne sont pas des signes d’échec ou de désespoir, mais les conditions mêmes pour entrer dans le Royaume des cieux. Grégoire écrit que ceux qui sont « pauvres en esprit » sont détachés des attaches mondaines et, grâce à ce détachement, ils acquièrent la liberté d’embrasser le vrai Bien : Dieu lui-même. Cette pauvreté ne concerne pas seulement le manque matériel, mais aussi la nécessité d’être libéré de la peur de perdre les choses terrestres, qui autrement nous retiennent captifs et entravent notre croissance spirituelle.

Lorsque nous vivons sans crainte de la perte, comme l'explique Grégoire, nous sommes vraiment libres de rechercher le bien. Les martyrs en sont l'exemple, car ils ont enduré d'immenses souffrances et persécutions sans crainte, sachant que leur récompense était le Royaume des cieux. Ils ont utilisé les épreuves auxquelles ils ont été confrontés comme un moyen de se rapprocher de Dieu, montrant que souffrir pour le Christ n'est pas une malédiction mais une bénédiction.

La persécution comme chemin vers la gloire

« Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des cieux est à eux » (Matthieu 5, 10). Cette béatitude nous offre une vérité profonde : les épreuves que nous traversons dans la vie, en particulier pour la foi, ne sont pas dénuées de sens, mais sont des voies vers la gloire éternelle. Saint Grégoire de Nysse souligne que la persécution, bien que douloureuse, est transformatrice. C'est la « fleur » qui, une fois cueillie, conduit au « fruit paisible de la justice » (Hébreux 12, 11). La persécution est une forme d'entraînement spirituel, une façon de purifier notre âme et de nous rapprocher de la ressemblance du Christ.

Dans le même esprit, Grégoire nous rappelle que les martyrs et les saints, comme Joseph et Étienne, ont dû faire face à la persécution non seulement parce qu’ils proclamaient la justice, mais aussi parce qu’ils étaient libres de tout attachement aux choses terrestres. Ce détachement leur a permis de supporter la souffrance avec joie, sachant que leur affliction les conduirait à la plus haute liberté – l’union avec Dieu. Plus nous nous détachons de la peur de la perte, plus nous sommes capables de grandir dans la foi et l’espérance, trouvant la paix même au milieu de la souffrance.

Se réjouir dans la souffrance

Saint Grégoire de Nysse nous encourage à considérer la souffrance comme une forme de purification spirituelle. Alors que le monde peut considérer la souffrance comme une punition ou une malédiction, Grégoire nous enseigne qu’elle est en réalité un outil de croissance spirituelle. La joie qui vient de la souffrance pour le Christ est un avant-goût de la joie qui nous sera révélée au Ciel. C’est pourquoi, au milieu des épreuves, le chrétien est appelé à se réjouir. Les souffrances de ce monde sont temporaires, mais la joie qui vient de l’union avec le Christ est éternelle.

Dans ses réflexions sur les Béatitudes, Grégoire affirme que la recherche de la justice, de la miséricorde, de la pureté du cœur et de la paix exige une rupture radicale avec les idéaux du monde. Ces vertus ne se cultivent pas à travers les normes de réussite et de bonheur du monde, mais à travers une vie d'humilité, de repentir et de prière. Vivre selon les Béatitudes exige que nous adoptions un style de vie à contre-courant, qui donne la priorité au spirituel sur le matériel, à l'éternel sur le temporaire.

Une vision du bonheur céleste

En définitive, les Béatitudes nous invitent à vivre avec une vision du bonheur qui prend racine dans le Royaume des cieux plutôt que dans les plaisirs éphémères de ce monde. Le métropolite Hilarion Alfeyev, dans ses réflexions sur le Sermon sur la montagne, écrit que voir la béatitude dans la pauvreté spirituelle, la douceur et la persécution signifie adopter radicalement une nouvelle façon de vivre, une façon qui mène à l’union avec Dieu. C’est le chemin qui mène au « Grand Bien » dont parle Grégoire, et c’est un chemin que chaque chrétien est invité à parcourir.

En méditant sur les Béatitudes, nous nous rappelons que le véritable bonheur ne se trouve pas dans les réalisations matérielles ou dans l’évitement de la souffrance, mais dans la recherche de la sainteté, de la justice et de l’amour de Dieu et du prochain. Les Béatitudes nous appellent à incarner les valeurs du Royaume des cieux, qui sont souvent en contradiction avec les valeurs du monde. Mais ceux qui embrassent ce mode de vie, qui vivent selon les Béatitudes, hériteront de la vie éternelle avec Dieu.

Conclusion

Vivre selon les Béatitudes n’est pas un appel à une vie de souffrance pour la souffrance, mais un appel à adopter une conception radicalement différente du bonheur. En nous détachant des choses terrestres, en supportant la persécution pour la justice et en cultivant l’humilité, la douceur et la miséricorde, nous parcourons le chemin qui mène au Royaume des cieux. Grâce à la sagesse de saint Grégoire de Nysse et à l’exemple des saints, on nous enseigne que le chemin vers la vraie joie passe par la souffrance et qu’en fin de compte, ce n’est qu’en vivant selon les Béatitudes que nous pouvons faire l’expérience de la plénitude de l’amour de Dieu et de sa béatitude éternelle.

Référence : Commentaire de saint Grégoire de Nysse sur le Notre Père et les N+Béatitudes dans les écrivains chrétiens anciens, vol. 18