lundi 29 décembre 2025

 

Les meurtres d'enfants à Bethléem :

 mythe ou réalité historique ?

Révérend Docteur Ioan-Lucian Radu

 


Les meurtres d'enfants de Bethléem :

mythe ou réalité historique ?

Le massacre des enfants à Bethléem et dans ses environs est un événement relaté uniquement par l'évangéliste Matthieu et n'apparaît dans aucun autre document historique. L'historien juif Flavius ​​Josèphe, au premier siècle, ne le mentionne pas non plus dans ses écrits. C'est pourquoi de nombreux critiques ont remis en question la véracité historique de ce récit biblique.


L’Évangile selon Matthieu relate l’événement ainsi : « Quand Hérode vit qu’il avait été trompé par les mages, il fut très irrité, et il envoya tuer tous les garçons de deux ans et moins qui étaient à Bethléem et dans toute son région, selon le temps qu’il avait appris des mages. Alors s’accomplit ce qui avait été annoncé par le prophète Jérémie : On a entendu des cris à Rama, des lamentations et de grands gémissements ; Rachel pleure ses enfants, et elle ne veut pas être consolée, parce qu’ils ne sont plus là. » (Matthieu 2, 16-18)

Les crimes d'Hérode le Grand

Il est vrai que Josèphe ne relate pas le massacre des enfants innocents de Bethléem. Cependant, il relate un grand nombre de crimes odieux commis par Hérode pour préserver son trône.

Hérode fut couronné « roi des Juifs » par le Sénat romain en 40 av. J.-C. à Rome. Il était cependant un roi sans royaume. À son retour en Israël, il reçut une armée romaine et parvint à conquérir Jérusalem. Sa première action fut d'éliminer les rois israélites de la dynastie hasmonéenne, ses prédécesseurs. Mattathias Antigone fut exécuté avec l'aide de Marc Antoine, et Hérode fit tuer 45 des principaux membres du parti d'Antigone en 37 av. J.-C. Il fit étrangler le vieillard Jean Hyrcan II pour un prétendu complot visant à le renverser en 30 av. J.-C.

Hérode poursuivit l'élimination des membres de la famille hasmonéenne. Il fit assassiner son beau-frère, Aristobule, âgé de 18 ans et alors grand prêtre. Ce dernier fut noyé en 35 av. J.-C. par les hommes d'Hérode dans la piscine de son palais d'hiver à Jéricho, car Hérode craignait que les Romains ne le préfèrent à lui pour gouverner la Judée. Il fit également exécuter sa belle-mère, Alexandra (mère de son épouse Mariamne), en 28 av. J.-C., puis sa seconde épouse, également prénommée Mariamne, en 29 av. J.-C.

Il ordonna également le meurtre de trois de ses fils. Les deux premiers, Alexandre et Aristobule, fils de Mariamne, furent étranglés à Sébasteia (Samarie) en 7 av. J.-C. et enterrés à Alexandrie. Le dernier, Antipater, fut inhumé sans cérémonie à Hyrcanie cinq jours seulement avant la mort d'Hérode.

Intensification des crimes au cours des dernières années de la vie

Hérode le Grand devint véritablement paranoïaque durant les quatre dernières années de sa vie (8-4 av. J.-C.). En 7 av. J.-C., il fit exécuter 300 chefs militaires. La même année, il fit exécuter plusieurs pharisiens après avoir appris qu'ils avaient prédit à l'épouse de Phéroras (le frère cadet d'Hérode et tétrarque de Pérée) que, par la volonté de Dieu, le trône d'Hérode lui serait retiré, ainsi qu'à sa descendance, et que le pouvoir royal reviendrait à elle, à Phéroras et à leurs enfants. Avec de telles prophéties circulant dans son royaume, il n'est pas étonnant qu'Hérode ait voulu tuer Jésus lorsque les Rois mages lui annoncèrent la naissance du nouveau « roi des Juifs » (Matthieu 2:1-2). Tous ces actes de cruauté du roi Hérode le Grand sont relatés par Flavius ​​Josèphe dans son ouvrage <i> Antiquités judaïques </i>, livres 15 à 17.

Macrobe (vers 400 ap. J.-C.), l'un des derniers auteurs païens de Rome, écrit dans ses Saturnales : « Lorsqu'il apprit qu'Hérode, roi des Juifs, avait ordonné le meurtre de son fils dans le cadre de l'infanticide des enfants de moins de deux ans, l'empereur Auguste déclara : “Mieux vaut être le porc d'Hérode que son fils.” » Bien que cette affirmation soit contestée, Macrobe ayant pu recevoir des informations historiques déformées, elle pourrait néanmoins nous fournir un repère chronologique. S'il faisait référence à la mort d'Antipater en 4 av. J.-C., cet infanticide aurait été l'un des derniers, sinon le dernier, meurtre brutal commis par Hérode avant sa mort. Cette mention de l'infanticide montre également que cette pratique était connue à l'époque de Macrobe et n'était pas contestée par les peuples païens.

Pourquoi Josèphe n'a-t-il pas consigné l'infanticide ?

Plusieurs explications sont possibles quant à l'absence de mention de l'infanticide par Josèphe. Premièrement, il écrivait à la fin du Ier siècle et ignorait peut-être cet événement, survenu près d'un siècle auparavant. Plusieurs événements importants non relatés par Josèphe viennent étayer cette hypothèse.

Deuxièmement, il semble que le massacre n'ait pas été aussi important que le laissent entendre les archives ecclésiastiques ultérieures. La tradition byzantine évoque le nombre d'enfants tués : 14 000, tandis que la tradition syriaque fait état de 64 000 enfants innocents tués. Cependant, le professeur William F. Albright, directeur de la Société américaine d'archéologie en Terre sainte, estime que la population de Bethléem à la naissance de Jésus était d'environ 300 habitants, ce qui ramène le nombre d'enfants de moins de deux ans à moins de 20. Compte tenu des autres atrocités commises par Hérode, un événement d'une telle ampleur serait passé inaperçu.

Le massacre d'enfants innocents n'est attesté par aucun document profane, mais la plausibilité historique de cet événement est cohérente avec le caractère et les actes d'Hérode le Grand. Outre le meurtre de ses ennemis, il n'hésitait pas à tuer sa propre famille et ses amis. Hérode n'aurait pas hésité une seconde à faire massacrer quelques enfants dans un petit village reculé au sud de Jérusalem pour préserver son trône, même si ce fut l'un de ses derniers actes de cruauté avant sa mort. Alors qu'Hérode agonisait, rongé par le chagrin et l'agonie, le peuple de Dieu crut qu'il souffrait parce que « Dieu l'avait puni pour ses nombreux péchés » (Antiquités judaïques, livre 17).

Source : DOXOLOGIA.RO