Autre chose est la représentation du sacrifice de la Croix, autre chose est ma participation à la Croix. Je participe à la Croix du Christ non parce que cela a quelque valeur, mais pour montrer que j'accepte ma propre croix, que toutes les puissances de mon âme, tels les disciples autrefois, attendent le Christ dans la chambre haute, vers laquelle je monte. Cette croix provient fondamentalement du désir intérieur de ne plus exister par moi-même, mais de me fondre dans l'ombre du Christ - << que moi je décroisse¹¹», comme dit Jean le Baptiste, d'entrer dans sa nuée. Plus personne ne doit me voir et, surtout, je ne dois plus me voir moi-même.
J'exprime ce désir ardent de participer à la Croix par mon jeûne constant, mon coucher sur le sol, mes veilles, mes souffrances acceptées volontairement, sachant que toute cette ascèse n'a absolument aucune valeur aux yeux de Dieu; je ne peux donc rien attendre d'elle en retour. Toutes ces mortifications sont simplement ma façon de signifier à Dieu ce que mon âme demande, d'exprimer mon attente. C'est le seul sens que nous pouvons donner à l'ascèse d'un chrétien orthodoxe. Par elle, notre cœur s'ouvre, notre bouche aussi et elle peut contenir le livre et l'avaler; elle peut recevoir et manger Dieu.
Ma participation à la Croix est donc le résultat d'un désir. Le bourreau peut me clouer sur la croix, et moi confesser le Christ sans que je sois crucifié pour autant, parce que mon être (noéra), son union secrète et personnelle avec le Christ, revêtent une dimension sanctifiante. Elles prennent un sens ontologique.
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L'Église nous dit sagement qu'il y a deux voies: la voie difficile, à savoir la vie dans le monde, et la voie facile, celle du monachisme. Dans le monachisme, il n'existe aucune de ces inquiétudes, de ces aventures, de ces tempêtes que l'homme subit dans le monde. Dans le monastère tout est réglé à la mesure de l'homme qui veut atteindre le ciel.
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La découverte de mon état de pécheur amène la contrition. Nous ne parlons pas encore du repentir. Le repentir est un don du Saint-Esprit. Par exemple, vous avez fait quelque chose de mal et vous pensez: «Oh! Qu'ai-je fait! >> Ceci est la contrition. Quand je vous appelle et vous dis: «Qu'as-tu fait, mon enfant?», si vous avouez votre faute en me demandant de vous infliger une pénitence, et que je ne le fasse pas, vous permettant même de communier, vous dites alors: <<Comme mon Géronda est bon! Et moi, qui suis-je par rapport à lui? Comment puis-je attrister Dieu? >>> Le repentir commence à cet instant. Autre est la contrition, autre est le repentir. Le sentiment de mon état pécheur crée en moi le besoin, le désir de la conversion.
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La décision du don de soi nous fait donc prendre la décision de devenir saints. L'une de vous vient vers moi, je lui parle durement et elle en est contrariée: elle n'a pas pris la décision de devenir sainte. Si elle l'avait prise, elle serait tombée à mes pieds et elle m'aurait supplié: <<Continue ainsi car tu m'aides à ac-quérir la sainteté! >>> Comment pourrait-elle agir de cette façon puisqu'elle est enfermée dans sa peine? Son cœur murmure: <<< Vois comment il me parle! >> Elle témoigne de son indépendance. Le cœur doit sentir cette situation d'indépendance; il doit la vivre pour s'amender. En utilisant le mot « cœur », nous n'entendons pas les sentiments, mais l'homme intérieur.
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La décision de devenir saint m'amène donc à prendre la décision de me corriger. Nous pouvons reconnaître et confesser nos fautes, sans jamais prendre la décision de nous corriger. Le simple fait de prendre cette décision engendre l'amendement; c'est très facile. Le Christ n'a jamais exigé de nous des choses difficiles ou que nous ne puissions accomplir. Pourquoi n'arrivons-nous pas à nous corriger?... Tout simplement parce que nous ne le voulons pas.
Père Aimilianos