Comprendre
le commandement du Christ « N’aimez pas le monde »
Jésus a dit : «
N’aimez pas le monde ni ce qui est dans le monde » (1 Jean 2:15).
Que
voulait-il dire par là ?
Il nous rappelle que nous vivons dans un monde déchu, un monde
marqué par le péché, la corruption et la mort. C’est la condition déchue que
nous avons héritée d’Adam et Ève, et elle affecte chaque être humain. Nous
vivons au milieu de ses tentations et de ses illusions, mais notre but, en tant
que chrétiens, n’est pas d’adopter les normes de ce monde ni de nous conformer
à ses valeurs, mais de le transcender : nous purifier, nous unir au Christ
et devenir dignes de la vie éternelle dans son Royaume.
Le bienheureux Théophylacte explique que « l’Écriture a
coutume de désigner le monde comme la vie des pécheurs charnels qui y vivent ». Autrement
dit, « le monde » ne désigne pas la création elle-même – que Dieu a
faite bonne – mais le mode de vie de ceux qui vivent loin de Dieu, suivant
leurs passions plutôt que le Christ. On pourrait reformuler cet enseignement
ainsi : ne vivez pas comme ceux qui aiment le monde et ses voies
pécheresses, mais efforcez-vous plutôt de vaincre le monde en vous.
Saint Jean poursuit :
« Car
tout ce qui est dans le monde – la
convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la vie – ne
vient pas du Père, mais du monde. Or le monde passe, et sa convoitise
aussi ; mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement ». (1
Jean 2:15-17)
Ces « trois convoitises » résument les passions qui dominent
l’humanité déchue. Elles ne viennent pas du Père, car elles nous éloignent de
l’amour divin. Tout ce qui est terrestre passe, mais celui qui vit selon la
volonté de Dieu demeure éternellement.
Ce chemin n'est pas facile, même si le Christ dit : « Mon
joug est doux et mon fardeau léger. » Il est léger lorsqu'on le porte avec
humilité et amour, mais il n'en demeure pas moins un combat. Nous sommes tous
pécheurs, aussi bons que nous nous croyions. Notre confiance en notre propre
bonté est une illusion née de l'orgueil et un grand obstacle à notre croissance
spirituelle. Pour surmonter cette nature déchue, nous devons lutter au sein de
la vie de l'Église – par les sacrements, la conversion, la prière, le jeûne et
les autres disciplines spirituelles que le Christ nous a données.
Jésus affirme que ce chemin est difficile :
«
Entrez par la porte étroite ; car large est la porte et spacieux le chemin qui
mène à la perdition, et nombreux sont ceux qui y entrent. Mais étroite est la
porte et difficile est le chemin qui mène à la vie, et peu nombreux sont ceux
qui le trouvent. » (Matthieu 7:13-14)
L'un de nos plus grands défis est de reconnaître notre
condition et d'embrasser le chemin du salut. Lorsque nous acceptons notre péché
et notre besoin de guérison, nous pouvons entamer un changement par la
repentance. En avançant sur ce chemin, nous commençons à percevoir notre
véritable nature et apprenons à ne pas aimer le monde ni à suivre ses voies,
mais à vivre selon l'Évangile. Il ne s'agit pas nécessairement d'une voie
monastique, mais d'un mode de vie qui peut être vécu dans le monde, guidé par
le Christ et par l'Esprit Saint qui habite en nous.
Saint Ignace Brianchaninov disait que le « monde » auquel
nous devons renoncer n’est pas seulement extérieur, mais intérieur :
«
Cela ne signifie pas se retirer dans une grotte ni, si vous êtes marié(e),
entrer au monastère. Le monde que nous devons quitter est une condition qui
existe en nous. C'est notre séparation d'avec Dieu et l'illusion d'être une «
bonne » personne. Il est difficile d'accepter la réalité de notre appartenance
au monde dont parle Jésus. Une fois éveillés à notre nature déchue, nous
découvrons l'ampleur du chemin qu'il nous reste à parcourir pour devenir
semblables au Christ. »
Nous devons vivre dans ce monde en ayant conscience de sa
nature déchue – ce même monde déchu que nous avons hérité d’Adam et Ève. C’est
un monde d’épreuves et de tribulations que Dieu permet afin que nous
perfectionnions notre volonté d’aimer, quelles que soient les circonstances.
Chaque difficulté devient une occasion de grandir en patience, en humilité et
en compassion.
Saint Ignace met également en garde :
«
Ne vous laissez pas tromper ni séduire par les esprits déchus… N’attendez ni ne
recherchez les louanges et l’approbation de la société humaine. Ne convoitez ni
la gloire ni la renommée. »
Ne vous attendez pas à une vie sans soucis, pleine de
liberté et de confort. Ce n'est pas votre destin. Ne cherchez pas l'amour des
autres, ne l'attendez pas. Cherchez-le sincèrement et exigez de vous-même amour
et compassion. Contentez-vous de l'amour que vous portent quelques véritables
serviteurs de Dieu, rencontrés de temps à autre au cours de votre vie…
Voilà ce que le Christ voulait dire lorsqu'il nous a exhortés
à porter notre croix et à le suivre. La croix, c'est une vie de renoncement, de
lutte et parfois de persécution. Nous ne devons pas nous attendre à ce que la
voie de Dieu soit bien accueillie par la plupart de ceux qui nous entourent.
Suivre le Christ, c'est accepter que le monde puisse nous rejeter, comme il l'a
rejeté.
Le chemin qu’il nous a tracé exige que nous traversions de
nombreuses épreuves et apprenions à soumettre notre volonté à la sienne. Cela
signifie apprendre à maîtriser nos désirs et à résister aux tentations.
L’Église nous offre des pratiques ascétiques – la prière, le jeûne, la
confession et le culte sacramentel – pour éduquer notre volonté et fortifier
notre amour pour Dieu.
Lorsque nous luttons contre nos passions, souvenons-nous de
l’apôtre Paul et des premiers chrétiens qui ont vécu fidèlement dans un monde
païen hostile. Conscients qu’ils pouvaient être capturés ou tués à tout moment,
ils se réjouissaient en Christ. Nous aussi pouvons apprendre à maîtriser nos
passions et à nous « crucifier au monde », ne plus vivre pour ses
plaisirs, mais pour l’amour de Dieu.
Nous résistons à cette voie car il est naturel d'aimer les
plaisirs de cette vie, mais nous finissons par nous y attacher, voire les
attendre. Tout le système économique et la culture populaire reposent sur la
recherche du confort, du plaisir et de la satisfaction personnelle. Par la
publicité incessante, les réseaux sociaux et les divertissements, nous sommes
incités à aimer le monde et à oublier Dieu. Mais le Christ nous appelle à nous
libérer de ces illusions, à vivre autrement, à aimer autrement.
Saint Ignace met en lumière les nombreuses passions qui nous
maintiennent en esclavage :
«
L’amour des richesses, le désir de possessions, les plaisirs corporels d’où
naît la passion sexuelle, l’amour de l’honneur qui engendre l’envie, la soif de
pouvoir, l’arrogance et l’orgueil de la position sociale, le désir de se parer
de vêtements luxueux et d’ornements vains, la soif de gloire insatiable qui est
source de rancœur, de ressentiment et de peur physique. Là où ces passions
cessent d’être actives, là le monde est mort. »
Le moment est venu, car la vie est courte, de découvrir les
passions qui guident nos actions. En vous engageant dans une vie de prière, de
repentance et d'adoration, vous commencerez à percevoir plus clairement la
nature de ce monde déchu. Vous discernerez en quoi ses valeurs diffèrent de
l'Évangile et vous comprendrez ce que signifie aimer le Christ par-dessus tout,
et non le monde.
Comme nous le rappelle saint Ignace :
«
Le bon usage de la vie terrestre consiste à se préparer à la vie éternelle, à
se donner pour unique but de plaire à Dieu et à n’emprunter au monde que
l’essentiel. »
En vivant une vie de repentance au sein de l'Église, vous
cesserez d'être au service du monde et deviendrez au service du Christ. Votre
cœur trouvera la joie dans le culte, votre âme sera nourrie par les sacrements
et votre esprit sera éclairé par la prière et la discipline spirituelle. Ainsi,
vous ferez de l'Évangile votre priorité absolue et du Royaume de Dieu votre
véritable demeure.
Alors vous comprendrez ce que signifie cette phrase du Christ
: « N’aimez pas le monde. »
Il ne s'agit pas d'un rejet de la vie elle-même, mais d'une
invitation à la vraie vie — à vivre dans ce monde tout en appartenant à un
autre, à traverser ses ombres fugaces tout en étant empli de la lumière du
Royaume éternel.
Références : Saint Brianchaninov,
La Moisson, Œuvres complètes, tome IV