LA
CONFESSION DE FOI
de saint
Marc d’Ephèse
LA CONFESSION DE FOI
De saint
Marc d’Ephèse
Αγιος
Μαρκος Ο Ευγενικος
Nourri, par la grâce de Dieu, dans les dogmes de la piété, et
suivant en tout et par tout l’Eglise sainte et catholique, je crois et je
confesse Dieu le Père, seul sans origine ni cause, mais source et cause du Fils
et du Saint Esprit : car de Lui naît le Fils, et lui procède l’Esprit, sans que
le Fils contribue en rien à la procession, parce que l’Esprit non plus ne
contribue nullement à la Génération, ou parce que leurs Provenances sont
simultanées et conjointes l’une à l’autre, comme l’enseignent les Pères
théologiens (saint Jean Damascène, De Fide 1, 8). Car c’est aussi
pour cela que l’Esprit Saint est dit procéder par le Fils, c’est-à-dire avec le
Fils, et comme le Fils, quoique non par engendrement comme ce dernier. Mais le
Fils n’est pas dit engendré par l’Esprit, de peur que, le nom du Fils étant un
terme relatif, on n’aille croire qu’il est le Fils de l’Esprit.
Il s’ensuit également que l’Esprit est dit Esprit du Fils à
cause de leur identité de nature et du fait que c’est par le Fils que l’Esprit
est apparu et qu’il est donné aux hommes ; mais le Fils n’est pas et pas dit
Fils de l’Esprit, selon Grégoire de Nysse.
Que si l’expression "procéder par le Fils"
indiquait, comme le prétendent les néo-théologiens, la cause de l’Esprit, et
non le fait qu’il resplendit par le Fils, qu’il est apparu par lui, et,
absolument parlant, le faite qu’ils sortent tous deux conjointement et s’entr’accompagnent
selon les mots de Damascène (De Fide 1,7), le héraut de Dieu,
jamais les théologiens que voici ne refuseraient à l’unanimité, et en termes
exprès, le rôle de cause au Fils.
L’un de déclarer en effet : "Le Père est seule
source", c'est-à-dire seule cause "de la Divinité
suressentielle" et c’est en quoi il se distingue du Fils et de
l’Esprit (Denys l'Aréopagite. Des noms divins; 2,5).
Un autre : "Seul inengendré et seule source de la
divinité : le Père" c'est-à-dire que seul il est cause aussi bien que seul
non-causé ( Athanase d'Alexandrie. Contre les Sabelliens; 2).
Un troisième : "Le tout du Père est au Fils sauf d’être
cause" (Grégoire le Théologien. Discours 34;10.)
Un autre affirme que : "les gens de Rome non plus ne font
pas du Fils la cause de l’Esprit"
(Maxime le Confesseur. Lettre à Marin; PG 91,136 ).
Tel autre que : "Le Père est le seul causateur" ; le
même, ailleurs : " Pour le Fils, nous le disons point cause ni Père"
; ailleurs, encore : "Tout ce qu’implique la notion de source, de cause,
de géniteur, ne doit s’appliquer qu’au Père seul" (Jean
Damascène. De Fide; 1,12 ).
Non, jamais Damascène, qui est extrêmement précis dans sa
théologie, attribuant le "par" au Fils, ne bannirait le "de,
issu de" comme il le fait dans son traité théologique au chapitre huit, en
ces termes : "Nous ne disons pas Esprit issu du Fils mais nous le nommons
Esprit du Fils et confessons que c’est par le Fils qu’il est manifesté et nous
est transmis" (PG 94, col.849) ; puis de nouveau, au chapitre treize du
même ouvrage : "Esprit du Fils, non comme issu de lui, mais comme
procédant par lui du Père ; car le Père est seul causateur" (Idem.
Col.849). Ensuite, dans l’Epître à Jordan, vers la fin : "Esprit
enhypostatique, fruit de la procession, fruit de la projection ; venant par le
Fils, et non du Fils, comme le Souffle de la Bouche de Dieu, héraut
annonciateur de Verbe" (PG 95, 60). Enfin, dans l’homélie sur
l’ensevelissement du corps théandrique du Seigneur où il s’exprime ainsi :
"Esprit Saint de Dieu le Père, parce qu’il procède de lui, il est
également appelé Esprit du Fils, non qu’il tire de celui-ci son existence, mais
parce qu’il est manifesté par le Fils et par lui transmis à la création"
(PG 96, 605).
Car il est bien clair que partout où la préposition "par"
indique un moyen terme causant et une cause prochaine, comme les latins veulent
que ce soit le cas ici, elle équivaut absolument à la préposition
"de" et les deux tours s’emploient indifféremment ; ainsi "j’ai
acquis un homme par Dieu" (Gen. 4.1) revient au même que "de
Dieu" ; et "l’homme vient par la femme" (Cor. 11, 12) veut dire
"de la femme".
Il en résulte que dans les cas où la préposition
"de" est proscrite, l’idée de cause se trouve évidemment proscrite
avec elle.
Reste donc que les mots "procéder du Père par le
Fils" signifient dans le style de la théologie succincte, que l’Esprit qui
procède du Père, est rendu manifeste, se fait connaître, resplendit ou apparaît
par le Fils.
"Tel est en effet, dit Basile le Grand, le signe lui
appartenant, auquel se reconnaît sa propriété hypostatique : c'est d'être connu
avec le Fils et conjointement à lui, et de tirer du père son existence
hypostatique" (Lettre 38,4). Voilà donc ce que l'expression "par le
Fils" veut encore dire: le fait d'être connu avec lui. En effet, on
n'attribue ici à l'Esprit nulle autre propriété singulière par rapport au Fils,
que le fait d'être connu avec Lui ; et nulle autre, par rapport au Père, que le
fait de tirer de Lui son existence hypostatique. Si donc le propre, à
strictement parler, n'a pour corrélatif que cela précisément dont il est le
propre, l'Esprit Saint n'a pas d'autre relation au Fils que le fait
"d'être connu avec lui"; de même qu'il n'a pas d'autre relation au
Père, que le fait de tirer de lui son existence hypostatique.
Ce n'est donc pas du Fils que l'Esprit Saint tire son
existence hypostatique ou qu'il tient l'être. S'il en allait autrement, en
effet, qu’est ce qui empêcherait de dire "par le Fils procède l'Esprit
Saint", exactement comme on dit: "par le Fils tout est venu à
l'être"? Or, tandis que cette dernière formule se dit effectivement, la
préposition "par" étant mise pour "de", la première, en
revanche ne se dit pas, et on ne saurait nulle part la trouver telle quelle,
sans mention du Père ; car on dit toujours "du Père par le Fils". Et
ces mots ne confèrent pas nécessairement le rôle de cause au Fils; c'est aussi
pourquoi l'expression "du Fils" au sens de "issu du Fils"
est absolument introuvable et explicitement proscrite.
***
II) Les voix des Pères et des Docteurs occidentaux qui attribuent au Fils la cause de l'Esprit, je ne les reconnais ni ne les accepte - car elles n'ont jamais été seulement traduites en notre langue ni examinées par les conciles œcuméniques et je présume qu'elles ont été falsifiées et altérées; té¬moin, entre mille, ce texte* du septième concile œcuménique présenté par eux tout récemment, dont le credo comporte l'addition faite au Symbole; lu en séance, ce document les a inondés de honte, et de quelle honte, les personnes alors présentes le savent. Par le fait, jamais ces Pères n'ont pu dire dans leurs écrits le contraire des conciles œcuméniques et de leurs dogmes communs, ni s'y opposer aux docteurs d'Orient, ni même simplement diverger d'avec eux, comme tant d'autres passages de ces mêmes Pères en font foi.
C'est pourquoi je condamne comme inauthentiques ce genre de
témoignages périlleux sur la procession du Saint Esprit, et, m'accordant à
saint Jean Damas¬cène, je ne dis pas l'Esprit issu du Fils, quand même un
autre, quel qu'il soit, semblerait le dire; je ne dis pas non plus le Fils
cause ni projeteur de l'Esprit, crainte de reconnaitre dans la Trinité un
second causateur et par là deux causateurs et deux principes.
Alors, en effet, la cause n'est pas même un attri¬but de
l'essence - auquel cas elle serait une et commune aux trois Personnes - et
c'est pourquoi, par aucun biais ni aucun moyen, les latins ne pourront échapper
aux deux principes, tant qu’ils diront que le Fils est principe de l'Esprit.
Or, être principe est un attribut personnel, et qui distingue les
personnes entre elles.
* Les Latins présentèrent, en effet, un manuscrit, qu'ils
disaient fort ancien, des Actes du VIe Concile, comportant le
"filioque". Les orthodoxes n'eurent aucun mal à prouver qu'il
s'agissait d'un faux.
***
III) Suivant donc en tout les sept conciles œcuméniques
et les Pères qui y ont brillé de l'éclat de la sagesse divine :
Je crois en un seul Dieu, le Père tout -puissant, Créateur du
ciel et de la terre et de toutes les choses visibles et invisibles.
- Et en un seul Seigneur Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, né
du Père avant tous les siècles, Lumière de Lumière, vrai Dieu de vrai Dieu,
engendré, non créé, consubstantiel au Père, par qui tout a été fait.
-Qui, pour nous hommes, et pour notre salut, est descendu des
cieux, s'est incarné du Saint Esprit et de Marie la Vierge et s'est fait homme.
-Il a été crucifié pour nous sous Ponce -Pilate, a souffert et
a été enseveli et il est ressuscité le troisième jour selon les Ecritures.
-Et il est monté au ciel et siège à la droite du Père, d'où il
reviendra en gloire juger les vivants et les morts et son règne n'aura point de
fin.
-Et en l'Esprit Saint, Seigneur, qui donne la vie, qui procède
du Père, qui est adoré et glorifié avec le Père et le Fils, qui a parlé par les
prophètes.
-En l'Eglise, Une, Sainte, Catholique et Apostolique. Je
confesse un seul baptême en rémission des péchés. J'attends la résurrection des
morts et la vie du siècle à venir. Amen.
IV) Cette doctrine et ce Symbole sacré de la Foi exposés
par les premier et second conciles, ratifiés et confirmés par tous les autres,
je les accepte et je les garde de toute mon âme; je reconnais et j'embrasse
également, outre les sept conciles susdits, le concile qui s’est réuni ensuite,
sous le règne du pieux empereur de Rome Basile et le patriarcat du
très saint Photios et qu'on appelle même huitième œcuménique*; avec
la participation des représentants de Jean, le bienheureux pape de
l'ancienne Rome, -j'ai nommé les évêques Paul et Eugène et le prêtre et cardinal
Pierre-, ce concile tout d'abord a ratifié et proclamé le septième concile
œcuménique et décrété de le mettre au rang des précédents; en second lieu il a
rétabli sur son trône le très saint Photios. Enfin il a condamné et
anathématisé, exactement comme les conciles antérieurs, ceux qui osent innover
en ajoutant, ôtant ou modifiant quoi que ce soit du Symbole énoncé ci-dessus:
"Celui qui osera déclare-t-il en effet, composer un autre symbole que
celui-là, ou faire à ce Symbole sacré une addition ou une soustraction, et aura
l'audace de l'appeler règle de foi, qu'il soit condamné et rejeté de toute
communion chrétienne" (Mansi. Tome 17 ; col. 520 E).
***
Le pape Jean, écrivant au très saint Photios, dit la
même chose, de façon plus développée et plus claire encore, au sujet de
l'addition faite au Symbole. Ajoutons que ce concile a édicté des canons qui se
trouvent dans tous les recueils canoniques.
* Concile de 879 à Constantinople. Le témoignage de Marc
d'Ephèse est ici important. Il montre que ce Concile, qui a condamné le
"filioque" et le papisme, est considéré par l'Eglise Orthodoxe comme
le vrai huitième Concile Œcuménique.
***
V) Conformément donc aux décrets de ce concile et des
précédents, je juge qu'il faut garder immuable le Symbole sacré de la Foi, tel
qu'il a été exposé; et recevant ceux que les conciles ont reçus, rejetant ceux
qu’ils ont rejetés, je n'entrerai jamais en communion avec ceux qui ont osé
ajouter dans le Symbole l'innovation relative à la procession du Saint Esprit,
tant qu'ils persisteront dans ce genre d'innovations. Il est dit en effet:
"Que celui qui communique avec un excommunié soit lui-même
excommunié".
Et le divin Chrysostome, expliquant les paroles de
l'Apôtre: " Si quelqu'un vous annonce un évangile qui diffère de celui que
vous avez reçu, qu’il soit anathème!" déclare ceci: "L'Apôtre n'a pas
dit: "s’ils vous annoncent le contraire" ni "s'ils mettent tout
sens dessus-dessous", non; mais bien "Quand même leur évangile ne
diffèrerait que pour un détail, de celui que vous avez reçu; quand même ils ne
dérangeraient que l'accessoire, qu'ils soient anathème!". Le même dit
encore: «Il faut tempérer, non transgresser la loi" (Commentaire Ep. aux
Gal. 1,7.).
Et Basile le Grand, dans ses "Ascétiques":
"C'est manifestement déchoir de la foi et faire preuve d'orgueil, que de
condamner une des choses écrites ou d'en introduire de non écrites, alors que
Notre Seigneur Jésus Christ a dit: "Mes brebis entendent ma
voix", et un peu auparavant: "Elles ne suivront pas un étranger,
mais fuiront de devant lui, car elles ne connaissent pas la voix des
étrangers". Et il écrit aux moines: "Ceux qui font semblant de
confesser la Vraie Foi et communient avec les hétérodoxes, si après avoir été
avertis, ils ne rompent pas cette communion, non seulement il ne faut pas avoir
de relation avec eux, mais même ne plus les nommer frères" (PG 31, 680).
Et avant ces Pères, Ignace le théophore écrivait au
divin Polycarpe de Smyrne: "Quiconque parle contre les ordonnances,
quand même il serait de bonne foi pratiquerait le jeûne, garderait la
virginité, opérerait des miracles ou ferait des prophéties, considère-le comme
un loup, travaillant sous une peau de brebis, à la mort des brebis".
Et que servirait de parler davantage?
Tous les docteurs de l'Eglise sans exception, tous les
conciles et toutes les divines Ecritures exhortent à fuir les hétérodoxes et à
se départir de leur communion.
Et je les mépriserai tous et toutes pour m'en aller suivre
ceux qui appellent à l'union sous le prétexte d'une paix factice? Ceux qui ont
falsifié le Symbole divin et sacré et admettent le Fils comme second causateur
du Saint Esprit?
Car je laisse de côté pour le moment les autres absurdités dont une seule eût suffit pour nous faire rompre avec eux.
Puissé-je, Consolateur, Toi qui es bonté, ne jamais connaître
ce sort, ni devenir à ce point étranger à moi-même et aux raisonnements
convenables!
Puissé-je, attaché à Ton enseignement et à celui des hommes
bienheureux que tu inspiras, faire à mes Pères une seule addition - la seule
chose que je remporterai d'ici - la piété .
***